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des digues; mais quand le Nil eft mauvais ou médiocre, le dommage eft dix fois plus grand qu'il ne devroit l'être, parce que tous les villages craignant de manquer d'eau, ceux qui font les plus voifins du Nil fe hâtent, avant le tems, de couper les digues, ce qui ne fe fait pas fans combat contre les villages intéreffés à s'y opposer, et par ce procédé infenfé, une grande partie des eaux, déjà fi rares, fe perd fans utilité.

Mais quelque abondantes que foyent les récoltes, elles ne peuvent, dans le fyftème actuel, accroître les revenus du gouvernement, quoiqu'il foit lui même propriétaire des deux-tiers des terres de l'Egypte, tandis qu'un mauvais Nil diminue confidérablement le

revenu.

Le fyftème de finances de l'Egypte eft entièrement féodal.

Le paysan cultive à fon profit, moyennant une redevance fixe qu'il paye en argent ou en nature au propriétaire.

Cette redevance fe divife en trois efpèces générales.

Le Miri: c'eft la contribution foncière due au GrandSeigneur le propriétaire le perçoit et le paye enfuite aux Effendys chargés d'en faire le recouvrement.

Ce Miri, impofé fur les terres, monte à 3,000,000, fuivant toutes les matrices de rôles que j'ai pu décou

vrir.

La feconde efpèce de redevance s'appelle Fais. C'eft le cens ou revenu net, affecté originairement au propriétaire; il monte également pour toutes les propriétés, y compris celles du Gouvernement, à 3,000,000.

La troisième espèce s'appelle Barani ou Moudaf; elle fe compose, 1. d'un excédant de revenus impofé par le propriétaire par fupplément au Fais; 2. des réquifitions extraordinaires de toute espèce, faites au village, foit en argent, foit en nature; 3. des dépenfes caufées par des paffages de troupes ou par la présence du propriétaire; 4. de toutes les dépenfes d'administration du village et de la province, fondations pieufes, &c.

Cette troifième espèce produit à tous les propriétaires de l'Egypte 6,400,000.

Il y a enfin un produit de 1,300,000 provenant des droits que les Cachefs percevoient à leur profit dans les provinces qu'ils gouvernoient.

Ainfi la totalité des revenus en argent que les cultivateurs des terres de l'Egypte fupportent, non compris. les vols immenfes des Cophtes qui les perçoivent, est de près de 14 millions.

Il faut en déduire trois millions deux cent mille livres pour le Fais et le Barani, des proprietés qui n'appartiennent pas au Gouvernement, et qui font évaluées au tiers de l'Egypte, il restera au Gouvernement 10,800,000.

On ne peut obtenir au delà de cette fomme qu'en faifant des avances, ou des exactions.

Il faut ajouter à ce revenu, le Fais et le Barani qui se paye en nature, ce qui n'a lieu que dans les provinces de la Haute-Egypte.

On eftime cette redevance à un million huit cent mille quintaux de toutes espèces de grains, pour la portion qui revient au Gouvernement, ce qui équivaut à un million de quintaux de froment pur à 37. 105.j prix moyen qui donne une fomme de 3,500,000.

Il faut en déduire 850,000 pour les frais de recou vrement et de tranfport qui reviennent à 175. par quintal rendu au Kaire, reste à 2,650,000.

En tems de paix on eftime les produits des douanes et des autres droits indirects à 5 millions environ.

La marque de la monnoye produit 750,000.

Les revenus du Gouvernement en tems de paix feroient donc de 19 millions 200,000.

Mais dans l'état de guerre où nous fommes, les douanes et revenus indirects ne produifent pas plus de 1,500,000.

Les grains de la Haute-Egypte qu'on ne peut vendre fur les lieux, et qu'on n'a pas de moyens fuffifans pour faire defcendre, ne produiront pas plus d'un million.

Les décharges à accorder aux villages, pour terrains non arrofés, monteront encore à plus d'un million et demi.

Il faudroit encore déduire une foule de charges et de penfions du pays qu'il a fallu conferver, les fraix relatifs à la Caravanne de la Mekke qui ont été faits en partie l'année paffée, et qu'il faudra faire en totalité cette année, les dépenfes des Divans des provinces et des Janiffaires du pays: toutes ces dépenfes abforbent près de trois millions.

On ne peut donc compter les revenus affectés à l'armée que pour 9 à 10 millions; fur lefquels il ne refte qu'environ deux millions à recouvrer d'ici à la fin de Frimaire prochain.

Le Général Bonaparte a levé dans les premiers mois de notre arrivée fur les différentes nations et fur les négocians, environ quatre millions de contributions extraordinaires. Il a fait percevoir un droit des deux cinquièmes des revenus d'une année fur les propriétés foncières des particuliers, qui a produit 1,200,000.

Ces moyens font ufés: il n'y a plus de contributions extraordinaires à efpérer dans un pays fans aucun commerce depuis dix-neuf mois; l'argent des Chrétiens eft épuifé; on ne pourroit en demander aux Turcs, fans occafionner une révolte, et d'ailleurs on n'en obtiendroit pas; l'argent eft enfoui; et les Turcs, plus encore que les Chrétiens, fe laiffent emprifonner, fe PART III.

P

laiffent affommer de coups, et QUELQUES-UNS SE SONT LAISSE COUPER LA TETE plutôt que dé

couvrir leurs trefors.

Le recouvrement des revenus fe commence en

Frimaire pour les pays cultivés en rizières; en Pluviofe, pour ceux cultivés en bled et autres denrées, mais qui payent en argent; et en Meffidor, pour ceux qui payent en nature.

Les payfans tiennent encore plus à leur argent que les habitans des villes: ils ne payent qu'à la dernière extrémité et fou à fou, leur argent eft caché; leurs denrées et leurs effets font enfouis; ils favent qu'il faudra toujours finir par payer, et qu'en le faisant volontairement aux époques fixées, ils épargneroient des contraintes qui leur coûtent le double et qui les ruinent. Ils aiment mieux attendre une colonne de troupes; s'ils la voyent venir, ils s'enfuyent avec leurs femmes, leurs enfans, et leurs beftiaux, et l'on ne trouve plus que des cahutes abandonnées.--S'ils croyent être affez forts pour réfifter, ils fe battent et appellent les villages voifins et même les Arabes à leur fecours. Ils ont toujours des hommes à l'affût pour être avertis à tems de l'approche des troupes,

Quelquefois on peut attraper les chefs du village: on les mène en prison, où on les retient jusqu'à ce que le village ait payé; ce moyen eft lent, et ne réuffit pas toujours. Si on parvient à leur enlever leurs chameaux, leurs buffles et leurs troupeaux, ils les

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