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de l'Egypte un objet de compenfation pour les reftitutions que nous leur demanderions.

Mais la bataille navale d'Aboukir a tout renverféelle a détruit notre marine; elle nous a empêchés de recevoir le refte des forces qui nous étoient destinées, elle a laiffé à nos ennemis le champ libre pour nous faire déclarer la guerre par la Porte, elle a rallumé celle qui étoit mal éteinte avec l'Empereur d'Allemagne, elle a ouvert la Méditerranée aux Ruffes et les a portés fur nos frontières; elle nous a fait bientôt perdre l'Italie et les belles poffeffions dans l'Adriatique que nous avions dues aux heureufes campagnes du Général Bonaparte; enfin, elle a fait à l'inftant avorter tous nos projets, puifqu'il n'a plus fallu depuis, fonger à inquiéter les Anglois dans les Indes-Le peuple d'Egypte, que nous avions dû confidérer comme ami, comme allié, devcnoit fubitement notre ennemi, et, environnés entièrement par les Mufulmans, nous nous trouvions réduits à une défenfive difficile fans plus entrevoir aucun but d'utilité.

Aujourd'hui il ne faut plus efpérer d'obtenir que les Anglois prennent en confidération dans un traité de paix l'évacuation de l'Egypte. Ils favent d'abord l'état de dénûment et de foibleffe où nous y fommes réduits, ce qui nous met dans l'impoffibilité de rien tenter contre eux: ils favent que quand même nous recevrions des secours, ce qu'ils empêcheront de tous leurs moyens, nous n'en ferions pas plus avancés, tant que nous aurons à combattre les Mufulmans, et ils font

affurés que la Porte ne fera pas la paix fans leur con→ fentement, ou fans que la condition préliminaire, pour ceffer la guerre, ne foit l'évacuation de l'Egypte.

Ainfi notre but eft manqué fous ce rapport, qu'il ne peut plus concerner les Anglois; et que, foit à titre de conquête, foit à titre de colonie, nous ne pouvons plus conferver l'Egypte.

Mais il y a plus: c'est que fi nous tardons à traiter, nous fommes dans un tel état de foibleffe, que nous ne ferons plus à tems de la faire; et que le refte de l'armée périra, ou qu'il faudra évacuer fans conditions, tandis qu'on peut encore faire de cette évacuation le prix du rétablissement de la paix avec l'Empire Ottoman, et avec les puiffances Barbarefques, refferrer nos anciennes liaisons avec la Porte, et reprendre dans le Levant le commerce exclufif dont nous jouiffions.

Ce traité auquel les Anglois ne peuvent être étrangers, prépareroit la paix qu'il eft tems enfin de faire avec eux; il ameneroit infailliblemnt une déclaration de guerre de la Ruffie à la Porte, et opéreroit une heureuse diverfion dans nos affaires d'Europe; nous pourrions efpérer de reprendre, ce que nous avons perdu

dans la Méditerranée.

Cette opinion me paroit d'autant plus fondée, que les Anglois ne peuvent voir fans quelqu'inquiétude et fans une fecrète jaloufie, les progrès des Ruffés, bien plus dangereux pour eux que notre puiffance conti

nentale, aujourd'hui que notre marine eft détruite, et que nous avons perdu nos conquêtes maritimes.

Le feul événement qui pourroit nous permettre de conferver l'Egypte, ce feroit une prompte déclaration de guerre des Ruffes à la Porte: toutes les forces Ottomanes qui fe portent ici, voleroient bien vîte à la défense du centre de l'empire. Le Grand-Seigneur confentiroit alors à la paix aux conditions qui nous conviendroient.

Mais il eft probable qu'à moins d'un traité d'alliance entre la République Française et la Ruffie, qui pourroit un moment nous être utile, mais qui feroit impolitique, cette dernière puiffance attendra que la Porte Ottomane ait fait la paix avec nous pour lui déclarer la guerre, car en nous battant avec la Porte, nous diminuons fes forces et fes moyens, c'eft travailler pour la Ruffic, qui de fon côté ne pouvant faire la guerre à la Porte fans lui faire auffitôt conclure la paix avec nous, va au même but ;-de détruire cette puifsance, en faisant la guerre aux Français qu'elle fait être fon feul appui,

L'on regarde aujourd'hui l'Empire Ottoman comme un vieil édifice prêt à s'écrouler; les puiffances de l'Europe s'apprêtent depuis longtems à s'en partager les lambeaux, et plufieurs politiques croyent cet événément très-prochain: dans cette hypothèse, il est convenable, penfent-ils, que la France ait fa part de la dépouille, et l'Egypte eft fun lot.

Si cette ruine de l'Empire Ottoman qui n'eft rien moins que fûre, quand on confidère combien elle ameneroit de difcuffions et d'oppofitions entre les grandes puiffances de l'Europe, même entre celles qui fe leroient combinées pour cet objet, quand on confidère encore qu'il fera éternellement de l'intérêt de la France, de l'Angleterre, de la Pruffe, et même de l'Empereur, de sy oppofer, fi cette ruine, dis-je, finiffoit par fe confommer, la France feroit toujours à tems d'avoir l'Egypte; d'ailleurs les François y feroient appelés par les Turcs même, quand ceux-ci fe verroient menacés par les Ruffes, qu'ils haïffent mortellement.

La France eft un fi beau pays, les Français font fi puiffans par leur nombre, par leurs richeffes, et par leur pofition à l'égard des autres puiffances, qu'ils ne peuvent rien gagner à un bouleversement de l'Europe; tandis que ce bouleversement peut créer une nouvelle puiffance dominante qui lui enleveroit tous les avantages dans la Méditerranée.

En me refumant, Citoyens Directeurs, je conclus que nous fommes trop éloignés, et que les événemens fe preffent trop pour qu'il foit poffible d'attendre vos ordres avant de prendre un parti, à moins de compromettre les intérêts de la République, la fûreté et la gloire du refte de l'armée.

Qu'infailliblement il faudra évacuer l'Egypte, en rétabliffant à ce prix la paix et tous nos anciens rapports avec les Ottomans et les Barbarefques,

Que tout ce que vous avez à espérer maintenant, quelles que foyent vos vues fur l'Egypte, c'eft, dans la disposition où est le Général Kléber, que l'évacuation foit retardée le plus poffible par les lenteurs qu'il cherchera à apporter dans les negociations, fi on a le bonheur de negocier.

Qu'enfin, fi l'évacuation a lieu fans qu'on puiffe attendre vos ordres, c'eft qu'elle aura été inévitable, et que dans l'ignorance où nous fommes ici de la véritable fituation de la France et de l'Europe, cette évacuation fe trouve commandée par la prudence, et d'accord avec nos intérêts politiques.

Salut et respect.

PART III.

R

E. POUSSIELGUE.

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