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L'Évangile a évité ce double écueil et a su concilier le respect de la propriété avec l'assistance due à l'infortune, les droits du pauvre avec les droits du riche. Nous persistons à soutenir jusqu'à nouvel ordre, que cette solution est non-seulement la meilleure, la plus sage, mais aussi qu'elle est la seule possible. Toutes les autres nous mènent à des abîmes.

Fort bien, dira-t-on; mais avec tout cela le pauvre est souvent exposé à mourir de faim. Nous le savons; mais à qui la faute? Oui, le pauvre est souvent exposé à mourir de faim dans cette société que l'indifférence et l'impiété ont faite à leur image. — On a ravi la foi au riche, et sans foi la charité n'est plus qu'un arbre sans racines. Les heureux de ce monde, en grand nombre du moins, devenus incrédules et égoïstes, fiers et vaniteux, n'ont plus reconnu leur frère dans l'homme couvert de haillons couché à leur porte; l'oppression et le dédain en haut ont produit la haine et l'aigreur en bas: un jour cette haine a fait explosion, et quoique terrible alors, la vengeance n'est pas encore assouvie.

On a ravi la foi au pauvre, et aussitôt l'espérance s'est évanouie ; il n'est plus resté, dans son âme déserte, que l'envie, la cupidité, le désespoir. De là, il n'y a qu'un pas au crime, au bagne, au suicide. On a dit à l'infortuné que la félicité est de ce monde, et dès lors il a voulu, lui aussi, en avoir sa part. Relisez l'histoire des soixante dernières années, et vous apprendrez comment il s'y est pris; écoutez ce qui se dit autour de vous, et vous saurez comment il s'y prendra désormais.

On a mis des entraves à l'action de l'Église; on lui a rendu la charité impossible quand on ne la lui a pas interdite formellement. Bâillonnée et garottée à la fois, elle n'a pu, suivant sa mission icibas, ni enseigner ni bénir, et l'on s'étonne que le christianisme ne produise pas tous les fruits qu'il promet ! C'est vraiment ajouter la dérision à la violence, le sarcasme à la spoliation. Arracher la langue à un malheureux et lui reprocher de ne point parler, lui briser les jambes et lui imputer ensuite à crime de ne point marcher, serait-ce là de l'équité? Et c'est ainsi qu'on procède à l'égard de l'Église; il n'est pas d'entraves qu'on ne lui suscite, pas d'amertume dont on ne l'abreuve. Elle ne demande qu'une chose : la liberté ; et on la lui refuse avec tenacité, avec obstination. Et puis on lui fait un crime de sa prétendue stérilité. O justice humaine.

Ici il nous reste à signaler une différence essentielle entre l'Évangile et le socialisme. Ce dernier ignore ou feint d'ignorer que les misères physiques sont trop souvent les conséquences des misères morales. S'il parle du peuple, c'est toujours en termes obséquieux. Il le flatte sans cesse, et on ne flatte d'ordinaire que ceux dont on veut surprendre la bonne foi. De devoirs, il n'en est jamais question; de droits, toujours et à tout propos. Courtisan des masses, le socialisme s'est jugé lui-même au moment où il s'est agenouillé, en valet soumis et docile, devant les passions populaires.

Autres sont, sous ces rapports, et l'enseignement de l'Évangile et la conduite de l'Eglise. Tout en vouant au malheureux la commisération la plus profonde, le plus tendre intérêt et la plus touchante sollicitude, l'Eglise ne flatte jamais ses faiblesses et flétrit toujours ses vices. Elle parle sans crainte devant les riches comme devant les pauvres, et reproche aux uns comme aux autres, quand il y a lieu, leurs défauts et leurs excès.

L'Evangile, avec sa profonde connaissance de la nature humaine, ne s'en tient pas au soulagement des misères apparentes. En même temps qu'il nourrit le corps, il cherche à guérir le cœur et l'intelligence. On ne s'en doute pas dans certaine école : c'est en rendant l'homme meilleur qu'on diminuera la pauvreté. Plus un ouvrier est chrétien, plus il est économe et rangé dans ses habitudes; pour lui, point de dépenses inutiles, point de dépenses criminelles surtout. Dans les bons jours il amasse, si faire se peut, pour les jours mauvais; et si, à certaines époques tout semble devoir lui manquer, il lui reste toujours la résignation, le seul bonheur de tant d'hommes ici-bas.

Pour ceux qui doutent de l'effiacité merveilleuse du christianisme à guérir les plaies sociales, nous avons une réponse bien simple: Imaginez un peuple où l'Evangile soit mis en pratique par tout le monde, dans la vie publique comme dans la vie privée, par les grands comme par les petits, par les pauvres comme par les riches, et vous n'y trouverez jamais un malheureux mourant de faim; vous n'y verrez jamais, ce qui se voit si souvent parmi nous, l'enfance abandonnée, la jeunesse livrée à l'inexpérience de l'âge et à l'entraînement des passions, la vieillesse délaissée; vous n'y verrez jamais la misère étalée dans les rues dans le but de

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provoquer la commisération des passants, vous n'y verrez pas la mendicité érigée en profession et des enfants dressés avec soin à l'art des soupirs et des larmes. De l'inégalité des conditions naltrait, parmi ce peuple, la véritable fraternité qui n'est autre chose que le devoir accompli.

Avons-nous donc si tort, après cela, de recommander les préceptes évangéliques, de rappeler le peuple, c'est-à-dire tout le monde, au respect et à la pratique des doctrines catholiques? Sommes-nous, comme on se plait à le dire, réactionnaires et jésuites, parce que, voyant le seul remède qui puisse sauver la société, nous recommandons ce remède, avec instance, avec importunité?

Notre langage, nous le comprenons, n'est pas du goût de tout le monde. C'est vieux, dit-on, c'est connu, tout ce que vous proposez. Mon Dieu, oui! c'est vieux comme le monde, mais aussi c'est inflexible comme la logique. Est-ce notre faute si la vérité est toujours une, toujours la même, toujours immuable? Il est vrai que, de nos jours, certains hommes ont prétendu l'inventer; mais en y regardant de près, on trouvera que le socialisme n'est qu'une contrefaçon tronquée et défectueuse de l'Évangile. Ce qu'il renferme de bon, d'applicable, il l'a emprunté au christianisme; quant à ses théories creuses, impossibles, nous avouons qu'elles sont de son invention; nous lui en abandonnons le mérite comme nous lui en abandonnons la responsabilité.

(La suite au prochain numéro.)

MORT D'UN SAINT PRÊTRE D'ASSISE.

Rome, décembre 1848.

..... Un bon prêtre vient de mourir à Assise, en Ombrie, dans cette Ombrie où les saints sont toujours aimés, où l'art chrétien s'est toujours conservé, où le grand stigmatisé appelle toujours à la pauvreté, à la prière et à la pénitence.

Reposons-nous près de ce lit, visité du ciel et entouré de

pauvres.

Brûlant de charité pour les hommes et d'amour pour le Seigneur, dom Antonio Penachi vivait pauvre, de la pauvreté volontaire, dépouillé de tout; il fuyait les honneurs et aimait le mépris. Confesseur de plusieurs évêques et de différents monastères, il se présentait partout tel qu'il était, avec des habits pauvres et couverts de poussière; mais le respect l'entourait partout, et la douceur, la confiance, la gaîté étaient ses compagnons fidèles. Sans cesse en chemin, sans cesse en prière, célébrant sans cesse Jésus et Marie. Il soignait le peuple, les pauvres et les infirmes; il sauvait les jeunes filles en danger; il allait dans les réunions populaires, et le soir dans les cabarets même, pour rappeler les hommes à leur devoir, pour les arracher en riant et en priant à l'ivresse et au vice. « Vivent Jésus et Marie! Allons, il est temps, retournez dans vos maisons; disons l'Ave Maria! allons! - On cédait et on le remerciait.

Sa voix était forte et douce comme son âme. Lorsqu'il parlait de l'amour divin, lorsqu'il nommait Marie, son visage s'illuminait de tout le feu de son cœur.

Mais ces mêmes élans, qui ne cessaient jamais entièrement étaient pourtant modérés par la prudence. Il avait autant de tact et de discrétion que de zèle. Sage dans le conseil, dans la direction des âmes et dans celle des esprits; versé dans les saintes Écritures, aimant les beaux-arts, la peinture sacrée et faisant admirer avec soin les œuvres des artistes célèbres, il rappelait saint Philippe de Néri, l'apôtre aimable et béni de Rome.

Tous les matins il sortait de sa misérable cellule et se rendait

au monastère des Franciscaines-de-Saint-André, pour dire la sainte messe à ces bonnes religieuses. En passant, il appelait à la prière du matin les familles qui environnent ce pauvre et saint couvent. « Et vivent Jésus et Marie! » disait-il gatment et saintement. Tous lui répondaient de la fenêtre : « Vivent toujours Jésus et Marie! » Après sa messe, il allait à la grande église où repose saint François d'Assise. Là, comme un simple clerc, il servait des messes et se perdait souvent sous les voûtes sombres de ce temple et dans la crypte qui embrasse la tombe du stigmatisé.

Depuis son lever, avant le jour, depuis l'Angelus du matin jusqu'à l'Angelus du soir, il parcourait les églises, les hôpitaux et les rues, portant sa prière et sa gaité. Il nommait Jésus et Marie aux passants et aux groupes des places. Les femmes, les enfants, les vieillards récitaient avec lui les prières ; et l'on entendait autour de lui Ainsi soit-il. Priez pour moi! Je vous salue, Marie, pleine de grâces!

Assise lui était chère; il ne voulut jamais la quitter ni pour suivre des évêques qui l'aimaient, ni pour visiter d'autres villes, d'autres sanctuaires. Il a vécu pour Assise; il y a laissé son corps, ses exemples et sa bénédiction.

Dom André Penachi passa à l'autre vie avec joie. Durant sa douloureuse maladie, il ne fit que psalmodier et réciter des prières à la sainte vierge Marie et des passages des saintes Écritures. A ses derniers moments on l'entendit dire : « Ne voyez-vous pas, mes chers amis, ne voyez-vous pas la très-sainte vierge Marie; ne voyezvous pas les anges qui forment une couronne autour de moi? O heureux que je suis! Et Joseph? lorsqu'il sera venu, lorsque ce patriarche sera arrivé, j'irai me réunir à Jésus et à Marie.- Voilà Joseph!» Et ainsi il cessa de vivre.

Cette mort précieuse eut lieu dans le courant du mois dernier. Aussitôt qu'il eut cessé de vivre sur la terre, le peuple s'écria : Le saint est mort!

Dom André aimait mon frère et l'avait chargé du soin de ses funérailles. «En récompense, lui disait le juste, je te recommanderai à Jésus, à Marie et Joseph, et ta petite Nicette ne mourra pas, mais elle deviendra ta consolation.

Le premier soir le corps du bon prêtre fut porté processionnellement à l'église de ses chères religieuses, et le matin ses funé

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