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il est vrai, des magistrats, mais ils eurent des arbitres, d'amiables pacificateurs, en un mot, l'embryon d'une magistrature. C'est ainsi que la force du gouvernement va croissant avec la corruption.

<< Surviennent les temps féodaux. Déjà un gouvernement réel, effectif, est nécessaire; mais il suffit du plus faible de tous: on voit s'établir la monarchie féodale, la plus faible de toutes les monarchies.

<< Arrive enfin le seizième siècle. Ici, Messieurs, remarquez quelles institutions coïncident avec l'hérésie luthérienne, ce grand scandale du monde politique et social, aussi bien que du monde religieux. Tout d'abord, au premier instant, les monarchies, de féodales qu'elles étaient, deviennent absolues. Cependant le thermomètre religieux continuant de baisser, il faut que la répression politique monte plus haut: et, en effet, voici l'institution des armées permanentes, qui nous présente le soldat devenu un esclave sous l'uniforme. Il ne suffisait plus aux gouvernements d'être absolus; ils demandèrent et obtinrent d'être absolus et d'avoir un million de bras.

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Ce n'est pas tout comme le thermomètre religieux baisse encore, il faut que la répression politique, déjà armée d'un million de bras, soit pourvue d'un million d'yeux. La police générale est créée. Par la centralisation administrative, la répression acquiert en même temps un million d'oreilles. Mais tant de ressources ne lui suffisent point: elle a bientôt besoin de se trouver partout en même temps: le télégraphe est inventé.

«Telle était, Messieurs, la situation de l'Europe et du monde lorsque le bruit soudain de la dernière révolution est venu nous annoncer qu'il n'y avait point encore assez de despotisme, car le thermomètre religieux était descendu au-dessous de zéro... Et maintenant, Messieurs, il ne reste plus qu'une alternative: ou bien la réaction religieuse aura lieu, et dans ce cas, à mesure que le thermomètre religieux remontera, vous verrez redescendre le thermomètre politique jusqu'au niveau où respire la liberté des peuples. (Bravo!) Ou bien... pardonnez mon langage, la gravité des circonstances le rend nécessaire... si le thermomètre religieux doit encore baisser, je ne sais où nous allons, je n'y puis penser sans frémir... Si les vérités que je viens de dérouler sont certaines, si le ffein religieux doit achever de se briser, où trouvera-t-on une forme suffisante de gouvernement, où trouvera-t-on assez de despotisme? (Profonde sensation.)

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Messieurs, vous avez maintenant le doigt sur la plaie. Voilà la question pour l'Espagne, pour l'Europe, pour l'humanité, pour le monde.»

LE BERGER ET LE PHILOSOPHE

OU

L'ART D'ÊTRE HEUREUX.

Un jour, troublé d'un mal intérieur que ni ma raison ni ma foi ne savaient dompter, l'esprit chargé de plus de rèves incohérents que n'en rassemblent à nos chevets la fièvre et le doute, le corps accablé de lassitude et de dégoûts, j'entrai, pour prendre quelque repos, dans une humble hôtellerie. Deux jeunes garçons, attablés auprès de la fenêtre, faisaient un modeste repas. Sur la nappe, à côté des verres, ils avaient déposé les bouquets de fleurs des champs cueillies durant leur promenade; l'appétit assaisonnait les mets grossiers qu'on se hâtait de leur servir. Ils causaient, riaient, harcelaient de leurs importunités joyeuses et bien reçues la jeune servante de la vieille hôtesse. Ils faisaient l'éloge du vin et du régal, et de la beauté du jour et des charmes de la campagne, épanouis sous leurs yeux. Je voulus goûter de ce bon vin, admirer cette riche campagne que je venais de parcourir et que je n'avais point vue, contempler ce jour si beau dont le poids. m'épuisait. Je trouvais le vin amer, la campagne nue et poudreuse, le jour étouffant. J'écoutai la causerie de ces gais compagnons, qui voltigeait à mille objets divers. Que de chimères! que de folies! mais quel enthousiasme! Et moi j'avais pensé toutes ces choses, je ne les pensais plus; tout ce qu'ils aimaient, je l'avais aimé, je ne l'aimais plus. Eus-je pitié d'eux? Non, j'eus lâchement pitié de moi-même. Leur enthousiasme charmant, c'était un bien encore que je n'avais plus.

Le repas fini, l'appétit durait encore. Mais, dit l'un d'eux, c'est qu'il faut payer. Ils n'y parvinrent guère qu'en épuisant leurs bourses, et ils partirent chantant quelques vers d'une strophe que je retrouvais dans ma mémoire, sèche et flétrie, comme ces fleurs gardées en souvenir éternel d'un événement de jeunesse quand par hasard elles reparaissent, leur beauté, leur parfum et leur histoire sont perdus.

Je suivis du regard les jeunes garçons qui s'éloignaient d'un pas alègre. Quelle fée les accompagnait donc dans cette morne plaine? Je questionnai l'hôtesse: ils étaient pauvres et vivaient d'un travail assidu, n'ayant dans toute la semaine qu'un jour de liberté dont ils profitaient pour venir dîner chez elle et courir ensuite les champs; toujours joyeux comme je venais de les voir, n'aimant que le grand air et les chansons. - D'où leur vient, m'écriai-je, cette joie surabondante? S'ils voulaient y songer, me dit-elle, ils auraient bien des peines; mais la jeunesse!........ cela dit tout. Bonne femme, repris-je, moi aussi, je suis jeune, et vous voyez !... C'est qu'il y a, poursuivit-elle, jeunesse et jeunesse. Vous n'avez plus-vingt ans ; vous êtes plus riche et plus libre que ces jeunes gens, sans doute; vous réfléchissez davantage et vous travaillez moins. Il est vrai, dis je.-Voilà, dit-elle, pourquoi vous n'aimez pas mon vin.

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Je sortis, occupé de cette réponse. Ainsi, pensais-je il n'y a de vrai bonheur pour l'homme que durant ce moment rapide des premières illusions; le jour que nous passons sur la terre n'est beau qu'à son matin. Mais, grand Dieu! quand le midi s'annonce déjà si lourd, que sera ce du soir?...

J'aperçus à quelque distance les deux amis qui causaient avec un berger. Lorsqu'ils eurent pris congé, poussé par mon ennui, j'abordai cet homme, resté seul. C'était un grand vieillard, à peine courbé par les ans. Sa physionomie franche et son corps robuste faisant plaisir à voir. Dans ses yeux, ombragés d'épais sourcils, riait encore je ne sais quel reflet de jeunesse qu'y avait laissé l'entretien de ces aimables compagnons. Je lui demandai s'il les con

naissait. Nous avons, me dit-il, vidé plus d'une fois ma gourde et fumé plus d'une pipe en causant de leurs petits projets. Ce sont de braves enfants, ils ont de la religion et de l'honneur, et quand par hasard ils s'inquiètent de l'avenir, je les rassure en leur promettant des jours aussi heureux que les miens.

Je regardai le berger avec quelque étonnement. Il y avait en lui je ne sais quoi qui sentait l'autorité du patriarche et la tendresse de l'ami. J'éprouvai tout de suite une grande confiance, et notre conversation se poursuivit telle que je vais la rapporter:

ΜΟΙ.

- Etes-vous donc content de votre sort, brave homme; le trouvez-vous si doux?

LE BERGER. — Je vous comprends; ce que je lisais sur votre front je le lis à présent dans votre cœur. Je suis pauvre, je suis vieux, ma vie s'achève, et il vous paraît étrange que je m'estime heureux privé de tant de biens inappréciables que vous possédez et qui ne vous empêchent pas de souffrir.

ΜΟΙ. Il est vrai que mon cœur se remplit d'une tristesse profonde quand je songe à l'avenir et quand je regarde le passé. Je crains la vieillesse, et à trente ans je me trouve déjà vieux.

LE BERGER.

Trente ans; mauvais passage! On sait ce qui s'en va, on ne sait pas ce qui vient. C'est le commencement des grands labeurs et l'heure où le monde et la vie se montrent déjà pour ce qu'ils sont. Je plains celui qui, au lieu de prendre son outil et d'aller résolument au travail, cherche encore des jouets et prête encore l'oreille aux chimères ! Il a perdu ce qu'il ne retrouvera jamais. Une couronne même ne pourrait consoler d'un cheveu qui tombe. Mais ces chagrins ne sont point faits pour l'âme qui croit en Jésus-Christ. Êtes-vous chrétien ?

ΜΟΙ.

--

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Vous avez trop raison de m'adresser cette question. Oui, je suis chrétien, malgré la faiblesse que je vous laisse voir. Hélas! ma foi n'est pas assez forte pour m'empêcher de regretter amèrement ces jouets, ces chimères comme vous dites, qui s'en vont avec la jeunesse et que je ne retrouverai plus.

LE BERGER.

Vous les regrettez parce que vous n'avez pas assez voulu savoir combien Dieu est riche et bon pour ceux qui puisent à ses trésors. A la place des illusions il nous offre la sagesse, et croyez-moi, nous gagnons au change. Les illusions produisent ce feu follet de gaîté que vous voyez aux jeunes gens; la sagesse enfante perpétuellement la joie dans le cœur qu'elle habite.

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LE BERGER.

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Je vais vous le dire. Mon père m'enseigna dans ma petite enfance une prière qu'il tenait du sien. Il éprouva, durant toute sa longue vie, et j'ai éprouvé, durant toute la mienne, que cette prière renferme tout l'art de bien vivre; la voici: Jésus, doux et humble de cœur, ayez pitié de moi. Si vous voulez être sage, soyez humble. Les trois quarts de nos maux et la bonne moitié de l'autre quart ne viennent que de l'idée exagérée que nous nous faisons de notre mérite et des efforts auxquels nous nous livrons pour agrandir la place que nous tenons dans le monde. L'humble de cœur se trouve toujours bien où Dieu l'a mis ; il ne cherche point à monter ni à s'étendre. Voilà bien des tourments épargnés tout de suite par ce moyen si simple.

MOI. Sans doute; mais, pour être humble, que de travail !

LE BERGER. Eh bien! n'avez-vous pas votre volonté et votre raison? Prenez une ferme résolution de réfléchir tous les jours sur vous-même. Connaissez bien vos aptitudes et vos défauts, sachez ce qui manque à votre esprit, à votre courage, à vos forces, à vos vertus: vous aurez bientôt des motifs nombreux de trouver votre rôle assez grand et votre tâche assez rude. Cela n'exige pas autant de travail que la moindre ambition en impose au moindre ambitieux.

MOI. Par ce renoncement si recommandé, vous bornez étrangement l'activité humaine. Ne devons-nous pas exercer, perfectionner les facultés que nous avons reçues du Ciel comme un champ à cultiver?

LE BERGER.

Vous avez votre champ; vous ai-je parlé de le laisser en friche ? Point du tout; faites bien, faites toujours mieux

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