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clame avec joie que c'est une croix de bois qui a sauvé et qui sauvera toujours le monde, je crois beaucoup moins expédient pour l'Eglise de reculer de quinze siècles, de revenir sur ses pas, de recommencer à nattre, que de suivre, dans la voie où Dieu l'a lancée, la marche qu'il lui trace, et de se servir des conquêtes temporelles que la Providence lui a faites pour continuer ses conquêtes spirituelles. Je crois que dans les œuvres de Dieu, il est plus sage d'étudier sa conduite et ses desseins pour s'y conformer humblement, que de lui faire une règle de nos rêveries, si brillantes qu'elles soient, et de façonner sa sagesse à notre guise. C'est surtout quand il s'agit des intérêts de l'Eglise, qu'il faut se garder du danger des illusions romanesques ; et je pense, quant à moi, que dans le dessein manifesté de Dieu, la liberté de la conscience et l'indépendance de la vérité catholique furent providentiellement unis à la liberté et à l'indépendance temporelle du Saint-Siége. Bonaparte lui-même fut obligé d'en convenir à la voix d'un prêtre respecté : l'héritier de son nom, s'en souviendra, je l'espère, comme il nous l'a promis. Bien avant eux, Bossuet l'avait déclaré ; la République française, l'Angleterre protestante, comme la catholique Espagne, l'avouent, le proclament en ce moment; l'autocrate schismatique de toutes les Russies est venu naguère rendre hommage à cette vérité dans la personne du vénérable Grégoire XVI; et le sultan lui-même envoie aujourd'hui des ambassadeurs à la Papauté. Que dire donc de la témérité qui contesterait à la souveraineté temporelle du Pape des droits consacrés par les desseins de la Providence, et reconnus par de tels hommages sur la terre?

Cette immense matière, cet admirable sujet s'est à peine ébauché sous ma plume j'y entrerai, décidé à mettre humblement toutes les forces de mon âme au service d'une cause si sainte, si grande, et si indignement outragée.

Jamais notre foi dans les promesses divines faites à l'Église ne sera ébranlée par les événements humains. Jamais notre confiance en la barque de Pierre ne sera troublée par le mouvement des flots qui l'agitent : humbles passagers de cette barque mystérieuse, notre croyance au Pilote invisible qui semble quelquefois endormi pendant la tempête, est immuable. C'est en voyant la sainte Eglise romaine, cette mère si vénérable et si chère, en butte aux plus terribles assauts à travers les siècles, que nous proclamons hautement d'où lui vient sa véritable force, et quels miracles Dieu saurait faire pour la sauver. Les tribulations momentanées qui l'éprouvent ne servent qu'à signaler plus vivement à nos regards l'appui divin sur lequel se fonde son immortelle durée.

Mais il n'en est pas moins certain qu'en dehors de l'ordre des faits

purement miraculeux, la liberté de la conscience et l'indépendance de la vérité catholique furent, dans le dessein manifesté de Dieu providentiellement unis à la liberté et à l'indépendance temporelle du SaintSiége.

Oui, il faut, pour la sécurité de l'Église et pour la nôtre, que LE PAPE SOIT LIBRE ET INDÉPENDANT ;

Il faut que cette indépendance soIT SOUVERAINE;

Il faut que le Pape soit libre, ET QU'IL LE PARAISSE;

Il faut que le Pape soit libre et indépendant, AU-DEDANS COMME AU

DEHORS.

Oui, cette noble tête couronnée de la tiare sacrée, ne doit être courbée sous le joug d'aucune puissance étrangère. Le Pape, c'est notre Père et notre Roi, par la conscience et par la foi; sa liberté, c'est donc la nôtre; et d'aucune des parties de l'univers, les regards de la grande famille catholique, de cette Eglise rachetée par le sacrifice de la croix, et conquise à la glorieuse liberté des enfants de Dieu par le sang de Jésus-Christ, ne doivent jamais voir indignement captif et enchaîné l'interprète auguste de la loi de Dieu, le guide suprême des consciences, le souverain des âmes. Toutes les consciences, toutes les âmes en souffriraient; la foi, les lois morales, tous les intérêts les plus sacrés seraient captifs avec lui. Comme le disait naguère éloquemment, à la tribune de l'Assemblée nationale, celui qu'on voit toujours le premier sur la brêche au jour du péril, M. de Montalembert : « La liberté religieuse des catholiques a pour condition, sine qua non, la liberté « du Pape; car, si le Pape, juge suprême, tribunal en dernier res<< sort, organe vivant de la loi et de la foi des catholiques, n'est pas « libre, nous cessons de l'être. Nous avons donc le droit de demander « à la puissance publique, au gouvernement qui nous représente et que « nous avons constitué, de nous garantir à la fois et notre liberté per«sonnelle en fait de religion, et la liberté de celui qui est pour nous la << religion vivante. »

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C'est à ce point de vue que la souveraineté temporelle du Pape n'est pas seulement une institution italienne, mais, comme le prononçait à l'Assemblée nationale un italien lui-même, la souveraineté du Pape est une institution européenne, universelle, c'est une institution catholique en un mot; et en ce sens, comme l'écrivait l'ambassadeur de France: Rome n'appartient pas exclusivement aux Romains; » ou, mieux encore, comme le disait autrefois dans son langage expressif, l'illustre Archevêque de Cambrai : « Rome, c'est la commune patrie de e tous les chrétiens: tous sont concitoyens de Rome : tout catholique

<est Romain. » C'est pour cela, qu'on le remarque bien, on chercherait vainement une autre cause; oui, c'est pour cela que l'injure faite à la souveraineté temporelle du Pape émeut en ce moment le monde entier, blesse au cœur toutes les nations catholiques, et nous fait pousser à tous un cri de douleur et d'effroi.

Mais pour être vraie, pour être sûre, la liberté du Pape doit être souveraine.

Le pape ne peut être le sujet d'aucun monarque particulier; car nous pourrions craindre tous de l'être avec lui. Il lui faut une souveraineté indépendante. Les hommes les moins favorables à l'autorité temporelle du Saint-Siége, ceux-là même chez qui des préjugés déplorables avaient obscurci la droiture naturelle et la pureté des lumières de la foi, ont rendu hommage à cette vérité. Je ne veux pas profiter en ce moment des aveux des protestants sur ce point. Je me bornerai à citer ici une simple parole du président Hénaut; elle est d'un bon sens qui saisit : « Le Pape. «a, dit-il, à répondre dans l'univers à ceux qui y commandent; et « par conséquent aucun ne doit lui commander. » ( Abrégé chron. de l'Hist. de Fr. Rem., sur la 2o race, édit. de 1768.)

On l'a dit, et nous le répétons après les plus graves auteurs: les Patriarches de Constantinople, jouets avilis des empereurs ariens, monothélites, iconoclastes, sont l'image repoussante de ce qu'auraient pu devenir, ou du moins paraître, dans la suite des siècles, les Papes, ces colonnes inébranlables de la vérité, si Dieu ne les avait préservés par un perpétuel miracle: ou plutôt, s'il n'avait tiré des trésors de sa sagesse et de sa puissance, le moyen providentiel, également simple et fort, d'une souveraineté indépendante pour la sécurité de l'Eglise, MÈRE ET MAITRESSE de toutes les autres.

Les aveux de Fleury à cet égard sont bien remarquables, et trouvent ici naturellement leur place. « Depuis que l'Europe est divisée entre plu«<sieurs princes, si le Pape eût été sujet de l'un d'eux, il eût été à crain«<dre que les autres n'eussent eu peine à le reconnaître pour le Père «< commun et que les schismes n'eussent été fréquents. On peut donc « croire que c'est par un effet particulier de la Providence que le Pape « s'est trouvé indépendant et maître d'un État assez puissant pour n'être « pas aisément opprimé par les autres souverains, afin qu'il fût plus li<bre dans l'exercice de sa puissance spirituelle, et qu'il pût contenir

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plus facilement tous les autres Evêques dans leur devoir. C'était la pensée d'un grand Evêque de notre temps. » (Fleury, Hist. eccl., t. XVI, 4o disc., no 10). Ce grand Evêque dont Fleury invoque l'autorité, est probablement Bossuet : je ne tarderai pas à citer ses paroles.

Sans doute, et je n'ai pas besoin de le faire observer, la Vérité, mème captive, est toujours la Vérité. La bouche d'or de l'Orient, saint Jean Chrysostome, le disait admirablement : La parole divine est comme le rayon du soleil, rien ne l'enchaîne, radius solis vinciri non potest. La Vérité est souveraine dans les prisons Mamertines comme au Vatican Pierre est toujours libre dans les fers, toujours roi dans l'exil. Mais ce miracle qui, au besoin, ne manquerait point à l'Eglise, Dieu n'a pas voulu jusqu'à présent qu'il fût l'ordre constant de sa destinée et le gage ordinaire de la paix promise à l'Eglise et aux âmes. Ce pourrait être un remède violent et momentané à des maux passagers, à des maux qu'il faudrait guérir, combattre, prévenir; mais, encore un coup, les prodiges, nous l'avons déjà dit, ne sont pas l'état régulier et permanent de l'institution divine ici-bas.

D'ailleurs il ne suffit pas que le Pape soit libre dans son for intérieur, il faut que sa liberté soit évidente; il faut qu'aux yeux de tous il paraisse libre, qu'on le sache, qu'on le croie, qu'il ne s'élève à cet égard ni un doute, ni un soupçon.

Il serait libre au fond de son âme; que s'il paraissait, je ne dis pas opprimé, mais simplement assujéti au joug d'un prince quelconque, de l'Empereur d'Autriche, par exemple, ou de l'Empereur de Russie; nous en serions blessés, nous en souffririons tous: il ne nous semblerait plus assez libre. Une défiance naturelle affaiblirait peut-être pour plusieurs, à leur insu, le respect et l'obéissance qui lui sont dus. Il faut, en effet, que son action, sa volonté, ses décrets, sa parole, sa personne sacrée, planent toujours souverainement au-dessus de toutes les influences, de tous les intérêts, de toutes les passions ; et que ni les intérêts contraires, ni les passions irritées ne puissent protester contre lui avec une apparence quelconque de raison.

Et qu'on veuille bien entrer ici avec moi dans le fond même le plus intime de cette question, et pénétrer la vraie nature de cette puissance surnaturelle personnifiée dans le Chef de l'Eglise. Cette Puissance, établie pour le bien de tous, n'a jamais rien à décréter qui flatte les intérêts misérables ou les mauvaises passions des hommes; elle est l'ennemie inflexible de l'égoïsme fatal qui les trouble et les pousse entre eux aux divisions et aux révoltes. Il est donc de son honneur, comme de son devoir, de n'être, de ne paraître jamais suspecte, de s'élever toujours plus haut que toutes les prétentions rivales, que toutes les préventions jalouses. Il faut que ni les esprits chagrins qui murmurent, ni les esprits orgueilleux qui s'emportent, ni les esprits faibles qui se troublent, ni les grands esprits qui s'égarent et que le Pape condamne, ni les rois qui

oppriment leurs peuples et que le Pape reprend, ni les peuples qui se révoltent et que le Pape avertit; il faut que nul sur la terre ne puisse jamais suspecter l'autorité, la sincérité, la parfaite indépendance de ses décrets. Or, il serait justement suspecté, s'il était courbé sous un joug, sous une oppression quelconque; il n'est pas d'effort, pas de sacrifice. qu'il ne dut faire pour arracher son autorité à ce péril; et j'ai, pour confirmer cette doctrine, l'exemple même et la parole du Pontife immortel qui est en ce moment le spectacle du monde entier, et qui, en fuyant Rome devant l'outrage et la violence, proteste solennellement en ces termes : « Parmi les motifs qui Nous ont déterminé à cette séparation, celui dont l'importance est la plus grande, c'est d'avoir LA

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<< PLEINE LIBERTÉ DANS L'EXERCICE DE LA PUISSANCE SUPRÊME DU SAINT-SIÉGE, EXERCICE QUE L'UNIVERS CATHOLIQUE POURRAIT SUP« POSER A BON DROIT, DANS LES CIRCONSTANCES ACTUELLES, N'ÊTRE

PLUS LIBRE ENTRE NOS MAINS. »

Nous n'ajouterons à cet irrécusable témoignage que cette dernière considération politique; et on comprend que par ce mot nous n'entendons parler que de la politique spirituelle de l'Eglise.

Comme elle plane au-dessus des passions particulières, de même l'Eglise doit planer au-dessus de ce qu'on peut appeler les passions internationales. Depuis la chute de l'empire romain, comme le remarque Fleury, la chrétienté a été partagée en un grand nombre d'états indépendants les uns des autres; les uns petits et faibles, les autres grands et forts. Eh bien, il faut que les faibles et les petits, aussi bien que les forts et les grands, soient assurés de la haute impartialité du Père comnun, et qu'ils ne puissent le soupçonner de favoriser les uns au préjudice des autres. On sait avec quels tristes et regrettables inconvénients les Papes d'Avignon furent autrefois trop dépendants des rois de France.

Toute cette doctrine, Bossuet l'a exprimée avec cette dignité et cette sûreté précise de langage à laquelle il n'y a rien à ajouter: « Dieu, dit-il,

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qui, voulait que cette Eglise, la Mère commune de tous les royaumes, « dans la suite ne fût dépendante d'aucun royaume dans le temporel, «et que le siége ou tous les fidèles devaient garder l'unité, à la fin fùt «mis au-dessus des partialités que les divers intérêts et les jalousies « d'État pourraient causer, jeta les fondements de ce grand dessein par Pépin et par Charlemagne. C'est par une heureuse suite de leur libé«ralité, que l'Eglise indépendante de son chef de toutes les puissances temporelles, se voit en état d'exercer plus librement, pour le bien commun, et sous la commune protection des rois chrétiens, cette puis

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