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«sance céleste de régir les âmes; et que tenant en main la balance « droite, au milieu de tant d'empires souvent ennemis, elle entretient « l'unité dans tout le corps, tantôt par d'inflexibles décrets, et tantôt << par des sages tempéraments. » ( Discours sur l'Unité de l'Église. ) Une telle autorité nous dispense d'insister.

Nous verrons, plus loin, que le Pape doit être libre, indépendant, souverain, AU-DEDANS COMME AU-DEHORS: cette question sera le complément de celles que nous venons d'exposer.

Nous osons inviter les esprits sérieux, les vrais catholiques, à nous suivre avec quelque attention. Notre zèle s'explique naturellement par l'importance du sujet ; mais nous devons bien avouer aussi qu'il puisse quelque chose de son ardeur dans la disposition de certains esprits. Nous ne voyons pas, sans douleur, cette triste facilité à jeter en proie aux ennemis du catholicisme, dans le vain espoir de les apaiser, les plus utiles comme les plus glorieux priviléges de l'Eglise. Croit-on qu'elle sera plus respectée quand on l'aura réduite à un symbole nu, et qu'on l'aura présentée au monde, dépouillée de toutes ses antiques prérogatives? Ce n'est pas un dogme, dit-on! Non, la souveraineté temporelle du Pape n'est pas un dogme; mais n'est-elle pas une conséquence temporelle de sa souveraineté spirituelle? Mais, si elle n'est pas identifiée à la vérité du catholicisme, n'est-elle pas identifiée à la sécurité, à la liberté, à la grandeur du catholicisme? La vérité est-elle tout, et la sécurité, la liberté, la grandeur de la vérité elle-même ne sont-elles rien? Les temples, les cathédrales, les sanctuaires ne sont pas non plus la religion : sacrifierez-vous donc les temples, les cathédrales et les sanctuaires à de nouveaux iconoclastes, révolutionnaires ou progressistes, sous le prétexte qu'on pourra toujours offrir le divin sacrifice au fond des forêts ou dans le creux des rochers? Catholiques! est-ce bien là la prudence, la délicatesse, l'ardeur de notre foi? Pour moi, fondé sur les preuves que j'ai déjà fournies, et sur celles que j'ai à donner encore, je ne vois bien clairement jusqu'ici pour le Pape que deux manières d'être dignement indépendant; l'histoire ne me montre que les prisons Mamertines ou le Vatican; la persécution avec un perpétuel miracle, ou la liberté sur le trône, selon l'ordre régulier de la Providence; la gloire du martyre ou la royauté libre, indépendante et souveraine.

Grâces à Dieu, sur tout cela, la Providence a suffisamment manifesté son dessein, comme nous continuerons à le montrer.

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M. Thiers a écrit dans son Histoire du Consulat et de l'Empire: «L'institution qui maintient l'unité de la foi, c'est-à-dire le Pape.

gardien de l'unité catholique, est une institution admirable. On reproche

« à ce Chef d'être un souverain étranger. Ce Chef est étranger, en effet, et il faut en remercier le Ciel. Le Pape est hors de Paris, et cela est bien; il n'est ni à Madrid, ni à Vienne, et c'est pourquoi nous supportons «son autorité spirituelle. A Vienne, à Madrid, on est fondé à en dire << autant. Croit-on que, s'il était à Paris, les Viennois, les Espagnols consentiraient à recevoir ses décisions? On est trop heureux qu'il réside hors de chez soi, et qu'en résidant hors de chez soi, il ne réside pas «chez des rivaux, qu'il habite dans cette vieille Rome, loin de la main << des Empereurs d'Allemagne, loin de celle des Rois de France ou des «Rois d'Espagne, tenant la balance entre les Souverains catholiques, penchant toujours un peu vers le plus fort, et se relevant bientôt si le plus fort devient oppresseur. Ce sont les siècles qui ont fait cela, et ils « l'ont bien fait. Pour le gouvernement des âmes, c'est la meilleure, la plus bienfaisante institution qu'on puisse imaginer. Je ne soutiens pas «ces choses par entêtement de dévôt, mais par raison. »

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Ces paroles, malgré quelques expressions moins vraies, sont dignes d'un esprit éminent, qui sait, quand il le veut, se dégager avec promptitude des préjugés étroits du temps et des hommes.

Oui, le Pape doit être libre, indépendant, souverain : mais il faut qu'il le soit non-seulement au-dehors, comme nous l'avons démontré, et comme M. Thiers vient d'en résumer les principales raisons; il faut aussi qu'il le soit AU-Dedans.

Père commun de tous les fidèles et Roi de la grande famille des enfants de Dieu, la Providence l'a fait aussi Père et Roi d'un peuple choisi, d'une Cité privilégiée.

Il se doit sans doute à leur bonheur, il doit leur dispenser, dans une juste proportion, les biens d'une liberté sage avec une administration régulière et paternelle. Et certes, l'immortel Pie IX, en mettant le pied sur la terre étrangère, a pu prendre solennellement à témoin ses trois millions de sujets et le monde entier, qu'il avait fait spontanément pour le bonheur véritable et pour la liberté de son peuple, plus qu'aucun autre souverain de l'Europe.

Mais si l'ordre est partout nécessaire avec la liberté, si un état normal et le libre exercice du pouvoir sont partout désirables pour la prospérité et la sécurité des peuples eux-mêmes, si le respect de l'autorité est la loi de la paix publique et la sauvegarde du droit sociale; il est vrai de dire qu'à Rome les intérêts les plus sacrés de l'univers chrétien, le maintien de l'équilibre européen tout entier, demandent que le gouvernement temporel du Chef suprême de toute la Catholicité, soit indépendant et affranchi du joug des factions intestines aussi bien que de l'influence des puissances étrangères.

Il est manifeste en effet que si le Pape souffrait violence dans ses Etats, que si les caprices de la multitude ou les prétentions audacieuses des partis le courbaient sous une action perturbatrice et tyrannique, à cet instant la sécurité de l'Eglise tout entière serait profondément ébranlée. Tous les Etats chrétiens qui ne peuvent pas, et avec raison, tolérer que le Pape appartienne à une autre puissance qu'à lui-même, se sentiraient blessés. Si le poignard à la main, l'émeute triomphante venait assiéger dans son palais l'héritier du Pontificat sacré, et du Principal que la Providence y attacha depuis quatorze siècles; si après avoir assassiné son ministre, elle le menaçait d'incendier sa maison, d'égorger ses plus fidèles serviteurs, et ne lui promettait leur vie sauve qu'au prix d'une abdication forcée, et du sacrifice de droits inaliénables; ce serait fait nonseulement du gouvernement des Etats pontificaux, mais de la sécurité, de la dignité, de la liberté du gouvernement de l'Eglise universelle.

Alors nous verrions ou du moins nous pourrious voir un ministère né de l'assassinat et de la révolte, parler, agir, décréter au nom du Souverain Pontife; nous pourrions voir abriter sous son manteau sacré l'usurpation hypocrite des droits inhérents à l'autorité suprême du Vicaire de Jésus-Christ; nous pourrions voir des lois ecclésiastiques faites par une assemblée laïque et rebelle, ou plutôt par une faction anarchique et impie. Nous pourrions aussi voir proclamer des articles organiques contraires à l'antique discipline de l'Eglise et à tous les droits de la hiérarchie sacrée; nous pourrions voir les Evêques, les prêtres, les religieux proscrits ou condamnés à des serments que réprouvent la liberté la plus intime et le cri de la conscience chrétienne ; nous pourrions voir enfin l'éducation de la jeunesse livrée à un monopole subversif des droits de la religion et de la famille. Et la raison de tous ces excès, il n'y en aurait qu'une, c'est que le Pape ne serait plus libre, indépendant et souverain à Rome.

Nous savons bien que l'Héritier des Léon, des Grégoire, des Innocent et que le Successeur de Pie VI et de Pie VII, de ces Pontifes magnanimes qui opposèrent un cœur invincible aux passions des princes, saurait, lui aussi, opposer un front d'airain aux passions des peuples. Nous le savons bien: le martyre au besoin rétablirait l'indépendance du Vicaire de JésusChrist, et son sang effacerait à jamais jusqu'à la dernière trace de ces lois usurpatrices et sacriléges.

Mais, grand Dieu! quel scandale, pour toute l'Eglise, que ces choses aient été tentées sous les yeux du Roi-Pontife! Quelle douleur qu'il ait été réduit pendant ce temps à presser son crucifix sur sa poitrine en protestant contre la violence; et que, relégué au fond d'un jardin solitaire, le Souverain Pasteur des âmes ait dû, la face prosternée contre terre, dans

ce nouveau Gethsemani, boire le calice de sa Passion jusqu'à la lie la plus a mère !

Non, non, c'en est assez, c'en est trop. A Rome plus qu'ailleurs, nonseulement à raison des intérêts les plus élevés et les plus universels, mais à raison des convenances divines elles-mêmes, que l'impiété ou la déraison seules peuvent méconnaître, il faut, comme l'avait voulu Pie IX, il faut à Rome plus qu'ailleurs l'indépendance vraie du Souverain, alliée dans une généreuse et prudente économie, au bonheur véritable et à la sage liberté des peuples.

Il le faut, parce qu'il faut que l'univers catholique soit respecté dans son père et son Roi!

Et, s'il était nécessaire d'ajouter quelque chose à ces raisons si claires et si fortes, croit-on, par exemple, que la liberté des Congrégations sacrées, chargées de répondre chaque jour à toutes les consultations du monde chrétien; croit-on surtout que la liberté de l'élection du Souverain Pontife et l'indépendance du Conclave qui doit la faire, n'importent pas à la sécurité de l'Eglise et aux exigences légitimes, impérieuses de toutes les nations chrétiennes?

Croit-on qu'il soit tolérable à nos âmes de voir des assassins et des émeutiers entourer le Quirinal, disperser le Sacré-Collége, faire mourir le Pape de douleur, et lui préparer un successeur?

Croit-on que nos consciences trouveraient alors une consolation suffisante à penser que la Papauté et la sainte Eglise catholique ont des promesses d'immortalité! et qu'enfin, puisque la Providence veille toujours, nous pouvons demeurer en paix et dormir tranquilles?

Eh bien, non ! Nous l'avouerons humblement : la béatitude de notre foi ne va pas jusque-là !

Mais, je le sens, l'insistance ici lasserait nos lecteurs; elle fatigue ma plume.

Voici, du reste, à cet égard, ce que pensait naguère, au milieu même des préventions du protestantisme, un historien célèbre, à qui la droiture de son esprit et de son cœur a mérité depuis la bénédiction de Dieu. M. Hurter écrivait dans sa Vie d'Innocent III:

«La sûreté du pays et de la ville, d'où le Souverain Pontife doit veiller << au maintien et à la conservation de l'Eglise dans toutes les autres « contrées, est une des conditions essentielles pour remplir les devoirs « d'une position si élevée. Comment, en effet, le Pape pourrait-il planer «sur tant de relations diverses, donner conseil et assistance, prendre des « décisions dans les affaires innombrables de toutes les Eglises, veiller à « l'extension du royaume de Dieu, repousser les attaques contre la foi,

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parler librement aux rois et aux peuples, s'il ne trouvait le repos dans « sa propre maison; si les complots des méchants le forçaient à concen

« trer sur ses propres Etats le regard qui devait embrasser le monde; à

combattre pour le soin de son propre salut et de sa liberté, ou à chercher en fugitif protection et asile chez l'étranger? »

Nous le disons franchement, » écrivait encore dans le Courrier Français un publiciste qui a marqué sa place dans les rangs de l'opinion démocratique la plus avancée, « nous le disons franchement, les puis<< sances catholiques ont un intérêt réel, considérable, un intérêt pris « dans leur propre sécurité et leur propre conservation, à ce que l'au<< torité temporelle des Papes soit maintenue dans la métropole de leur Souveraineté spirituelle.

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Lorsque la déposition du Chef de l'Eglise, comme Souverain tem<< porel, peut entraîner dans les sociétés tant de malheurs, tant de « désastres, lorsqu'elle peut avoir pour conséquence la ruine d'une institution universelle, du salut de laquelle dépendent le repos des con<< sciences et la paix du monde, n'est-on pas conduit à se demander

« si, au nom de son indépendance, un petit peuple qu'une main étrangère a seule élevé, et que des mains étrangères ont seules soutenu au rang « des Etats, peut prétendre, a bon droit, qu'à lui seul il appartient de « prendre souverainement une décision si redoutable? »

C'est ce que le courageux et infortuné comte Rossi disait encore avec plus d'énergie aux Romains:

« Quant au trône pontifical, la chose est plus sérieuse encore. L'indé<< pendance du Souverain Pontife est sous la garantie commune de la << conscience des catholiques. Rome, avec ses monuments élevés par les « trésors de l'Europe entière; Rome, centre et tête du catholicisme, appartient aux Chrétiens encore plus qu'aux Romains mêmes. Tenez" vous bien pour avertis que NOUS NE VOUS LAISSERONS PAS DÉCAPITER LA × CHRÉTIENTÉ, et réduire le Pape fugitif à demander un abri qu'on pourrait faire payer cher à sa liberté. » (Revue des Deux-Mondes, tome 24, 15 décembre 1848, page 1837.)

Il y a dans tout ceci une grande considération que nous n'avons pas touchée jusqu'à présent; nous ne pouvons la passer sous silence.

Il faut que le Pape soit libre, indépendant, souverain au-dehors et audedans; au-dedans, pour l'être au-dehors: nous venons d'en voir les invincibles raisons.

Mais il le faut encore, afin qu'il puisse demeurer toujours en bonne harmonie avec toutes les nations chrétiennes, garder au milieu de leurs querelles une neutralité conciliatrice, et être toujours sur la terre le

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