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vrai Prince de la paix, comme il convient au caractère divin qu'il repré

sente.

Oui il faut que le Père commun puisse toujours élever des mains pures et pacifiques sur la montagne sainte, pour faire descendre l'esprit d'union et de concorde entre les princes et les peuples chrétiens.

La terre, dit saint Augustin, est quelquefois agitée par les guerres comme la mer l'est par les tempêtes. Le genre humain a ses orages; le ciel se couvre : tout paraît quelquefois entraîné dans un tourbillon de guerre universelle qu'il y ait au moins un peuple qui échappe au redoutable tourbillon! qu'il y ait au moins une cité d'où la pacification puisse venir (1)! Sans doute les guerres sont inévitables parfois, et l'accomplissement, le devoir de la défense légitime; mais, ajoute le saint Docteur, elles sont toujours un jeu sanglant des démons : ludi Dæmonum. La condition de ceux qui font la guerre est quelquefois nécessaire. Mais la condition de ceux à qui la guerre est épargnée et qui l'épargnent aux autres est sans contredit la plus heureuse.

Romains, entendez ces paroles: ne vous plaignez pas du noble et glorieux privilége que vous donne le Pontife-Roi, lorsqu'il vous affranchit des tristes nécessités de la guerre, et vous assure une neutralité pacifique, honorable et toujours indépendante au milieu des nations chrétiennes !

Pour nous, c'est avec reconnaissance que nous nous associerons au vœu naguère exprimé dans le sein de l'Assemblée nationale par un honorable représentant de la France (2):

« Croyez-vous que l'Etat romain, ayant pour capitale la ville éternelle, « avec les intérêts catholiques qui s'y rattachent, ne soit pas dans l'uni<< vers d'une toute autre importance que la Belgique ! Pour moi, je suis

(1) L'intérêt du genre humain, dit Voltaire, demande un frein qui retienne les souverains et qui mette à couvert la vie des peuples: ce frein de la religion aurait pu être, par une convention universelle, dans les mains des Papes. Ces premiers Pontifes, en ne se mêlant des querelles temporelles que pour les apaiser, en avertissant les rois et les peuples de leurs devoirs, en reprenant leurs crimes, en réservant les excommunications pour les grands attentats, auraient toujours été regardés comme des images de Dieu sur la (Essai sur l'hist. gen., ch. 60.)

terre.

Je serais d'avis, dit Leibnitz, d'établir à Rome même un tribunal ( pour juger les différends entre les princes), et d'en faire le Pape président; comme, en effet, il faisait autrefois figure de juge entre les princes chrétiens. Voilà des projets qui réussiront aussi aisément que celui de M. l'abbé de Saint-Pierre ( le projet d'une paix perpétuelle en Europe). Mais puisqu'il est permis de faire des romans, pourquoi trouverons-nous mauvais la fiction qui nous ramènerait le siècle d'or. (Deuxième lettre à M. Grimaret, OEuvres de Leibnitz, tome V, page 65).

(2) M. Charles Dupin.

« convaincu qu'après les événements déplorables et criminels qui vien«nent de s'accomplir en Italie, à Rome, je suis convaincu, dis-je, que ces « intérêts vont commander l'attention la plus profonde de toutes les puis«<sances chrétiennes ; je suis convaincu qu'il sortira de cet intérêt-là un « bienfait que j'invoque de tous mes vœux. Oui, les puissances chrétiennes << feront pour les Etats romains ce qu'elles ont fait pour la Belgique; « elles proclameront la neutralité perpétuelle des Etats du Saint-Père et « les placeront sous la sauvegarde de toute la chrétienté; toutes les na«<tions catholiques assureront au Saint-Père sa permanence perpétuelle « dans les Etats qu'il tient de la puissance française depuis dix siècles. "Voilà mes vœux, voilà mon espoir. J'ai la ferme croyance que les na«tions chrétiennes ne resteront pas sourdes à ce vou, et qu'elles l'ac«< compliront. » (Moniteur, 50 novembre.)

Pour n'avoir pas toujours compris ces choses, non plus que les droits de la Religion et les intérêts sacrés de la liberté et de la justice, Napoléon sentit chanceler sa puissance. Certes ce fut une lutte mémorable que celle dans laquelle on vit le plus doux, le plus tendre et le plus clément des Pontifes aux prises avec le plus dur et le plus violent des Césars. Mais, dans cette lutte, la force pacifique devait l'emporter: le droit de la paix et d'une neutralité sacrée devait triompher des saillies impétueuses du conquérant; et, lorsque Pie VII, selon les paroles de M. de Maistre, sommé avec tout l'ascendant de la terreur de déclarer la guerre à l'Angleterre, répondit qu'étant le Père commun de tous les chrétiens, il ne pouvait avoir d'ennemis parmi eux; lorsqu'après avoir dit ces paroles, l'invincible Pape, plutôt que de céder, aima mieux se laisser outrager, chasser, emprisonner, et commença enfin ce long martyre qui le fait encore aujourd'hui l'admiration du monde; il fut à la fois la victime généreuse et le défenseur triomphant de ce principe tutélaire qui place le Siége apostolique et sa puissance temporelle dans une région supérieure d'indépendance et de paix.

Vainement Napoléon s'emporta-t-il aux dernières violences: la force brutale du guerrier fut vaincue par la douceur indomptable de l'angélique Pontife.

Vainement ensuite Napoléon, essayant la discussion théologique, disait-il à M. Emery, supérieur de Saint-Sulpice, en présence des Evêques rassemblés aux Tuileries:

« Je ne vous conteste pas la puissance spirituelle du Pape, puisqu'il l'a reçue de Jésus-Christ; mais Jésus-Christ ne lui a pas donné la puissance temporelle; c'est Charlemagne qui la lui a donnée, et moi Successeur de Charlemagne, je veux la lui ôter, parce qu'il ne sait pus en

user, et qu'elle l'empêche d'exercer ses fonctions spirituelles. M. Emery, que pensez-vous de celà?

« Sire, répondit le prêtre, Votre Majesté honore Bossuet, et se plaît à nous le citer souvent. Voici ses paroles, je les sais par cœur:

« Nous savons que les Pontifes romains possèdent aussi légitimement « que qui que ce soit sur la terre des biens, des droits et une Souverai« neté (bona, jura, imperia). Nous savons de plus que ces possessions, « en tant que dédiées à Dieu, sont sacrées, et qu'on ne peut, sans com<< mettre un sacrilege, les envahir. Le Siége apostolique possède la « souveraineté de la ville de Rome et de ses Etats, afin qu'il puisse «<exercer sa puissance spirituelle dans tout l'univers PLUS LIBREMENT EN « SÉCURITÉ ET EN PAIX. (Liberior ac tutior.) Nous EN FÉLICITONS NON-SEU«<lement le SiÉGE APOSTOLIQUE, MAIS ENCORE TOUTE L'EGLISE UNIVERSELLE; « et nous souhaitons de toute l'ardeur de nos vœux que ce Principat sacré « demeure à jamais sain et sauf en toutes manières (1). »

Napoléon vaincu se retira. Quelques Evêques ayant voulu dire «< que M. Emery, accablé d'un grand âge, lui avait peut-être déplu. » « Vous << vous trompez, reprit-il, je ne suis pas irrité contre l'abbé Emery ; il a parlé comme un homme qui sait et qui possède son sujet; c'est ainsi « que j'aime qu'on me parle. » Puis en sortant, il salua M. Emery avec une marque sensible d'estime et de respect.

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Peu de jours après avoir rendu ce témoignage courageux à la Papauté captive, M. Emery, âgé de 80 ans, mourut, heureux en cela que sa longue et sainte carrière ne pouvait se terminer plus glorieusement, ni devant Dieu ni devant les hommes.

Malheureusement les conseils de M. Emery avaient été invoqués trop tard. Mais oublions nos regrets : la Providence a ses voies qui ne sont pas les nôtres. Chaque temps a ses épreuves et ses secours. Chose étrange! Le neveu de Napoléon, le Président élu de la République française, vient d'écrire au représentant du successeur de Pie VII :

«La souveraineté temporelle du chef vénérable de l'Eglise est intime<ment liée à l'éclat du catholicisme comme à la liberté et à l'indépen

«dance de l'Italie.

ÉTABLISSEMENT PROVIDENTIEL DE LA SOUVERAINETÉ TEMPORELLE

DU SAINT-SIÉGE.

Nous avons étudié jusqu'à présent le dessein, et, si je l'ose dire, la pensée de Dieu dans l'établissement de la puissance temporelle du Saint

(1) Bossuet, Defens. déclar., lib. 1, sect. 1, cap. 16, page 275.

Siége: nous avons vu les graves motifs, la haute raison, et comme le droit providentiel et divin de cette souveraineté du Vicaire de Jésus-Christ. Aujourd'hui nous étudierons le fait, pour mieux confirmer encore le droit nous verrons historiquement par quelles voies admirables s'est accomplie la pensée, le dessein de Dieu sur son Eglise.

Quels sont donc, dans l'histoire, les titres de ce Principat sacré? y at-il au monde, pouvons-nous dire avec Bossuet, y eut-il jamais dans la suite des siècles, un Pouvoir dont les origines soient aussi pures et aussi nobles; un Etat fondé à la face du soleil sur des bases aussi légitimes, sur des faits aussi honorables?

Le grand génie de Bossuet en était frappé, en même temps que son cœur d'Evêque s'en réjouissait. Nous avons cité ses paroles. Un illustre publiciste (1) s'est exprimé de son côté en ces termes remarquables :

« Il n'y a pas en Europe de souveraineté plus justifiable, s'il est permis « de s'exprimer ainsi, que celle des Souverains Pontifes. Elle est comme « la loi divine, Justificata in semetipsa.

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«Mais ce qu'il y a de véritablement étonnant, c'est de voir les Papes « devenir Souverains sans s'en apercevoir, et même à parler exactement, « malgré eux. Une loi invisible élevait le Siége de Rome, et l'on peut << dire que le Chef de l'Eglise universelle naquit souverain. De l'échafaud « des martyrs il monta sur un trône qu'on n'apercevait pas d'abord, mais qui se consolidait insensiblement comme toutes les grandes choses. » En effet, aussi loin que l'on remonte, on trouve dans la Papauté une sorte de magistrature temporelle, assise, honorée et souveraine parmi les fidèles de Rome. La trace en est déjà sensible dans les annales de ces temps reculés, et pourrait être remarquée dans les Epitres même de saint Paul. Cette magistrature siégea d'abord aux Catacombes. Là, le Pontife, selon la doctrine et les exhortations du grand Apôtre (2), jugeait les premiers fidèles; et la souveraineté de cet auguste et pacifique arbitrage s'étendait à toutes leurs affaires mème séculières, à toutes les contestations qui pouvaient s'élever parmi eux et troubler la bonne harmonie des familles. Rien n'était plus humble, plus caché, plus inaperçu que celte magistrature : et toutefois, Rome païenne s'en troublait. Le Pape portait sur son front le caractère d'un sacerdoce si éminent, comme le dit Bossuet, que l'Empereur qui portait parmi ses titres celui de Souverain Pontife, le souffrait dans Rome avec plus d'impatience qu'il ne souffrait dans les armées un César qui lui disputait l'Empire.

Lorsqu'on sortit des Catacombes, cette magistrature, que la nécessité des temps, le respect et la confiance des premiers chrétiens avaient con(1) Le comte de Maistre.—(2) Cor. 1, ch. 6.

sacrée, resta bebout, pour recevoir des princes et des peuples les accroissements providentiels et successifs qui lui étaient réservés ; et pour devenir dans la suite des âges cette Souveraineté temporelle que nous voyons aujourd'hui, mais dont la Providence n'avait point encore prononcé le nom (1).

Cette opération cachée est un des spectacles les plus curieux de l'histoire. En effet, on ne trouve ici ni traité, ni combats, ni intrigues, ni usurpations (2) : en remontant, on arrive toujours à une Puissance établie comme d'elle-même ; Puissance paisible, désintéressée, bienfaisante, et à laquelle les peuples comme les princes, la chrétienté tout entière s'empresse de former un apanage indépendant,

C'est Constantin, c'est Théodose et tous les empereurs vraiment chrétiens; et puis, après la chute de l'empire d'Occident, c'est Pépin, c'est Charlemagne, Henri, Othon, la comtesse Mathilde qui apparaissent, visiblement choisis de Dieu pour constituer cette Souveraineté si précieuse à la dignité et à l'indépendance de l'Eglise. Mais la force des choses, comme nous l'avons fait observer déji, avait commencé ce grand ouvrage bien avant Constantin et les faits que l'histoire nous révèle ici ne sont pas les moins curieux de tous.

Dans le temps même des plus violentes persécutions, dans ces jours où l'Eglise romaine, glorieuse martyre du Seigneur, versait tout son sang au Colysée, elle exerçait déjà dans le monde entier, sur tous les fidèles dispersés, sa souveraineté spirituelle; et dès lors Dieu lui donnait convenablement tous les moyens temporels, tous les secours dont elle avait besoin pour l'exercice de cette autorité sacrée.

Mère et maîtresse de toutes les Eglises, l'Eglise de Rome était dès lors, comme elle devait l'ètre, la plus riche, la plus puissante et aussi la pius généreuse par ses libéralités.

Tous les fidèles, répandus sur la face de la terre, la vénéraient comme le centre de la catholicité et lui prodiguaient leurs biens, leur obéissance et leur amour. Ils ne voulaient pas que le Chef de la Religion et le Vicaire de Jésus-Christ fùt au-dessous des immenses besoins de son administration spirituelle; ils voulaient que le Pape pût suffire à toutes les exigences de la mission universelle qui lui était donnée, à toutes les énormes dépenses qu'il était obligé de faire, pour le salut de tant de peuples confiés à ses soins, et aussi pour les nations encore infidèles auxquelles il devait envoyer la lumière de la foi avec des Evêques, des prêtres, des diacres, des missionnaires apostoliques. De là les richesses de l'Eglise

(1) M. de Maistre.

(2) Ibid.

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