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de l'homme par l'homme, qui excite le pauvre contre le riche, et qui pousserait l'humanité tout entière vers une conflagration universelle, si elle était écoutée.

«Du reste, c'est peut-être un bien, Messieurs, que l'on ait soulevé ces terribles questions sur les souffrances du peuple, et sur les devoirs des riches à l'égard des pauvres, et voici pourquoi : c'est que l'on ne tardera pas à reconnaître l'insuffisance des moyens humains et légaux pour y apporter remède; et alors on sera forcément ramené aux moyens que la religion indique, c'est-à-dire à la charité chrétienne, mieux comprise, plus généralement et plus largement pratiquée. C'est une nouvelle épreuve ordonnée par la Providence, dont la religion aura tout l'honneur, comme il arrive toujours chaque fois que les hommes s'avisent de vouloir compter sans elle.

« La société, Messieurs, ne fut jamais menacée d'un plus grand danger qu'aujourd'hui. Regardez au loin et autour de vous, il n'y a plus d'autorité nulle part; plus de ces enthousiasmes et de ces puissantes convictions qui enfantent les grandes choses : les volontés individuelles prétendent ne relever que d'elles-mêmes; il n'y a plus de frein, parce qu'il n'y a plus de foi. Partout le pouvoir civil s'efface, parce que le pouvoir religieux, qui en est le fondement, est méconnu. Si notre Belgique, par le calme et la paix dont elle jouit au milieu de la tourmente générale, excite à bon droit l'envie des autres nations, c'est que les vieilles croyances de nos pères, qui sont le seul garant, le principal lien de notre nationalité, s'y maintiennent encore; c'est que cette vraie liberté de la religion et de l'enseignement, proclamée chez nous depuis près d'un quart de siècle, ignorée ou repoussée presque partout ailleurs, nous a été enfin assurée; c'est que cette liberté a donné à la plus belle et à la plus sainte des causes le moyen de se défendre, tandis qu'ailleurs elle était opprimée et au nom des peuples et au nom des rois, qui les uns et les autres recueillent aujour d'hui le fruit de ce qu'ils ont semé.

"

Attachons-nous de plus en plus à cette vieille foi, Messieurs. Parce que Dieu a frappé la catholicité tout entière dans la personne de son chef, maintenant fugitif, persécuté par des sujets aveugles et ingrats, gardons nous d'en conclure que la Croix soit ébranlée; elle s'élèvera, comme elle s'élève depuis dix-huit siècles,

au milieu de tous les orages, pour reparaître plus tard plus lumineuse et plus puissante; elle triomphera de ses ennemis, elle triomphera des peuples et des princes, s'il le faut, pour sauver encore une fois l'humanité.

« Je crains, Messieurs et chers Confrères, d'avoir trop abusé de votre indulgence en vous rappelant si imparfaitement des choses que vous connaissez mieux que moi, et que vous pratiquez chaque jour. Mais j'étais heureux, comme je l'ai dit en commençant, de pouvoir converser un instant avec vous, de comparer ce qui se fait ici avec ce qui se fait ailleurs, de m'instruire et de m'édifier au récit de tout le bien que vous opérez. Ce sera là, je l'espère, une excuse suffisante pour mériter votre indulgence.

« Je crois être l'interprète de votre pensée la plus chère, en adressant des remerciments au vénérable chef de ce diocèse, et aux dignes membres de son clergé qui veulent bien nous encourager de leur présence. Leur coopération est nécessaire au succès de notre entreprise, et nous serons toujours prêts à leur en renvoyer tout l'honneur. Nous osons la réclamer ici, au nom des pauvres dont ils sont les pères, et au nom de SAINT-VINCENTDE-PAUL dont nous sommes tous les disciples. Dans une œuvre toute nationale, toute charitable, toute chrétienne, nous comptons sur l'entière assistance de ces hommes, dont la charité, le patriotisme et la piété, ont porté si haut le nom du clergé belge par toute la chrétienté.... »

Après ce discours Monseigneur l'Évêque adresse aux membres de la Société quelques paroles d'encouragement; il les félicite des succès obtenus et les exhorte à redoubler d'efforts pour adoucir le sort des classes souffrantes et pour les moraliser. Il termine en appelant sur l'Association la bénédiction divine.

Un chœur chanté par les enfants de l'école, termine la séance qui est levée vers huit heures après la quête et la prière.

VII.

47

DE L'ENCYCLIQUE DU PAPE PIE IX,

RELATIVE

A L'IMMACULÉE CONCEPTION DE LA TRÈS-SAINTE VIERGE,

Du lieu de son exil, Pie IX s'est adressé à tous les Évêques de l'univers dans une Encyclique solennelle. Il leur demande d'instantes prières, et il appelle sur un objet qu'il désigne leur attention la plus grave et leurs plus mûres délibérations. Ce ne sont point toutefois, dans cette circonstance, les maux de l'Église et le bannissement de son chef qui préoccupent l'âme du Pontife. Placé au gouvernail de la barque de Pierre, tandis qu'elle est violemment agitée par la tempête, pilote tranquille et serein, il veille sans doute et confirme encore ses frères par son calme et son courage: mais il leur révèle aussi une douce et haute pensée que sa piété envers la Mère de Dieu lui a inspirée. Et avouons que cette sérénité d'âme qui s'élève ainsi au-dessus des tristes agitations de la terre, est un grand spectacle donné du monde.

La gloire de Marie, dans celui de ses ineffables priviléges, qui jusqu'ici semblait réservé aux hommages, non de la foi proprement dite, mais de la croyance et de la sympathie filiales des fidèles, voilà ce qui émeut le cœur du Pape exilé et suspend un moment ses amères douleurs. Il veut que toute la chrétienté élève ses mains et ses voix suppliantes, pour implorer les lumières célestes; il veut que tous les Patriarches, Archevêques et Évêques s'entourent de délibérations et de conseils. Il faut que l'Église entière, interrogée, réponde à son Père vénéré sur cette question, qui paraît toucher à une solution prochaine : convient-il de définir comme un dogme de foi catholique la Conception immaculée de la très-sainte Vierge?

Touchante condescendance, gracieuse expression de tendresse paternelle les enfants (car les pasteurs sont brebis à l'égard de Pierre), les enfants apporteront au cœur du Père commun, si cruellement déchiré, leurs consolations tout ensemble et leurs doctes et pieuses méditations, leurs vœux aussi et leurs saints dé

sirs pour le culte et l'honneur de celle qu'ils saluent tous depuis longtemps du nom sacré de Vierge conçue sans péché.

Ce sera donc une sorte de concile dispersé l'oracle qui descendra ensuite de la chaire de Pierre, sera ainsi mieux aimé à l'avance, et comme à l'avance aussi salué par des acclamations unanimes. A cet égard nos espérances ne sauraient être incertaines; et les sentiments manifestés dans ces derniers temps surtout en faveur de la Conception immaculée de Marie, par la plus grande partie du corps Épiscopal, annoncent la réalisation d'un vœu bien cher à l'âme des serviteurs de la Mère de Dieu.

Nous attendrons donc avec confiance le résultat des prières et des méditations des Évêques; nous ne nous permettrons d'insister sur aucun des motifs que leur science connaît, que leur piété apprécie, et qui militent en faveur de la définition dogmatique de la pieuse croyance. Mais il nous a semblé utile de préciser en peu de mots l'état de la question, et d'offrir aux pieux lecteurs de l'Ami de la Religion quelques explications qui pourraient leur faire défaut en cette matière, s'ils étaient étrangers aux études théologiques.

Quand nous enseignons que la Cenception de Marie a été immaculée, nous entendons, suivant les termes mêmes de la Bulle d'Alexandre VII en 1661, que :

• L'âme de la bienheureuse Vierge Marie, au moment de sa création et de son union avec le corps, a été douée de la grâce du Saint-Esprit et préservée du péché originel. »

Cette doctrine est la croyance commune des catholiques; mais jusqu'ici elle n'a point été admise ni définie comme un article de foi. Et l'Église entière délibère à cette heure sur l'invitation de son auguste Chef, pour savoir s'il conviendrait d'élever au rang des dogmes mêmes de la foi catholique l'Immaculée Conception de la très-sainte Vierge.

Il est certain que la révélation divine fut complète et entière au jour où Jésus-Christ eut cessé de parler sur cette terre. Impossible d'y rien ajouter non plus que d'en rien retrancher dans la suite des temps. Sans aucun doute, l'autorité infaillible de l'Église ne saurait créer un dogme nouveau qui ne serait point compris dans le dépôt originaire de la foi chrétienne.

Les définitions de l'Église, successivement décrétées par les

Papes ou par les conciles œcuméniques, ne sont donc ni une révélation nouvelle ni une addition quelconque faite à la parole même de Dieu. Cette parole divine, écrite ou transmise, est la seule source, la source obligée de toute définition dogmatique ; et la voix de l'Église promulguant un dogme est la déclaration souveraine et infaillible d'une vérité contenue dans le dépôt primitif de la révélation. Tous les théologiens sont d'accord sur ce point.

C'est ce qu'exprimait fort bien une plume amie dans ce recueil, en rendant compte d'un ouvrage remarquable du R. P. Perrone, sur la question même proposée par l'Encyclique (1) :

Toute croyance dogmatiquement définie doit faire partie de la révélation, être contenue par conséquent dans la parole divine...; car, si la parole de l'Église est pour notre foi la règle immédiate et vivante, elle-même a, dans la parole de Dieu, sa règle fondamentale et suprême. L'Église, par sa décision dogmatique, ne crée donc pas la vérité; elle ne fait ni le dogme, ni la révélation du dogme: elle en proclame l'existence avec une autorité infaillible, indéclinable. Le dogme que l'autorité proclame aujourd'hui, était hier : avant la décision, il existait dans sa substance; après la décision, il apparaît avec sa formule et il s'impose... »

Rien de plus vrai ; et il est vrai aussi que les théologiens catholiques du premier ordre, d'accord avec saint Thomas, n'ont fait aucune difficulté d'admettre une sorte de progrès et de développement explicite des croyances de l'Église ; c'est-à-dire que dans le dépôt de la révélation il peut se trouver et il se trouve des vérités à l'état latent, pour parler ainsi, et seulement implicites. Ces vérités existent et sont réellement révélées : mais Dieu dans sa sagesse n'a pas voulu qu'elles fussent tout d'abord manifestées au grand jour et promulguées comme des vérités de foi. Elles auront pu être librement recherchées par l'esprit de l'homme, ou même controversées; l'erreur aura pu être à cet égard soutenue et défendue sans hérésie : le Juge suprême n'avait point prononcé ; le champ du débat restait ouvert, et d'illustres champions y signalaient leur science et leur courage. Mais au moment venu pour le triomphe de la vérité, pour la manifestation solennelle de ce rayon de gloire divine que quelques nuages avaient paru voiler jusque-là, l'Église se recueille: elle interdit le combat; elle va puiser dans

(1) De immaculato B. V. Mariæ conceptu, an dogmatico decerto definiri possit. Disquisitio theologica Joannis Perrone è S. J.

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