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QUESTION ALLEMANDE.

Nous empruntons au Journal des Débats un article sur l'état de la Question allemande. C'est un tableau complet de la situation, une page d'histoire politique que tout le monde lira avec intérêt :

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<< Il faut suivre d'un peu près les relations échangées depuis trois semaines entre Francfort, Vienne et Berlin ; il faut surtout observer l'attitude des deux parlements de Berlin et de Francfort pour se représenter l'extrémité singulière où la Constituante germanique se trouve acculée en ce moment. La décision du 28 mars était un coup de désespoir comme aucune assemblée délibérante n'en a peut-être jamais risqué. Après une année de tâtonnements et de mécomptes, un jour était venu où, de guerre lasse et sans crier gare, on avait jeté, pour ainsi parler, un empire à la tête d'un empereur.

«La réponse rendue le 3 avril par le roi Frédéric-Guillaume a détruit les espérances. Aux offres qu'on lui portait en toute cérémonie, le roi n'a pas dit non, mais il n'a dit oui que sous deux conditions qui dérangent terriblement l'édifice qu'on avait voulu bâtir tout d'une pièce à Francfort. Le roi de Prusse ne se laissera faire empereur que du libre consentement des différents États, et sauf révision ultérieure de la Constitution allemande opérée d'un commun accord par les gouvernements.

« Or le premier dogme de la communion de Francfort, c'est que l'œuvre dont on est accouché à Saint-Paul est une œuvre immuable, que l'Allemagne s'y doit soumettre sans discussion, et que quiconque ne s'y soumet pas doit être retranché de l'Allemagne. Il était en soi si difficile d'amener des intérêts si divergents à s'entendre, qu'on a pris le parti de tout arranger pour eux et sans eux. On s'est flatté qu'on réussirait ainsi à les accommoder, rien qu'en leur imposant l'accommodement tout fait. On s'est même engagé d'honneur à n'y rien changer, et les sages de Francfort, en s'instituant les ordonnateurs infaillibles de la grande patrie unitaire, les architectes souverains du nouveau corps germanique, se sont promis de ne point compter avec les membres.

« Maintenant que les membres n'ont pas l'air de se résigner tous, et qu'en attendant leur adhésion le diadème impérial, restant toujours en l'air, ne pose plus sur rien, comment va-t-on sortir de la mauvaise passe

où l'on s'est trop bravement enfoncé? Reculer, acheter un empereur à force de concessions qui lui façonnent un empire à son gré, souffrir que l'on touche à la Constitution après avoir juré de la maintenir intacte, c'est se manquer beaucoup à soi-même. Avancer, marcher sur le corps des rois pour se tirer de l'embarras où l'on s'est fourvoyé en prétendant organiser une royauté sans eux, c'est aller à la république, et il en coûtera cruellement aux monarchistes constitutionnels de la droite d'accompagner jusque-là les radicaux de la gauche, dont une folle passion d'unité les a rendus désormais les alliés trop dociles.

« Voilà pourtant la situation où l'on est à Francfort depuis la réponse de la Prusse au vote du 28 mars, et de jour en jour les événements compliquent et tendent davantage cette situation périlleuse. De part et d'autre, on s'éloigne plus qu'on ne se rapproche.

<< Il est évident que le cabinet de Berlin ne se montrait point très-empressé d'accepter la grandeur dont on l'investissait à Francfort. Cependant, après le premier dépit causé par cette froideur, les unitaires ont gagné sur eux-mêmes de ne pas la considérer comme un refus; ils ont encore essayé de traîner en longueur et de temporiser. Le parlement de Francfort a laissé expressément aux États particuliers le loisir de la réflexion, le délai que la note du 3 avril indiquait.

Mais on n'en devait pas rester à ces ménagements: la question de l'unité allemande peut bien avoir été posée dans les assemblées et dans les cabinets par des esprits modérés et systématiques; elle n'en est pas moins devenue une question révolutionnaire et passionnée; elle est entrée dans le domaine des partis extrêmes, elle en subira la loi, et n'en sortira plus. « Nous avons déjà expliqué comment à Francfort les hommes de la droite s'étaient inclinés sous l'alliance de la gauche, pour obtenir le vote du 28 mars. Le mauvais succès de leur campagne les enchaîne maintenant à cette alliance, et la coalition unitaire aboutit purement et simplement à subordonner, en tout, les conservateurs aux adversaires qu'ils ont si longtemps combattus.

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« C'est ainsi que, le 11 avril, il s'est trouvé 279 voix contre 159 pour voter la proposition de M. Kierulf, c'est-à-dire pour déclarer, à l'encontre de la circulaire prussienne, que l'assemblée de Francfort maintiendrait invariablement la Constitution avec la loi électorale, son annexe, et, quelque chose de plus grave, pour nommer une commission de trente membres, une sorte de comité de salut public chargé de veiller à ce que cette déclaration fût exécutoire.

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<< Par une coïncidence trop remarquable, ce vote n'est qu'une répétition presque littérale des résolutions formulées à Heidelberg, le 5 avril, dans

un conciliabule qui s'intitulait ouvertement club républicain, et dont le président, M. Simon, de Trèves, a proclamé qu'il aimerait mieux tenir son mandat de l'insurrection que de la loi.

« Aussi qu'est-il arrivé? La gauche a peuplé ce comité des trente à l'exclusion de la droite. Il est vrai qu'au sein de ce comité, pas plus qu'au sein même de l'assemblée, on n'est encore parvenu à s'accorder sur rien; mais rien non plus n'arrête les unitaires dans leur fougue de concentration nationale. Ces théoriciens, qui ne veulent qu'une seule Allemagne, sont tout disposés à la faire aussi petite qu'il faudra pour l'avoir tout de suite, par conséquent, à diviser encore plus profondément l'ancienne.

« Le parti unitaire affecte même de s'appeler le parti de la petite Allemagne, et pour réduire la grande Allemagne à cet étroit noyau où l'on veut à tout prix la ramasser, des hommes connus jusqu'alors par la sagesse libérale de leurs opinions, aveuglés dorénavant par leurs préjugés de logique et d'histoire, descendent à toutes les extrémités de l'agitation populaire. Le lendemain du vote qui avait constitué le comité des trente, il y a eu dans l'église de Sainte-Catherine, à Francfort, une réunion extra-parlementaire dans laquelle on a publiquement signifié que l'on défendrait par la force les décrets de l'assemblée, que l'on placerait au besoin l'assemblée sous la protection des masses. M. Mittermaier, le respectable jurisconsulte de Heidelberg, s'est fait là presque aussi violent que M. Simon.

« L'appel au peuple, l'appel à l'insurrection, telle serait donc la dernière ressource d'un pouvoir qui, sorti d'une révolution, a fait cependant l'année dernière, on lui doit cette justice, d'honorables efforts pour la gouverner. Il céderait à la fatalité de son origine. Les masses répondront-elles à cette étrange excitation? Rien n'est impossible dans ce temps de coups de main.

« Même pente à Berlin qu'à Francfort. La gauche s'empare du terrain où la droite s'est imprudemment aventurée. Pendant qu'on se refroidit beaucoup dans les cercles vraiment politiques au sujet de la perspective impériale ouverte à la Prusse par le vote de Francfort, M. Rodbertus vient de demander l'urgence dans la seconde chambre pour une série de propositions qui mettraient immédiatement le parlement prussien à la suite du parlement central.

<< Les gens de sang-froid se disent avec raison à Berlin qu'il faut prendre garde de ruiner- la Prusse tout en pensant édifier l'Allemagne, que cet empire dont on investirait la maison de Brandebourg est gros de chances mauvaises, que cet enthousiasme unitaire n'est peut-être pas de nature à survivre aux circonstances, et que la Prusse serait fort empêchée de gouverner l'Allemagne, le jour où les tendances séparatistes des États parti

culiers se coaliseraient contre elle les passions démagogiques auxquelles la loi électorale de Francfort assure une si grande part, dans la représentation nationale.

<< Nous regrettons sincèrement les illusions et les excès de ce faux pa triotisme. C'est en poussant à une déplorable rigueur les conséquences de la doctrine unitaire, c'est en tâchant de centraliser quand même un pays naturellement disposé pour une autre organisation, que l'on a brutalement refoulé l'Autriche vers une alliance contraire à ses propres intérêts.

« On a prétendu absorber ou démembrer l'Autriche; il y a tel paragraphe dans la Constitution de Francfort qui ne va pas à moins; l'Autriche, menacée, se retourne et s'appuie sur la Russie; l'appui est dangereux ; il n'a jamais profité au cabinet de Vienne; mais cet appui du moins lui permet de tenir le langage qu'il tient encore à Francfort, au milieu des embarras qui l'assiégent: Notes blessantes, rappel injurieux des députés autrichiens, maintien plus injurieux encore de l'archiduc Jean à son poste de lieutenant-général d'un empire qu'on ne reconnaît pas, rien n'est épargné pour écraser moralement la Constitution germanique. On sent derrière cette violence, un ennemi plus intéressé que l'Autriche à ruiner toute force commune en Allemagne, et cet ennemi n'aurait pas le beau jeu qu'il a, si, au lieu d'organiser cette force dans des conditions raisonnables et vraies, on ne s'était point appliqué à la surexciter en lui proposant un but chimérique. Ce sont les exagérations de Francfort qui provoquent et qui couvrent les empiétements de Saint-Pétersbourg.

«La belle avance d'avoir recueilli les adhésions de vingt-huit États souverains au profit d'un empire militaire, démagogique et prussien! Il y manque justement celle des quatre royaumes allemands qui ont tout de bon des armées, et, pour comble de malheur, on entend la Russie parler plus haut à l'Allemagne qu'elle ne l'a jamais fait, même en 1815. La politique révolutionnaire ne produit pas d'autres fruits. »

VII.

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DE LA POLITIQUE DE PIE IX.

Au moment où la Providence divine, daignant se servir du bras de la France pour aider à cette œuvre de réparation et de justice, va rétablir sur son tróne pontifical l'auguste et magnanime Pie IX, il convient, ce nous semble, de jeter un regard en arrière sur les trois années de ce Pontificat déjà si grandement rempli.

Il ne manque pas en effet d'hommes bien ou mal intentionnés, qui se permettent, avec l'accent de l'affliction ou avec une hautaine et dédaigneuse critique, de prononcer un blâme plus ou moins réservé sur les actes politiques du Souverain-Pontife.

Et ce ne sont pas seulement ces intelligences chagrines et étroites, ces demeurants d'un autre âge,'qui n'ont jamais su, quand ils en avaient la puissance, que précipiter à l'abime les rois dont ils étaient les conseillers, et qui n'ont pas eu toujours, comme en France, le tardif et respectable courage de mourir pour ceux qu'ils avaient entraînés à la ruine.

Ce ne sont pas non plus ces révolutionnaires de tout étage, chez qui la rage de l'impiété allume et aigrit encore les passions anarchiques, qui essaient de lancer leurs injures impuissantes contre le généreux Prince dont le plus grand crime à leurs yeux est d'être le Vicaire de N. S. Jésus-Christ, et qui, après l'avoir salué de leurs louanges hypocrites, voudraient aujourd'hui l'abreuver d'outrages.

Non, il s'agit ici de ces gens honnêtes, mais d'une faiblesse de jugement déplorable ou d'une inconcevable légèreté d'esprit, qui se déterminent par l'impression du moment, aussi prompts à applaudir au succès qu'à blâmer l'infortune, injustes à force d'être irréfléchis, ne tenant compte ni des nécessités passées, ni des difficultés présentes; défiants de l'avenir, parce qu'ils croient trop à la prudence humaine, et trop peu au gouvernement de la Providence; dévoués d'ailleurs à la cause de la vérité et de la justice, mais ne l'aimant que de ce timide amour qui applaudit à son triomphe, et non pas de cette forte et robuste affection, qui ne la

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