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tous les mérites, également brutale pour toutes les personnes. Je le sais très-bien l'œuvre de ce jour-là n'est pas l'œuvre du peuple dans aucun des sens honorables et dignes que l'on peut donner à ce mot de peuple. Mais je n'en répète pas moins que si la politique ne se fût pas autant renfermée en elle-même; si, au lieu d'étudier exclusivement la chambre, elle eût étudié un peu plus le pays; si elle se fût demandé, pendant qu'elle s'en allait en rivalités particulières et en tournois oratoires, où allaient les masses; si elle eût surveillé leurs instincts, leur direction, leurs pentes; si elle eût eu, comme dans les premières années de LouisPhilippe, le bon sens de les appeler de temps en temps à soi en leur montrant un danger sérieux sous des questions secondaires en apparence; si elle eût eu pour les masses quelques avertissements, quelques conseils, en un mot, quelques paroles; si elle ne les eût pas abandonnées au seul contact, au seul commerce, à la seule parole des docteurs qui les pervertissaient; si elle n'eût pas laissé à un seul parti, que dis-je? ce n'était pas même un parti, mais à une seule coterie de conspirateurs, le droit exclusif de parler au peuple ; si tout lien n'eût pas été brisé, toute communication interrompue entre elle et les classes inférieures; si, contre le faux peuple de l'émeute, le vrai peuple eût été averti et en éveil : ce n'eussent pas été quelques mesures mal prises, quelques ordres tardivement donnés, quelques hésitations ou quelque étonnement de la force militaire, qui eussent livré la France tout entière à un coup de main tenté par les Cosaques de la rue.

Voilà, je crois, le mal dont nous avons à nous guérir l'absence de lien, de communication, de rapports entre les classes inférieures et les classes élevées, les classes politiques surtout. Il y a une barrière, dans ce pays où toutes les barrières légales sont tombées, au delà et en deçà de laquelle on ne sait rien les uns des autres. Je ne suis pas de ceux qui font état de flatter les classes inférieures : mais tout le mal que l'on peut dire d'elles ne fera que rendre ma conclusion plus pressante. Elles sont ignorantes, instruisez-les; aveugles, éclairez-les; passionnées, modérez-les; grossières, élevez-les. Car elles sont robustes, et vous ne pouvez pas les affaiblir. Mais pour les élever et les éclairer, il faut que la barrière soit levée, que la parole passe de l'une à l'autre, que ces hommes puissent entendre ce que vous dites, lire ce que vous écrivez. Une

nation bien constituée a toujours des chefs, et surtout une nation libre a des chefs qu'elle peut changer souvent, mais qu'elle connait. En France, aujourd'hui, il y a des ministres, il y a des hommes d'État, des politiques, des écrivains, des littérateurs : des chefs, point. Pas un homme dont le nom seulement soit connu de tout le peuple. Demandez à un paysan ce que c'est que M. Thiers. Comptez combien il y a de Français qui sachent seulement le nom de M. Barrot, Il en résulte que les hommes les plus habiles le sont souvent en pure perte, parce que toute leur habileté ne leur donne pas cette influence générale, profonde, populaire, qui peut sauver le pays aux jours de crise! Les noms les plus puissants, les plus honorés parmi ceux qui figurent dans le monde politique et auxquels on attribue quelque influence, soulèveront-ils seulement un village? Persuadera-t-on à un seul hameau de se soumettre ou de résister, d'agir ou de s'abstenir parce que ce sera l'avis de M. Guizot? Une révolution sera-t-elle acceptée ou repoussée, parce qu'elle portera ou ne portera pas le contre-seing de M. Barrot? Je demande pardon de citer des noms propres, mais je les cite par cela même qu'ils ont une valeur intellectuelle, morale, politique, incontestable à nos yeux. Cette valeur fait ressortir davantage le peu de popularité des hommes politiques en France, ou, pour mieux dire, de la politique française. Elle s'est tenue trop haut, non par dédain, mais par oubli. Elle n'a laissé arriver au peuple que les noms peut-être qu'il devrait le moins connaître, les noms les moins sérieux, pour ne rien dire de pis. Il n'y a que ces hommes-là qui parlent; par conséquent il n'y a que ceux-là qui soient connus, qui exercent une influence, dont le nom soit un drapeau. MM. Proudhon, Raspail et Cabet sont de plus grands hommes au village que MM. Thiers, Guizot et Molé !

Ainsi, pas de chef, pas d'étendard qu'on puisse suivre, pas de ces noms propres qui décident pour ou contre, toute une masse d'hommes. Qu'on ne s'étonne donc pas si aux jours de crise la nation erre flottante, si elle se laisse surprendre par le premier agitateur, si une coterie qui est commandée l'emporte toujours sur un peuple entier que nul ne commande. Une révolution s'est faite au 24 février parmi les hommes éminents de la politique. quel est celui qui l'a prévue, qui l'a prévenue, qui l'a voulue, qui l'a combattue, qui l'a aidée? Un mouvement de réaction a eu lieu

au 10 décembre et cette fois encore, parmi ces hommes que je rappelle, quel est celui qui en a donné le signal, qui l'a préparé; qui l'a conçu, qui l'a conduit? Tous ont suivi à la remorque, plus ou moins tardivement, l'impulsion que les masses leur donnaient. O grands hommes, que vous êtes petits, puisque ce souverain aveu gle et changeant qu'on appelle peuple, est bien en réalité votre souverain!

A ce mal, le remède est simple; il faut faire autrement qu'on a fait parler au peuple, écrire pour le peuple. Le peuple a du bon sens, et certes il en a beaucoup, puisque, livré à peu près exclusivement aux seules prédications du socialisme, il y résiste encore et avec énergie: mais enfin le peuple est peu instruit, il est mobile; les belles promesses peuvent le séduire, et sa grande erreur, comme sa grande faiblesse, a toujours été de ne pas savoir distinguer entre ceux qui lui parlent, et de prendre facilement ses séducteurs pour ses amis. Ce que les classes élevées doivent surtout à leur éducation, c'est bien moins une connaissance plus utile des choses qu'une pénétration plus facile des hommes. Or, actuellement le peuple n'entend guère qu'une voix, celle de ses ennemis; il n'y a de pamphlets pour lui que les pamphlets révolutionnaires; il n'y a de journaux, que les journaux socialistes; il n'y a de réunions, que les clubs et les banquets de la Montagne. La société ne se fait connaître au paysan que par le percepteur qui lève la dime de sa maigre fortune; au soldat, que par le caporal qui le met aux arrêts; à l'ouvrier, que par le patron qui, sans être dur, est toujours pour lui une sorte d'adversaire. Et vous voulez que le paysan, que le soldat, que l'ouvrier résiste longtemps, aidé de son seul bon sens, et tienne fermement la bonne voie, entre un parti social qui ne lui parle que d'impôts à payer et de nécessités à subir, sans un mot pour les justifier, et un parti socialiste ou antisocial qui ne parle que de jouissances, de rêves magnifiques, de satisfactions féeriques que la baguette gouvernementale peut en un instant lui donner!

Soyons donc un peu moins philosophes, un peu moins académiques, un peu moins éloquents. Qu'il y ait de grands journaux et de la logique savante pour la bourgeoisie aisée et toute convertie à l'ordre public; c'est une spéculation tout à fait licite que de fournir ainsi des aliments à leur esprit et d'entretenir le luxe de

leur intelligence. Mais à côté de cette industrie, il y a une œuvre d'une autre nature, qui n'est pas de luxe, mais de première nécessité, je ne dirai pas seulement dans un pays où tout le peuple vote, mais dans un pays où l'on a seulement pris l'habitude de se servir de son nom pour faire des révolutions. Cette œuvre n'est plus une industrie, c'est une mission. Mettons la vérité à bon marché; les journaux du socialisme arrivent dans les hameaux, que les nôtres y arrivent; ils font de la révolution à deux sous, faisons de la raison, du bon sens, de la vérité à deux sous. Parlons la langue de ces trente-cinq millions d'hommes qui ne savent pas le français de l'Institut; ou, pour mieux dire, qui ne comprennent ou ne sentent ni les belles pages de M. Guizot, ni les déductions si lucides pourtant de M. Thiers, ni les savants traités de l'Académie, dans lesquels la pensée est lumineuse, mais je dirais volontiers qu'elle est trop simple pour le peuple; qui comprennent, ou plutôt, qui sentent un autre langage: M. Proudhon vous dira bien lequel.

J'avais encore beaucoup à ajouter; mais ma pensée s'est étendue au-delà de mon attente. Si ma causerie ne vous fatigue pas, j'essaierai dans une lettre de vous dire un mot de cette propagande populaire au point de vue religieux.

(L'Ami de la Religion.)

FR.

DE CHAMPAGNY.

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Cinq erreurs : 1o de ceux qui croient pouvoir constituer l'enseignement scientifique à l'écart de l'enseignement religieux; 2o de ceux qui croient pouvoir séparer l'instruction morale de l'instruction religieuse; 5o de ceux qui pensent que l'éducation n'est exclusivement que dans l'instruction morale et religieuse; 4o de ceux qui s'imaginent que, dans notre pensée, l'instruction et l'éducation religieuse impliquent l'enseignement donné par des ecclésiastiques ou des religieux; 5o de ceux qui, au nom de cette maxime: enseignement laïc, charité laïque, prétendent exclure de l'enseignement et de la charité, l'élément de la foi et les institutions de l'Eglise.

L'objet qui nous rassemble est la fondation d'une institution gratuite pour l'éducation des pauvres. Le zèle du pasteur éclairé de cette première paroisse de la capitale, l'a déjà dotée, avec votre généreuse coopération, d'une école confiée à l'expérience des Frères des écoles chrétiennes. Son désir est de compléter aujour d'hui, par le persévérant concours de votre charité, le don fait à ses pauvres, en ouvrant une école tenue par les Sœurs d'un institut fort répandu déjà en Belgique et partout béni des familles qui ont ressenti les salutaires effets de son dévouement.

Nous avons été assez heureux de pouvoir nous associer ici, il y a quelques années, à la première de ces bonnes œuvres, et nous remercions Dieu de l'occasion que sa Providence nous donne de vous convier encore à établir et à soutenir la seconde. Nous l'en remercions d'abord, parce que c'est une grâce imméritée de nous trouver mêlé à ces actes de la bienfaisance chrétienne, mais aussi, parce que ce nous est un bonheur de devoir vous parler ici, au centre de notre chère patrie, d'un sujet qui touche à trois questions éminemment sociales, la question de l'enseignement et de

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