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et y avoit fait sa prière. Ammien Marcellin affirme qu'en ce moment même il professoit secrètement le paganisme 1. Qu'est-ce donc que le parjure avoit dit à Vienne au Dieu des chrétiens?

Constance se préparoit à repousser l'invasion: il meurt à Mopsucrène, en Cilicie, après avoir été baptisé par Euzoïus, de la communion arienne.

Le sénat de la nouvelle capitale se range du côté de la fortune ; Julien entre dans sa ville natale, que Constance, dit-il, aimoit comme sa sœur, et que lui Julien aimoit comme sa mère 2. Constantinople chrétienne reçoit l'idolâtrie ainsi que Rome païenne avoit reçu l'Évangile.

Une commission établie à Chalcédoine jugea les ministres de Constance: Paul, Apodème et l'eunuque Eusèbe furent justement punis ; d'autres subirent injustement la mort et l'exil.

La cour éprouva une réforme totale: on congédia des milliers de cuisiniers et de barbiers. Un de ces derniers se présente superbement vêtu pour couper les cheveux au successeur de Constance : « Je n'ai pas demandé un trésorier, dit Julien, mais un barbier 3. » Les agents, au nombre de plus de dix mille, furent réduits à dix-sept, les curieux et autres espions abolis.

Maintenant il convient de connoître plus intimement l'homme qui at pris dans l'histoire une place tout à part, en opposant son génie et sa puissance à la transformation sociale dont les peuples modernes sont sortis.

1. Adhærere cultui christiano fingebat a quo jampridem occulte desciverat. (Lib. xx.)

2. Ó μὲν γὰρ αὐτὴν ὡς ἀδελφὴν, ἐγὼ δὲ ὡς μητέρα φιλῶ. (JULIAN., epist. 58.) 3. Ego non rationalem jussi, sed tonsorem acciri.

JULIEN

emp. DUMAS

pape.

An de J.-C.

362-363.

DEUXIÈME DISCOURS.

DEUXIÈME PARTIE.

DE JULIEN A THÉODOSE per.

Lorsque Julien fut relégué à Athènes par Constance, saint Basile et saint Grégoire de Nazianze s'y trouvoient. Le dernier nous a laissé un portrait de l'apostat où se reconnoît l'inimitié du peintre. « Il étoit de médiocre taille, le cou épais, les épaules larges, qu'il haussoit et remuoit souvent, aussi bien que la tête. Ses pieds n'étoient point fermes ni sa démarche assurée. Ses yeux étoient vifs, mais égarés et tournoyants; le regard furieux, le nez dédaigneux et insolent, la bouche grande, la lèvre d'en bas pendante, la barbe hérissée et pointue; il faisoit des grimaces ridicules et des signes de tête sans sujet; rioit sans mesure et avec de grands éclats; s'arrêtoit en parlant, et reprenoit haleine; faisoit des questions impertinentes et des réponses embarrassées l'une dans l'autre, qui n'avoient rien de ferme et de méthodique'. »

Ammien Marcellin, qui voyoit Julien en beau, conserve pourtant dans le portrait de ce prince quelques traits de celui de Grégoire de Nazianze 2; et Julien lui-même, dans le Misopogon, semble attester la fidélité malveillante du pinceau chrétien.

1. Cette traduction n'est pas tout à fait exacte, et n'a pas surtout l'apreté de l'original; mais il y a quelque chose de si simple, de si naturel, de si grave dans le style de Fleury, que je n'ai pas eu la témérité d'entreprendre de refaire ce qu'il a fait. Fleury et Tillemont sont deux hommes qui ne permettent pas qu'on retouche ce qu'ils ont touché. Le dernier a du génie à force de savoir, de conscience et d'exactitude. Il est en présence des faits et des hommes comme un chrétien des premiers siècles en présence de la vérité: il aimeroit mieux mourir que de faire un mensonge. Son style incorrect, sauvage et nu, est mêlé de choses qui étonnent. C'est ainsi que, peignant les derniers moments de Julien, il dit, dans le langage des Pères de l'Église «ll mourut dans la disgrace de Dieu et des hommes. >>

"

2. Mediocris erat staturæ, capillis tanquam pexisset mollibus, hirsuta barba in acutum desinente vestitus, venustate oculorum micantium flagrans, qui mentis ejus angustias indicabant, superciliis decoris et naso rectissimo, ore paulo majore, labro

«La nature, comme je le présume, n'a pas donné beaucoup d'agréments à mon visage, et moi, morose et bizarre, je lui ai ajouté cette longue barbe pour lui infliger une peine, à cause de son air disgracieux. Dans cette barbe, je laisse errer des insectes', comme d'autres bêtes dans une forêt. Je ne puis boire ni manger à mon aise, car je craindrois de brouter imprudemment mes poils avec mon pain. Il est heureux que je ne me soucie ni de donner ni de recevoir des baisers...

« Vous dites qu'on pourroit tresser des cordes avec ma barbe: je consens de tout mon cœur que vous en arrachiez les brins; prenez garde seulement que leur rudesse n'écorche vos mains molles et délicates.

« N'allez pas vous figurer que vos moqueries me désolent : elles me plaisent; car enfin, si mon menton est comme celui d'un bouc, je pourrois en le rasant le rendre semblable à celui d'un beau garçon ou d'une jeune fille sur qui la nature a répandu sa grâce et sa beauté. Mais vous autres, de vie efféminée et de mœurs puériles, vous voulez jusque dans la vieillesse ressembler à vos enfants ce n'est pas comme chez moi, aux joues, mais à votre front ridé, que l'homme se fait reconnoître.

« Cette barbe démesurée ne me suffit pas : ma tête est sale; rarement je la fais tondre; je coupe mes oncles rarement, et j'ai les doigts noircis par ma plume.

« Voulez-vous connoître mes imperfections secrètes? Ma poitrine est horrible et velue comme celle du lion, roi des animaux. Je n'ai jamais voulu la peler, tant mes habitudes sont brutes et abjectes. Je n'ai jamais poli aucune partie de mon corps: franchement, je vous dirois tout, quand j'aurois même un poireau comme Cimon 2. »

inferiore demisso, opima et incurva cervice, humeris vastis et latis, ab ipso capite usque unguium summitates lineamentorum recta compagine, unde viribus valebatet cursu. (Amm., lib. xxv, cap. iv.) D'après ce portrait, Julien avoit les cheveux doux, les sourcils charmants, le nez tout à fait grec; la beauté de ses yeux étincelants annonçoit que son âme étoit mal à l'aise dans l'étroite prison de son corps. Si on lit argutias au lieu d'angustias dans le texte, on retrouveroit les yeux vifs, mais égarés et tournoyants, qu'attribue à Julien saint Grégoire de Nazianze.

1. Discurrentes in ea pediculos.

2. Spanheim a traduit le Misopogon; La Bletterie en a donné une autre traduction avec celle des Césars et de quelques lettres choisies; le marquis d'Argens a traduit, sous le nom de Défense du Paganisme, ce que saint Cyrille d'Alexandrie nous a conservé de l'ouvrage de Julien contre les chrétiens; enfin, M. Tourlet a publié une traduction complète des œuvres de cet empereur. Je me suis aidé des excellents travaux de mes devanciers, sans adopter tout à fait leur version. La traduction du Misopogon de La Bletterie, que M. Tourlet a conservée en la corrigeant, est élégante,

Et c'est le maître du monde qui parle de lui de cette façon! Mais cette humilité brutale est l'orgueil de la puissance.

Julien avoit des vertus, de l'esprit et une grande imagination : on a rarement écrit et porté une couronne comme lui. Il détestoit les jeux, les théâtres, les spectacles; il étoit sobre, laborieux, intrépide, éclairé, juste, grand administrateur, ennemi de la calomnie et des délateurs. Il aimoit la liberté et l'égalité autant que prince le peut; il dédaignoit le titre de seigneur ou de maître. Il pardonna dans les Gaules à un eunuque chargé de l'assassiner.

Un jour on lui signala un citoyen qui, disoit-on, aspiroit à l'empire, parce qu'il faisoit préparer en secret une chlamyde de pourpre. Julien chargea l'officieux ami du prince légitime de porter à l'usurpateur · une paire de brodequins ornés de pourpre, afin qu'il ne manquât rien au vêtement impérial'. La loi défendoit sous peine de mort de fabriquer pour les particuliers une étoffe de pourpre; un usurpateur étoit réduit, dans le premier moment de son élection, à voler la pourpre des enseignes militaires et des statues des dieux.

Maris, évêque arien de Chalcédoine, insultoit Julien, qui sacrifioit dans un temple de la Fortune. Julien lui dit : « Vieillard, le Galiléen ne te rendra pas la vue. » Maris étoit aveugle. « Je le remer

mais elle ne dit pas tout l'original. La Bletterie, d'ailleurs homme d'esprit, de raison, d'instruction et de talent, est resté dans l'ironique; il n'a pas osé aborder le sardonique; il a eu peur de l'effronterie des mots : je ne parle pas du collectif messieurs adressé aux habitants d'Antioche, petite politesse de notre bonne compagnie, qu'il étoit aisé de faire disparoître. La Bletterie croit que Julien calomnie sa barbe, je le pense aussi; il est probable qu'il répétoit les railleries des Antiochiens, ou qu'enchérissant lui-même sur ces railleries, il exagéroit ses défauts pour tomber de plus haut sur les vices contraires de ses détracteurs. Nous voyons Julien se baigner dans une maison de campagne, se faire couper les cheveux en arrivant à Constantinople: cela n'annonce pas un homme si indifférent au soin de sa personne. Saint Augustin, dont la philosophie n'étoit pas, il est vrai, celle de Julien, pense que la propreté est une demi-vertu.

M. Tourlet a réuni plusieurs fragments de Julien qui ne se trouvent pas dans les anciennes éditions de ses œuvres. Il a rendu ainsi un véritable service aux lettres; mais la grande découverte à faire seroit celle de l'Histoire des Guerres de Julien dans les Gaules. Cet ouvrage est perdu, tandis que des discours assez insignifiants se sont conservés. Cela vient en partie de l'esprit du siècle où vivoit Julien on attachoit une extrême importance aux écrits dogmatiques de l'apostat pour les admirer ou les combattre, et l'on se soucioit peu de ce qui étoit en dehors des controverses religieuses. C'est ainsi que Cyrille d'Alexandrie, dans ses dix livres Pro sancta christianorum Religione adversus libros athei Juliani, nous a transmis une grande partie de l'ouvrage de cet empereur contre la religion chrétienne.

1. Jubet periculoso garritori pedum tegmina dari purpurea ad adversarium perferenda. (AMM.)

cie, répondit l'évêque, de m'épargner la douleur de voir un apostat comme toi'. » L'empereur supporta cet accablant reproche.

Delphidius, célèbre avocat de Bordeaux, plaidoit devant Julien contre Numerius, accusé de concussion dans le gouvernement de la Gaule Narbonnoise; Numerius nioit les faits. « Qui ne sera innocent, s'écria l'avocat, s'il suffit de nier? »> — « Qui sera innocent, repartit Julien, s'il suffit.d'être accusé ??»>

D'autres avocats louoient Julien : « Je me réjouirois de vos éloges, leur dit-il, si vous aviez le courage de me blâmer3. »

Un certain Thalassius étoit dénoncé par le peuple d'Antioche comme exacteur et comme ancien ennemi de Gallus et de Julien. « Je reconnois, dit l'empereur, qu'il m'a offensé; c'est ce qui doit suspendre vos poursuites jusqu'à ce que j'aie tiré raison de mon ennemi. » Il pardonna à l'accusé 1.

Un homme vint se prosterner à ses pieds dans un temple, criant merci pour sa vie. « C'est Théodote, lui dit-on, chef du conseil d'Hiéraple, qui jadis demandoit votre tête à Constance. » << Je savois cela depuis longtemps, répondit l'empereur. Retourne en paix à tes foyers, Théodote. J'ai à cœur de diminuer le nombre de mes ennemis et d'augmenter celui de mes amis 5. >>

Une femme plaidoit contre un domestique militaire renvoyé du palais; elle n'avoit osé l'assigner tant qu'il avoit été en faveur. Celui-ci se présente à l'audience impériale avec la ceinture de son emploi ; la femme se croit perdue, présumant que son adversaire est rentré en grâce : « Femme, dit Julien, soutiens ton accusation; le défendeur n'a mis sa ceinture que pour marcher plus vite dans la boue; elle ne peut rien contre ton droit. >>

La publication du Misopogon tient à la même élévation de nature:

1. Illum (Julianum) graviter objurgavit, impium et apostatam vocans et religionis expertem. At ille conviciis reddens convicia cœcum eum appellavit: Neque vero, inquit, Deus tuus galilæus te unquam sanaturus est. Gratias, inquit Maris, ugo Deo, qui me luminibus orbavit, ne viderem vultum tuum, qui in tantam prolapsus es impietatem. (SOCRAT., Hist. eccles., lib. II, cap. xII, pag. 150.)

2. Ecquis innocens esse poterit, si accusasse sufficiet? (AMM.)

3. Gaudebam plane præ meque ferebam si ab his laudarer quos et vituperasse posse adverterem, si quid factum sit secus aut dictum. (Id.)

4. Agnosco quem dicitis offendisse me justa de causa; et silere vos interim consentaneum est dum mihi inimico potiori faciat satis. (Id.)

5. Abi securus ad lares, exutus omni metu, clementia principis qui, ut prudens definivit, inimicorum minuere numerum augereque amicorum sponte sua contendit ar libens. (AMM.)

6. Prosequere, mulier, si quid te læsam existimus: hic enim sic cinctus est ut expeditius per lutum incedut; at parum nocere tuis partibus potest. (Id.)

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