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goths pendant l'apparition de Glycerius s'étoient montrés en Italie. Les autres barbares, qui opprimoient plus qu'ils ne défendoient ce malheureux pays, avoient alors pour chef Oreste, ce secrétaire d'Attila dont je vous ai déjà parlé. A la mort du roi des Huns, il passa au service des empereurs d'Occident, sous lesquels il devint patrice et maître général des armées; il avoit eu un fils d'une mère inconnue, ou peutêtre de la fille de ce comte Romulus que Valentinien envoya en ambassade auprès d'Attila. Ce fils est Romulus Auguste, surnommé Augustule humiliez-vous, et reconnoissez le néant des empires!

Oreste refusa la pourpre que lui offroient ses soldats, et en laissa couvrir son fils'. Les Scyres, les Alains, les Rugiens, les Hérules, les Turcilinges, qui composoient ces défenseurs redoutables des misérables Romains, enflammés par l'exemple de leurs compatriotes établis en Afrique, dans les Espagnes et dans les Gaules, sommèrent Oreste de leur abandonner le tiers des propriétés de l'Italie; il leur crut pouvoir résister. Odoacre (peut-être fils d'Édécon, ancien collègue d'Oreste dans sa mission à Constantinople), Odoacre, après diverses aventures, se trouvoit investi d'une charge éminente dans les gardes. de l'Italie; il se met à la tête des séditieux, assiège Oreste dans Pavie, emporte la place, le prend et le tue 2. Le 23 août de l'an 476, Odoacre, arien de religion, est proclamé roi d'Italie. L'empire romain avoit duré cinq cent sept ans moins quelques jours, depuis la bataille d'Actium; on comptoit douze cent vingt-neuf ans de la fondation de Rome.

Quand Augustule, dernier successeur d'Auguste, quitta les marques de la puissance, Simplicius, quarante-septième pontife depuis saint Pierre, occupoit la chaire de l'apòtre dont l'empire avoit commencé sous l'héritier immédiat d'Auguste; les successeurs de Simplicius, après treize cent cinquante-quatre ans, règnent encore dans les palais des césars. Odoacre établit son siége à Ravenne. Le sénat romain renonça au droit d'élire son maître; satisfait d'être esclave à merci, il déclara que le Capitole abdiquoit la domination du monde, et renvoya, par une ambassade solennelle, les enseignes à Zénon, qui gouvernoit l'Orient. Zénon reçut à Constantinople les ambassadeurs avec un front sévère; il reprocha au sénat le meurtre d'Anthême et le bannissement de Nepos: « Nepos vit encore, dit-il aux ambassadeurs; il sera, jusqu'à sa mort, votre vrai maître. » Ce brevet de tyran honoraire, délivré par Zénon à Nepos, est le dernier titre de la légitimité des césars.

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1. Augustulo a patre Oreste in Ravenna imperatore ordinato. (JORNAND., cap. XLV.) 2. ENNODII TICIN. Vit. Epiph., p. 387.

3. MALCHNO., Excerpt. de Leg. p. 93.

Augustule, trouvé à Ravenne par Odoacre, fut dégradé de la pourpre'. L'histoire ne dit rien de lui, sinon qu'il étoit beau2. Le premier roi d'Italie accorda au dernier empereur de Rome une pension de 6,000 pièces d'or; il le fit conduire à l'ancienne villa de Lucullus, située sur le promontoire de Mycènes, et convertie en forteresse depuis les guerres des Vandales; elle avoit d'abord appartenu à Marius; Lucullus l'acheta *. Ainsi la Providence assignoit pour prison au fils du secrétaire d'Attila, à un prince de race gothique, revêtu de la pourpre romaine par les derniers barbares qui renversoient l'empire d'Occident, la Providence assignoit, dis-je, pour prison à ce prince une maison où fut portée la dépouille des Cimbres, premiers barbares du Septentrion qui menacèrent le Capitole. C'est là qu'Augustule passa sa jeunesse et sa vie inconnues, sans se douter de tout ce qui s'attachoit à son nom, indifférent aux leçons que donnoit sa présence, étranger aux souvenirs que rappeloient les lieux de son exil.

Ajoutons ceci, attentif que nous sommes à l'immutabilité des conseils éternels et à la vicissitude des choses humaines: les reliques de saint Séverin succédèrent à la personne d'Augustule dans la demeure que Marius décora de ses proscriptions et de ses trophées, Lucullus de ses fêtes et de ses banquets: elle se changea en une église 5. Odoacre, n'étant encore qu'un obscur soldat, avoit visité saint Séverin dans la Norique. Le solitaire à l'aspect de ce barbare d'une haute taille, qui se courboit pour passer sous la porte de la cellule, lui dit : « Va en Italie; tu es maintenant couvert de viles peaux de bêtes; un temps viendra que tu distribueras des largesses . »

Enfin, le Dieu qui d'une main abaissoit l'empire romain élevoit de l'autre l'empire françois. Augustule déposoit le diadème l'an 476 de Jésus-Christ, et l'an 481 Clovis, couronné de sa longue chevelure, régnoit sur ses compagnons.

1. Non multum post, Odovacer, Turcilingorum rex, habens secum Scyros, Herulos, diversarumque gentium auxiliarios, Italiam occupavit, et Oreste interfecto, Augustulum, filium ejus, de regno pulsum. (JORNAND., cap. XLVI.)

2. Pulcher erat. ANON. VALES.

3. Deposuit (Odovacer) Augustulum de regno... Tamen donavit ei reditum sex millia solidos. (Id., ibid., p. 706.) In Lucullano Campaniæ castello exilii pœna damnavit. (JORNAND., cap. XLVI. )

4. PLUT., In Mario et in Lucull.

5. EUGIP., In Vit. S. Severin.

6. Vade ad Italiam, vade vilissimis nunc pellibus coopertus, sed multis cito plurima largiturus. (ANON. VAL., p. 717.)

ÉTUDE CINQUIÈME

OU

CINQUIÈME DISCOURS

SUR

La chute de L'EMPIRE ROMAIN, LA NAISSANCE ET LES PROGRÈS DU CHRISTIANISME ET L'INVASION DES BARBARES.

PREMIÈRE PARTIE.

MOEURS DES CHRÉTIENS. AGE HÉROÏQUE.

Arrêtons-nous pour contempler les vastes ruines que nous venons de traverser. Ce n'est rien que de connoître les dates de leur éboulement, rien que d'avoir appris les noms des hommes employés à cette destruction: il faut entrer plus profondément, plus intimement dans les mœurs, dans la vie des trois peuples chrétien, païen et barbare, qui se confondirent pour donner naissance à la société moderne. Elle va paroître, cette société, puisque l'empire d'Occident est détruit; voyons ce que fut le monde ancien dans les quatre siècles qui précédèrent sa mort, et ce qu'il étoit devenu lorsqu'il expira. Commençons par les chrétiens.

Le christianisme naquit à Jérusalem, dans une tombe que j'ai visitée au pied de la montagne de Sion: son histoire se lie à celle de la religion des Hébreux.

Pendant la durée du premier Temple, tout fut renfermé dans la lettre de la loi de Moïse; quand le roi, le peuple, ou quelque partie du peuple, se livroient à l'idolâtrie, le glaive les châtioit.

Sous le second Temple, la pureté de la loi s'altéra par le mélange des dogmes exotiques : la synagogue se forma.

La conquête d'Alexandre introduisit à son tour la philosophie grecque dans le système hébraïque. Des écoles juives se constituèrent; ces

écoles, répandues dans la Médie, l'Élymaïde, l'Asie Mineure, l'Égypte, la Cyrénaïque, l'île de Crète, et jusque dans Rome, subirent l'influence des religions, des lois, des mœurs et de la langue même de ces divers pays. Les livres des Machabées se scandalisent de ces nouveautés.

«En ce temps-là il sortit d'Israel des enfants d'iniquité, qui donnèrent ce conseil à plusieurs : Allons, et faisons alliance avec les nations qui nous environnent...

« Et ils bâtirent à Jérusalem un collége à la manière des nations1. « Les prêtres mêmes... ne faisoient aucun état de ce qui étoit en honneur dans leur pays, et ne croyoient rien de plus grand que d'exceller en tout ce qui étoit en estime parmi les Grecs 2. »

Il se forma bientôt quatre sectes principales celle des pharisiens, celle des sadducéens, celle des samaritains, celle des esséniens.

Les pharisiens altéroient le dogme et la loi en reconnoissant une sorte de destin impuissant, qui n'ôtoit point la liberté à l'homme; ils se divisoient en sept ordres. Livrés à des imaginations bizarres, ils jeûnoient et se flagelloient; ils prenoient soin en marchant de ne pas toucher les pieds de Dieu, qui ne s'élèvent que de quarante-huit pouces au-dessus de terre. Ils mettoient surtout un grand zèle à propager leur doctrine.

Ce qui distingue les sectes juives des sectes grecques, c'est précisément cet esprit de propagation. La sagesse hellénique se réduisoit en général à la théorie, la sagesse juive avoit pour fin la pratique; l'une formoit des écoles, l'autre des sociétés. Moïse avoit imprimé une vertu législative au génie des Hébreux, et le christianisme, juif d'origine, retint et posséda au plus haut degré cette vertu.

Les sadducéens s'attachoient à la lettre écrite; ils rejetoient la tradition et conséquemment la science cabalistique ne trouvant rien sur l'âme dans les livres de Moïse, ils étoient matérialistes et préféroient Épicure à Zénon.

Les samaritains n'adoptoient que le Pentateuque, et remontoient à la religion patriarcale.

Les esséniens de la Judée (qui produisirent les thérapeutes de l'Égypte, secte plus contemplative encore) repoussoient la tradition comme les sadducéens, et croyoient à l'immortalité de l'âme comme les pharisiens. Ils fuyoient les villes, vivoient dans les campagnes, renonçoient au commerce et s'occupoient du labourage. Ils n'avoient point d'esclaves et n'amassoient point de richesses ils mangeoient ensemble, portoient des habits blancs, qui n'appartenoient en propre à

1. MACHAB., lib. 1, cap. 1.

2. Id., lib. II, cap. IV.

personne et que chacun prenoit à son tour. Les uns demeuroient dans une maison commune, les autres dans des maisons particulières, mais ouvertes à tous. Ils s'abstenoient du mariage, et élevoient les enfants qu'on leur confioit. Ils respectoient les vieillards, ne mentoient point, ne juroient jamais. Ils promettoient le silence sur les mystères: ces mystères n'étoient autres que la morale écrite dans la loi.

Les premiers fidèles prirent des esséniens cette simplicité de vie, tandis que les thérapeutes donnèrent naissance à la vie monastique chrétienne.

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Mais, d'une autre part, l'essénianisme étoit la seule secte juive qui n'attendit point le Messie et qui condamnât le sacrifice, en quoi les chrétiens ne la suivirent pas. Une opinion commune reposoit au fond de la société israélite le sauveur de la race de David, de tous temps promis, étoit espéré de siècle en siècle, d'année en année, de jour en jour, d'heure en heure; homme et Dieu, roi-conquérant pour les sadducéens, les caraïtes ou scripturaires; sage ou docteur pour les samaritains.

Il y avoit encore chez ce peuple un fait qui n'appartenoit qu'à ce peuple, je veux dire la grande école poétique des prophètes: commençant auprès du berceau du monde, elle erra quarante ans avec l'arche dans le désert; école que n'interrompirent point la captivité d'Égypte et celle de Babylone, la conquête d'Alexandre, l'oppression des rois de Syrie, la domination romaine, la monarchie des Hérodes, qui implantèrent de force et improvisèrent en Judée une éducation étrangère. Cette école de l'avenir, évoquant le passé et dédaignant le présent, ne manqua de maîtres ni dans la prospérité ni dans le malheur, ni sur les rivages du Nil ni sur les bords du Jourdain, ni sur les fleuves de Babylone ni sur les ruines de Tyr et de Jérusalem. Et quels maîtres! Moïse, Josué, David, Salomon, Isaïe, Jérémie, Ézéchiel, Daniel et le Christ, en qui s'accomplirent toutes les phophéties, et qui fut lui-même le dernier prophète.

Lorsqu'il eut paru, les Juifs le méconnurent: ils le regardèrent comme un séducteur. Les deux commentaires de la Mishna, le Talmud babylonien et le Talmud de Jérusalem donnent de singulières notions du Christ'.

4. La Mishna est un recueil des traditions juives, fait vers le milieu du second siècle de l'ère chrétienne, par le rabbin Juda, fils de Simon, appelé le Saint à cause de la pureté de sa vie, et chef de l'école hébraïque à Tibériade, en Galilée.

<«< Ea omnia secundum certa doctrinæ capita disposuit, et in unum volumen redegit, cui nomen hoc Mishna, hoc est devrépwote, imposuit. » Tela ignea Satanæ. (WAGEMEIL, pr., p. 55.)

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