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Lucien, dans l'Hermotine, ou les Sectes, achève de ruiner l'échafaudage de l'orgueil de l'homme.

Ainsi se montroient, flétris et vaincus du temps, ces philosophes jadis l'honneur de l'humanité, ces sages qui au milieu des nations. souillées et matérialisées avoient conservé les vérités de la science, de la morale et de la religion naturelle, jusqu'à ce qu'ils se corrompissent avec la foule, et par l'infirmité même de la sagesse.

Voilà la société romaine ses générations étoient mùres; les barbares se présentoient comme les faucheurs qui nous viennent des provinces éloignées pour abattre nos foins et nos blés; les chrétiens et les païens alloient tomber sur les sillons, selon le poids de leur valeur respective. L'homme attaché aux joies de la vie ne voyoit approcher le Frank, le Goth, le Vandale, qu'avec les terreurs de la mort, tandis que l'anachorète, le prêtre, l'évêque, cherchoient comment ils adouciroient les vainqueurs et comment ils feroient des calamités publiques un moyen d'enrôler de nouveaux soldats sous l'étendard du Christ.

ÉTUDE SIXIEME

OU

SIXIÈME DISCOURS

SUR

LA CHUTE DE L'EMPIRE ROMAIN, LA NAISSANCE ET LES PROGRÈS DU CHRISTIAN:SME
ET L'INVASION DES BARBARES.

PREMIÈRE PARTIE.

MOEURS DES BARBARES.

Tout ce qui se peut rencontrer de plus varié, de plus extraordinaire, de plus féroce dans les coutumes des sauvages s'offrit aux yeux de Rome : elle vit, d'abord successivement et ensuite tout à la fois, dans le cœur et dans les provinces de son empire, de petits hommes maigres et basanés ou des espèces de géants aux yeux verts', à la chevelure blonde lavée dans l'eau de chaux, frottée de beurre aigre ou de cendres de frêne 2; les uns nus, ornés de colliers, d'anneaux de fer, de bracelets d'or; les autres couverts de peaux, de sayons, de larges braies, de tuniques étroites et bigarrées ; d'autres encore la Tum lumine glauco.

1.

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tête chargée de casques faits en guise de mufles de bêtes féroces'; d'autres encore le menton et l'occiput rasés 2, ou portant longues barbes et moustaches. Ceux-ci s'escrimoient à pied avec des massues, des maillets, des marteaux, des framées, des angons à deux crochets, des haches à deux tranchants 3, des frondes, des flèches armées d'os pointus, des filets et des lanières de cuir 3, de courtes et de longues épées; ceux-là enfourchoient de hauts destriers bardés de fer o, ou de laides et chétives cavales, mais rapides comme des aigles. En plaine, ces hommes hostoyoient éparpillés, ou formés en coin, ou roulés en masse; parmi les bois, ils montoient sur les arbres, objets de leur culte, et combattoient portés sur les épaules et dans les bras de leurs dieux.

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Des volumes suffiroient à peine au tableau des mœurs et des usages de tant de peuples.

1. Tous les cavaliers cimbres avoient des casques en forme de gueules ouvertes et de mufles de toutes sortes de bêtes étranges et épouvantables, et, les rehaussant par des panaches faits comme des ailes, et d'une hauteur prodigieuse, ils paroissoient encore plus grands. Ils étoient armés de cuirasses de fer très-brillantes, et couverts de 'boucliers tout blancs. (PLUT., in Mar.)

2.

Ad frontem coma tracta jacet, nudata cervix
Setarum per summa nitet.

(APOLLIN., in Paneg. Major.)

3. Ancipitibus securibus et angonibus præcipue rem gerunt (Franci); sunt vero angones hasta quædam neque admodum parvæ, neque admodum magnæ, ad jactu feriendum, sic ubi opus fuerit, et ubi cominus collato pede confligendum est impetusque faciendus accommodatæ. Hæ pleraque sui parte ferro sunt obductæ, ita ut perparum ligni a laminis ferreis nudum conspiciatur, atque adeo vix totæ imæ hastæ cuspis. (AGATH., Hist., lib. II.)

4. Sola in sagittis spes, quas inopia ferri ossibus asperant. (TAC., De Mor. Germ.) Missilibus telis acutis ossibus arte mira coagmentatis. (AMM., lib. XXXI, cap. 11.)

5. Contortis laciniis illigant, ut laqueatis resistentium membris equitandi vel gravandi adimant facultatem. (AMM., lib. XXXI, cap. 11.) Laqueis interceperunt hostes, trahendo conficere. (POMP. MEL., lib. 1, cap. ult.)

6. Ceux-là enfourchoient de hauts destriers bardés de fer. (Panegyr. veter., VI-VII, p. 138, 166, 167.) On voit ici que l'armure complète de fer, empruntée des Perses par les Romains, étoit connue bien avant la chevalerie. Il en est ainsi d'une foule d'autres usages, qu'on a placés trop bas dans les siècles.

7. Equis..... duris..... sed deformibus. (AMM., lib. xxx1, cap. 11.)

8. Et his artibus Hunni Gothis superiores evasere, partim enim circumequitando, partim excurrendo et opportune retrocedendo, jaculantes ex equis maximam Gothorum cædem fecere. (Teste Zosimo, p. 747; VALES. Ann. in Amm., lib. xxxi, cap. 1, p. 475.) 9. Acies per cuneos componitur. (TAC., De Mor, Germ., cap. VI.)

10. Molientibus hostium rari apparuere, qui conjunctis arborum truncis..... velut e fastigiis turrium, sagittas tormentorum ritu effudere... (GREG. TUR., lib. II, cap. IX; HERODIAN., lib. VII, cap. v.)

Les Agathyrses, comme les Pictes, se tachetoient le corps et les cheveux d'une couleur bleue; les gens d'une moindre espèce portoient leurs mouchetures rares et petites, les nobles les avoient larges et rapprochées'.

Les Alains ne cultivoient point la terre; ils se nourrissoient de lait et de la chair des troupeaux; ils erroient avec leurs chariots d'écorce de désert en désert. Quand leurs bêtes avoient consommé tous les herbages, ils remettoient leurs villes sur leurs chariots, et les alloient planter ailleurs 2. Le lieu où ils s'arrêtoient devenoit leur patrie 3. Les Alains étoient grands et beaux; ils avoient la chevelure presque blonde, et quelque chose de terrible et de doux dans le regard ". L'esclavage étoit inconnu chez eux; ils sortoient tous d'une source libre 5.

Les Goths, comme les Alains, de race scandinave, leur ressembloient; mais ils avoient moins contracté les habitudes slaves, et ils inclinoient plus à la civilisation. Apollinaire a peint un conseil de vieillards goths. «Selon leur ancien usage, leurs vieillards se réunissent au lever du soleil; sous les glaces de l'âge, ils ont le feu de la jeunesse. On ne peut voir sans dégoût la toile qui couvre leur corps décharné; les peaux dont ils sont vêtus leur descendent à peine au-dessous du genou. Ils portent des bottines de cuir de cheval, qu'ils attachent par un simple nœud au milieu de la jambe, dont la partie supérieure reste découverte. » Et pourquoi ces Goths étoient-ils assemblés? Pour s'indigner de la prise de Rome par un Vandale et pour élire un empereur romain !

Le Sarrasin, ainsi que l'Alain, étoit nomade; monté sur son dromadaire, vaguant dans des solitudes sans bornes, changeant à chaque instant de terre et de ciel, sa vie n'étoit qu'une fuite 7.

Les Huns parurent effroyables aux barbares eux-mêmes; ils considéroient avec horreur ces cavaliers au cou épais, aux joues déchiquetées, au visage noir, aplati et sans barbe, à la tête en forme de

1. Agathyrsi interstincti colore cæruleo corpora simul et crines, et humiles quidem minutis atque raris, nobiles vero latis, fucatis et densioribus notis. (AMM. MARC., lib. xxxi, cap. 11.)

2. Velut carpentis civitates impositas vehunt. (Id., lib. xIII, cap. п.)

3. Quocumque ierint illic genuinum existimant larem. (Id., ibid.)

4. Crinibus mediocriter flavis, oculorum temperata torvitate, terribiles. (Id., ibid.)
5. Le latin dit plus: Omnes generoso semine procreati. (Id., ibid.)
6. APOLL., In Avit.

7. Errant semper per spatia longe lateque distenta... Nec idem perferunt diutius cœlum, aut tractus unius soli illis unquam placet. Vita est illis semper in fuga. (AMM. MARC., lib. xiv, cap. v.)

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boule d'os et de chair, ayant dans cette tête des trous plutôt que des yeux', ces cavaliers dont la voix étoit grêle et le geste sauvage. La renommée les représentoit aux Romains comme des bêtes marchant sur deux pieds, ou comme ces effigies difformes que l'antiquité plaçoit sur les ponts 2. On leur donnoit une origine digne de la terreur qu'ils inspiroient on les faisoit descendre de certaines sorcières appelées aliorumna, qui, bannies de la société par le roi des Goths Félimer, s'étoient accouplées dans les déserts avec les démons 3.

Différents en tout des autres hommes, les Huns n'usoient ni de feu ni de mets apprêtés; ils se nourrissoient d'herbes sauvages et de viandes demi-crues, couvées un moment entre leurs cuisses ou échauffées entre leur siége et le dos de leurs chevaux. Leurs tuniques, de toile colorée et de peaux de rat des champs, étoient nouées autour de leur cou; ils ne les abandonnoient que lorsqu'elles tomboient en lambeaux. Ils enfonçoient leur tête dans des bonnets de peau arrondis, et leurs jambes velues dans des tuyaux de cuir de chèvre. On eût dit qu'ils étoient cloués sur leurs chevaux, petits et mal formés, mais infatigables. Souvent ils s'y tenoient assis comme des femmes; ils y traitoient d'affaires, délibérant, vendant, achetant, buvant, mangeant, dormant sur le cou étroit de leur bête, s'y livrant dans un profond sommeil à toutes sortes de songes 7.

1. Eo quod erat eis species pavenda nigredine, sed velut quædam (si dici fas est) deformis offa, non facies, habensque magis puncta quam lumina... nam maribus ferro genas secant... hinc imberbes senescunt. (JORNAND., De Reb. Get., cap. XXIV.) Ubi quoniam ab ipsis nascendi primitiis infantum ferro sulcantur altius genæ. (Aмy. MARCELL.)

2. Prodigiosa formæ et pandi, ut bipedes existimes bestias, vel quales in commarginandis pontibus effigiati stipites dolantur incompte. (Id., lib. xxxi, cap. n.)

3. Sicut a nobis dictum est, reperit in populo suo (Filimer, rex Gothorum) quasdam magas mulieres quas patrio sermone aliorumnas is ipse cognominat, easque habens suspectas de medio sui proturbat, longeque ab exercitu suo fugatas in solitudinem coegit terræ. Quas spiritus immundi per eremum vagantes dum vidissent, et earum se complexibus in coitu miscuissent, genus hoc ferocissimum edidere. (JORN., cap. XXIV.)

4. In hominum autem figura licet insuavi ita viri sunt asperi, ut neque igni neque saporatis indigeant cibis, sed radicibus herbarum agrestium et semicruda cujusvis pecoris carne vescantur, quam inter femora sua et equorum terga subsertam fotu calefaciunt brevi. (AMM., lib. xxxi, cap. II.)

5. Indumentis operiuntur linteis, vel ex pellibus silvestrium murium consarcinatis... Scd semel obsoleti coloris tunica collo inserta non ante deponitur aut mutatur quam diuturna carie in pannulos defluxerit defrustata. (Id., lib. xxxi, cap. 1.)

6. Galeris incurvis capita tegunt, hirsuta crura coriis munientes hædinis. (Id., ibid.) S. Jérôme appelle ces bonnets des tiares, tiaras galeis. (In epitaph. Nepot.)

7. Verum equis prope affixi, duris quidem sed deformibus, et muliebriter iisdem nonnunquam insidentes funguntur muneribus consuetis. Ex ipsis quivis in hac natione

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