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assista Louis XVI à l'échafaud; un sénat étranger reçut l'acte de célébration. Il n'y avoit plus de place pour le contrat de mariage de la fille de Louis XVI dans ce trésor des chartes où fut déposé celui d'Anne de Russie et de Henri Ier, roi de France.

CHAPITRE III.

ARRIVÉE DE ME LE DUC DE BERRY A CONSTANCE AVEC L'ARMÉE. COMBAT. RETRAITE.

Monseigneur le duc de Berry, avec l'armée de Condé, étoit arrivé à Friedeck, dans la Silésie autrichienne, lorsqu'il reçut la dépêche annonçant le mariage de son frère : elle fut mise à l'ordre. On lisoit dans cet ordre une lettre du roi, qui disoit au prince de Condé : « Apprenez cette heureuse nouvelle à l'armée; elle ne peut paroître que d'un bon augure à vos braves compagnons, au moment où ils vont rentrer dans la carrière qu'ils ont si glorieusement parcourue. »

Ce bourg de Friedeck fut un véritable lieu de réjouissance pour le corps de Condé. Un vieux seigneur allemand du voisinage, à force d'entendre parler de rois tués et de princes bannis, fit des réflexions. Il lui sembla, puisqu'on dissipoit en festins les biens qu'on ravissoit aux autres, qu'il seroit bien fou de ne pas prendre les devants: il se mit donc à manger son patrimoine. Quand Mgr le duc de Berry et Mer le prince de Condé arrivèrent, il venoit de vendre son château. Avec le prix qu'il en avoit obtenu, il donna un grand souper et un excellent concert à ses hôtes. Débarrassé des soins de la fortune, il se promettoit bien de rire de la révolution lorsqu'elle le viendroit. trouver à Friedeck.

Après une marche de quatre cents lieues, l'armée arriva le 1er octobre dans les environs de Constance : elle avoit parcouru ses. forêts natales, berceau des Clodion et des Mérovée; elle avoit passé sur ses anciens champs de bataille, dans ces bois qui avoient retrouvé leur silence, et où l'on voyoit, comme au camp de Varus, les ossements blanchis des soldats sacrifiés pour leur prince et pour leur patrie 1.

Lorsque Mgr le duc de Berry avoit traversé la ville de Prague à la tête de l'armée, le peuple s'étoit attendri à la vue de ces chevaliers de Saint-Louis, de ces vieillards qui, le sac sur le dos, un fusil russe

1. TACITE, Annales.

sur l'épaule, marchoient tout courbés sous le poids de leurs armes, de leurs jours et de leurs malheurs. Le commandant autrichien, qui les regardoit passer, se tournant vers les officiers de sa garnison, leur dit : « Eh bien, messieurs, en eussions-nous fait autant? >>

Constance ne fut pas plus tôt occupé par le corps de Condé ', que les républicains l'attaquèrent. Ils pénétrèrent dans la ville on s'y battit à la baïonnette, aux cris de vive le roi! vive Condé! vive la république! Ce fut la première et la dernière affaire de cette campagne pour Mer le duc de Berry et pour l'armée de Condé : la division se mit parmi les Russes et les Autrichiens. Le maréchal Suwarow rentra en Pologne avec ses armées : le corps de Condé fut maintena, mais par l'Angleterre. Paul Ier envoya des drapeaux d'honneur au régiment de Bourbon, et la grande croix de Malte à Ms le duc de Berry. Ce dernier prince alla voir le maréchal Suwarow avant son départ, et s'entretint avec ce guerrier, dont la bizarrerie égaloit le génie et la loyauté.

CHAPITRE IV.

PROJET DE MARIAGE ENTRE MGR LE DUC DE BERRY ET LA PRINCESSE CHRISTINE DE NAPLES. LE PRINCE VA EN ITALIE.

Ce mélange de combats et de voyages, ces relations avec toutes sortes de peuples et toutes sortes d'hommes, avoient formé le caractère et l'esprit de Mar le duc de Berry; il parloit avec facilité la plupart des langues de l'Europe, et les épreuves de sa vie promettoient à la France un grand monarque.

Le roi avoit pensé pour son neveu à un mariage : il avoit jeté les yeux sur la famille royale de Naples. M. le chevalier de Vernègues avoit donné la première idée de cette union, et avoit été chargé de la suivre; ensuite M. le comte de Chastellux reçut des instructions à ce sujet celui-ci, attaché à Mme Victoire, avoit été nommé après la mort de cette princesse 2 ministre plénipotentiaire de Louis XVIII à la cour de Sicile. Des lettres patentes, en date de Mittau, donnèrent pouvoir au comte de Chastellux de consentir, au nom de Sa Majesté, au mariage de Mgr le duc de Berry avec Mme Christine, princesse de Naples.

:

Mgr le duc de Berry, accompagné du comte de Damas-Crux, du chevalier de Lageard et du marquis de Sourdis, partit de Lintz pour

1. 5 octobre 1799.

2. 15 septembre 1800.

Clagenfurth, où se trouvoit la princesse sa mère, MADAME : de là il se rendit à Palerme. L'armée de Condé devoit passer en Italie, s'embarquer à Livourne et faire une descente en Provence, où les royalistes avoient un parti.

Mgr le duc de Berry plut à la cour. Son mariage avec la princesse Christine fut à peu près arrangé. Il reçut un traitement de 25,000 ducats, que les malheurs du temps ne tardèrent pas à lui enlever. La reine de Naples, les princesses ses filles et le prince Léopold ayant quitté la Sicile pour faire un voyage à Vienne, Mgr le duc de Berry alla à Rome, avec dessein de servir dans le corps napolitain qui occupoit la ville des césars.

CHAPITRE V.

VOYAGE DU PRINCE A ROME.

Monseigneur le duc de Berry débarqua à Naples, et de là se rendit à Rome. Il fut singulièrement frappé de la variété des personnages qu'il rencontra sur les chemins de l'Italie : des Anglois et des Russes voyageoient à grands frais dans d'élégantes voitures, avec tous les usages et tous les préjugés de leur pays; une famille italienne cheminoit avec économie dans un chariot du temps de Léon X; un moine à pied traînoit par la bride sa mule chargée de reliques; des paysans conduisoient des charrettes attelées de grands boeufs blancs, et portant une petite image de la Vierge élevée sur le timon, au bout d'une gaule recourbée; des femmes en jupon court, en corset ouvert, la tête voilée comme des madones, ou les cheveux bizarrement tressés, insultoient le prince en riant, et des pèlerins, appuyés sur un long bâton, le regardoient passer. Tout cela sur les grands pavés de la voie Appienne, qui conservent encore les traces des roues du char d'Agrippine, sur les chemins de Tibur, où l'ermitage de saint Antoine. de Padoue s'est écroulé à son tour dans les ruines de la maison d'Horace.

Le cardinal de Bernis n'existoit plus quand Mgr le duc de Berry arriva à Rome. Il ne pouvoit plus offrir à un prince fugitif cette hospitalité digne des jours d'Évandre, qu'il exerça envers les nobles dames dont l'auteur de cet ouvrage honora les cendres à Trieste : notre destinée est de pleurer sur le tombeau des Bourbons. Nous ne sommes pas Tacite, mais nous écrivons la vie d'un homme fort audessus d'Agricola, et nous avons encore sur l'historien romain l'avan

tage de n'avoir pas attendu le règne des bons princes pour rendre hommage à la vertu malheureuse.

La veuve des rois, des consuls et des empereurs étoit aussi veuve de pontifes, lorsque Mer le duc de Berry vint l'admirer dans sa solitude: Pie VI étoit mort à Valence, le 29 août 1799, et Pie VII, élu à Venise, le 14 mars 1800, n'étoit pas encore arrivé. Le dernier souverain de la Rome chrétienne avoit été aussi noble dans ses disgrâces que les derniers princes de la Rome païenne avoient été vils dans leurs malheurs. Pie VI et après lui Pie VII soutinrent dans les fers la grandeur de la ville éternelle, et se montrèrent les dignes chefs de l'éternelle religion.

CHAPITRE VI.

SUITE DU PRÉCÉDENT. MGR LE DUC DE BERRY QUITTE ROME POUR RETOURNER A L'ARMÉE.

Le séjour de l'Italie réveilla dans le jeune prince le goût des arts; il se livra à l'étude de la peinture et de la musique. Beaucoup d'instruments lui étoient familiers; il en jouoit avec goût. Il chantoit bien; il dessinoit agréablement, surtout les scènes militaires; il se connoissoit en tableaux mieux que les hommes les plus exercés.

« Je suis dans l'admiration de Rome, » écrivoit-il à M. le comte de Chastellux. Le prince aimoit par caractère la vie libre et débarrassée de toute gêne que l'on mène en Italie. Rome, par un privilége qui semble attaché à son origine, est encore le pays de l'indépendance personnelle : c'est le lieu de toutes les existences isolées, l'asile de tous les hommes las du monde ou jouets de la fortune. Souffrez-vous le jour, vous pouvez comparer vos malheurs à ceux que tant de monuments rappellent, et vous trouvez vos peines légères; la nuit, vous oubliez ces peines sous un ciel enchanté, au milieu de tous les plaisirs. Un prince de la race des Radegaise et des Alaric, le dernier héritier d'un empire de douze siècles, le descendant proscrit des bienfaiteurs du saint-siége, le fils des rois très-chrétiens, le neveu de Louis XVI, le prince qui devoit tomber lui-même sous le fer révolutionnaire, le duc de Berry enfin, errant dans les palais détruits des césars, s'égarant dans les Catacombes, parcourant le Vatican désert, ou dessinant, assis sur un obélisque tombé, les débris épars du Capitole, offroit lui-même un tableau qui manquoit aux ruines et aux souvenirs de Rome.

Le malheur poursuivoit partout Mgr le duc de Berry. Il avoit perdu un de ses fidèles compagnons, le chevalier de Lageard, et il n'avoit été un peu consolé que par la loyauté du bailli de Crussol, qui se trouvoit alors à Rome. Le prince apprit bientôt que l'armée de Condé étant arrivée à la hauteur de Venise avoit reçu l'ordre de suspendre sa marche, parce que la guerre étoit au moment de recommencer. Un faux bulletin, que l'on attribue au ministre Acton, avoit déjà répandu cette nouvelle lorsque Mgr le duc de Berry étoit encore à Palerme, et avoit pensé faire partir subitement ce prince. Il reçut à Rome la nouvelle positive que le corps de Condé alloit se trouver engagé, que Mgr le duc d'Angoulême avoit rejoint l'armée, et qu'il s'étoit mis à la tête du régiment noble à cheval formé par Mgr le duc de Berry. La gloire et l'amitié fraternelle parlent au cœur de notre brave et sensible prince; il ne peut résister à cette double tentation: il quitte Rome furtivement pour rejoindre son frère et ses compagnons d'armes. Le Béarnois se déroboit au tumulte des armes pour aller voir Gabrielle; son petit-fils s'éloigne d'une grande princesse pour courir au champ d'honneur. On l'entendra s'excuser bientôt dans son admirable lettre à M. Acton.

CHAPITRE VII.

MGR LE DUC D'ANGOULÊME ARRIVE A L'ARMÉE DE CONDÉ. IL EST REJOINT PAR SON FRÈRE. DERNIER BULLETIN DE L'ARMÉE DE CONDÉ ÉCRIT PAR MGR LE DUC DE BERRY.

Monseigneur le duc d'Angoulême, accompagné du comte de DamasCrux et du chevalier de Saint-Priest1, avoit rejoint l'armée de Condé à Pontaba 2. L'armée reçut avec transport cet autre héritier du trône de saint Louis. Il avoit déjà donné des preuves de sa valeur dans les armées du Nord, et sa destinée l'appeloit à balancer un jour presque seul la fortune de l'homme qui avoit tenu le monde dans sa main.

Les François s'avancèrent dans la Bavière. Le corps de Condé, forcé à une marche longue et rétrograde, entra en ligne dans l'armée autrichienne sur les bords de l'Inn; Mgr le duc de Berry, en arrivant au camp, le trouva dans cette position3. La reconnoissance des deux

1. Tué à Reims par un des derniers coups de canon tirés dans la campagne de 1814. Un de ses frères, M. le comte de Saint-Priest, est aujourd'hui aide de camp de Mgr le duc d'Angoulême.

2. 25 mai 1800.

IX.

3. 8 septembre 1800.

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