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un vieillard soutenu par son fils: c'étoit Mgr le prince de Condé et Mgr le duc de Bourbon: l'un, le guide de Mgr le duc de Berry au champ d'honneur; l'autre, le père de son infortuné frère d'armes. De vieux serviteurs de la maison de Condé, accourus à Compiègne, poussent des cris en reconnoissant leur maître, se jettent sur ses mains qu'ils baisent avec des sanglots. Ces princes n'étoient que deux; on cherchoit en vain le troisième; ils étoient tout près de Chantilly, qui n'existe plus quand l'héritier manque, qu'importe l'héritage?

Enfin, le roi lui-même arriva. Son carrosse étoit précédé des généraux et des maréchaux de France qui étoient allés au-devant de Sa Majesté. Ce ne fut plus les cris de vive le roi! mais des clameurs confuses, dans lesquelles on ne distinguoit rien que les accents de l'attendrissement et de la joie. MADAME accompagnoit le roi. Ses traits, comme on l'avoit remarqué, offroient un mélange touchant de ceux de son père et de sa mère. Une expression de douceur et de tristesse annonçoit dans ses regards ce qu'elle avoit souffert; on remarquoit jusque dans ses vêtements, un peu étrangers, les traces de son exil. MONSIEUR, déjà vieil habitant de la France, en présenta les nouveaux enfants au père de famille.

Telle est, en France, la force du souverain légitime, cette magie attachée au nom du roi : un homme arrive seul de l'exil, dépouillé de tout, sans suite, sans gardes, sans richesses; il n'a rien à donner, presque rien à promettre; il descend de sa voiture, appuyé sur le bras d'une jeune femme; il se montre à des capitaines qui ne l'ont jamais vu, à des grenadiers qui savent à peine son nom. Quel est cet homme? C'est le fils de saint Louis; c'est le Roi! Tout tombe à ses pieds.

CHAPITRE III.

MGR LE DUC DE BERRY EST NOMMÉ COLONEL GÉNÉRAL DES CHASSEURS. INSPECTIONS MILITAIRES. MOT DU PRINCE. PÈLERINAGE DE MGR LE DUC DE BERRY A VERSAILLES.

Le roi donne à son peuple les institutions que les siècles avoient préparées. Mais l'ouvrage de la sagesse fut mal compris : il falloit suivre le dessin de l'habile architecte, bâtir sur son plan un nouveau palais dont les fondements auroient été antiques. Au lieu de cela, on se contenta de reblanchir des ruines et de s'y loger; on se crut en sûreté dans des débris qui devoient tomber au souffle de la première tempête. Msr le duc de Berry, nommé colonel général des chasseurs, n'eut

à s'occuper, dans la première année de la restauration, que d'inspections militaires. Il parcourut les départements du nord ', visita les places fortes de l'Alsace, de la Lorraine et de la Franche-Comté, et revint à Paris. Il passoit un jour en revue, à Fontainebleau, un régiment de la vieille garde. Des grenadiers, qui l'avoient entouré après la revue, ne pouvoient, s'empêcher de lui témoigner leur admiration pour Buonaparte. « Que faisoit-il donc de si remarquable? leur dit Mer le duc de Berry. Il battoit l'ennemi, répondirent-ils. - Belle merveille, répliqua le prince, avec des soldats comme vous! »

Mgr le duc de Berry avoit profité de son voyage dans les provinces du nord pour passer un moment en Angleterre et visiter les lieux de son exil. De retour à Paris, il fit un pèlerinage à ceux de son enfance : il partit pour Versailles avec un seul aide de camp. Il fut extrêmement frappé de trouver le château tout brillant d'or, de glaces et de peintures, mais inhabité, et debout dans une espèce de désert, comme les palais enchantés des Contes arabes. Versailles n'a été livré qu'un moment à la révolution: aucun des gouvernements illégitimes n'en a fait son séjour. L'imagination, frappée de la majesté du règne de Louis XIV et de la violence de la révolution, oublie ce qui s'est placé entre ces deux grandeurs de l'ordre et du désordre, et s'obstine à ne voir dans Versailles que le créateur de ses merveilles. Mgr le duc de Berry regardoit avec étonnement la façade de ce palais, semblable à une ville immense; ces vastes rampes conduisant à des bocages d'orangers; ces eaux jaillissantes au milieu des statues, des marbres, des bronzes, des bassins, des grottes, des parterres; ces bosquets remplis des prodiges de l'art. Il se représentoit les fètes brillantes données dans ce palais et dans ces jardins, encore peuplés des ombres des Montespan, des Nemours, des La Vallière, des Sévigné, des Condé, des Turenne, des Catinat, des Vauban, des Colbert, des Bossuet, des Fénelon, des Molière, des Racine, des Boileau, des La Fontaine. Et si l'on eût demandé quel étoit le voyageur que les gardiens du château conduisoient de salon en salon, de bosquet en bosquet; quel étoit cet étranger, cet inconnu à qui ils faisoient voir la chambre de Louis XIV, le cabinet de Louis XVI, l'appartement de Mme la comtesse d'Artois, le balcon où l'infortunée Marie-Antoinette se montra au peuple tenant M. le Dauphin dans ses bras, on eût répondu que ce voyageur, cet étranger, cet inconnu, étoit le neveu de Louis XVI, le fils de Mme la comtesse d'Artois, le dernier héritier de Louis XIV.

1. Août, septembre 1814.

CHAPITRE IV.

LES CENT JOURS. MGA LE DUC DE BERRY A GAND.

La Providence, pour nous donner une dernière leçon, rendit un moment la puissance à Buonaparte. Il sort de la mer, traverse la France, arrive à la demeure du père de famille absent, court à Waterloo, et passant rapidement par le trône et par la gloire, va se replonger dans la mer au bout du monde.

Les Cent Jours ne furent qu'une orgie de la fortune. La république et l'empire se trouvèrent en présence, également surpris d'être évoqués, également incapables de revivre. Tous ces hommes de terreur et de conquêtes, si puissants dans les jours qui leur étoient propres, furent étonnés d'être si peu de chose. En vain l'anarchie et le despotisme s'unirent pour régner: épuisée par ses excès avec le crime, la révolution étoit devenue stérile.

La vieille France, qui se retiroit, conservoit encore ses forces après douze siècles, tandis que la nouvelle France se trouvoit déjà caduque au bout de trente ans.

Mgr le duc d'Angoulême combattit héroïquement dans le Midi. Son frère protégea la retraite de Louis XVIII à la tête des volontaires royaux et de la maison du roi. En sortant des portes de Béthune, il rencontra un corps de troupes portant les couleurs de Buonaparte. Il se précipite au-devant de ces soldats, les appelle au combat ou à la fidélité ils refusent l'un et l'autre. On propose au prince de faire un exemple : « Comment voulez-vous, répond-il, frapper des gens qui ne se défendent pas? >>

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Le commandement général des différents corps réunis dans le cantonnement d'Alost fut remis à Mgr le duc de Berry : c'étoit une seconde armée de Condé; il y déploya la même générosité et les mêmes talents militaires. Accoutumé à l'exil, on voyoit que le malheur ne lui coûtoit rien une mort comme la sienne n'est pas chose facile, et l'on ne parvient à cette perfection que par de longues épreuves. Cette mort a révélé les nombreux bienfaits de ce prince: il secouroit sans qu'on le sût de pauvres familles d'Alost. Ses infortunes n'ont jamais pesé que sur lui, et il a fait des heureux partout où il a souffert.

Il s'acquit encore un autre droit à l'estime de ses hôtes religieux, en accompagnant avec ses soldats une fête chrétienne, celle où l'on célébra le nom de ce Dieu pour lequel il n'y a point de terre étrangère; fête éternelle qui ne passe point comme celles des hommes.

Ce Dieu des infortunés est aussi le Dieu qui dispose de la victoire : il lui plut de l'ôter à l'homme qui en avoit abusé si longtemps. La perte de la bataille de Waterloo fit refluer un grand nombre de prisonniers françois dans les villes des Pays-Bas Mgr le duc de Berry s'empressa de les secourir. Il reste un témoignage touchant de sa magnanimité : c'est le mouchoir dont il enveloppa la main d'un soldat blessé à Waterloo. Le grenadier qui possède ce drapeau blanc ne s'en séparera qu'avec la vie; et il auroit versé mille fois son sang pour guérir la blessure du prince qui pansa la sienne.

CHAPITRE V.

RETOUR DU ROI. MGR LE DUC DE BERRY PRÉSIDE
LE COLLEGE ÉLECTORAL DE LILLE.

Le roi remonta sur son trône': Mgr le duc de Berry rentra une seconde fois dans cette belle France dont il ne devoit plus sortir. Ce fut encore à Saint-Denis, le terme de tous ses voyages, qu'il arriva. Bientôt après, on lui présenta les officiers du dixième régiment de ligne, qui étoit resté fidèle à Mér le duc d'Angoulême. « Messieurs, leur dit-il, j'ai une permission à vous demander, c'est de porter votre uniforme quand j'irai au-devant de mon frère. »

Au premier moment de la seconde restauration, on parut vouloir profiter de la leçon reçue. Un ministre, qui avoit puissamment concouru à relever deux fois le trône, donna à l'opinion l'impulsion la plus monarchique. Les colléges électoraux furent convoqués avec éclat, et les princes de la famille royale furent nommés pour présider ceux des départements de la Seine, de la Gironde et du Nord 2. Arrivé à Lille, Mgr le duc de Berry prononça à l'ouverture du collége un discours remarquable par les sentiments et par la manière dont ils sont exprimés :

« Le plus aimé de vos rois, Henri IV, après de longues guerres intestines, rassembla les notables de son royaume à Rouen et leur demanda des conseils; ainsi que lui, le roi, mon auguste seigneur et oncle, d'après la constitution qu'il a donnée lui-même à son peuple, s'adresse en ce moment à vous et me nomme particulièrement pour être son organe auprès du département du Nord. Je ne parlerai point de leur fidélité aux habitants d'un pays, berceau de la monarchie je ne

1.

juillet 1815.

2. 15 août 1815..

remercierai point de son dévouement ce peuple qui rappelle si bien ces Francs généreux et guerriers dont il est descendu le premier; je me bornerai à vous dire, messieurs, que le roi, après vingt-six ans de troubles et de malheurs, a besoin d'interroger le cœur de ses sujets, dont il juge d'après le sien. Ne pouvant réunir autour de lui tous les François, dont il est, vous le savez, bien moins encore le monarque que le père, il vous demande de lui adresser non ceux de vous qui l'aiment davantage, ce choix seroit impossible, et vous y voleriez tous, mais ceux qui, dignes interprètes de votre pensée, porteront au pied de son trône cet oubli du passé, cette connoissance du présent, ce coup d'œil dans l'avenir, ce respect pour la charte constitutionnelle, cet amour pour sa personne sacrée, enfin cette abnégation de soimême qui seule peut assurer le bonheur de tous. »>

Avant l'ouverture du collége électoral, Mer le duc de Berry avoit voulu revoir et remercier la ville de Béthune et le sous-préfet, qui l'avoient si fidèlement reçu lors de sa retraite à Gand. Il envoya un présent à son hôte d'Alost et une somme pour être délivrée aux indigents. Peu de fils de rois, rentrés dans leurs palais, se souviennent d'avoir été suppliants, d'avoir pris dans leurs bras le petit enfant, de s'être jetés à genoux, joignant l'autel domestique'.

CHAPITRE VI.

MARIAGE DU PRINCE.

Enfin d'heureuses destinées semblèrent s'ouvrir pour Mgr le duc de Berry, par son union avec la princesse Caroline-Ferdinande-Louise, fille aînée du prince royal des Deux-Siciles. Complimenté par la chambre des députés, il répondit à l'orateur : « J'aurai, je l'espère, des enfants qui, comme moi, porteront dans leur cœur l'amour des François. » La France attendoit cette lignée royale: la révolution l'attendoit aussi.

Sur le rapport de M. de Castelbajac, qui fit observer à la chambre des députés que le mariage d'un fils de France étoit une fête de famille, la chambre ajouta 500,000 francs au million demandé par les ministres pour l'apanage du prince. Mgr le duc de Berry abandonna. cette somme pendant cinq ans aux départements qui avoient le plus souffert pendant la guerre.

1. PLUT., In Themist..

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