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étoit parée, décorée d'emblèmes, d'inscriptions allégoriques. Il est impossible de décrire l'enthousiasme de ces bons habitants de Provence, ils me gâtent; ils touchent sensiblement mon cœur par les expressions répétées de leur amour pour le roi et pour toute sa famille. Ils ont en même temps la délicatesse de joindre des acclamations pour mes parents de Naples: cela n'est-il pas charmant? Toutes les autorités sont excellentes, au dire général ; ce sont bien elles qui soutiennent ce bon esprit. J'ai vu avec plaisir ce brave Rousse de Toulon, le seul qui ait fait reconnoître Louis XVII, et qui continue, par un entier et désintéressé dévouement, à se rendre utile à son pays et à son roi. << L'on m'a conduite dans les arsenaux. Celui de terre, qui n'existoit pas il y a quatre mois, est maintenant en état d'armer plus de trente mille hommes. On le doit à l'activité infatigable du colonel qui en est chargé, dont le nom est M. de Laferrière. En tout, ce petit voyage m'a intéressée. Nulle part, je crois, on ne peut prendre une idée plus juste des moyens et de la grandeur de la France qu'en visitant ce beau port. S'il a fait cet effet sur moi, qui n'y entends rien, que doit-il produire sur les personnes qui ont des connoissances? C'est dans treize jours, monseigneur, que je vous verrai; que je jugerai par moi-même de tout le bien que j'entends dire de votre cœur, de votre esprit, et que je vous répéterai que je suis et serai pour la vie votre fidèle et affectionnée

« CAROLINE. »

Paris, 31 mai 1816.

« Le prince de Castelcicala m'a remis hier, madame et bien chère amie, des lettres pour vous de vos chers parents; je ne perds pas un instant pour vous les envoyer. J'ai encore reçu aujourd'hui des nouvelles de Marseille, du 23; je sais que vous enchantez tout ce qui vous entoure et tout ce qui peut vous apercevoir. Votre promenade en bateau a eu un grand succès, et surtout la promesse que vous avez faite de la renouveler. Je ne vous écrirai pas aujourd'hui une longue lettre, en ayant tant à vous envoyer qui doivent vous intéresser davantage. Je m'occupe de vous chercher des chevaux, et j'espère en trouver qui vous conviennent. Nous avons été voir la corbeille que le roi vous donne, et j'espère que vous en serez contente. Il y a surtout une robe de bal que je serai charmé de vous voir porter. Mon père rassemble votre bibliothèque; mon frère et sa femme ornent votre chambre; chacun de nous se fait un si doux plaisir de vous être agréable! Et qui le désire plus que celui qui vous est déjà uni par les liens les plus sacrés? Je suis toujours effrayé de mes trente-huit ans; je sais qu'à dix-sept je trouvois ceus qui approchoient de la quarantaine bien vieux. Je ne me flatte pas de vous inspirer de l'amour, mais bien ce sentiment si tendre plus fort que l'amitié, cette douce confiance qui doit venir de l'amitié même. Je vois que je ne finis pas, et vous avez toutes vos lettres à lire. Adieu; encore quinze grands jours. Je baise les mains de ma femme comme je l'aime.

« CHARLES-FERDINAND. »>

Paris, 4 juin 1816.

« J'ai reçu hier, madame et bien chère amie, votre bonne et aimable lettre du 27. Tout le monde dit beaucoup de bien de vous; mais je juge encore plus de ce que vous valez par vos lettres, où je trouve tout ce qui est fait pour me charmer. Vous me demandez de vous donner des conseils; je vous dirai tout ce que je croirai vous être utile. Vous vous plaignez de votre timidité; elle sied à votre âge, et vous savez y mêler la bonté et la noblesse. Vous êtes entourée de l'amour des habitants du midi, qui sont bien bons. Vous êtes un présage de bonheur pour la France, et la terreur des factieux1. « CHARLES-FERDINAND. >>

CHAPITRE IX.

SUITE DES LETTRES.

MME LA DUCHESSE DE BERRY QUITTE MARSEILLE,

ET CONTINUE A PARLER DE LA FRANCE A MESURE
QU'ELLE S'APPROCHE DE FONTAINEBLEAU.

Montélimart, 5 juin 1816.

« La lettre de Monseigneur du 31 mai m'est parvenue avant qu'il m'ait été possible de finir ma réponse à celle du 26. Je vous remercie sensiblement de la seconde comme de la première. Vous m'avez fait un vrai plaisir de m'envoyer celles de mes parents.

« On continue à me faire voir la France parée. Dans tous les lieux où je passe, les acclamations sont continuelles, ainsi que les compliments des autorités. J'y suis bien sensible; mais je dirai tout bas à Monseigneur, à celui pour qui je n'ai rien de caché, et pour lui seul, que je sens le poids de ces honneurs, et n'en serai jamais enivrée. Il me tarde de jouir d'une vie paisible en famille. Que Votre Altesse Royale reçoive, en attendant, l'assurance de ma tendresse elle durera autant que ma vie.

« CAROLINE.>>

Lyon, 9 juin 1816.

« Votre lettre du 4 et du 5 juin, monseigneur, m'a été remise le soir de mon arrivée à Lyon; je ne veux plus vous répéter que je vous en remercie une fois pour toutes, comptez sur ma tendre reconnoissance, et soyez sûr que rien n'échappe à ma sensibilité : vous l'avez touchée vivement.

1. Louvel l'a bien prouvé.

« Vous êtes content de moi, dites-vous, monseigneur. C'est sans doute pour me rassurer; car je sens qu'il me manque beaucoup, mais beaucoup pour être ce que je voudrois pour vous plaire, et pour répondre à l'idée trop flatteuse qu'on vous a donnée de Caroline. Croyez à son bon cœur, à son désir de répondre à votre confiance, en vous accordant la sienne tout entière. Voilà tout ce dont je puis vous répondre vos soins, vos bontés feront le

reste.

« Je suis bien sensible à tout ce qu'on fait pour embellir mon habitation et parer ma personne. Comment témoigner à tous ma reconnoissance? Vous m'aiderez, monseigneur; ce n'est que vis-à-vis de vous que j'essaye déjà de n'avoir plus besoin d'interprète; car je vous dis bien franchement que vous êtes cher à votre

« CAROLINE. »

Paris, 9 juin 1816.

« C'est, madame et chère amie, par un des plus dévoués serviteurs de notre maison que je vous écris, par un homme bien heureux de notre union, le bon prince de Castelcicala. Je n'ai pas besoin de vous le recommander, il me connoît bien, m'ayant vu si longtemps en Angleterre. Avec quel plaisir je prendrois sa place! C'est donc dans six jours que je vous verrai! J'ai toujours peur que vous ne me trouviez pas beau, car les peintres de Paris ne sont pas comme ceux de Palerme : ils flattent. Avec quel plaisir je presserai votre main! Prenez aussi la mienne, si je ne vous déplais pas trop. La contrainte où nous serons pendant deux jours me gênera bien. Ma Caroline, je vais m'occuper de votre bonheur, de vos plaisirs. Je sais que vous aimez le spectacle, j'ai des loges à tous les théâtres. J'ai une jolie campagne dont on vous aura parlé, nous irons bien souvent ensemble. Je chasse souvent, vous y viendrez en calèche; vous aimez la musique, je l'aime aussi beaucoup. Enfin, madame, je chercherai à vous rendre heureuse, et j'espère y parvenir. Vous avez, si je dois croire tout ce qui vous a vue, bonté, douceur, esprit et gaieté que peut-on de mieux? Cependant nous nous trouverons des défauts: tendre indulgence sera notre devise.

« CHARLES-FERDINAND. »

Fontainebleau, 12 juin 1816.

« Votre lettre de Lyon, que je reçois de la main du roi, me fait un plaisir que je ne puis vous exprimer. Je suis charmé que vous me grondiez sur mon écriture vous avez bien raison; mais, en vous écrivant, mon cœur m'emporte; et vous n'avez pas d'idée de l'effort que je suis obligé de faire pour être lisible. Encore trois jours! je brûle de vous voir. J'éprouve aussi aujourd'hui un grand bonheur ; je possède votre portrait. Au moins celui-là ne vous défigure pas du tout; et fùt-il un peu flatté, l'on peut être encore fort agréable, sans être aussi jolie que ce portrait. »>

Ce 13.

<< Le prince de Castelcicala me remet votre lettre de Moulins, qui est plus aimable encore que les autres. Enfin, c'est demain que je verrai ma femme, celle dont le bonheur doit être mon ouvrage. »>

Hélas! le prince a fait le malheur de celle dont il comptoit faire la félicité mais qui faut-il accuser? Comme ces deux jeunes époux aimoient la France! quelle reconnoissance bien sincère (car elle étoit bien cachée dans ces lettres) des hommages qu'on leur rend! Ces lettres renferment-elles un seul mot que l'âme la plus naïve, la plus noble et la plus tendre pût désavouer? Qui ne voudroit, en les lisant, avoir pour frère et pour sœur, pour fils et fille, celui et celle qui les ont écrites?

Mgr le duc de Berry et Mme la duchesse de Berry offroient un touchant rapport de destinées : sortis de la même race, tous deux Bourbons, tous deux ayant vu la chute du trône de leur famille, tous deux remontés à leur rang, ils n'avoient guère connu avant leur mariage que l'exil et l'infortune. Battus de la même tempête, ils s'étoient unis pour s'appuyer. Après tant de calamités, ils cherchoient quelques moments de bonheur : leurs lettres prouvent combien il a été cruel de les leur ravir.

CHAPITRE X.

MM LA DUCHESSE DE BERRY ARRIVE A FONTAINEBLEAU.
CÉLÉBRATION DU MARIAGE A PARIS.

La princesse arriva le jour où Mgr le duc de Berry l'attendoit, comme on le voit dans sa dernière lettre. Sa marche à travers la France avoit été une longue fête. Au terme de sa course elle trouva deux tentes dressées dans la forêt de Fontainebleau, à la croix de Saint-Hérem. Elle y fut reçue par le roi, MADAME, MONSIEUR, Mgr le duc d'Angoulême et Mgr le duc de Berry. Tout s'y passa avec les mêmes cérémonies et les mêmes étiquettes qu'au mariage de Louis XV. Dans cette famille de France rien ne change, quand même le royaume est changé c'est ainsi qu'elle ramène à la longue, par son immobilité, les institutions à un point fixe, et donne au gouvernement une forme impérissable.

Les premières pompes du mariage de Mgr et de Mme la duchesse de Berry furent charmantes sous les arbres. On diroit que les descen

:

dants des rois chevelus ont conservé une prédilection secrète pour les forêts ils ont aimé à placer leur palais dans la solitude, à promener les enchantements de leur cour sous de grands chênes. Que de souvenirs ce Fontainebleau, habité par vingt-neuf rois depuis Robert, n'offroit-il pas à la jeune princesse! Saint Louis, l'auguste chef de sa race, y avoit fait bàtir un hôpital pour les pauvres, parmi lesquels il cherchoit, comme il le disoit, Jésus-Christ. Aux travaux du saint d'autres siècles ajoutèrent les ouvrages de Charles le Victorieux et de François le restaurateur des lettres. Henri IV datoit ses lettres de ses délicieux déserts de Fontainebleau. Louis XIII les embellit encore. Vint l'infortuné Louis XVI, qui jeta des pins sur les rochers, comme un voile de deuil; et trente ans après on vit un pape prisonnier dans les bosquets où Louis XIV avoit aimé La Vallière. Et toutes ces choses, qui sont de l'histoire pour le monde, ne sont pour cette Maison de France que des traditions de famille.

Le mariage fut enfin célébré à Notre-Dame. Chacun, en voyant cette cérémonie, se souvenoit d'une autre pompe; chacun considéroit combien peu de temps il faut pour changer les ris en larmes, pour mettre le maître du monde à la place de l'exilé, et l'exilé sur le trône du maître du monde. Ce qui paroissoit devoir être plus durable que les empires, c'étoit la félicité de Mgr le duc et de Mme la duchesse de Berry. Jamais il n'y eut mariage mieux assorti, mari plus affectueux, femme plus dévouée et plus tendre. La France étant en paix avec l'Europe, Mgr le duc de Berry put jouir enfin d'un repos qu'il avoit bien acheté, et qui depuis longtemps étoit l'objet de ses vœux.

CHAPITRE XI.

VIE PRIVÉE DU PRINCE. ANECDOTES DU COCHER, DU VALET DE PIED ET DU PIQUEUR. PENSION DE M. DE PROVENCHÈRE.

Adoré de sa maison, Mgr le duc de Berry y établit un ordre parfait; non cet ordre naturel à la médiocrité de l'esprit, mais celui qui tient à la délicatesse de l'âme et qui donne l'indépendance: il vouloit que cet ordre, établi pour lui-même, se retrouvât encore parmi ses domestiques. Quand ils plaçoient une somme à la caisse d'épargne, il doubloit cette somme, afin de les encourager à l'économie et de les rendre prévoyants pour l'avenir. Excellent maître, sa bonté n'avoit d'autre défaut que d'être impatiente comme son humeur. Il avoit plusieurs fois signifié à un cocher qu'il ne vouloit plus être mené par lui. « Tu

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