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donc cet étrange jeune homme dont il faut déterrer le cadavre pour tranquilliser une république qui comptoit dans ses camps un million de soldats victorieux? Quel est donc ce héros de vingt-un ans qui causoit aux ennemis des rois la même frayeur qu'inspiroit aux Romains le vieil Annibal exilé, désarmé et trahi?

Bonchamp rappeloit toutes les vertus de Bayard; même désintéressement, même humanité, même courage. C'étoit un de ces François tels que les formoient nos anciennes mœurs et tels qu'on n'en verra plus. Une foule de prisonniers républicains lui durent la vie; il engagea le patrimoine de ses pères pour soutenir ses compagnons d'armes. Un représentant du peuple écrivoit à la Convention : « La perte de Bonchamp vaut une victoire pour nous, car il est de tous les chefs des Vendéens celui en qui ils avoient le plus de confiance, qu'ils aimoient le mieux et qu'ils suivoient le plus volontiers. » Des historiens prétendent que les républicains mutilèrent son cadavre et envoyèrent sa tête à la Convention.

La religion sembloit dominer particulièrement dans le jeune Lescure; il communioit tous les huit jours; il avoit porté longtemps un cilice, dont on voyoit la marque sur sa chair. Cette armure n'étoit pas à l'épreuve de la balle, mais elle étoit à l'épreuve des vices; elle ne défendoit pas le cœur de Lescure contre l'épée, elle le mettoit à l'abri des passions. Plus de vingt mille prisonniers patriotes, sauvés par l'humanité du général vendéen, trouvèrent sans doute qu'un cilice étoit aussi bon dans les combats qu'un bonnet rouge.

Stofflet, brave soldat, chef intelligent, mourut en criant vive le roi! Il avoit du cœur, et de cette vertu opiniâtre qui ne cède jamais à la fortune, mais qui ne la dompte jamais.

Charette commanda le feu du peloton qui lui arracha la vie ; lui seul se trouva digne de donner le signal de sa mort. Jamais capitaine, depuis Mithridate, n'avoit montré plus de ressource et de génie militaire.

Le fier d'Elbée, couvert de blessures, fut pris dans l'île de Noirmoutiers; sa foiblesse l'empêcha de se lever. Ceux qui l'avoient vu si souvent debout sur le champ de bataille le fusillèrent dans un fauteuil. On eût dit d'un monarque recevant sur son trône les hommages de la fidélité.

Le prince de Talmont, en allant à la mort, prouva qu'il étoit du sang de La Trémouille. « Fais ton métier, dit-il au bourreau; je fais mon devoir. »>

De tous ces chefs, les uns étoient nobles, les autres sortis des classes moins élevées de la société ; les talents marquoient les rangs.

Le noble obéissoit au roturier, et le roturier au noble, selon le mérite; et tandis que la Convention décrétoit l'égalité et la liberté en créant le despotisme, l'égalité et la liberté ne se trouvoient qu'à l'armée royale et catholique de la Vendée.

dit

« Une manière de combattre que l'on ne connoissoit pas encore, le général Turreau, un attachement inviolable à leur parti, une confiance sans bornes dans leurs chefs, une telle fidélité dans leurs promesses qu'elle peut suppléer la discipline; un courage indomptable et à l'épreuve de toutes sortes de dangers, de fatigues et de privations: voilà ce qui fait des Vendéens des ennemis redoutables, et ce qui doit les placer dans l'histoire au premier rang des peuples soldats... Ce fut cette espèce de délire et d'enthousiasme qui, dans des temps de ténèbres et d'ignorance, emporta nos premiers croisés dans les plaines brûlantes de l'Afrique et de l'Asie. Les défenseurs de l'autel et du trône sembloient avoir pris nos anciens preux pour modèles. Leurs bannières étoient ornées de devises qui rappeloient les hauts faits de la chevalerie. >>

Un autre général écrivoit à Merlin de Thionville, après la déroute de Savenay : « Je les ai bien vus, bien examinés; j'ai reconnu ces mêmes figures de Chollet et de Laval. A leur contenance et à leur mine, je te jure qu'il ne leur manquoit du soldat que l'habit. Des troupes qui ont battu de tels François peuvent bien se flatter de vaincre tous les autres peuples. »

N'est-il pas singulier qu'un général républicain dise des paysans de la Vendée ce que les soldats de Probus disoient de nos ancêtres : « Nous avons vaincu mille barbares de la nation des Francs: combien n'allons-nous pas vaincre de Perses! »

« L'inexplicable Vendée, s'écrioit Barrère à la Convention, existe encore; de petits succès de la part de nos généraux ont été suivis de plusieurs défaites... L'armée que le fanatisme a nommée catholique et royale paroît un jour n'être pas considérable, elle paroît formidable le lendemain. Est-elle battue, elle devient comme invincible; a-t-elle du succès, elle est immense... Jamais depuis la folie des croisades on n'avoit vu autant d'hommes se réunir qu'il y en a eu tout à coup sous les drapeaux de la liberté pour éteindre à la fois le trop long incendie de la Vendée... La terreur panique a tout frappé, tout effrayé, tout dissipé comme une vaine vapeur. La Vendée a fait des progrès; c'est dans la Vendée que vous devez déployer toute l'impétuosité nationale et développer tout ce que la république a de puissance et de ressources. La Vendée est encore la Vendée. »

Ainsi parloit de la Vendée, à la Convention nationale, le comité de

salut public, après avoir annoncé, quelque temps auparavant, que la Vendée n'existoit plus... Buonaparte, qui se connoissoit en choses extraordinaires, avoit surnommé les Vendéens le peuple de géants.

Les femmes rivalisoient d'héroïsme avec les hommes dans le grand dévouement de la Vendée. Comme les matrones de Sparte, elles gardoient leurs maisons les armes à la main, tandis que leurs maris se battoient; mais, moins heureuses que les Lacédémoniennes, elles virent la fumée du camp ennemi, et ces ennemis étoient des François! On en compte plusieurs tuées sur le champ de bataille; d'autres y reçurent des blessures. A l'affaire de Dol, une simple servante ramena la victoire, en se mettant à la tête des Vendéens et en criant : A moi les Poitevins! Même magnanimité dans les prêtres qui suivoient les soldats du Dieu vivant. Le lendemain de la déroute de Savenay, un curé qui avoit perdu la vue erroit dans la campagne avec un guide. Des hussards républicains le rencontrent. « Quel est le vieillard que tu mènes? » disent-ils au guide. « C'est un vieux paysan aveugle, » répond celui-ci. « Non, messieurs, reprend le véridique pasteur, je suis un prêtre. >>

La religion animoit également tous les cœurs : « Rends-moi les armes, » crioit un soldat républicain à un paysan. « Et toi, rends-moi mon Dieu,» répliqua le paysan. Lorsque les Vendéens étoient prêts à attaquer l'ennemi, ils s'agenouilloient et recevoient la bénédiction d'un prêtre. Ils ne couroient point à la mort comme les bêtes des bois, sans penser à celui qui nous a donné nos jours pour les sacrifier quand il le faut à l'honneur et à la patrie. La prière prononcée sous les armes n'étoit point réputée foiblesse; car le Vendéen qui élevoit son épée vers le ciel demandoit la victoire, et non pas la vie.

Dans le cours de sept années, depuis 1793 jusqu'à 1799, on compte dans la Vendée et dans les provinces de l'ouest deux cents prises et reprises de villes, sept cents combats particuliers et dix-sept grandes batailles rangées. La Vendée tint à diverses époques soixante-dix et soixante-quinze mille hommes sous les armes; elle combattit et dispersa à peu près trois cent mille hommes de troupes réglées et six à sept cent mille réquisitionnaires et gardes nationaux; elle s'empara de cinq cents pièces de canons et de plus de cent cinquante mille fusils. On a vu ce qu'elle fit, par ses combats et par ses traités, pour la cause du roi légitime et même pour celle de tous les souverains de l'Europe: quand on aura examiné ce qu'elle a souffert pour cette même cause, on aura une idée complète de ses sacrifices et de ses vertus.

CE QUE LA VENDÉE A SOUFFERT

POUR LA MONARCHIE.

Les premiers martyrs vendéens furent les paysans pris à l'affaire de Bressuire, le 24 août 1792. Ils refusèrent de crier vive la nation! et on les fusilla pour s'être obstinés à crier vive le roi! Bientôt aux fléaux ordinaires de la guerre se joignent des espèces d'atrocités légales, telles que pouvoient les inventer une Convention et un comité de salut public. Les troupes républicaines eurent ordre de ne faire aucun. prisonnier, de tout dévaster, de tout égorger, de brûler les chaumières, d'abattre les arbres, de faire de la Vendée un vaste tombeau.

«Il sera envoyé à la Vendée par le ministre de la guerre, dit l'article 2 du décret de la Convention du 2 août 1793, des matières combustibles de toutes espèces pour incendier les bois, les taillis et les genêts. >>

Article 7. « Les forêts seront abattues, les repaires des rebelles seront détruits, les récoltes seront coupées, et les bestiaux seront saisis. Les biens des rebelles seront déclarés appartenir à la répųblique. »

Autre décret ainsi conçu : « Soldats de la liberté, il faut que les brigands de la Vendée soient exterminés avant la fin du mois d'octobre. Le salut de la patrie l'exige, l'impatience du peuple françois le commande, son courage doit l'accomplir. >>

Autre décret qui ordonne que toutes les villes qui se rendront aux Vendéens seront rasées.

Les représentants du peuple, par un arrêté du 21 décembre, avoient organisé une compagnie d'incendiaires. On forma les fameuses colonnes infernales. Au moment où elles se mirent en marche, un général leur fit cette harangue :

<«< Mes camarades, nous entrons dans le pays insurgé; je vous donne l'ordre de livrer aux flammes tout ce qui sera susceptible d'être brûlé et de passer au fil de la baïonnette tout ce que vous rencontrerez d'habitants sur votre passage. » Il faut remarquer qu'avant cet ordre presque toutes les villes de la Vendée avoient été brûlées, et qu'il ne restoit plus à incendier que les hameaux et les chaumières isolées.

« En cinq jours, dit un nouvel historien', toute la Vendée fut cou1. En rappelant toutes ces horreurs, la probité historique oblige de dire qu'il y eut en Vendée des chefs républicains pleins d'honneur et d'humanité. Non-seulement ces

vertes de débris et de cendres. Soixante mille hommes, le fer et la flamme à la main, la traversèrent dans tous ses contours, sans y laisser rien debout, rien de vivant. Toutes les atrocités précédemment commises n'avoient été qu'un jeu en comparaison de ces nouvelles horreurs. Ces armées, vraiment infernales, massacrèrent à peu près le quart du reste de la population. »>

Des républicains, témoins oculaires, décrivent ainsi la marche des colonnes infernales :

<< On partit de La Floutière après avoir incendié le bourg. Le général m'ordonna de le suivre et de ne pas m'éloigner de lui: dans la route, on pilloit, on incendioit; depuis La Floutière jusqu'aux Herbiers, dans l'espace d'une lieue, on suivoit la colonne autant à la trace des cadavres qu'elle avoit faite qu'à la lueur des feux qu'elle avoit allumés dans une seule maison, on tua deux vieillards, mari et femme, dont le plus jeune avoit au moins quatre-vingts ans... Les hussards surtout étoient les plus acharnés : ce sont des désorganisateurs, qui ne savent que piller, massacrer et couper en morceaux... La colonne de... a brûlé des blés, des fourrages, massacré des bestiaux...

:

« A peine les députés furent-ils de retour, que la colonne de Pouzange, sous les ordres du général, se porta dans la commune de Bonpère, l'incendia en grande partie, massacra indistinctement les hommes et les femmes qui se trouvèrent devant elle, fit périr par les flammes plus de trois mille boisseaux de blé, au moins huit cent milliers de foin et plus de trois mille livres de laine...

« Le 12, la scène augmenta d'horreur. Le général part avec sa colonne, incendie tous les villages, toutes les métairies, depuis La Floutière jusqu'aux Herbiers. Dans une distance de près de trois lieues, où rien n'est épargné, les hommes, les femmes, les enfants même à la mamelle, les femmes enceintes, tout périt par les mains de sa colonne. Enfin de malheureux patriotes, leurs certificats de civisme à la main, demandent la vie à ces forcenés, ils ne sont pas écoutés : on les égorge. Pour achever de peindre les forfaits de ce jour, les foins ont été brûlés dans les granges, les grains dans les greniers, les bestiaux dans les étables; et quand de malheureux cultivateurs connus de nous par leur civisme ont eu le malheur d'être trouvés à délier leurs bœufs, il n'en a pas fallu davantage pour les fusiller; on a

chefs ne se souillèrent point par les forfaits que nous tirons à regret de l'oubli, mais ils s'y opposèrent de tout leur pouvoir. Le général Quétineau, par exemple, fut un digne et noble ennemi des Vendéens; aussi fut-il fusillé par, son parti, qui lui fit un crime de sa vertu.

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