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SUR M. LE GÉNÉRAL NANSOUTY.

FÉVRIER 1815.

Nansouty (Étienne-Antoine-Marie Champion, comte de), né à Bordeaux le 30 mai 1768, descendoit d'une famille noble originaire de Bourgogne, qui se distingua dans la double carrière des armes et de la magistrature. On trouve, au XVIe siècle, un seigneur de Nansouty, qui contribua puissamment à faire rentrer la Bourgogne sous l'autorité légitime. Pour récompenser ses services, Henri IV l'admit dans. son conseil; il accorda la même faveur à son fils, et ordonna que le château de Nansouty, à moitié détruit par les troubles de la Ligue, fût réparé aux frais du trésor. L'histoire remarquera que dans notre siècle, si fécond en vertus guerrières, les anciennes races militaires ne dégénérèrent point de leur valeur chevaleresques à la Vendée, héroïques à l'armée de Condé, aussi brillantes et plus heureuses dans les légions de la république et de l'empire, elles ont fourni des généraux habiles, des maréchaux célèbres; Buonaparte même est sorti de leurs rangs. Envoyé à l'âge de dix ans à l'école royale et militaire de Brienne, Étienne de Nansouty passa le 21 octobre 1779 à l'école militaire de Paris. Il obtint une sous-lieutenance d'infanterie le 30 mai 1785, et MONSIEUR, aujourd'hui le roi, le créa chevalier novice du Mont-Carmel. La croix de cet ordre ne s'accordoit qu'à l'élève de l'école militaire qui pendant deux ans avoit été le premier dans toutes les classes, et qui s'étoit autant distingué par sa conduite que par ses études. Étienne de Nansouty étoit destiné à recevoir ses premiers et ses derniers honneurs de la main de son roi. Conduit au régiment de Bourgogne par son père, qui avoit laissé des souvenirs honorables dans son régiment, il obtint, en 1788, par la protection du maréchal de Beauvau, un brevet de capitaine de remplacement au régiment de Franche-Comté, cavalerie; il parut à peine à ce corps, et entra le 24 mai de la même année dans le sixième régiment de hussards, commandé par le duc de Lauzun, depuis duc de Biron, personnage trop petit pour la révolution, mais qui vivra pourtant, parce qu'il réunit quelque chose des aventures et des malheurs dont son premier et son dernier nom rappellent le souvenir. Étienne de Nansouty se trouva mêlé à Nancy dans l'affaire du régiment de Châteauvieux, et courut des dangers en restant fidèle aux ordres du roi. La révolu

tion commençoit par accréditer ses doctrines; elle mit d'abord quelque discernement dans ses choix. Étienne de Nansouty, malgré sa jeunesse, fut désigné par les officiers et les soldats pour commander une compagnie de son régiment chaque régiment, devenu une espèce de république militaire, avoit acquis ce droit d'élection. La guerre ayant éclaté, le capitaine Nansouty y fut successivement nommé lieutenant-colonel du 9e régiment de cavalerie (4 avril 1792), chef de brigade ou colonel du même régiment (19 brumaire an 11, 1793), général de brigade ou maréchal de camp (17 fructidor an vn), général de division ou lieutenant général (3 germinal an xi, 1803), et enfin colonel des dragons (11 janvier 1813); tous grades qu'il acquit avec son épée. Il apprit en Allemagne avec le général Moreau, et en Portugal avec le général Leclerc, ce qui fait les succès et les revers à la guerre; il commandoit la grosse cavalerie sous les ordres du général Mortier, à la conquête du Hanovre. Nommé premier chambellan de Mme Joséphine Buonaparte, alors impératrice, il donna bientôt sa démission d'une place peu compatible avec l'indépendance d'un soldat il ne voulut ramper ni sous les crimes ni sous les honneurs de la révolution. Retourné aux camps, il attacha son nom à la plupart de ces grandes journées où nos soldats prodiguèrent leur sang pour faire oublier celui qu'on avoit versé sur les échafauds. Il se battit à Wertinghen et à Ulm, acheva la victoire à Austerlitz, commença celle de Wagram, se trouva au feu à l'affaire de Friedland et fut blessé à la Moskowa; la cavalerie de l'armée et de la garde l'avoit pour chef à la bataille de Leipzig, et ce fut lui qui dans le défilé de Hanau rouvrit à nos étendards le chemin de la France. Dans la campagne de 1814, où Buonaparte manifesta pour la dernière fois son génie (car l'homme extraordinaire finit en lui au 20 mars, et Waterloo, placé hors des limites assignées à sa puissance, ne compte plus que dans sa destinée), nos soldats étoient rentrés dans la cause de la monarchie, accompagnés plutôt que repoussés par l'Europe, qui les suivoit comme à la trace de leurs victoires. Après douze siècles, notre gloire militaire, débordée sur toutes les nations, se retira vers sa source; on se disputoit la capitale des Gaules dans les lieux mêmes d'où les premiers Francs avoient marché à sa conquête. L'éclat de nos armes faisoit sortir de l'obscurité les hameaux de l'Ile-de-France, comme il avoit donné un nom aux villages inconnus des Arabes et des Moscovites : les derniers boulets de cette guerre de vingt-cinq années, qui nous avoit soumis Berlin, Vienne, Moscou, Lisbonne, Madrid, Naples et Rome, vinrent tomber sur les boulevards de Paris. Le général Nansouty assiste à tous les combats livrés aux bords de la Marne et de la

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Seine, comme il s'étoit trouvé aux batailles données sur les rives du Borysthène et du Tage; il protège la retraite à Brienne, ouvre l'attaque à Montmirail, à Berry-au-Bac, à Craonne, et voit enfin la couronne impériale tomber à Fontainebleau, dans ce même palais où Buonaparte avoit retenu prisonnier le pontife qui l'avait marqué du sceau des rois. Ainsi s'écroula, après trente années, ce prodigieux édifice de gloire, de folies et de crimes qu'on appelle la révolution. Les conquêtes utiles de Louis XIV existent entières; et de l'Europe envahie il ne restoit à la république et à l'empire que le camp des cosaques autour du Louvre. Pendant la campagne de France, le général Nansouty ressentit les atteintes de la maladie à laquelle il devoit bientôt succomber. Il manquoit souvent des secours que son état exigeoit ; mais il voulut rester à cheval tant qu'il y eut un champ de bataille; il avoit vécu sous la tente au milieu des triomphes et loin de nos malheurs; lorsque le bruit des armes cessa, il fit parvenir à l'autorité cette adhésion, remarquable par sa simplicité : « J'ai l'honneur de prévenir le gouvernement provisoire de ma soumission à la Maison de Bourbon. » Cette adhésion entraîna celle d'une grande partie de l'armée en déterminant ses compagnons d'armes à rejoindre le drapeau blanc, le général Nansouty obtint pour sa patrie sa dernière et sa plus belle victoire. Les souverains de l'Europe, réunis à Paris en 1814, lui donnèrent des témoignages d'estime d'autant plus flatteurs, que si la faveur étoit venue quelquefois le trouver, il ne l'avoit jamais recherchée. Mais un suffrage que le cœur d'un François ambitionnera toujours lui étoit réservé : MONSIEUR l'accueillit avec bonté; Louis XVIII l'honora de sa confiance; le général parcourut la Bourgogne en qualité de commissaire du roi, et fut nommé, au retour de cette mission, capitaine-lieutenant de la 1re compagnie de mousquetaires. Le général Nansouty, un des meilleurs officiers de cavalerie que les guerres de la révolution aient produits, étoit brave, humain, désintéressé, et conservoit au milieu de la rudesse des camps la politesse de nos anciennes mœurs. Il sauva constamment la vie aux émigrés que le sort des armes jetoit entre ses mains; il épargna au Tyrol les horreurs du pillage, et fit distribuer aux hôpitaux une somme considérable, que les autorités du pays avoient voulu lui faire accepter par reconnoissance. Logé à Moscou, avec des soldats affamés, dans le palais du prince Kourakin, on trouva, après son départ, les scellés intacts et tels qu'ils avoient été apposés sur les armoires par les ordres du prince. S'il avoit souvent gémi des maux que la guerre avoit fait souffrir sous ses yeux aux peuples étrangers, il fut plus sensible encore à ces mêmes maux quand il les vit retomber sur sa patrie. « On ne se

figure pas, disoit-il, ce que c'est que d'entendre de malheureux paysans se plaindre en françois. » A une affaire près de Fontainebleau, Buonaparte lui commande d'enlever un retranchement d'où l'ennemi faisoit un feu épouvantable: des files entières de cavaliers tombent dans cette entreprise désespérée et inutile. Tout à coup le général Nansouty arrête les escadrons et s'avance seul hors des rangs: Buonaparte lui envoie demander la raison de cet ordre, et pourquoi il cesse de marcher sur la redoute : « Dites-lui que j'y vais seul, répondit le général : il n'y a là qu'à mourir. » Le général Nansouty ne vit point les nouveaux malheurs de la France : une maladie dangereuse l'emporta le 12 février 1815. Il expira dans ces sentiments religieux qui font de la mort la plus simple une grande action, et qui, donnant de la noblesse aux moindres faits d'une vie chrétienne, les élèvent à la dignité de l'histoire. Le comte de Nansouty avoit épousé, en 1802, Adélaïde de Vergennes, et, après avoir pu disposer d'une partie des dépouilles de l'Europe, il laissa un fils sans fortune, qu'il a recommandé, en mourant, aux bontés d'un roi qui a connu l'adversité.

FIN DES NOTICES NÉCROLOGIQUES.

NOTES.

Qu'il me soit permis de me citer, puisqu'on me met dans le cas de la défense personnelle. Qui a défendu la Charte plus que moi 1? Qui a montré plus que moi d'opposition à la domination étrangère ?

Je disois dans mon Rapport sur l'état de la France, fait au roi dans son conseil, à Gand, le 12 mai 1815:

« Sire, je sens trop combien tout ce que je viens de dire est déchirant pour votre cœur. Nous partageons dans ce moment votre royale tristesse. Il n'y a pas un de vos conseillers et de vos ministres qui ne donnât sa vie pour prévenir l'invasion de la France. Sire, vous êtes François, nous sommes François ! Sensibles à l'honneur de notre patrie, fiers de la gloire de nos armes, admirateurs du courage de nos soldats, nous voudrions, au milieu de leurs bataillons, verser jusqu'à la dernière goutte de notre sang pour les ramener à leur devoir, ou pour partager avec eux des triomphes légitimes. Nous ne voyons qu'avec la plus profonde douleur les maux prêts à fondre sur notre pays; nous ne pouvons nous dissimuler que la France ne soit dans le plus imminent danger : Dieu ressaisit le fléau qu'avoient laissé tomber vos mains paternelles, et il est à craindre que la rigueur de sa justice ne passe la grandeur de votre miséricorde! Ah! sire, à la voix de Votre Majesté, les étrangers respectant le descendant des rois, l'héritier de la bonne foi de saint Louis et de Louis XII, sortirent de la France! Mais si les factieux qui oppriment vos sujets prolongeoient leur règne, si vos sujets trop abattus ne faisoient rien pour s'en délivrer, vous ne pourriez pas toujours suspendre les calamités qu'entraîne la présence des armées. Du moins, votre royale sollicitude s'est déjà assurée, par des traités, qu'on respectera l'intégrité du territoire françois, qu'on ne fera la guerre qu'à un seul homme. >>

Je disois, le 2 juin de la même année, à Gand, à propos de la déclaration du congrès :

« Il est impossible de conquérir la France. Les Espagnols, les Portugais, es Russes, les Prussiens, les Allemands ont prouvé, et les François auroient

1. Voyez les Réflexions politiques, La Monarchie selon la Charte. Dans le Génie du Christianisme même je parle avec admiration du gouvernement représentatif.

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