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servi jusqu'à présent pour remplir la première indication, sont le nitrate d'argent, l'acide chromique et la teinture d'iode additionnée d'iodure de potassium, dans les proportions de 30 grammes de teinture d'iode pour 6 grammes d'iodure de potassium.

En nous adressant à ces caustiques légers, nous avons eu en vue de cautériser superficiellement les tissus cicatriciels, d'éviter l'ulcération et une suppuration prolongée, redoutant que l'application de caustiques plus énergiques ne produisît un accroissement de la difformité, au lieu de la guérir ou de l'améliorer, les tissus de cicatrice, comme nous le disions tout à l'heure et comme tout le monde le sait, offrant très-peu de résistance au travail ulcératif.

Quant à leur mode d'application, il est aussi simple que possible. La partie exubérante de la cicatrice, la bride, la crête, l'inégalité disgracieuse de la peau, le pourtour du godet variolique, etc., sont cautérisés avec le crayon de nitrate d'argent, ou bien badigeonnés un peu fortement avec l'acide chromique ou la teinture d'iode iodurée. La seule précaution à prendre consiste à limiter très-exactement la cautérisation, ou le badigeonnage caustique, à la partie saillante et difforme de la cicatrice. Nous nous sommes servi très-souvent, pour pratiquer la cautérisation avec l'acide chromique, d'une simple allumette en bois, dont l'extrémité privée de phosphore est trempée dans cet acide et portée ensuite sur la partie à cautériser, en ayant la précaution de prolonger ce contact jusqu'à ce que la cautérisation paraisse suffisante, et y revenant, au besoin, une seconde et une troisième fois.

2o COMPRESSION. - Quelques instants après l'application d'un des caustiques susindiqués, une couche de collodion est étendue à l'aide d'un pinceau en poil de blaireau ou d'un pinceau de charpie, sur toutes les parties cautérisées. Le collodion, en se desséchant, se rétracte et forme un enduit, une espèce de revêtement qui comprime fortement la cicatrice. Si cette première couche, une fois sèche, ne paraît pas exercer une compression suffisante, on en applique une seconde et même une troisième, en limitant toujours l'application du collodion, de même, que celle des caustiques, à la surface cicatricielle qu'il s'agit de modifier. Dans quelques cas, afin de rendre la compression plus énergique et plus soutenue, nous avons recouvert les crêtes et les cicatrices exubérantes, après avoir étendu sur elles une ou plusieurs couches de collodion, d'une bandelette de de baudruche ou de linge très-fin fortement imbibé de ce liquide emplastique.

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TOME LXXVI. 5e LIVR.

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Le lendemain ou le surlendemain, si l'enduit se fendille ou si la bandelette se soulève, on étend une nouvelle couche de collodion au moyen du pinceau, et on y revient les jours suivants si l'indication s'en présente, c'est-à-dire si les parties cessent d'être comprimées. Au bout de sept à huit jours, l'effet de la cautérisation et de la compression par l'enduit collodionné étant épuisé, ce dernier se détache de lui-même sous forme de croûte sèche, comme parcheminée, avec l'eschare superficielle consécutive à la cautérisation, et ɔn voit apparaître la cicatrice à découvert. Sa surface présente déjà un aspect plus uniforme, et son relief extérieur est moins prononcé. On peut alors, soit recourir à une nouvelle cautérisation suivie de l'application du collodion, soit, ce qui nous a paru préférable, laisser reposer le malade pendant quelques jours et utiliser cet intervalle pour mettre en pratique la gymnastique suédoise.

3o GYMNASTIQUE suédoise. Cette méthode, on le sait, envisagée d'une manière générale, a pour but d'imprimer à l'organisme des modifications favorables par des exercices ingénieusement combinés.

Appliqué au traitement particulier des cicatrices, elle consiste à mobiliser et à assouplir les tissus cicatriciels, en les comprimant, les déplaçant avec les doigts, les frictionnant dans tous les sens, jusqu'à ce que le malade ressente une douleur insupportable, et répétant cette opération un assez grand nombre de fois dans la journée; soit que le malade lui-même reste chargé de ce soin, soit qu'on ait recours pour cela à l'aide d'une personne étrangère. C'est du moins ainsi que nous avons procédé dans les cas où nous avons fait usage de ce traitement, quelque peu excentrique au premier abord, mais au fond quelque peu rationnel.

Après avoir soumis pendant quelques jours les cicatrices à des pressions, à des déplacements et à des malaxations variées, nous recommençons le traitement par la cautérisation et la compression au moyen du collodion de la manière précédemment indiquée. Ces alternatives de cautérisation, de compression et de massage sont continuées jusqu'à ce que le but poursuivi soit atteint, à la satisfaction du malade et du médecin, c'est-à-dire que la cicatrice ait disparu ou soit sensiblement améliorée.

Ainsi que nous l'avons dit plus haut, ce traitement mixte des cicatrices a été souvent employé par nous depuis une huitaine d'années. Nous n'avons pas conservé des notes détaillées sur tous les cas qui y ont été soumis; mais nous ne croyons pas trop dire cepen

dant en affirmant que nous l'avons mis en pratique chez une trentaine de malades. Voici, au reste, quelques-uns de ces cas sur lesquels nous possédons des renseignements précis; ils achèveront de donner une idée exacte du traitement et des circonstances dans lesquelles il peut être utile.

Obs. I. Célestine B***, âgée de onze ans, de Cavaillon (Vaucluse), nous est amenée par sa mère, le 8 octobre 1860. Elle porte sur la face et à la partie supérieure du cou un grand nombre de cicatrices difformes remontant à cinq ans, consécutives à une brûlure profonde et très-étendue de ces deux régions. La lèvre inférieure est renversée en dehors et attirée en bas par deux brides cicatricielles étendues de l'angle des lèvres au menton. Ses joues présentent de chaque côté une série de cicatrices qui, partant de l'oreille, se dirigent vers le cou, le menton et la lèvre inférieure. Dans l'intervalle des cicatrices, la peau est de couleur rouge sombre et fortement hypertrophiée dans ses couches superficielles. Dans d'autres points, elle est rétractée et forme des crêtes et des rides très-apparentes. Ces hypertrophies partielles de la peau, jointes aux reliefs cicatriciels, au renversement de la lèvre inférieure, à l'aspect rouge vineux d'une grande partie de la face, impriment à la physionomie de cette jeune fille un aspect véritablement repoussant, et font vivement désirer à la famille que l'art puisse, sinon guérir, au moins améliorer cette fâcheuse situation.

Nous commençons le traitement par la section des brides qui déterminent le renversement de la lèvre inférieure. Cette section est pratiquée avec un petit kératotome à deux tranchants (couteau de Venzel). La section, au lieu d'être faite directement d'avant en arrière, est pratiquée obliquement de haut en bas, de manière à tailler de chaque côté un lambeau en V, à base supérieure. La lèvre une fois remontée, le lambeau est fixé en place à l'aide d'une petite bandelette enduite de collodion, et contracte des adhérences. Le reste de la plaie se cicatrise par seconde intention, et le renversement de la lèvre ne se reproduit pas. Mais la difformité résultant des cicatrices saillantes, des crêtes, des rides, des inégalités de la peau, de son hypertrophie partielle, de sa couleur rouge sombre, persiste toujours.

Nous songeons alors à attaquer ces lésions par la cautérisation, la compression et le massage des cicatrices.

En conséquence, le 28 octobre 1860, nous pratiquons une première cautérisation des points les plus exubérants, à l'aide du nitrate

d'argent, après quoi une couche de collodion est étendue par-dessus, recouvrant ainsi entièrement la partie qui vient d'être cautérisée. Le résultat favorable de cette première tentative nous engage à la recommencer au bout de quelques jours, en étendant la cautérisation et l'application du collodion à toutes les parties dont l'exubérance occasionne de la difformité. Quant aux parties de la face qui ne présentent qu'une simple coloration anormale, nous nous bornons à les badigeonner avec de la teinture d'iode additionnée d'iodure de potassium, et à les recouvrir, comme les points précédents, d'une couche de collodion.

Au bout de sept à huit jours, la croûte se détache et laisse à découvert toutes les cicatrices, qui présentent déjà un peu moins de saillie et un aspect plus uni. Nous instituons alors la gymnastique suédoise telle qu'elle a été indiquée plus haut. La malade s'y prête assez facilement, quoique le massage et la mobilisation des tissus indurés provoque une douleur très-vive. Quatre jours après, nous revenons à la cautérisation et à la compression collodionnée. Ce traitement est continué sans changement jusqu'au mois de janvier 1861, c'est-à-dire que tous les dix ou douze jours nous pratiquons une cautérisation suivie d'une application de collodion, consacrant pendant cet intervalle trois ou quatre jours à frictionner, à pétrir et à mobiliser les cicatrices.

Sous l'influence de ce traitement, les crêtes et les brides diminuent de saillie, ainsi que la coloration anormale des téguments. Ceux-ci sont en outre moins luisants d'une cicatrice à l'autre, et la peau y est manifestement plus souple et plus mobile. Le tissu cicatriciel, de son côté, se rapproche davantage du tissu cutané ; en un mot, la difformité générale, sans avoir complétement disparu, est infiniment moins prononcée, et la physionomie de cette jeune fille n'est pas comparable à ce qu'elle était au moment de son arrivée à Aix, comme en témoignent les deux photographies que nous en avons fait prendre avant et après la dernière partie du traitement (1). Ajoutons que nous avons eu occasion de revoir la malade il y a peu de temps, et que nous avons pu constater que des changements favorables se sont encore produits depuis notre dernier examen.

Nous avons cru devoir rapporter cette observation un peu longuement, parce qu'elle a été le point de départ de nos recherches

(1) La première de ces photographies n'a pu être prise qu'après la section des brides qui renversaient la lèvre inférieure.

sur le traitement des cicatrices difformes. Elle présente d'ailleurs, par elle-même, un intérêt incontestable, en raison de l'étendue de la difformité, de l'ancienneté des lésions et du résultat obtenu. On verra que ce résultat n'a pas été moins satisfaisant dans tous les

autres cas.

Obs. II. Dans les premiers jours de février 1861, nous sommes consulté par le nommé L. B***, charcutier, âgé de vingt-neuf ans, pour une cicatrice qu'il porte à la racine du nez,consécutive à une plaie contuse. Cette cicatrice, remontant à un mois et demi environ, se présente sous la forme d'une crête irrégulière, de couleur violacée, de 3 centimètres de long sur 3 à 4 millimètres de large et 2 à 3 millimètres de saillie extérieure. Le siége apparent de cette lésion, son irrégularité, sa coloration anormale, son relief au-dessus du niveau de la peau, constituent une difformité très-prononcée.

5 février 1861. Toute la partie exubérante de la cicatrice, préalablement mouillée avec un peu d'eau, est cautérisée avec le crayon de nitrate d'argent. Immédiatement après, application d'une couche de collodion, comme dans le cas précédent.

11. Chute de la croûte parcheminée, qui se détache par plaques, sans suppuration en dessous. Application d'une nouvelle couche de collodion, sans cautérisation préalable, n'ayant pas en ce moment sur nous du nitrate d'argent.

18. La couche de collodion est presque partout soulevée et laisse apercevoir une très-grande diminution dans le relief extérieur de la cicatrice; la coloration de cette dernière n'est plus violacée et se rapproche davantage de celle de la peau environnante; gymnastique suédoise.

23. Nouvelle cautérisation avec enduit collodionné.

18 mars. Cessation de tout traitement; la difformité n'est presque plus apparente.

Ici la cicatrice était récente, et par conséquent non encore définitivement organisée. Il est hors de doute qu'abandonnée sans traitement, elle eût subi peu à peu un travail de rétraction qui aurait diminué son étendue, sa saillie et sa coloration particulière. Mais, tout en reconnaissant la part qui revient au temps et à la nature, nous n'hésitons pas à croire néanmoins que la difformité n'aurait pas disparu d'elle-même aussi rapidement et aussi complétement; bien plus, nous restons persuadé que cet homme aurait conservé toute sa vie une cicatrice saillante et apparente, au lieu d'une cicatrice linéaire et imperceptible qui lui reste aujourd'hui.

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