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avec les humoristes; neutraliser les alcalins par les acides et réciproquement dans la doctrine iatro-chimique, etc., etc. Toujours à la remorque d'un système philosophique ou médical, toujours en arrière, par conséquent, des autres parties de la science, si bien que Stahl, dont l'animisme pouvait à la rigueur se passer de thérapeutique, saisi de découragement à l'aspect d'un tel entassement d'erreurs ou de préjugés, se contenta d'émettre le vœu qu'« une main hardie entreprît de nettoyer cette étable d'Augias. »

L'entreprise, à ce qu'il paraît, tenta le courage de Bichat, qui en avait sondé les difficultés et qui disait de la thérapeutique : « Incohérent assemblage d'idées incohérentes, elle est peut-être de toutes les sciences physiologiques celle où se peignent le mieux les travers de l'esprit humain : que dis-je ? Ce n'est point une science pour un esprit méthodique, c'est un ensemble d'idées inexactes, d'observations aussi bizarrement conçues que fastidieusement assemblées.. On dit que la pratique de la médecine est rebutante; je dis plus: elle n'est pas, sous certains rapports, celle d'un homme raisonnable quand on en puise les principes dans la plupart de nos matières médicales. » Mais la mort vint arrrêter le glorieux jeune homme au milieu de cette œuvre gigantesque et vraiment herculéenne. Cepenpendant l'auteur de l'Anatomie générale laissa, dit-on, un travail déjà très-avancé. Mérat et Delens se flattent de l'avoir eu entre les mains; par malheur, il n'a jamais reçu un commencement de publicité et je n'ai pu en retrouver la trace.

Mais les idées introduites par Bichat dans l'introduction de son Anatomie générale appliquée à la physiologie et à la médecine, ne laissèrent pas que de pénétrer dans la pratique de son temps et d'imprimer leur cachet aux ouvrages relatifs à la thérapeutique qui parurent dans les premières années du siècle. C'est ainsi que les traités de Schwilgué (1809), de Barbier (d'Amiens) (1810 et 1818), d'Alibert (1817), peuvent être considérés comme appartenant à l'école de Bichat. Et comme Alibert fut longtemps, professeur de thérapeutique, on peut dire que ce furent les opinions de Bichat qui régnèrent dans l'école de Paris dès le commencement. de la Restauration. Les médicaments y sont dépossédés de leurs vertus antiscorbutiques, antipyrétiques, antihystériques, et de tant d'autres propriétés imaginaires qui ne sauraient qu'être anti...pathiques aux bons esprits; on proclama leur action physiologique sur les tissus et les propriétés vitales des organes, à savoir les contractilités sensible et insensible, la sensibilité organique et celle de

la vie de relation. A la vérité, les sectateurs de Bichat accordèrent une trop grande prépondérance aux modifications de la contractilité insensible; ils tombèrent alors dans la même exagération qu'on pourrait nous reprocher à l'égard de l'action des vaso-moteurs; mais enfin ils eurent le mérite de ramener la thérapeutique dans les voies de la physiologie, d'où elle n'est plus sortie et qu'elle n'abandonnera plus.

La doctrine de Broussais semblait appelée à donner l'élan à cette thérapeutique nouvelle. Il n'en fut rien. Fondé sur une base rationnelle, mais trop étroite, le physiologisme du Val-de-Grâce devint nécessairement exclusif de la majeure partie de la matière médicale dont l'action était réputée incendiaire. S'il ne faussa pas les principes de la science, il amena cependant une éclipse presque totale de la thérapeutique, qui ne dura pas moins d'une quinzaine d'années et laissa plusieurs générations médicales dans les plus profondes ténèbres. Les praticiens, d'abord volontairement désarmés, devinrent bientôt ignorants des ressources que la matière médicale avait mises entre leurs mains. Pour les ramener aux saines traditions, il fallut vaincre leurs préjugés contre les médicaments actifs et refaire toute leur éducation. La tâche n'était pas facile. Quelques adversaires de Broussais s'y dévouèrent, voulant ainsi effacer les dernières traces de la doctrine ennemie. Dans cette circonstance, comme toujours, la réaction dépassa le but. On ne se contenta pas de démontrer que la doctrine du Val-de-Grâce était insuffisante, on lui dénia toute part de vérité; on ne se borna pas à prouver que l'inflammation n'était pas l'unique procès morbide, et que, n'étant pas une et toujours semblable à elle-même, elle réclamait, selon les cas, des traitements très divers, on refusa de voir l'inflammation où elle était réellement, et, par un retour fâcheux vers les errements de l'ontologisme, on réhabilita le dogme de la spécificité absolue des maladies et de celle des médicaments. Le grand Laënnec, car le génie lui-même a ses défaillances, fut le promoteur de ces idées rétrogrades. Ce fut néanmoins une brillante période pour la thérapeutique que celle des quelques années qui suivirent la chute du physiologisme.

Les esprits échauffés par la lutte, éclairés déjà par la discussion, étaient prêts à recevoir la semence féconde de la vérité lorsque les illustres auteurs du Traité de thérapeutique entrèrent en lice. Leur magnifique ouvrage, révélation d'une science ensevelie dans l'oubli, fit, pour ainsi dire, l'effet d'une découverte paléontologique;

il piqua la curiosité, excita l'intérêt et servit puissamment à répandre l'instruction. Il s'ensuivit une révolution dans les idées et les habitudes des médecins praticiens, révolution qui s'est régularisée depuis et qui se continue activement sous nos yeux par l'intervention de toutes les générations médicales formées à l'école de MM. Trousseau et Pidoux.

La réhabilitation des agents de la matière médicale, la connaissance plus exacte et plus approfondie de quelques-uns, tels que la belladone, l'extension de la plupart d'entre eux, des vues neuves et judicieuses sur les médications, des tentatives heureuses dans la voie expérimentale, partout le cachet d'une expérience clinique consommée voilà les principaux mérites de ce grand ouvrage, bien perfectionné depuis, devenu classique, traduit dans la plupart des langues de l'Europe et parvenu maintenant à sa huitième édition.

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Les idées défendues dans l'oeuvre commune, Trousseau vint les développer dans cette chaire et les propagea avec toute l'autorité de sa haute position et de son immense talent. Beaucoup d'entre nous ont eu le bonheur d'entendre cette parole vibrante, animée, pittoresque, qui se gravait si bien dans l'esprit des auditeurs. Nul, en effet, ne porta plus haut l'art d'énoncer les choses dans un langage clair et élégant, de souligner les points importants, de soutenir l'attention par des exemples choisis à propos et bien enchâssés dans l'exposition générale du sujet. Trousseau était, en un mot, le modèle du professeur éloquent et persuasif; et lorsqu'après avoir jeté le plus vif éclat sur la clinique médicale de l'Hôtel-Dieu, il revint à sa chaire de prédilection, la foule avide de l'entendre se pressa autour de lui comme aux meilleurs jours. On assistait en quelque sorte à une seconde restauration de l'enseignement thérapeutique, car l'un des plus dignes représentants de la grande école anatomopathologique française, le professeur Grisolle, qui avait occupé la chaire dans l'intervalle, n'avait jamais considéré cette position que comme un acheminement vers la Clinique, où l'appelaient toutes ses prédilections et toutes ses aptitudes.

Par malheur, cet échange de chaires, qui remettait chacun à sa place et qui semblait devoir être si profitable à l'intérêt général, ne porta pas tous les fruits sur lesquels on était en droit de compter. Le professeur Grisolle ne tarda pas à être frappé de paralysie et fut perdu pour la science. Trousseau, dont le caractère vraiment chevaleresque ne se démentit en aucune circonstance, qui avait décidé de prendre sa retraite, afin, disait-il, de donner l'exemple et pour

faire place à de plus jeunes, Trousseau, en pleine possession de son talent et de son succès, quitta l'enseignement qu'il avait illustré. Mon regretté et vénéré maître ne deyait pas survivre longtemps à cette séparation volontaire d'avec la jeunesse qu'il avait tant aimée. Ce n'est pas ici le lieu d'insister sur la grandeur d'âme et les autres qualités éminentes de Trousseau; si l'on veut s'en faire une idée, il faut parcourir les pages éloquentes que son ami et collaborateur M. Pidoux vient de lui consacrer. Tout ce que je puis vous dire de cet éloge, c'est qu'il part d'un grand esprit et d'un grand cœur.

On pouvait craindre après la retraite de Trousseau que l'enseignement de la thérapeutique ne vînt à déchoir. Mais M. le professeur Sée, appelé à l'honneur de lui succéder, s'efforça de maintenir et même de rajeunir cet enseignement en lui transfusant les idées nouvelles et les faits inédits puisés dans la riche littérature germanique. Notre savant collègue déploya dans cette tâche une activité vraiment méritoire.

Au reste, en ce temps de libre concurrence il n'y avait pas d'interrègne possible. A côté de nous, non loin de cette enceinte, prospère un enseignement élémentaire privé, qui fut et qui restera longtemps encore, je l'espère, un auxiliaire puissant de celui de la Faculté. Vingt générations d'élèves ont puisé, dans les cours de M. le docteur Martin-Damourette, des connaissances étendues et sûres. Honneur donc à ce professeur libre, aussi savant que modeste, l'ami et l'émule d'un autre maître aimé, d'un physiologiste éminent que la maladie retient encore éloigné de ses travaux : j'ai nommé M. le professeur Martin-Magron!

C'est ici le lieu de jeter en arrière un rapide coup d'œil pour marquer les étapes et mesurer le chemin parcouru par la thérapeutique avant d'arriver à son état actuel.

Au point de départ, étancher le sang des blessures, en extraire les flèches ou les javelots, appliquer un bandage : voilà à quoi se bornait le rôle du chirurgien. Quelques simples, surtout des vulnéraires et des cordiaux; le baume de la Samaritaine, puis des bains liquides et de fumigations, des lavements, des balsamiques comme antiputrides, des onguents et la graisse de crocodile contre le rhumatisme; et, plus tard, un entassement de produits, surtout de plantes en nature, peu de substances minérales (alun, nitre, orpiment, vert-de-gris) : tel était le bilan de la médecine primitive. Sa caractéristique était la suivante: application aveugle, routinière, de recettes banales.

A la longue on finit par distinguer et catégoriser les cas d'après des similitudes plus apparentes que réelles, et les médicaments commencèrent à se classer eux-mêmes. Ceux d'origine minérale augmentèrent progressivement de nombre et d'importance avec les travaux des alchimistes. En même temps on vit se dégager de plus en plus les principes actifs, d'abord sous forme d'extraits, de teintures, de ce que le fameux Paracelse appelait des quintessences, ensuite à l'état de principes immédiats, neutres ou alcalins. Dès le dix-huitième siècle l'Académie royale des sciences comprit l'utilité de l'analyse chimique appliquée à l'étude des principes actifs des drogues; mais, les lois de la chimie organique n'étant pas encore dévoilées, l'Académie s'égara dans la vaine recherche de la composition élémentaire des substances organiques. Il fallut les découvertes de la chimie moderne pour amener les praticiens à l'abandon graduel des médicaments composés et répandre de plus en plus l'usage des préparations simples, ou du moins peu compliquées, et surtout celui des principes immédiats, des alcaloïdes, représentant les principales vertus des plantes médicinales. La réforme de la pharmacopée galénique, ardemment réclamée dès 1785 par Fourcroy, préconisée par Pinel, Schwilgué et plusieurs autres, peut être considérée comme accomplie depuis le règne du physiologisme broussaisien et la restauration de la thérapeutique par MM. Trousseau et Pidoux. Cependant, depuis le quinzième siècle et la découverte de l'Amérique, les voyageurs ont doté la matière médicale d'un grand nombre de produits nouveaux, parmi lesquels il me suffira de citer l'ipéca, le quinquina, et l'acquisition toute récente de la fève de Calabar. La chimie, à son tour, nous a donné l'éther, le chloroforme, les alcaloïdes, l'iode, le brome, etc., et ses travaux accroissent incessamment nos richesses. Mais deux circonstances surtout ont contribué à renouveler la face de la thérapeutique, c'est, d'une part, l'introduction de la physiologie dans cette partie importante de la médecine, avec des applications plus rationnelles des agents de la matière médicale par Cullen, Schwilgué, Alibert et l'école de Bichat, ainsi que par Trousseau et Pidoux, par Pereira et les auteurs modernes ; d'autre part, c'est l'emploi plus général des vivisections et autres expériences sur les animaux, lesquelles, déjà pratiquées par Galien et appliquées dès le siècle dernier à la connaissance des actions médicamenteuses, notamment par Schwilgué, Pinel et Landré-Beauvais, sont devenues l'un des plus puissants moyens de conquête de la science moderne.

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