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Jeudi dernier a eu lieu la réception de M. Cl. Bernard à l'Académie française. Notre éminent confrère a reçu l'accueil le plus sympathique, et M. Patin, qui lui a répondu, a su le louer avec un tact exquis et une grâce parfaite.

Le discours de l'éminent physiologiste n'a été que l'exposé de sa profession de foi scientifique, et nous sommes heureux de pouvoir donner à nos lecteurs la péroraison de ce magnifique discours :

«Quelles sont les limites des sciences? de quelle nature sont les rapports qui les unissent? Ces questions restent en quelque sorte toujours présentes, et elles ont été de tout temps l'objet des méditations des esprits éminents.

<< On ne saurait fixer le nombre des sciences, parce qu'elles sont le résultat du morcellement successif des connaissances humaines, par notre esprit borné, en une foule de problèmes séparés. Néanmoins on a distingué deux ordres de sciences les unes partant de l'esprit pour descendre dans les phénomènes de la nature, les autres partant de l'observation de la nature pour remonter à l'esprit. Leur point de départ est différent, mais le but est le même la recherche et la découverte de la vérité. Ce sont les ténèbres de notre ignorance qui nous font supposer des limites entre ces deux ordres de sciences.

« Dans l'étude des sciences, notre raison se débat entre le sentiment naturel qui nous emporte à la recherche des causes premières, et l'expérience qui nous enchaîne à l'observation des causes secondes. Toutefois les luttes de ces systèmes exclusifs sont inutiles, car dans le domaine de la vérité chaque chose doit avoir nécessairement son rôle, sa place et sa mesure.

<< Notre premier sentiment a pu nous faire croire qu'il nous était possible de construire le monde à priori, et que la connaissance des phénomènes naturels, en quelque sorte infuse en nous, s'en dégagerait par la seule force de l'esprit et du raisonnement. C'est ainsi qu'une école philosophique, célèbre en Allemagne, au commencement de ce siècle, est arrivée à dire que la nature n'étant que le résultat de la pensée d'une intelligence créatrice, d'où nous émanons nous-mêmes, nous pouvions, sans le secours de l'expérience et par notre propre activité intellectuelle, retrouver les pensées du Créateur. C'est là une illusion. Nous ne pourrions pas même concevoir ainsi les inventions humaines, et, s'il nous a été donné de connaître les lois de la nature, ce n'est qu'à la condition de les déduire par expérience de l'examen direct des phénomènes, et non des seules conceptions spéculatives de notre esprit.

« La méthode expérimentale ne se préoccupe pas de la cause première des phénomènes, qui échappe à ses procédés d'investigations; c'est pourquoi elle n'admet pas qu'aucun système scientifique vienne lui imposer à ce sujet son ignorance, et elle veut que chacun reste libre dans sa manière d'ignorer et de sentir. C'est donc seulement aux causes secondes qu'elle s'adresse, parce qu'elle peut parvenir à en découvrir et à en déterminer les lois, et celles-ci n'étant que les moyens d'action ou de manifestation de la cause première, sont aussi immuables qu'elle, et constituent les lois inviolables de la nature et les bases inébranlables de la science.

<< Mais nos recherches n'ont point atteint les bornes de l'esprit humain: limitées par les connaissances actuelles, elles ont au-dessus d'elles l'immense région de l'inconnu qu'elles ne peuvent supprimer sans nuire à l'avancement même de la science.

« Le connu et l'inconnu, tels sont les deux pôles scientifiques nécessaires. Le connu nous appartient et se dépose dans l'expérience des siècles. L'inconnu seul nous agite et nous tourmente, et c'est lui qui excite sans cesse nos aspirations à la recherche des vérités nouvelles dont notre sentiment a l'intuition certaine, mais dont notre raison, aidée de l'expérience, veut trouver la formule scientifique.

« Ce serait donc une erreur de croire que le savant qui suit les préceptes de la méthode expérimentale doive repousser toute conception à priori, et imposer silence à son sentiment pour ne plus consulter que les résultats bruts de l'expérience. Non, les lois physiologiques qui règlent les manifestations de l'intelligence humaine ne lui permettent pas de procéder autrement qu'en passant toujours et successivement par le sentiment, la raison et l'expérience; seulement, instruit par de longues déceptions et convaincu de l'inutilité des efforts de l'esprit réduit à lui-même, il donne à l'expérience une influence prépondérante, et il cherche à se prémunir contre l'impatience de connaître, qui nous pousse sans cesse vers l'erreur. Il marche avec calme et sans précipitation à la recherche de la vérité; c'est la raison ou le raisonnement qui lui sert toujours de guide, mais il l'arrête, le retient et le dompte à chaque pas par l'expérience; son sentiment obéit encore, même à son insu, au besoin inné qui nous fait irrésistiblement remonter à l'origine des choses, mais ses regards restent tournés vers la nature, parce que notre idée ne devient précise et lumineuse qu'en retournant du monde extérieur au foyer de la connaissance qui est en nous, de même que le rayon de lumière ne peut nous éclairer qu'en se réfléchissant sur les objets qui nous entourent. >>

Pour les articles non signés : F. BRICHETEAU.

THÉRAPEUTIQUE MÉDICALE.

Une pratique de quarante ans au sujet de la pneumonie (1): Par le docteur DAUVERGNE père, médecin de l'hôpital de Manosque et des épidémies de l'arrondissement de Forcalquier, etc.

(3o article.)

Pathogénie de la pneumonie.

Jusqu'à présent la pneumonie. a été et est encore une inflammation pour les médecins. Jusque-là le mal ne serait pas grand; mais ce qui en devient un très-grand, c'est d'interpréter à l'inverse les phénomènes physiologiques de cette inflammation. On la regardait comme un excès de vitalité organique, partant comme une entité morbide réagissant par une activité propre sur le reste de l'organisme, activité qu'on exprimait par cette maxime aussi vieille que la médecine: Ubi stimulus, ibi fluxus. Or tout prouve aujourd'hui, clinique, physiologie, anatomie pathologique, que ce vieil adage doit être remplacé par cette loi opposée: Ubi laxus, ibi fluxus.

En effet, j'ai rapporté en 1853, dans mon Hydrothérapie générale, des faits cliniques qui me conduisaient à dire « que la cause de l'inflammation n'était pas dans la sensibilité organique augmentée, comme le voulait Bichat, ni dans l'irritation, ainsi que l'indiquait Broussais, mais bien dans les liquides et la faiblesse des capillaires.

Cette manière de voir, que je tirais de l'analyse des faits, ne fait plus question depuis les beaux travaux de M. Claude Bernard sur les nerfs vaso-moteurs et leur paralysie; et cependant les résultats auxquels il est arrivé n'étaient plus une nouveauté, puisque, avant que l'observation et la force de l'induction m'y amenassent moimême, Vacca, en 1765, à Florence, a soutenu le premier qu'«< une congestion ou demi-stagnation de sang ne peut se manifester dans une partie du corps sans y produire une débilité absolue ou relative. » J. Thompson, dans son Histoire de l'inflammation, a dit : «Dans l'état de santé, la résistance à la distension est égale à la force d'impulsion; quand cette résistance devient inférieure, la distension

(1) Suite et fin; voir la livraison du 15 mai, p. 385.

TOME LXXVI. 11o LIVR.

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doit nécessairement avoir lieu ; mais une diminution de la force de résistance ne peut provenir que de la débilité (1), »

Philippe Wilson, Hastings, Gruithuisen, Kalterbrunner, Kock, Magendie, M. Lebert arrivent aux mêmes conclusions après leurs expériences; tandis que notre spirituel secrétaire général de l'Académie de médecine, M. Dubois (d'Amiens), résume ainsi la question : « La congestion est un phénomène tout mécanique : le sang afflue là où il trouve moins de résistance. » Préleçons de pathologie expérimentale (2).

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Depuis, M. Robin, aidé des expériences de MM. Legros, Onimus, Stricker (de Vienne), Max. Schültze, Brücke, etc., a complété la théorie de l'inflammation et prouvé que, dans la sta se sanguine, les capillaires deviennent jusqu'à cinq et dix fois plus volumineux qu'à l'état normal; que ces troubles circulatoires modifient les échanges des matériaux nutritifs et déterminent à la suite la génération d'éléments anatomiques nouveaux (3); néoplasies ou hyperplasies dont les proliférations peuvent rentrer alors dans la théorie cellulaire de Virchow, sans admettre encore, comme lui, un stimulus imaginaire, l'irritation.

Pendant que les physiologistes éclaircissaient ce côté de la question, les cliniciens la complétaient. En effet, ils ont constaté que la fièvre précédait la congestion et que toujours l'exsudat qui résultait de la phlegmasie ne diminuait qu'après la fièvre, c'est-à-dire après que le pouls et la température avaient baissé.

De pareils faits on peut au moins déjà induire pour la pneumonie ce que M. Peter disait du rhumatisme dans une de ses dernières leçons que phénomènes locaux et fièvre ne font qu'un.

En effet, si la fièvre, qui est représentée par l'accélération de la circulation et l'augmentation de la chaleur, a précédé la stagnation sanguine pulmonaire, il est facile de comprendre que plus la chaleur générale augmente sous l'impulsion des ondées sanguines, plus la stagnation phlegmasique s'agrandit, toujours en proportion du manque de résistance des capillaires de l'organe. La fièvre est le phénomène pathologique primordial, et la résolution de la phlegmasie est toujours précédée par la défervescence. Voici, en effet, comment M. le professeur Hirtz (de Strasbourg) résume ces sortes d'observations :

(1) Traduction de Boisseau et Jourdan, p. 39.

(2) Voyez notre Hydrothérapie générale, Prolégomènes, p. xvIII. Paris, 1853. (3) Robin, Leçons sur les vaisseaux capillaires et l'inflammation, 1867,

«Quant à la résolution de l'hépatisation, elle n'a commencé à se manifester que deux jours après la chute du pouls et de la température, ce qui semble prouver que la maladie locale n'est pas la condition unique de la fièvre. Il arrive ici ce qu'ont déjà constaté les recherches de MM. Traube, Bærensprung, Jochmann sur la température fébrile, dont l'abaissement précède ordinairement et souvent assez longtemps l'amendement du travail local (1). »

De tous ces faits et phénomènes il résulte que les indications thérapeutiques qui peuvent se tirer de l'état physiologico-pathologique de la pneumonie consistent à diminuer la rapidité de la circulation, l'élévation de la température animale, et d'augmenter ou au moins de soutenir la contractilité organique.

Les faits que nous avons produits et qu'a si bien exposés M. le professeur Hirtz ne laissent point de doute quant à l'obligation de faire céder la rapidité de la circulation et l'élévation de la température animale pour voir s'effectuer la résolution de l'exsudat pulmonaire, puisque ce sont des phénomènes qui s'enchaînent et se suivent. La contractilité que nous invoquons est plus obscure et ne serait presque qu'un être de raison, si les expériences de M. Marey ne la dévoilaient sous le nom de tension vasculaire. Mais elle est si bien la conséquence des faits, l'aboutissant de tous les phénomènes, qu'elle deviendrait une nécessité de logique, un principe absolu et obligé, si certains faits ne la montraient même directement. Voici précisément l'histoire d'une pneumonie qui met dans toute son évidence cette propriété physiologique curatrice.

OBS. XX. En 1852, un tambour du Se léger est pris, à Toulon, de pneumonie. Il est traité par les saignées, les sangsues, le tartre stibié. Il sort de l'hôpital avant une entière guérison ou pendant une convalescence incomplète, pour rejoindre son régiment à Manosque. Dans sa route il est pris de nouveau et est obligé de s'arrêter à Valensolle, Digne et Les Mées, où il est aussi saigné. Enfin il arrive à Manosque pour s'aliter aussitôt, et là on le traite pendant un mois par les saignées et de larges vésicatoires; puis on l'abandonne, ne sachant plus que faire. Je prends le service sur ces entrefaites et je trouve ce jeune homme crachant journellement une masse de sang rouge qu'il estime à près d'un litre. Tout son côté droit est si sensible que je puis à peine le percuter. Il est mat presque jusqu'au sommet, où on entend quelques râles à grosses bulles; en

(1) Bull, de Thérap., t. LXII, p. 197.

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