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THÉRAPEUTIQUE MÉDICALE.

Note sur l'efficacité de l'arsenic dans certaines espèces
de gastralgies,

Par le docteur Arth. LEARED, médecin au Great Northern Hospital, etc. (1);

Traduit par le docteur GAUChet.

Je me propose de faire voir que certaines espèces de douleurs gastriques sont justiciables de l'arsenic (2), et d'indiquer, autant qu'il me sera possible, à quels signes on les peut reconnaître.

Dans ce sens qu'elle n'est sous la dépendance ni de la dyspepsie, ni de l'inflammation, ni d'une altération organique, la douleur de l'estomac est, dans un certain nombre de cas, une affection primitive. Les nausées, les vomissements et les autres symptômes gastriques spéciaux qui l'accompagnent en sont simplement la conséquence. C'est ce que j'espère être en état de démontrer. On admettra que la névralgie peut affecter l'estomac et les intestins aussi bien que la plupart des autres organes de l'économie. Or, si la maladie consiste essentiellement en une douleur non accompagnée des signes de l'inflammation, la douleur gastrique que nous avons à envisager ici ne doit-elle pas être regardée comme une névralgie?

Cette douleur primitive est loin de se rencontrer aussi fréquem ment que celle qui accompagne la dyspepsie. Il n'existe peut-être pas de souffrance plus cruelle quand la maladie revêt sa forme la plus intense. A l'angoisse d'une douleur extrême se joint l'angoisse d'une prostration profonde, et ce que le malade appelle une sensation de défaillance, d'anéantissement (sinking sensation) vient s'ajouter à sa détresse. Cette sensation et d'autres, difficiles à définir, qui ont pour siége l'estomac, sont probablement dues aux rapports de cet organe avec le plexus solaire du système nerveux sympathique.

(1) Extrait du British med. Journ., 23 et 30 novembre 1867.

(2) L'auteur dit : « Amenable to a treatment not yet employed by the profession, justiciables d'un traitement qui n'a pas encore été employé. » Cette expression, exacte peut-être en Angleterre, ne l'est pas en France où, depuis longtemps, le professeur Teissier, de Lyon, a signalé les bons effets de l'arsenic dans certaines gastralgies (Voir Trousseau et Pidoux, art. Arsenic); ces bons effets ont été démontrés également par Millet, de Tours (Emploi thérapeutique des préparations arsenicales, p. 80).

TOME LXXVI. 2e Livr.

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Heureusement, l'affection douloureuse dont nous nous occupons a des intermissions; mais les intervalles entre les attaques qui, d'abord, peuvent se mesurer par mois, arrivent, avec le temps, à ne plus se compter que par semaines, voire par jours, et dans quelques cas l'on voit même des malades en être atteints plusieurs jours de suite. L'accès commence par quelques légers symptômes avant-coureurs, et, en général, lorsque l'estomac est dans l'état de vacuité. Le malade peut être, à ce moment, dans son état de santé habituel, qui, toutefois, comme on le verra plus loin, se trouve déjà sous le coup d'un degré plus ou moins prononcé d'épuisement

nerveux.

cas,

La douleur n'est pas moins variable par son degré que par sa nature. Dans un certain nombre de elle est intense et fixée en un point dans la région épigastrique. Quelquefois elle est plus étendue et a le caractère d'une crampe, comme si l'estomac était fortement tiraillé et comprimé. La douleur peut même s'étendre à une grande partie de l'abdomen. Quand elle se prolonge quelque temps, il survient des vomissements de liquide glaireux, ou de de bile, ou de matières alimentaires, s'il en existe dans l'estomac. Dans les attaques moins fortes, il n'y a pas de vomissements.

Lorsque la douleur est intense, l'état du malade touche au collapsus. Le pouls est faible, souvent plus lent qu'à l'état normal. Le corps est baigné d'une sueur froide. La face est pâle et les traits grippés. Le malade se roule sur son lit ou sur le plancher d'une manière qui exprime une vive souffrance. Dans certains cas, des stimulants ou quelque nourriture procurent du soulagement; mais dans quelques autres, l'ingestion de ces substances ne fait qu'accroître la douleur. La longueur de chacune des attaques, ainsi que les intervalles qui les séparent, sont très-variables; elles peuvent ne durer qu'une demi-heure ou se prolonger pendant plusieurs heures. À la suite de chaque attaque, l'épigastre reste quelque temps sensible à la pression. Sous les autres rapports, à l'exception d'une grande prostration, le malade se sent bien. La langue est pâle et molle, les garde-robes sont régulières. L'appétit est conservé et la digestion se fait rapidement.

Beaucoup de praticiens peuvent se rappeler des cas auxquels s'applique la description qui précède, où des douleurs dites coliques d'estomac ou une gastrodynie intense revenaient de temps en temps sans cause appréciable. Ils viendront aussi confirmer mon assertion que le traitement ordinaire par les sédatifs et les toniques

n'y est d'aucune utilité. Mais si la douleur n'est pas sous la dépendance d'une mauvaise digestion, pouvons-nous être certains que c'est bien l'estomac, et non quelque partie ou organe attenant, qui est le siége réel de la souffrance? Le point occupé par la douleur, le sentiment de défaillance et autres sensations qui s'y joignent, indiquent nettement au patient qu'il en est ainsi en réalité, et très-souvent le vomissement vient y ajouter une nouvelle preuve. Comme il a été déjà dit, la douleur précède toujours le vomissement, qui est, par conséquent, très-probablement causé par action nerveuse réflexe. Dans tous les cas de cette affection qui se sont présentés à mon observation, les sujets étaient des personnes d'âge moyen, débilitées par quelque influence antérieure, telle que la perte de parents ou d'amis, ou, ce qui n'a pas une action dépressive moins active, la perte de leur fortune. La malaria a été également notée comme une des causes efficientes.

En ce qui concerne le traitement de cette affection, n'ayant pas eu à me louer des effets des moyens ordinairement mis en usage, je pensai à essayer l'arsenic. C'est une chose qui ne saurait être. mise en question que la valeur extraordinaire de ce médicament dans un grand nombre de formes de maladie, et notamment dans quelques affections névralgiques de la tête. Si donc mon apprẻciation était exacte et si le désordre gastrique en question était réellement une névralgie, le remède qui triomphe de la névralgie danš un siége devait pouvoir en triompher dans un autre.

Voici le premier cas dans lequel j'expérimentai l'arsenic :

Une dame, de constitution robuste, âgée de quarante-six ans, me consulta en juin 1863. La perte soudaine de son mari, mort par accident, des inquiétudes, à la suite, sur le sort de sa famille qui était nombreuse, étaient venues s'appesantir sur elle. Environ une fois par semaine, elle était prise d'une douleur extrêmement violente de l'estomac, qui, bien qu'elle durât rarement plus d'une demi-heure, la laissait pendant longtemps dans un état de faiblesse considérable. La douleur venait tout à coup, sans que rien en annonçât l'approche, quel que fût l'état de l'estomac, vacuité ou réplétion, et n'était aucunement influencée par le régime. Il n'y avait aucun symptôme gastrique habituel, à l'exception de flatuosités, et les garde-robes étaient parfaitement régulières. Divers médicaments, et entre autres le bismuth, restèrent complétement sans effet. La liqueur arsénicale fut alors administrée, d'abord à la

dose de 3 minims (1), qui fut portée ensuite à 5 minims. Ce traitement fut continué seulement pendant quinze jours. Sous son influence, les attaques furent promptement supprimées, et au bout du temps qui vient d'être indiqué, la malade m'apprit dans une lettre qu'elle avait pu, grâce à l'amélioration de sa santé, affronter impunément une grande fatigue, tant de l'esprit que du corps. Les accidents reparurent une fois dans le cours de l'année suivante, à la suite d'inquiétudes sérieuses occasionnées par la maladie d'un de ses enfants. Dans ce cas, le traitement n'a pas été continué un temps suffisant, et, bien que l'action avantageuse du remède s'y soit montrée d'une manière très-apparente, cependant je ne le compte que parmi mes faits les moins satisfaisants.

Dans le suivant, l'effet du traitement a été des plus marqués.

Je fus consulté, en janvier 1866, par un monsieur àgé de cinquante-quatre ans, fortement bâti, mais maigre et paraissant usé, d'habitudes sobres et modérées. Environ deux ans auparavant, il avait été pris pour la première fois d'une douleur, d'une crampe extrêmement violente à l'estomac, dont il eut à souffrir ensuite de nombreuses répétitions. D'abord les intervalles entre les attaques avaient été d'un mois; mais depuis quelque temps il était rare qu'un jour se passât sans en ramener. En général elles se produisaient le soir, après le coucher, et il n'est pas indifférent de noter que le dîner avait lieu de bonne heure. La douleur durait de deux à quatre heures, et, d'après la description du malade, elle était presque insupportable. Elle s'accompagnait de vomissements acides, mais qui n'apportaient aucun soulagement. Cependant, à l'exception d'un peu de flatulence, il n'y avait aucun des symptômes ordinaires de l'indigestion. L'appétit était bon, les garde-robes régulières. Il existait une hernie inguinale du côté droit, et, au dire du patient, le docteur Babington, qui lui avait donné des soins, avait pensé que les attaques dépendaient de la présence de la hernie. Divers moyens de traitement avaient été mis en usage sans aucun résultat. Ce monsieur avait été directeur d'une compagnie industrielle, qui, vers l'époque de la première attaque, avait fait faillite dans des circonstances pénibles, qui lui avaient occasionné beaucoup de peine et d'inquiétudes. Ces détails, obtenus en réponse à mes questions, venaient en aide au diagnostic. J'ordonnai la liqueur arsenicale à

(1) Le minim est une mesure de capacité qui équivaut à 0,059 de notre millilitre.

la dose de 2 minims après chacun des trois repas quotidiens. Le quatrième jour je fus appelé auprès du malade et j'appris de sa bouche qu'à l'exception du premier soir il avait été exempt de ses douleurs et qu'il avait eu des nuits beaucoup meilleures qu'elles n'avaient été depuis longtemps. La dose fut alors portée à 5 minims. Je revis mon client le onzième jour: ses nuits avaient été bonnes, et il n'avait pas eu de douleur, excepté deux fois où elles s'étaient d'ailleurs montrées à un degré bien modifié. Nouvelle augmentation de la dose, qui est portée à 6 minims. Le dix-huitième jour, le patient se trouvait bien; cependant il avait eu deux légères attaques. 7 minims à chaque dose. Le vingt-quatrième jour, il n'y avait eu aucun retour de la douleur. Le malade recouvrait rapidement l'aspect de la santé. Dans le but de rendre la guérison plus assurée, le médicament fut continué quinze jours encore, à raison de 8 minims à chaque fois. Depuis, la douleur n'a jamais reparu et l'état est devenu satisfaisant sous tous les rapports.

En mars 1867, je vis en consultation, avec M. Wheeler de Bexley, un malade àgé de trente-huit ans, d'une constitution assez robuste. Il avait eu, depuis trois ou quatre ans, des éructations fréquentes formées, disait-il, d'un fluide gras et acide. Mais cet fluide revenait en plus grande quantité vers six heures du soir, chaque jour, et ensuite cette espèce de régurgitation se reproduisait deux ou trois fois dans la soirée. Chaque fois elle était précédée d'une douleur intense de l'estomac qui se calmait quand elle avait eu lieu. Il y avait des flatuosités, mais l'appétit était bon et la digestion se faisait bien. Plusieurs garde-robes avaient lieu chaque jour, et les matières étaient écumeuses et souvent mélangées de mucus que le patient comparaît à du frai de grenouille. Il avait eu la fièvre intermittente, et, bien que cette dernière affection n'eût pas reparu depuis plusieurs années, trouvant la rate volumineuse et sensible à la pression, je fus d'avis de tenter l'emploi de la quinine concurremment avec le bismuth, et ce traitement fut continué pendant quelque temps, mais sans grand résultat. Je conseillai alors l'arsenic à dose progressivement croissante, et en même temps l'établissement d'une contre-irritation au niveau de la région splénique. Ces moyens furent suivis de la cessation de la douleur et des vomituritions, et d'une grande amélioration dans les fonctions intestinales.

Bien que d'autres médicaments aient été employés chez ce ma

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