Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

1825, les statues des plate-formes ont été jetées bas; toutes avaient. regardé la mer, toutes gisaient sur le sol face contre la terre ce n'est donc pas un mouvement sismique qui les a détrônées, mais bien les insulaires eux-mêmes au cours de leurs différends entre districts 1.

Te Pito aurait été distinguée de très loin, pour la première fois, par l'Espagnol Mendana en 1556. Celui-ci ne paraît toutefois lui avoir attribué aucun nom.

En 1687 le corsaire anglais Davis l'aperçut alors qu'il venait d'abandonner le commandement d'un groupe de flibustiers et se rendait des Galopayos aux Antilles où il devait bénéficier de la mesure d'amnistie que l'Angleterre venait de décréter. La terre de Davis allait faire rêver l'Univers qui ne la retrouvera plus, car ce navigateur ne s'étant rendu compte ni de sa dérive sous les forts alisés du sud-est, ni, surtout, du courant équatorial portant à l'ouest l'a placée beaucoup trop à l'est.

Le jour de la Résurrection de 1722, le hollandais Roggeween, amiral par occasion, exécutant un projet conçu par son père un demi-siècle plus tôt, tombe sur Te Pito qu'il ne reconnaît pas pour être la terre de Davis et qu'il baptise Ile de Pâques. Il la voit couverte de forêts: les habitants, qu'il estime au nombre de 3000, lui paraissent des géants; ils sont dépourvus d'armes; aucune apparence belliqueuse; ils se montrent au contraire confiants, hospitaliers sans limite, mais ils n'ont aucun sens de la propriété et s'emparent de bonnets et de mouchoirs. Pour avoir porté la main sur un mousquet les gens de Roggeween tirent une salve dans le tas et les malheureux insulaires font ainsi connaissance avec des armes qui tuent sans venir au contact des victimes. Fuite éperdue, hurlements. Mais il faut calmer ces étrangers dont le pouvoir est, sans doute illimité. Les voici qui reviennent chargés de présents parmi lesquels cinq cents poules; ils font des signes de soumission, d'humilité, et le Hollandais leur accorde le pardon! (sic) Après quelques heures de séjour à terre il reprend la mer.

[ocr errors]

1770. Quarante-huit ans plus tard le commodore Félipe Gonzalés avec le vaisseau San Lorenzo et la frégate Santa Rosolia mouille sur la côte nord, à Anakena, le 16 novembre. Il y reste six jours tandis que ses embarcations font le tour de l'île pour en relever l'hydrographie et faire des reconnaissances à l'intérieur aux différents points de la côte. Les forêts de Roggeween

1. Te Pito Te Henua est le nom indigène le plus ancien connu. Te est l'article le. Pito signifie nombril et Henua utérus. Les insulaires apprécient d'autant plus ce nom que pour eux l'Ile de Pâques est le centre du monde. Une sorte de lieu qui a produit le reste du monde.

n'existent plus. Les insulaires ont la même méconnaissance de la propriété, mais ils sont toujours hospitaliers, enjoués, confiants. Gonzalés les juge de haute stature comparée à celle des Espagnols, toutefois il ne parle pas de géants. Ils sont aussi infatigables à la nage qu'à la marche, aussi les deux navires sont-ils constamment envahis par eux, hommes et femmes. Gonzalés n'a pas, selon lui, retrouvé la terre de Davis, de plus il n'identifie pas sa « découverte» avec l'Ile de Pâques de Roggeween; aussi la nomme-t-il << San Carlos » et il en prend possession au nom de l'Espagne.

1774. Cook, avec les deux sloops Résolution et Adventure, visite Te Pito les 14 et 15 mars. Ce puritain stigmatise la propension au vol des hommes et, surtout, l'impudeur des femmes. Il ne se montre du moins pas trop cruel envers ces gens inoffensifs. Il n'aperçoit pas les forêts citées par Roggeween ni les géants dont celui-ci a parlé. Il n'a vu que trois pirogues, très petites et en mauvais état.

1786. Notre bon et indulgent La Pérouse parvient au mouillage de Hango Roa le 9 avril avec la Boussole et l'Astrolabe. Sa visite ne durera que la journée entière. On lui vole peut-être plus de coiffures et de mouchoirs qu'à ses prédécesseurs; mais il n'a pas la prétention de faire adopter, en un jour, notre civilisation à ces gens et il s'amuse des ruses qu'ils emploient pour s'emparer d'un objet. Ils sont d'ailleurs très généreux et offrent ce qu'ils possèdent sans s'inquiéter de ce qu'on leur donnera en retour. La Pérouse lui-même est dépouillé de sa coiffure et doit arrêter le zèle de l'un de ses hommes qui veut poursuivre le voleur, tandis qu'il dit philosophiquement: « Il ne m'a pas distingué des autres! » Le soir il reprend sa route... hélas sans se douter que ni lui ni De Langle, ne reverront jamais la France. Il pense que la population doit être de 2 000 individus.

1804. Le Russe Lisiansky arrive à Te Pito le 16 avril. II contourne l'île pendant deux ou trois jours, mais le mauvais temps l'empêche d'y mouiller. Avant de poursuivre sa route il envoie un youyou vers le rivage pour y faire des échanges; cette embarcation revient chargée de fruits et de racines. Vers six heures du soir il reprend sa route non sans avoir noté qu'il a <«< acquis la satisfaction d'avoir relevé le plan de l'un des coins les plus anciens du monde ».

1805. Des pêcheurs de phoques viennent capturer des esclaves. De fâcheuses perturbations suivent ces exactions. Au cours de luttes entre clans, des statues sont jetées à terre. Désormais on trouvera les naturels moins pacifiques.

1816. Un second Russe, Kotzebue, sur le Rurik s'avance vers le rivage sud. « Nous regardons avec étonnement, dit il, cette

terre volcanique couverte de statues et qui est notoire pour son manque d'eau et de bois. Nous croyons avoir vu, avec nos télescopes, sur la côte sud-est, quelques-unes des statues colossales qui ont excité tant d'admiration. Pourtant les bustes de la baie de Cook (Hanga Roa) où nous avons mouillé, qui ornaient le point de débarquement, et que Lisiansky avait vus, n'existent plus ». Katzébue envoie trois embarcations à terre; il « punit sévèrement une première tromperie ». Il y a échange de coups de feu et de jets de pierres, ce qui n'empêche pas finalement de faire des échanges. Il exprime cet avis. « L'œil de l'artiste se réjouit de contempler là, une plus belle nature que celle que nous offrent les plages de l'Europe. » Il quitte Te Pito « après avoir simplement mis pied à terre sur son rivage de lave ».

1825. E.-W. Beechey, commandant le Blossom, remarque en contournant Te Pito le 17 novembre que les statues jadis érigées tout autour de l'île ont été renversées. Les exactions de 1805 et les brutalités des gens de Kotzebue ont porté leurs fruits. Les relations qui paraissaient courtoises au début évoluérent subitement, comme à la suite d'un malentendu. Les marins de Beechey durent regagner les embarcations sous une grêle de pierres; la riposte des mousquets restait inefficace, car les insulaires s'abritaient derrière des blocs de pierre. Presque tous les marins furent plus ou moins grièvement blessés. Beechey aurait désiré, le lendemain, essayer de renouer des relations si péniblement interrompues, mais il n'a pas voulu y risquer la vie d'un seul homme et il est parti.

1862. Après un long intervalle le contact se renoue plus fâcheusement que jamais. La main-d'œuvre manque pour l'exploitation du guano aux « Chinchas ». Or, un réservoir d'hommes, qui ne se réclament d'aucun pavillon, existe à Te Pito. Des goélettes font route pour cette île et y arrivent fin décembre. Le mois suivant, d'abord par ruse, ensuite par une chasse à l'homme, un important contingent d'insulaires est enlevé; malheureusement il comprend tous les chefs et leurs familles et l'île est bientôt plongée en pleine anarchie. A l'initiative du gouvernement français le rapatriement des gens enlevés est décidé en principe. En fait, quelques-uns seulement sont renvoyés à Te Pito; mais par calamité, ils y apportent la petite vérole qui décime la population déjà tant éprouvée.

1864. Quelques mois après un frère, ancien commerçant français de Valparaiso, autorisé par le clergé des missions, se rend à Te Pito pour y préparer les insulaires à l'évangélisation. Il sera le premier civilisé habitant l'île et il résidera seul parmi des gens que ses semblables ont si gravement molestés. Le 2 janvier 1846

il est abandonné sur le rivage par le capitaine de la goélette qui vient de l'amener. Lorsque le 11 octobre suivant la mission le fait reprendre il est nu comme un ver; les insulaires n'ont du moins pas attenté à sa vie et, malgré tout, il a pris sur eux un ascendant considérable. Une mission, dont il fait partie s'installe dans l'île le 25 mars 1866.

1868. Le capitaine au long cours Dutrou-Bornier vient s'installer comme colon.

1868. Cette même année Te Pito reçoit la visite du croiseur anglais Topaze. C'est depuis 1825 le premier retour d'un navire de guerre. La Topaze prend dans l'une des maisons de Orongo la statue Hoa-Haka-Nana-Ta, ou la statue qui calme la mer, et la transporte à Londres où elle figure au Muséum.

1870. Première exploration ayant un caractère quelque peu scientifique, faite par le Commandant du croiseur chilien. O'Hyggins. Celui-ci manifeste son enthousiasme en ces termes << Les monuments du Pérou, les chaussées de Mexico et les pyramides d'Egypte, procurent moins d'étonnement que les statues et les mausolées de Te Pito eu égard aux moyens dont les insulaires disposaient.

[ocr errors]

1872. La Flore, portant le pavillon de l'amiral de Lepelin, mouille le long de la côte le 3 février. L'amiral n'entreprend pas un travail qui, vu le peu de temps dont il dispose, ferait double emploi avec celui des Chiliens. Il prend à son bord une petite tête de statue qui figure à notre Muséum d'histoire naturelle, à l'entrée de la salle de minéralogie.

1877. Comme Roggeween le commandant du Seignelay, arrive à Te Pito le jour de la résurrection, 1er avril. M. Pinard, chargé de mission, est à bord. Julien Viaud (Pierre Loti) fait partie de l'État-major. Les monuments lui donneront l'occasion d'exercer son talent de dessinateur. Les Français restent dans l'Ile jusqu'au 6 avril. Pas plus que leurs prédécesseurs, ils ne découvrent le mystère de Te Pito. Mais ils font la douloureuse constatation que, des 3 000 individus, grands et robustes, que Roggeween a connus il ne reste plus que 111 sujets dont 26 du sexe féminin. Leur taille moyenne n'est plus, pour les hommes que de 1 m. 57 et 1 m. 52 pour les femmes. C'est le bas de la courbe, la population s'accroît quelque peu par la suite, mais on le doit plutôt aux apports extérieurs.

1886. Première exploration n'ayant d'autre but que la science. Elle a lieu du 18 au 31 décembre. Le commissaire Thomson du Mohican en fut le chef. Son expédition a permis d'inventorier. les monuments préhistoriques, que nous avons déjà énumérés. Le Mohican embarque une statue pour le Muséum de New-York.

LA GÉOGRAPHIE. T. XXXIX, 1923.

6

1888. Le Chili prend possession de l'Ile. Désormais Te Pito sera régulièrement visitée chaque année par un navire de guerre. Une maison de Valparaiso, qui a succédé à M. Dutrou-Bornier, y pratique l'élevage du bétail. Le Gouvernement Chilien a réservé aux insulaires un district, afin que leur soient assurés les moyens de cultiver ce qui est nécessaire à leur subsistance.

1914. Deux ethnographes distingués, Mr. and Mrs. Scoresby Routledge, arrivent à Te Pito le 29 mars 1914, sur le yacht Mana qu'ils ont spécialement fait construire pour cette expédition. Ils n'en repartiront que le 18 août 1915.

Leur travail est un monument. Mais ils ont surtout brodé sur le canevas précis de la mission Thomson. La seule chose originale qu'ait révélée l'expédition Routledge, est le culte de l'oiseau et ses pratiques. Pas plus que Thomson, ou ses prédécesseurs, ils n'ont découvert le mystère de Te Pito. Roggeween qui y est parvenu le premier, arrivait sans doute déjà trop tard pour le découvrir, se fût-il alors efforcé de le rechercher, ce qu'il n'a pas fait.

1921-1922. On eût été fondé à penser que l'expédition Routledge. clôturerait les tentatives destinées à arracher son secret à Te Pito. C'eût été une erreur. Le professeur Macmillan Brown, attaché au Muséum de la Nouvelle-Zélande, vient de passer cinq mois à Te Pito. Il n'a pas découvert le secret de l'origine des monuments. Mais il émet du moins une opinion, que nous ne connaissons jusqu'ici que par des informations de la presse britannique. Te Pito fut, selon lui, la nécropole où l'on venait d'un archipel disparu, inhumer les morts célèbres. Les dizaines de milliers d'ouvriers qu'il fallait entretenir à Te Pito, pour effectuer les travaux titanesques dont il reste les traces, étaient transportés et ravitaillés à l'aide de pirogues. Un jour l'archipel disparut; les travaux cessèrent brusquement; privés d'aliments les ouvriers devinrent anthropophages. Tenons-nous en là jusqu'à lire la version de M. Brown elle-même.

1922. La nouvelle de la disparition de Te Pito, dans le récent mouvement sismique, doit être controuvée. Si l'île ne répond pas aux appels de T. S. F. c'est, sans doute, qu'elle n'a pas de poste d'émission 1.

Commandant VOITOUX.

1. 1) A chronological History of the Voyages of Discovery in the South Sea of Pacific Ocean, by James Burney, vol. IV, p. 206 et suiv., 556 et suiv., Londres, 1816, Luke Hansard. 2) Hakluyt Society, série II, vol. XIII, p. 2 et suiv. Voyage de Gonzalès à Easter Island, p. 85 à 129. - 3) Voyage dans l'hémisphère austral et autour du Monde, 1772 à 1775, by J. Cook, traduit de l'anglais par F. Seurd, Paris, 1778. 4) Relation abrégée du voyage de La Pérouse, 1785 à 1788, p. 57 à 86, imprimé à Leipzig, 1799. — 5) A voyage round the World from

« ZurückWeiter »