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ces restes de leur ancienne splendeur les grands tableaux d'Isaïe; c'est comme une révélation, et l'on partage l'enthousiasme de M. Lenormant quand il s'écrie: « Et maintenant ils revivent sous nos yeux dans les basreliefs de leurs palais, ces rois superbes qui emmenaient des nations entières en captivité. Voilà ces figures qui nous apparaissent si terribles dans les récits enflammés des prophètes hébreux. On les a retrouvées, uces portes où, suivant l'expression de l'un d'eux, les peuples passaient a comme des fleuves. Voilà ces idoles d'un si merveilleux travail, que leur vue seule corrompait le peuple d'Israël et lui faisait oublier Jé«hovah. Voilà, reproduite en mille tableaux divers, la vie des Assyriens, « leurs cérémonies religieuses, leurs usages domestiques, leurs meubles « si précieux, leurs vases si riches; voilà leurs batailles, les sièges des villes, les machines ébranlant les remparts. »>

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Nous avons indiqué, en prenant les dates de M. Lenormant, les principales divisions de l'histoire des Assyriens. C'est un grand cadre; est-on en mesure de le remplir? Le déchiflrement des textes cunéiformes commence à peine. Bien des inscriptions restent à expliquer; un bien. plus grand nombre sont ensevelies encore sous les tumuli de l'Assyrie et de la Chaldée, comme en réserve pour les savants de l'avenir. Les lacunes de cette histoire sont donc énormes : mais dès à présent des points importants sont acquis, et on ne peut plus longtemps en rester aux vieilles traditions: « On ne saurait plus aujourd'hui, dit avec un peu de rudesse «M. Lenormant, sans une ignorance impardonnable, s'en tenir à l'his«toire telle que l'ont écrite le bon Rollin et le peuple de ses imitateurs. Que dirait-on d'un professeur ou d'un homme du monde qui parlerait «encore des quatre éléments ou des trois parties de l'univers habité; «qui ferait, avee Ptolémée, tourner le soleil autour de la terre? C'est «là qu'en sont aujourd'hui même, au sujet de l'Égypte et de l'Assyrie, «la grande majorité de nos livres d'histoire. »

M. Lenormant, du reste, n'est pas le premier qui entre dans cette voie, et lui-même rend hommage à plusieurs de ses prédécesseurs, notamment à M. Robiou, pour une Histoire ancienne des peuples de l'Orient, à l'usage des établissements d'instruction secondaire publiée en 1862. Il en dit plus que les autres; mais, qu'il me pardonne ce reproche contradictoire en apparence, il en dit trop et il en dit trop peu. C'est trop pour l'élève, c'est trop peu pour le maître. On ne peut demander à l'élève d'apprendre cette histoire dans un pareil détail; et le maître veut qu'on lui dise où il trouvera la justification de tant de faits qui se produisent pour la première fois. Ce n'est pas assez d'avoir cité en masse, dans l'Introduction, les écrits de MM. de Rougé et Mariette, Birch,

Lepsius et Brugsch, pour l'Égypte, les publications de M. Botta, de M. Layard et les grands travaux du général Rawlinson, de M. Hinks, de M. Oppert, pour les Assyriens: il faut offrir à côté des principaux groupes de faits des moyens de contrôle; il faut prendre garde de s'approprier tellement le récit qu'en plusieurs points on ne distingue plus ce qui est de source indigène ou de source classique: car M. Lenormant, tout en voulant ramener au vrai l'histoire de l'Orient, n'a pu en exclure entièrement les traditions des Grecs. Et comment l'aurait-il fait? comment retrancher de l'histoire ces fables séduisantes qui, dans Hérodote et dans Ctésias, viennent agréablement se mêler au tissu de la narration? Je ne sais si on arrivera jamais à intéresser les enfants aux exploits de Sagaraktirjas, de Kansoukallou, de Kourigalzou II et du grand Chodormapouk; mais je sais qu'après nous avoir dit que Ninus et Sémiramis n'ont jamais existé, on ne fera pas l'histoire de l'Assyric sans redire leur légende. Tel est le charme de l'antiquité grecque, que ce qu'elle a touché vit à jamais dans l'histoire; et de tous les noms écrits sur les monuments de l'Égypte ou de l'Assyrie, ceux qu'on retiendra le plus volontiers sont les noms dont on aura fait connaissance avec Hérodote ou avec les Livres saints. Le grand Toutmès, quoi que l'on dise, n'effacera jamais Sésostris, et la gloire d'Assournasirpal et de Belkatirassou pâlira toujours devant celle de Nabuchodonosor.

Sachons gré tout particulièrement à M. Lenormant d'avoir, dans ce manuel, donné place à des notions claires et précises, non-seulement sur les arts et sur les monuments de l'Égypte et de l'Assyrie, dont, sans nul doute, après l'avoir lu, on recherchera avec plus d'intérêt et de profit les reproductions dans les grands recueils et les modèles dans nos musées, mais aussi sur les hiéroglyphes et sur le système bien plus compliqué encore de l'écriture cunéiforme. Les hiéroglyphes au moins piquaient la curiosité et provoquaient la divination comme des énigmes mises en figures; mais quel courage n'a-t-il pas fallu pour aborder ces textes cunéiformes, ces tables toutes hérissées de coins et de clous! M. Lenormant, pour ne rien dire qu'il n'ait pu voir, n'a point reculé devant les difficultés de ces études; et c'est ce qui donne à son livre une incontestable valeur. Quand il le refera particulièrement à l'usage des élèves, je lui conseillerai d'en retrancher ce qui n'est pas encore bien établi. Beaucoup de choses, dans l'état actuel de la science, ne se peuvent produire que comme hypothèses : c'est par les hypothèses qu'on s'achemine vers la vérité; mais, pour les écoles, il convient de se borner aux faits à peu près certains, ou ce ne serait pas la peine d'en bannir les traditions classiques. En fait de choses douteuses, je préférerais

encore des traditions, qui ont au moins pour elles l'antiquité, à des hypothèses nées d'hier et qui n'auront peut-être pas de lendemain. Je conseillerai aussi à l'auteur d'éviter des allusions auxquelles nos élèves commençant, selon l'ordre naturel, l'étude de l'histoire par l'ancien Orient, ne pourraient rien comprendre comme quand il dit que «Houlikhous "et Samouramit furent les Ferdinand et Isabelle de la Mésopotamie. » Je l'engagerai aussi à ne point leur parler de « l'unité gouvernementale de « l'Egypte fondée par Ménès, » ni de leur dire que, sous la dix-huitième dynastie, « la vallée du Nil devint un pays de grande production chevaline. » C'est bien assez d'appliquer ces formes de langage aux choses de notre temps sans en user pour les temps des Pharaons. Qu'il se défie aussi des correcteurs dans la révision de ses épreuves. Il nomme dans sa préface <«<le savant directeur des feuilles du gouvernement égyptien. » Le gouvernement égyptien en serait-il arrivé à avoir une direction de la presse? Lisez des fouilles. >>

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H. WALLON.

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P. S. Depuis que cet article est écrit, M. Fr. Lenormant a publié le \^~second volume, qui complète son livre. Il a même pu donner une 2o édition de l'ouvrage entier, et il en prépare une troisième. Un pareil succès fait honneur à l'auteur et aussi au public. Le public témoigne, par cet empressement, qu'il ne veut plus s'en tenir, sur l'Orient, aux récits convenus, mais savoir ce que les anciens peuples de ces contrées ont dit eux-mêmes sur leur histoire. Le second volume n'a pas moins d'intérêt que le premier, et j'userai de la liberté que l'on me laisse pour en dire quelques mots.

Le chapitre des Babyloniens, qui le commence, résume, sur plusieurs points, et complète, sur beaucoup d'autres, ce que l'auteur nous en a dit, parlant des Assyriens et des Juifs: car, depuis le commencement jusqu'à la fin, ils ont des rapports étroits avec l'un ou l'autre de ces deux peuples. Les historiens anciens n'étaient pas d'accord sur le temps et sur les auteurs des grandes constructions de Babylone. Des inscriptions qui, dans le détail, concordent avec le récit d'Hérodote, établissent les droits de Nabuchodonosor à l'honneur d'avoir fondé la grande enceinte de la ville, et signalent les autres monuments qu'il a restaurés, continués ou élevés à nouveau (t. II, p. 19-22). D'autres fournissent à l'auteur des renseignements précieux sur son administration et ses conquêtes. Je ne m'arrête pas à quelques difficultés particulières que M. Lenormant a signalées à son tour plutôt qu'il ne les

a résolues. Par exemple sur Darius le Mède, désigné par Daniel comme ayant pris possession du royaume de Babylone dans la nuit où Cyrus en fit la conquête. (Eadem nocte interfectus est Baltassar rex Chaldæus; Et Darius Medus successit in regnum, annos natus sexaginta duos. DAN., v, 30 et 31.) Ce n'est pas, en effet, se conformer au texte que de dire qu'il en prit possession comme général, quand toute la suite le fait paraître en roi; et l'on n'éclaircira pas plus la question en le donnant pour Darius, fils d'Hystaspe, « dont l'auteur du remaniement de Daniel aurait subs«titué le nom à celui de Cyrus.» (P. 28.)

M. Lenormant termine heureusement ce chapitre en montrant cette grande capitale, épargnée par le conquérant pour périr lentement, délaissée par ses maîtres, comme ont péri l'une après l'autre les grandes villes qui se sont succédé dans les mêmes lieux: Séleucie, substituée à Babylone par les Séleucides; Ctésiphon substituée à Séleucie par les Parthes; et Bagdad, sous les Arabes, remplaçant Ctésiphon, pour finir sans être remplacée : car le grand commerce du monde a quitté cette voie. Mais, quand il n'y aura plus rien, ce qui dominera encore dans ces plaines abandonnées, c'est le grand nom de Babylone et la parole du Prophète : « Elle ne sera plus habitée dans la suite des générations. « On ne verra même plus l'Arabe y dresser sa tente, ni le pâtre s'y reposer. «Les bêtes féroces y auront leurs demeures, ses maisons seront remplies << de dragons; les autruches y habiteront, le bouc sauvage y bondira. On << entendra les cris sinistres des hiboux se répondre sous ces voûtes splen« dides; des monstres affreux se vautreront dans ces palais de volupté. » (ISAÏE, ch. XIII.)

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Le chapitre des Mèdes et des Perses a un intérêt d'un autre genre. Il nous reporte tout d'abord à nos propres origines, au berceau même des races dont l'émigration a peuplé l'Occident; et l'auteur montre quels services a rendus ici à l'histoire la philologie comparative, qui, «s'atta<«<chant aux mots de la langue comme aux seuls monuments qui sub«sistent de cette époque primitive des populations japhétiques, est « parvenue à reconstituer en grande partie le tableau de leur état social « avant qu'elles se fussent dispersées. » Sorte de paléontologie linguistique dont il rapporte justement les principaux développements à M. Pictet, de Genève.

«Le point de départ, ajoute-t-il, en a été cette remarque ingénieuse <«<et certaine que les mots qui se retrouvent à la fois dans le sanscrit, <«<langue sacrée de l'Inde, dans le zend, antique idiome des Iraniens, et « dans les langues de l'Europe, sans avoir sensiblement changé de forme << et de signification, donnent la mesure du degré de civilisation qu'avaient

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atteint les diverses tribus des Aryas, des Yavanas, lorsqu'elles vivaient a encore côte à côte dans la Bactriane et qu'elles n'avaient pas quitté « leur patrie commune pour se diriger vers les différents pays qu'elles habitèrent plus tard. Tous les mots qui se rapportent à la vie pastorale sont les mêmes dans les différents groupes des langues indo« européennes; d'où l'on est en droit de conclure que cette vie était principalement celle des Japhétites dans les contrées arrosées par 'Oxus. Les animaux domestiques leur étaient presque tous connus : ils avaient des bœufs, des chevaux, des chiens, des brebis, des porcs, des chèvres, des oies. La comparaison des mots nous apprend encore « que ces populations savaient atteler les chevaux et les bœufs à des «chars, mais ne pratiquaient guère l'art de l'équitation, à peine connu des Grecs de l'âge homérique. Elles avaient appris à travailler certains métaux, l'or, l'argent et le bronze, mais non encore le fer. Elles fourbissaient des armes et façonnaient des objets de parure. Elles savaient «< construire des demeures fixes, et les premiers éléments de l'agricul«ture ne leur étaient point inconnus : mais les tribus japhétiques de «< cette époque ne remuaient encore que faiblement le sol pour lui confier la semence, et c'est seulement après leurs migrations qu'elles « apprirent de peuples plus avancés à manier la charrue, à semer les «différentes espèces de graines, à cultiver les légumes, à planter la vigne « et à presser l'olive pour en retirer l'huile. Le grain faisait la base de la nourriture des Japhétites primitifs, et c'est par ce mode d'alimenta<«tion que celles de leurs tribus qui se dirigèrent vers l'Occident se «distinguaient des peuplades sauvages qui les y avaient précédées, ré«duites à vivre de faînes et de glands; l'usage des viandes leur était aussi connu, et ils les assaisonnaient avec le sel. Enfin ils ne se ser<«< vaient pas seulement de chars, ils avaient aussi des embarcations; tou«tefois c'étaient encore de frêles esquifs, qu'ils ne savaient gréer ni de «mâts ni de voiles. » (Tome II, p. 57.)

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Les traditions viennent ensuite et nous montrent sous quelles lois se sont constituées, chez les peuples de cette race, la famille, la tribu, la cité lois qu'on retrouve aux origines de presque toutes les nations indo-européennes. Le cadre du présent livre commandait à l'auteur de se borner à celles qui sont restées en Orient. Après avoir mis en opposition les Aryas (indo-européens) et les Touryas (tartaro-finnois), il s'attache aux Aryas, laissant les autres, dont il ne reparlera que dans leurs rapports de guerre et d'invasion avec les premiers. Il consacre une étude étendue à leur grand législateur Zoroastre, que les travaux de la science moderne placent, dit-il, avec toute vraisemblance à vingt-cinq ou

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