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vingt-six siècles avant Jésus-Christ. La loi de Zoroastre, le Zend-Avesta, dans les fragments qui nous en sont restés, ne remonte pas sans doute jusque-là. L'état du texte actuel n'accuse pas une époque antérieure aux Sassanides, et porte la trace de mainte altération ou interpolation; mais la langue, transcrite alors en caractères nouveaux, prouve son antique origine : c'est le zend, l'ancien idiome de la Bactriane, « l'un de ceux de <«< la famille indo-européenne qui nous reportent le plus près des formes « primitives, bien plus haut par exemple que le perse des inscriptions «< cunéiformes des Achéménides. » Sur ce grand sujet, M. Lenormant peut être fort, en se montrant simplement le fidèle disciple d'Eugène Burnouf et de M. Spiegel; et c'est un mérite que de mettre à la portée du plus grand nombre ces grands travaux, honneur de la science moderne.

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L'auteur, revenant à l'histoire, nous montre la division qui se fit parmi les Aryas en deux rameaux, les Iraniens et les Indiens. Il laisse les Indiens pour n'y plus revenir (si ce n'est dans la nouvelle édition, où il doit réparer cette lacune). Il prend les Iraniens, qui vont faire les nations des Bactriens, des Mèdes et des Perses, et il arrive aux temps où les traditions des Grecs peuvent déjà subir le contrôle des monuments récemment découverts et expliqués c'est toujours, avec les études d'origine, la partie curieuse de ce livre.

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Les conquêtes des Perses lui donnent l'occasion de faire entrer dans son cadre les populations du reste de l'Asie et même des pays du voisinage. Celles de Cyrus le mènent en Asie Mineure, et lui font reprendre dès le principe l'histoire des peuples de cette contrée, qui de si bonne heure fut en contact avec la Grèce. Les conquêtes de Darius lui font aborder et l'Europe et l'Afrique, la région du Danube ou Scythie européenne et la Cyrénaïque. Il profite de cette excursion en Scythie pour distinguer des Scythes Touraniens ou Tartares, qui plusieurs fois envahirent l'Asie occidentale, et chez lesquels Cyrus trouva la mort, ces autres Scythes que la description d'Hérodote, les monuments figurés de l'art grec, découverts dans la Russie méridionale, où l'on retrouve leurs traits, rattachent à la grande race des Aryas, et tout particulièrement au rameau germanique.

Il est fâcheux que le progrès de la domination des Perses ne les ait pas portés de même ou portés plus loin vers l'Orient. Peut-être alors M. Lenormant nous eùt-il parlé de cet autre empire, qui a toujours tenu une assez grande place en Asie, je veux dire la Chine. Connue ou non du reste du monde ancien, la Chine a bien le droit de n'être point oubliée. Il n'est pas possible qu'un peuple qui le premier

de tous s'est occupé de laisser la suite de ses annales à la postérité, qui a, par là, le mieux mérité des historiens, soit ainsi supprimé de l'histoire. Il lui faut un chapitre, un chapitre fort isolé sans doute, mais un chapitre étendu dans un Manuel d'histoire ancienne de l'Orient.

Si l'extrême Orient a le droit de se plaindre, il est un peuple dans la région tout opposée qui se trouve dans un cas tout contraire; car, s'il occupe le moins d'espace sur la carte, il a, relativement, la plus grande place dans ce livre, et je ne m'en plains pas moi-même: ce sont les Phéniciens. Les pages consacrées aux Phéniciens sont celles qui offrent le plus d'attrait par leur nouveauté. M. Lenormant, qui a fait un mémoire des plus savants, mémoire couronné par l'Académie des inscriptions et belleslettres, sur l'origine de l'alphabet phénicien, prend les Phéniciens au berceau même des peuples chananéens, dont ils sont une tribu. C'est sur les bords du golfe Persique qu'il en découvre les traces les plus anciennes, et il les suit dans leurs stations, d'oasis en oasis, à travers le désert, jusqu'aux rivages de la Méditerannée, où ils ont fondé leur empire. La Palestine avait déjà des habitants, des villes même, quand ils y pénétrèrent; et les noms que la Bible leur donne, comme les traditions des temps postérieurs, signalent en eux des hommes de haute stature : c'étaient les Rephaïm, qui possédaient soixante villes fortes dans le pays de Basan, les Emim ou «formidables,» les Enacim, etc. Les monuments égyptiens de la xir dynastie les désignaient sous le nom de Sati, race sémitique dont les Chananéens, descendus de Cham, prirent la langue, comme plus tard Abraham prit la langue des Chananéens : ce qui, au jugement de M. Munck, lève cette contradiction apparente de fils de Cham parlant la langue de Sem.

M. Lenormant a essayé de renfermer entre deux limites assez étroites le temps de l'immigration des Chananéens.

Un papyrus hiératique du musée de Berlin contient le rapport d'un officier du roi Amenehmé I", de la xir dynastie, envoyé dans le pays d'Édom et de Tennou, vers le bassin de la mer Morte, pays soumis alors à l'Égypte; et l'on ne voit dans ce rapport aucune trace des Chananéens il n'est question que des Sati, et les monuments de la xii dynastie les représentent toujours avec le type sémitique. Il n'y avait donc pas de Chananéens en Palestine avant la x11° dynastic. Or ils y étaient avant l'époque d'Abraham, et ils n'y étaient peut-être pas encore depuis bien longtemps: car le roi des Elamites, Chodorlahomor, qui envahit ces contrées au temps du patriarche, rencontra encore, de la part des Rephaïm et des Émim, ces anciens habitants du pays, une forte résistance. D'après la chronologie suivie par M. Lenormant, ce serait

entre 2400 et 2300 avant Jésus-Christ qu'il faudrait placer l'établissement des Chananéens en ces contrées : conclusion plausible et à laquelle pourtant on ne peut reconnaître plus de rigueur qu'il n'y en a dans les prémisses. Le silence du papyrus n'est peut-être pas, en effet, décisif, et la puissance qui restait aux Rephaïm et aux Emim ne prouve pas non plus d'une manière bien certaine que les Chananéens aient été nouveaux alors dans la contrée. Combien de temps plusieurs des peuples chananéens eux-mêmes n'ont-ils pas survécu à l'établissement des Hébreux dans leur pays?

J'ai déjà trop étendu cet appendice pour prendre encore le temps de signaler ce que M. Lenormant dit sur le développement des cités phéniciennes au milieu des révolutions dont le pays fut le théâtre : invasion des Chananéens en Égypte (les rois pasteurs ou Hycsos); invasion des Égyptiens en Syrie à la suite de l'expulsion des Pasteurs, fait dont l'histoire ne parle pas, mais dont témoignent les monuments et les papyrus de l'Égypte;-la prépondérance successive de Sidon et de Tyr; leurs excursions maritimes, leurs plus anciens établissements sur les rivages et dans les îles de la Grèce et de la Méditerranée en général; leur domination sur les mers jusqu'à l'époque où la marine des Grecs vint leur disputer la place en Occident comme en Orient; leurs relations amicales avec les Juifs; la soumission de leurs villes aux Assyriens, Tyr excepté, qui brava leur puissance et ne succomba que devant les Chaldéens, leurs vainqueurs ce sont encore des faits sur lesquels les inscriptions ajoutent çà et là aux débris de l'histoire nationale et aux récits des livres historiques des Juifs, comme aux témoignages des prophètes.

Carthage, la fille et la digne héritière de Tyr dans le monde ancien, a, comme il était juste, tout un chapitre à part.

Pour me résumer, ce qui fait l'intérêt de ce livre, j'ai eu déjà l'occasion de le montrer ou de le dire, ce n'est pas la forme du récit : l'auteur a trop de noms nouveaux à produire, trop de faits particuliers à exhumer, pour s'arrêter à mettre en scène un personnage et à dérouler dans toutes ses péripéties une action dramatique. Ce qui fait l'intérêt du livre, c'est, indépendamment de ces renseignements puisés à des sources originales et nouvelles, de cette restitution d'un passé que l'on connaissait mal ou que l'on ne connaissait pas, une exposition large et approfondie sur la religion et les coutumes de ces peuples, sur leur langue et leur écriture, leur industrie et leur commerce, sur les arts qu'ils ont cultivés : et, ici, il y a des monuments encore existants que l'auteur a étudiés en archéologue exercé, et dont il s'est plu à décrire

les caractères. On peut voir, en particulier, ce qu'il dit de l'art à Babylone, où l'architecture, puissante et grandiose, est condamnée à l'uniformité par la nature même des matériaux qu'elle emploie, la brique et la terre, cause d'infériorité qui entrava, chez les Chaldéens, l'art plastique, et fit sentir son influence jusque sur les représentations de pierres gravées que l'on compare les œuvres de Babylone et celles de Ninive! Citons encore ce que l'auteur dit de l'art chez les Phéniciens, peuple cosmopolite par sa marine, prenant et donnant tour à tour, empruntant à l'Égypte et à l'Assyrie des formes et des procédés qu'il enseigna ensuite à la Grèce.

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En vantant plus haut l'érudition dont l'auteur fait preuve dans son livre, j'ai fait mes réserves sur les défauts, sur les abus qu'on lui peut reprocher trop d'exubérance dans les faits proposés aux étudiants, trop de sobriété dans les renseignements réclamés par les maîtres. Qu'est-ce qui, dans ce livre, est de source étrangère ou indigène; et, dans ce qui est de source indigène, qu'est-ce qui est établi, qu'est-ce qui est supposé? Quelle est la part de la conjecture et le degré de la probabilité ? Voilà des choses que le plus habile ne devinera point à première vue, et qu'on est en droit de demander à celui qui a eu en main les monuments pour y répondre. Du reste M. Lenormant l'a compris; et, pour satisfaire à ce double besoin des élèves et des maîtres, il se propose, si je suis bien informé, de refondre son travail en deux ouvrages: l'un, plus étendu, où il présentera tous les faits, donnant ses preuves ou proposant ses conjectures; l'autre, plus bref, à l'usage des classes, où se bornera aux faits bien établis : sage résolution; car, à quoi bon faire entrer si péniblement dans la tête des enfants des choses qu'il en faudra chasser à l'édition prochaine? Qu'il s'attache, pour cet abrégé surtout, à mettre dans le récit, l'ordre et la simplicicité, qui sont la lumière de l'histoire. Qu'il soit plus sévère pour son style et en bannisse le néologisme ou la trivialité. Je n'aime à aucun titre ce roi phénicien, qui fonda l'absolutisme à Tyr (t. II, p. 306), et me représente mal ce roi de Babylone qu'une inscription découverte à Chalanné nous «montre, dit M. Lenormant, faisant son mea culpa pour avoir négligé «le culte des dieux. » (Ibid. p. 26.) Qu'il soit aussi plus vigilant sur les fautes typographiques. A la page 4, il dit que «l'ère de Nabonassar dé<«<bute à son avénement, en 547;» il faut lire 747, comme on le voit quelques lignes plus haut. Je voudrais que le mot débute fût aussi une faute d'impression.

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H. W.

NOUVELLES LITTÉRAIRES.

INSTITUT IMPÉRIAL DE FRANCE.

ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.

Dans sa séance du 29 janvier 1869, l'Académie des inscriptions et belles-lettres a élu M. Huillard-Bréholles à la place vacante par suite du décès de M. Vincent. Le 12 février, la même Académie a élu M. Max Müller, d'Oxford, associé étranger, en remplacement de M. Welcker, décédé.

LIVRES NOUVEAUX.

FRANCE.

La Croisade contre les Albigeois, épopée nationale traduite par Mary Lafon, illustrée de douze gravures hors texte reproduisant les anciens dessins du temps. Paris, imprimerie de Poupart-Davyl, librairie de Lacroix, Verboeckhoven et C. 1868, in-8° de 385 pages. Après avoir longtemps échappé à l'attention des érudits, le poëme de la croisade des Albigeois, composé au XIII° siècle par un ou plusieurs poëtes de la langue d'oc, a été signalé, en 1833, par M. Fauriel à ses auditeurs de la Sorbonne, et ce savant professeur en a donné le premier (1837) une version en prose, précédée d'une remarquable étude. Depuis cette époque, d'autres écrivains, notamment M. Guibal, en ont fait l'objet de leurs travaux. M. Mary Lafon, chargé, en 1847, par M. de Salvandy, et en 1853 par M. Fortoul, de la publication des œuvres inédites des troubadours, voulut donner une idée plus complète de cette

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