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tée de l'œuvre surpasse encore son mérite: elle découvre et elle fait penser.

Je ne songe même pas à en présenter un résumé, ce qui serait chimérique. Je voudrais seulement signaler quelques points à l'attention et même à la discussion des savants: il en est qui appellent l'épreuve de la contradiction, de même que d'autres entraînent l'assentiment.

Les deux principes les plus féconds qu'il y ait eu dans la civilisation grecque sont le sentiment de la vie et le sentiment de l'harmonie is sont, suivant M. Girard, les causes déterminantes de la façon dont les Grecs ont envisagé la divinité et l'homme. Les Grecs animent le monde. et, après l'avoir animé, ils constituent un système religieux, un gouvernement de l'univers dont la fonction est une sorte de monothéisme intelligent, une relation constante entre la divinité et l'humanité, une conciliation entre les lois générales de l'ordre universel et les besoins particuliers des mortels. Déjà dans l'Iliade la nature est divine et passionnée pour Homère le monde n'est qu'un composé de divinités. Non-seulement la terre, la mer, les sources, les forêts, les marais, les vallées, sont ainsi peuplés, mais, lorsque Jupiter convoque une assemblée solennelle sur l'Olympe, les fleuves s'y pressent à côté des Nymphes des bois et des Nymphes des prairies1.

Tout d'abord se présente la question si grave que les modernes n'ont pas encore résolue: «Quelle est, dans les religions en apparence poly«< théistes de l'antiquité, la part du monothéisme?» Si les sociétés primitives ont animé la nature, personnifié ses forces, en leur rendant un certain culte, était-ce pour cela la nature seule qu'on adorait? Le sentiment inné du Dieu tout-puissant, du Dieu créateur, était-il effacé des consciences? En revanche, ne trouve-t-on pas chez les races auxquelles est attribué le privilége du monothéisme, le culte d'êtres surnaturels, de puissances intermédiaires, de personnages divinisés, d'anges, de génies, qui sont doués des forces miraculeuses et peuvent rompre ou dépasser les lois de l'ordre universel?

M. Girard n'a point songé à ce problème lorsqu'il a fait d'Homère un adorateur de la nature, croyant autant que poëte. Je ne prétends pas non plus débattre ce grand procès entre l'imagination et la foi. Je me contenterai, tout en admirant le chapitre premier, qui est un commentaire éloquent et chaleureux des peintures les plus brillantes d'Homère, de faire des réserves. Si M. Girard ne juge que le poëte, on est de son avis et l'on goûte avec lui les descriptions naïves et les sensations

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son style en recevaient un reflet plus d'un bon juge y a trouvé un parfum d'atticisme. Tantôt M. Girard racontait un procès de corruption chez les Athéniens, tantôt il cherchait à reconstituer la figure d'Hypéride. La grande image de Thucydide le frappait à son tour, et le volume qu'il lui consacrait était couronné par l'Académie française dans un de ses plus beaux concours.

Aujourd'hui c'est encore un Athénien, le poëte Eschyle, qui reste le point culminant d'un livre que publie M. Girard : c'est le génie attique qui occupe la plus grande place dans le mouvement religieux que M. Girard analyse et qui enfanta la tragédie grecque. Suivre le sentiment religieux en Grèce, d'Homère à Eschyle, l'étudier dans son développement moral et dans son caractère dramatique, est une tâche difficile, neuve sur beaucoup de points. Les rapports de la tragédie naissante avec la religion ont excité déjà l'attention des critiques, de Bockh, de Welcker, de Godefroi Hermann en Allemagne, aussi bien que de M. Patin en France. La disposition religieuse des esprits au siècle de Pisistrate et l'influence du dithyrambe ou de l'enthousiasme bachique ont été retracées par Ottfried Müller dans sa brillante Histoire de la littérature grecque1. Ce que veut M. Girard, c'est établir le lien de ces idées avec le passé, en déterminer plus nettement la nature propre ainsi que le rapport avec le drame d'Eschyle, et arriver plus près qu'on ne l'a fait avant lui d'une véritable interprétation philosophique de ce drame.

Pour analyser un si vaste ensemble de conceptions morales et religieuses, il n'a pas fallu moins d'un volume de six cents pages, où l'au teur n'a pu ni éviter les abstractions, ni trouver l'unité, constituée à l'aide de limites rigoureuses. Il est évident que le mouvement avait commencé avant Homère et qu'il se continue après Eschyle. M. Girard le prend . au moment de son éclat, et certains lecteurs, avec cette inquiétude naturelle à tout esprit qui réfléchit, en chercheront peut être les origines et en regarderont la décadence. Il est équitable, cependant, d'accepter le thème d'un écrivain, de s'enfermer avec lui dans le champ qu'il a choisi, pour le comprendre, le juger et constater son originalité. C'est déjà beaucoup d'apporter aujourd'hui quelque chose de nouveau: or le livre tout entier éveille en nous une abondance d'idées nouvelles, nous fait pénétrer dans des replis ignorés ou négligés du génie grec, et cela avec une élévation d'idées, une richesse d'aperçus, une vigueur de style, qui développent au plus haut point le sentiment littéraire. Par là, la por

Chapitres XVI, XVII et surtout XXI.

tée de l'œuvre surpasse encore son mérite: elle découvre et elle fait penser.

Je ne songe même pas à en présenter un résumé, ce qui serait chimérique. Je voudrais seulement signaler quelques points à l'attention et même à la discussion des savants: il en est qui appellent l'épreuve de la contradiction, de même que d'autres entraînent l'assentiment.

Les deux principes les plus féconds qu'il y ait eu dans la civilisation grecque sont le sentiment de la vie et le sentiment de l'harmonie : ils sont, suivant M. Girard, les causes déterminantes de la façon dont les Grecs ont envisagé la divinité et l'homme. Les Grecs animent le monde. et, après l'avoir animé, ils constituent un système religieux, un gouvernement de l'univers dont la fonction est une sorte de monothéisme intelligent, une relation constante entre la divinité et l'humanité, une conciliation entre les lois générales de l'ordre universel et les besoins particuliers des mortels. Déjà dans l'Iliade la nature est divine et passionnée pour Homère le monde n'est qu'un composé de divinités. Non-seulement la terre, la mer, les sources, les forêts, les marais, les vallées, sont ainsi peuplés, mais, lorsque Jupiter convoque une assemblée solennelle sur l'Olympe, les fleuves s'y pressent à côté des Nymphes des bois et des Nymphes des prairies1.

Tout d'abord se présente la question si grave que les modernes n'ont pas encore résolue: «Quelle est, dans les religions en apparence poly<< théistes de l'antiquité, la part du monothéisme?» Si les sociétés primitives ont animé la nature, personnifié ses forces, en leur rendant un certain culte, était-ce pour cela la nature seule qu'on adorait? Le sentiment inné du Dieu tout-puissant, du Dieu créateur, était-il effacé des consciences? En revanche, ne trouve-t-on pas chez les races auxquelles est attribué le privilége du monothéisme, le culte d'êtres surnaturels, de puissances intermédiaires, de personnages divinisés, d'anges, de génies, qui sont doués des forces miraculeuses et peuvent rompre ou dépasser les lois de l'ordre universel?

M. Girard n'a point songé à ce problème lorsqu'il a fait d'Homère un adorateur de la nature, croyant autant que poëte. Je ne prétends pas non plus débattre ce grand procès entre l'imagination et la foi. Je me contenterai, tout en admirant le chapitre premier, qui est un commentaire éloquent et chaleureux des peintures les plus brillantes d'Homère, de faire des réserves. Si M. Girard ne juge que le poëte, on est de son avis et l'on goûte avec lui les descriptions naïves et les sensations

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son style en recevaient un reflet plus d'un bon juge y a trouvé un parfum d'atticisme. Tantôt M. Girard racontait un procès de corruption chez les Athéniens, tantôt il cherchait à reconstituer la figure d'Hypéride. La grande image de Thucydide le frappait à son tour, et le volume qu'il lui consacrait était couronné par l'Académie française dans un de ses plus beaux concours.

Aujourd'hui c'est encore un Athénien, le poëte Eschyle, qui reste le point culminant d'un livre que publie M. Girard: c'est le génie attique qui occupe la plus grande place dans le mouvement religieux que M. Girard analyse et qui enfanta la tragédie grecque. Suivre le sentiment religieux en Grèce, d'Homère à Eschyle, l'étudier dans son développement moral et dans son caractère dramatique, est une tâche difficile, neuve sur beaucoup de points. Les rapports de la tragédie naissante avec la religion ont excité déjà l'attention des critiques, de Bockh, de Welcker, de Godefroi Hermann en Allemagne, aussi bien que de M. Patin en France. La disposition religieuse des esprits au siècle de Pisistrate et l'influence du dithyrambe ou de l'enthousiasme bachique ont été retracées par Ottfried Müller dans sa brillante Histoire de la littérature grecque. Ce que veut M. Girard, c'est établir le lien de ces idées avec le passé, en déterminer plus nettement la nature propre ainsi que le rapport avec le drame d'Eschyle, et arriver plus près qu'on ne l'a fait avant lui d'une véritable interprétation philosophique de ce drame.

Pour analyser un si vaste ensemble de conceptions morales et religieuses, il n'a pas fallu moins d'un volume de six cents pages, où l'auteur n'a pu ni éviter les abstractions, ni trouver l'unité, constituée à l'aide de limites rigoureuses. Il est évident que le mouvement avait commencé avant Homère et qu'il se continue après Eschyle. M. Girard le prend au moment de son éclat, et certains lecteurs, avec cette inquiétude naturelle à tout esprit qui réfléchit, en chercheront peut être les origines et en regarderont la décadence. Il est équitable, cependant, d'accepter le thème d'un écrivain, de s'enfermer avec lui dans le champ qu'il a choisi, pour le comprendre, le juger et constater son originalité. C'est déjà beaucoup d'apporter aujourd'hui quelque chose de nouveau: or le livre tout entier éveille en nous une abondance d'idées nouvelles, nous fait pénétrer dans des replis ignorés ou négligés du génie grec, et cela avec une élévation d'idées, une richesse d'aperçus, une vigueur de style, qui développent au plus haut point le sentiment littéraire. Par là, la por

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penser.

Je ne songe même pas à en présenter un résumé, ce qui serait chimérique. Je voudrais seulement signaler quelques points à l'attention et même à la discussion des savants: il en est qui appellent l'épreuve de la contradiction, de même que d'autres entraînent l'assentiment.

Les deux principes les plus féconds qu'il y ait eu dans la civilisation grecque sont le sentiment de la vie et le sentiment de l'harmonie : ils sont, suivant M. Girard, les causes déterminantes de la façon dont les Grecs ont envisagé la divinité et l'homme. Les Grecs animent le monde. et, après l'avoir animé, ils constituent un système religieux, un gouvernement de l'univers dont la fonction est une sorte de monothéisme intelligent, une relation constante entre la divinité et l'humanité, une conciliation entre les lois générales de l'ordre universel et les besoins particuliers des mortels. Déjà dans l'Iliade la nature est divine et passionnée pour Homère le monde n'est qu'un composé de divinités. Non-seulement la terre, la mer, les sources, les forêts, les marais, les vallées, sont ainsi peuplés, mais, lorsque Jupiter convoque une assemblée solennelle sur l'Olympe, les fleuves s'y pressent à côté des Nymphes des bois et des Nymphes des prairies1.

Tout d'abord se présente la question si grave que les modernes n'ont pas encore résolue: «Quelle est, dans les religions en apparence poly<< théistes de l'antiquité, la part du monothéisme?» Si les sociétés primitives ont animé la nature, personnifié ses forces, en leur rendant un certain culte, était-ce pour cela la nature seule qu'on adorait? Le sentiment inné du Dieu tout-puissant, du Dieu créateur, était-il effacé des consciences? En revanche, ne trouve-t-on pas chez les races auxquelles est attribué le privilége du monothéisme, le culte d'êtres surnaturels, de puissances intermédiaires, de personnages divinisés, d'anges, de génies, qui sont doués des forces miraculeuses et peuvent rompre ou dépasser les lois de l'ordre universel?

M. Girard n'a point songé à ce problème lorsqu'il a fait d'Homère un adorateur de la nature, croyant autant que poëte. Je ne prétends pas non plus débattre ce grand procès entre l'imagination et la foi. Je me contenterai, tout en admirant le chapitre premier, qui est un commentaire éloquent et chaleureux des peintures les plus brillantes d'Homère, de faire des réserves. Si M. Girard ne juge que le poëte, on est de son avis et l'on goûte avec lui les descriptions naïves et les sensations

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