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mathématiques, et la preuve du théorème sur les nombres polygones était peut-être la plus difficile à découvrir. Mais un historien exact pourrait-il cacher qu'en revenant, à bien des reprises, sur un autre théorème de Fermat, il en a remué les difficultés sans en avoir résolu une seule? Les habitués de l'Académie des sciences n'ont pas oublié avec quelle ardeur, pendant plusieurs semaines, Cauchy, préoccupé de cette question et toujours plein d'espoir, apportait à chaque séance des principes nouveaux entrevus la veille et dont il n'avait pu encore pénétrer toutes les suites. Combien de fois, dans son empressement, l'ont-ils vu déposer sur le bureau le titre d'un mémoire inachevé qu'il envoyait à l'imprimerie à la dernière heure, en achetant la chance d'antidater de quelques jours une découverte importante par la certitude d'attacher son grand nom à un travail bâtif et imparfait. De tels souvenirs sont caractéristiques; ils ne prouvent nullement qu'inférieur à lui-même Cauchy fût quelquefois abandonné de sa rare perspicacité. L'appréciation serait très-injuste. Cauchy, pendant toute sa carrière, a conservé, avec la rapidité de la pensée, la même puissance d'invention et de pénétration. Son génie toujours prêt le rendait maître en peu d'instants des plus difficiles problèmes. Mais toute recherche exige des tâtonnements et des essais infructueux, que Lagrange, Jacobi et Gauss ont connus sans aucun doute tout autant que lui. Ce qui distingue Cauchy, dont le génie a égalé le leur, c'est d'en avoir longuement et minutieusement informé le public.

Cauchy, en s'exerçant à bien des reprises sur la théorie de la lumière, a montré sous une forme nouvelle toutes les ressources de son esprit d'invention, et la théorie créée par Fresnel lui doit de véritables progrès; bien souvent, il ne faut nullement s'en étonner sur de tels sujets, on le voit, il est vrai, tâtonner, revenir sur ses assertions, et changer avec grand profit pour la science le principe de ses méthodes.

Cauchy, par exemple, affirmait, au début de ses recherches, que les vibrations de la lumière polarisée sont dans le plan même de polarisation, auquel peu de temps après i les suppose perpendiculaires, pour renoncer plus tard à cette hypothèse et revenir à sa première assertion, qui est celle de Fresnel; on retrouve les mêmes incertitudes et les mêmes variations relativement à la densité variable de l'éther dans les divers milieux, et, chaque fois qu'une opinion est adoptée, elle est présentée comme certaine et rigoureusement démontrée. Quoi qu'il en soit, les résultats énoncés par Cauchy sur la réflexion, la double réfraction et la polarisation des rayons réfléchis et transmis par un corps cristallisé d'une manière quelconque, sont justement placés par les phy

siciens au nombre des lois les plus complexes et les plus nettes à la fois que leur fournisse l'analyse mathématique; susceptibles, par leur précision, d'être vérifiés expérimentalement, ils ont trouvé dans les belles recherches de M. Jamin une confirmation éclatante. De telles rencontres sont dignes d'admiration; il ne faut pas toutefois en exagérer la portée, et l'on doit, au point de vue mathématique, apporter de nombreuses restrictions à la rigueur des démonstrations. Cauchy, après avoir établi les équations différentielles du mouvement d'un système de molécules qu'il assimilait à l'éther, avait commencé par en chercher l'intégrale générale en assignant à la fonction inconnue la forme d'une intégrale définie quadruple. Les analystes seuls pouvaient apprécier, dans ce résultat qui devait renfermer implicitement la science entière, le mérite d'une grande difficulté vaincue; mais c'est souvent ne rien voir que de tout voir à la fois; dans cette belle formule les lois physiques du phénomène restent tellement cachées, qu'on ne peut, jusqu'ici, concevoir aucun espoir de les en dégager. Cauchy n'a pas tenté une si grande entreprise. Non-seulement l'intégrale générale, mais les équations différentielles du mouvement ne jouent aucun rôle dans ses recherches, où plus d'une hypothèse arbitrairement acceptée sépare les principes de leurs conséquences. Après avoir défini ce qu'il nomme un mouvement simple, Cauchy, par une conséquence naturelle, donne le nom de rayon simple à celui qui résulte d'un tel mouvement de l'éther. Il admet ensuite, comme l'avaient fait avant lui Mac Culloch et Neumann, qu'un rayon simple tombant sur la surface qui sépare deux milieux peut donner naissance, dans le cas le plus général, à deux rayons réfléchis et à deux rayons réfractés, qui sont comme lui des rayons simples. Tout cela étant admis sans démonstration, Cauchy utilise habilement les conditions qui doivent être remplies à la surface pour déterminer les constantes et parvenir aux formules précises que l'expérience a heureusement confirmées, et qu'il applique à tous les rayons sans aucune restriction.

La mécanique céleste ne pouvait manquer d'attirer l'attention de Cauchy, et il y a marqué glorieusement sa trace. La théorie des perturbations planétaires lui doit une ingénieuse méthode dont l'application très-facile et très-simple n'a pas moins frappé les géomètres par sa valeur propre que par les circonstances remarquables dans lesquelles elle s'est produite. M. Le Verrier avait présenté à l'Académie des sciences un important mémoire sur la théorie de la planète Pallas. Plus désireux d'obtenir des résultats exacts et complets que de perfectionner les méthodes, le savant astronome avait employé avec une patience sans égale toutes les ressources connues de la science en utilisant avec autant de

prudence que d'habileté les méthodes que la grande inclinaison de l'orbite rendait d'une application fort difficile. Le mémoire fut renvoyé à Cauchy. Fallait-il, pour en vérifier les conclusions, recommencer d'aussi pénibles calculs? L'Académie n'entendait pas évidemment imposer une telle tâche à son illustre rapporteur; Cauchy cependant, sans s'étonner de ces immenses calculs, voulut juger non-seulement la méthode, mais les résultats; la difficulté particulière du problème devint pour lui une ressource nouvelle, et, par la richesse toujours prête de ses inventions. il sut vérifier minutieusement l'exactitude des chiffres en marquant une fois de plus, par la promptitude du travail simplifié, son incontestable supériorité. La science fut enrichie d'un chapitre réellement nouveau, et la méthode de Cauchy, commentée depuis avec beaucoup de sagacité et de science par d'habiles et profonds géomètres, doit prendre rang parmi les théories classiques de la mécanique céleste.

L'admiration de M. Valson pour l'illustre géomètre est absolue et sans réserve, et l'absence, peut-être volontaire, de toute critique, diminue à mes yeux, je l'avoue, le mérite considérable pourtant d'un travail où s'allie, à une science très-exacte, un esprit méthodique et soigneux. Cauchy, dit M. Valson, était un éminent professeur; la louange est méritée, mais, si l'on veut la développer, il ne faut pas, à l'exemple du savant auteur, énumérer, sans en omettre un seul, tous les mérites. de méthode et de diction, qu'un maître plein de zèle puisse unir à la science la plus profonde, pour les attribuer sans distinction à Cauchy. L'illustre inventeur a grandement contribué par son enseignement à l'École polytechnique aux progrès des hautes études mathématiques. Il a laissé dans la mémoire des élèves d'élite tels que MM. Combes et de Senarmont une juste et reconnaissante admiration. Il a formé au Collége de France des savants qui, devenus célèbres, se plaisaient à reporter vers lui la meilleure part de leurs succès et l'origine de leurs plus beaux travaux; il a permis enfin à l'Université de France, aussi longtemps que son nom a brillé sur les affiches de la Sorbonne, de l'opposer, sans accepter d'infériorité, aux noms de Gauss, de Jacobi et de Dirichlet, dont s'enorgueillissaient les universités allemandes. Tout cela est strictement vrai, il est juste et bon de le dire; mais ces louanges s'adressent au savant éminent bien plus encore qu'au professeur habile, et, s'il m'est permis d'en juger par les leçons que j'ai entendues à une époque où l'illustre maître avait conservé toute la vigueur de son talent, l'enseignement de Cauchy, si précieux pour les vrais géomètres, n'était nullement fait pour instruire et surtout pour développer les esprits ordinaires. Lorsqu'en 1849, aux applaudissements de tous les amis de la

science, Cauchy fut appelé à occuper à la Faculté des sciences de Paris la chaire de mécanique céleste, ses premières leçons, il faut l'avouer, trompèrent complétement l'espoir d'un auditoire d'élite plus surpris que charmé par la variété un peu confuse des sujets abordés. La troisième, il m'en souvient, fut presque entièrement consacrée à l'extraction de la racine carrée, et, le nombre 17 étant pris pour exemple, les calculs furent poussés jusqu'à la dixième décimale par des méthodes connues de tous les auditeurs, et que Cauchy croyait nouvelles parce que la veille sans doute elles avaient spontanément traversé son esprit. Je ne revins plus et j'eus grand tort, car les leçons suivantes m'auraient initié dix ans plus tôt aux plus brillantes découvertes de l'illustre maître. Me contestera-t-on le droit d'ajouter que je n'aurais pas à exprimer un tel regret, si à ses éminentes qualités comme géomètre Cauchy avait ajouté le talent et l'art du professeur?

M. Valson, dans l'un des chapitres du premier volume, a assigné à Cauchy parmi les géomètres contemporains un rang tout singulier, qui ne souffre que pour le seul Gauss la possibilité d'une comparaison. C'est de quoi je ne saurais convenir; mais le parallèle de Cauchy et de Gauss serait intéressant. Si, sans craindre de commettre ces deux grandes renommées, j'osais un jour le tenter, je voudrais, par des études préalables, raviver dans mon esprit et préciser les souvenirs d'admiration qu'elles doivent réveiller l'une et l'autre.

Mais il ne faudrait pas, pour tous deux, procéder de même façon, et cela seul est une indication. Les écrits de Gauss sont classiques, les découvertes seules de Cauchy le deviennent peu à peu, et le temps, qui n'enlèvera rien à la gloire de l'un, doit, sans aucun doute, accroître celle de l'autre; ce n'est donc pas en relisant les ouvrages de Cauchy que je voudrais me préparer à le louer, c'est en repassant dans mon esprit les derniers progrès de la science, en y retrouvant dans plus d'une théorie renouvelée le souvenir et la marque de son génie, en contemplant son influence croissante sur d'éminents disciples, en songeant à la source féconde d'études et de recherches qu'il leur a léguée, que je m'efforcerais de comprendre l'importance de son rôle et de l'exprimer dignement. Pour accroître, au contraire, la juste admiration qu'éveille le seul nom de Gauss, il suffirait d'étudier, sans en passer une page, l'un quelconque de ses beaux mémoires, si bien caractérisés par lui-même dans la courte, expressive et modeste devise: Pauca sed matura. La balance, cela n'est pas douteux, pencherait du côté de Gauss c'est le sentiment unanime des géomètres. La comparaison, sur plus d'un point, tournerait cependant à l'avantage de son rival, et c'est

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une grande gloire pour Cauchy. Mais, lorsqu'en remontant la série des siècles pour découvrir un émule à l'illustre analyste français, M. Valson a intitulé le dernier chapitre de son premier volume: Parallèle de Cauchy et de Pascal, il a préparé à son lecteur une impression de surprise sans mélange, sur laquelle je ne veux pas insister.

J. BERTRAND.

LES GÈTES ou la filiation généalogique des Scythes aux Gètes et des Gètes aux Germains et aux Scandinaves démontrée sur l'histoire des migrations de ces peuples et sur la continuité organique des phénomènes de leur état social, moral, intellectuel et religieux, par Frédéric Guillaume Bergmann. Paris, 1859, in-8°. — De l'influence exercée les Slaves sur les Scandinaves dans l'antiquité, par le même. Colmar, 1867, in-8°.

par

PREMIER ARTICLE.

Les progrès de la philologie comparée des langues indo-européennes, accomplis depuis un demi-siècle, le rapprochement des traditions, des croyances et des institutions des peuples qui les parlent ou qui les avaient parlées, ont éclairé divers points de l'histoire primitive. Nous commençons à nous faire une idée du fonds commun de légendes, d'usages et de connaissances que possédaient les populations irano-ary ennes, antérieurement à leurs grandes migrations. Il nous est maintenant possible de tracer approximativement l'itinéraire suivi par les principales nations sorties de cette souche féconde. Toutefois on n'est point encore parvenu à établir, entre les résultats scientifiquement acquis et les données que nous fournit la Genèse, une coïncidence claire et satisfaisante. Sans doute, l'Introduction à l'histoire de l'Asie occidentale, de Ch, Lenormant (1837), l'ouvrage de A. Knobel, intitulé, La Table ethnographique de la Genèse (1850)1, abondent en vues judicieuses, mais ils

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Die Völkertafel der Genesis, ethnographische Untersuchungen, Giessen, in-8°.

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