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tiel sa supériorité sur le dieu solaire qui lui est associé, et dont la légende fit, pour ce motif, un simple mortel devenu son époux ou son amant. Voilà ce que nous savons de positif; quant au berceau précis de la déesse, nous l'ignorons, et rien n'établit l'origine caro-lycienne admise par M. Bergmann. La haute antiquité de son culte ne rend point impossible qu'il ait pris d'abord naissance chez les Cimmériens. Cependant on voit un roi de cette nation, Lygdamis, piller le temple d'Ephèse, ce qui ne paraît guère compatible avec la supposition que la déesse qu'on y adorait appartenait à la religion des Cimmériens. Ce culte désordonné semble plus en rapport avec les religions chananéennes. Il existait dans la Chersonèse taurique une déesse lunaire à laquelle les Taures sacrifiaient les étrangers. Les Grecs, qui avaient cru reconnaître dans cette divinité celle dont la légende rapportait qu'Iphigénie était devenue la prêtresse, l'identifièrent avec une divinité du genre de celles dont il vient d'être question, et dont le sanctuaire se trouvait à Comane en Cappadoce. Mais les Taures, représentés par Hérodote comme un peuple à part et dont le nom a une physionomie sémitique', sont distincts des Cimmériens. Le vrai nom de la déesse de Comane était Mâ, et la fondation de son sanctuaire n'était point attribuée aux Amazones. Il est dès lors impossible de rien décider sur la parenté qui a pu rattacher l'Artémis taurique à l'Artémis d'Éphèse, et conséquemment les Cimmériens aux Amazones. Ce que M. Bergmann a mieux établi, c'est que les Grecs crurent retrouver dans les femmes guerrières des bords du Thermodon et du pays des Sauromates ou Sarmates les Amazones de leurs traditions mythiques et religieuses. Voilà pourquoi les artistes les représentèrent avec la coiffure, le vêtement et la sagaris ou double hache propres à ces populations. Ces Amazones-là se prêtent mieux à une détermination précise, car jusque de nos jours, dans le Caucase, on vit les femmes monter à cheval et suivre leurs époux à la guerre. Est-ce un usage qui date des Cimmériens, ou, ce qui paraît plus vraisemblable, a-t-il pris naissance chez les populations sarmates? nous l'igno

rons.

Le second fils de Japheth, Magog, apparaît avec le caractère d'une personnification des populations nomades répandues autour du Caucase et qui s'avançaient jusqu'au cœur de l'Asie. Ézéchiel (xxxvIII, 2, XXXIX, 1) associe Magog à Gog, et ce dernier est qualifié de prince et chef de Mosoch et de Thubal. On peut inférer de là que les Mosches

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Ce nom paraît avoir signifié montagnards (chaldéen, 710, Taurus).

à ce sujet Dubois de Montpéreux, Voyage au Caucase, t. IV, p. 358, note.

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Voy.

et les Tibarènes, que représente ce dernier personnage, ainsi qu'on le verra par la suite de notre compte rendu, étaient alors sous la domination des nomades de Magog, dont les incursions menaçaient l'Assyrie (Ézéchiel, xxx11, 26). Josèphe identifie en effet Magog avec les Scythes, identification à peu près hors de doute. M. Bergmann le reconnaît; il donne du nom de Magog une interprétation tirée des langues aryennes (grand amas) peu différente de celle qu'a proposée Bohlen (sansc. maha, grand; pers. gouh, amas, montagne). La place à assigner à Magog dans la distribution des divers rameaux japhétiques est donc subordonnée à la détermination du caractère ethnologique des Scythes. Malheureusement c'est là un des problèmes les plus obscurs de l'histoire ancienne. Après avoir traité sommairement cette question dans sa dissertation sur les peuples de la race de Jafète, le doyen de la faculté des lettres de Strasbourg lui a consacré un mémoire spécial, qui parut en 1858. Depuis, il l'a reprise, en l'approfondissant, dans son ouvrage sur les Gètes. Pour M. Bergmann, les Scythes d'Europe et d'Asie, comme les Sarmates et les divers peuples d'au delà de la Caspienne, tels que les Massagètes, les Dahes, confondus le plus souvent avec les Scythes asiatiques ou Saces, appartiennent à la famille indo-européenne. On trouvera sans doute que c'est singulièrement étendre le domaine de cette familie, et l'on se demandera comment il n'a point fait une part aux races finnoougrienne, turque, voire même mongole, d'autant plus que les anciens ont dû nécessairement confondre sous le nom de Scythes, qui n'avait pour eux qu'un sens assez vague, toutes les tribus de l'Asie centrale et du sud-est de l'Europe menant la vie nomade et offrant des caractères extérieurs analogues. Pourtant le savant professeur de Strasbourg peut alléguer en faveur de son opinion des raisons au moins très-spécieuses. On ne voit arriver les populations ougriennes en Europe qu'à une époque comparativement assez tardive. Les Huns, qui sont les premiers qu'on puisse rattacher avec certitude à cette souche1, n'apparaissent qu'avec Ptolémée, et ne se répandent au delà du Volga qu'au Iv° siècle de notre ère. Les Alains, que leur type et leurs alliances nous font reconnaître pour des Indo-européens 2, qui, du nord du Caucase et des bords du Palus-Mæotis, s'étendaient jusque dans le Turkestan, qu'Ammien Marcellin identifie aux Massagètes, sont un indice qu'encore au i et au Iv° siècle de notre ère c'étaient des populations indoeuropéennes et non finno-ougriennes ou mongoles qui occupaient le

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Les Huns paraissent avoir été de la souche tongouse. Ammien Marcellin, XXXI, 11. Les Alains étaient grands et beaux, leurs cheveux tiraient sur le blond,

pays des Scythes, avec lesquels Ptolémée les identifie (Åλavo Exúðaι, III, v, § 191).

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La thèse de M. Bergmann n'est à peu près démontrée que pour les Scythes d'Europe ou Skolotes et pour les Sarmates. L'étude des noms et des mots scythes que nous ont transmis les anciens, et, en particulier, Hérodote, la confirme pleinement. Des rapprochements consignés déjà dans les Antiquités slaves, de Schafarik, surtout de ceux qu'a réunis M. G. Rawlinson dans le deuxième essai joint en appendice au livre IV de sa traduction d'Hérodote, il ressort que la langue des Scythes-Skolotes appartenait à la famille indo-européenne 2. Les traits donnés aux Scythes qui sont figurés sur les monuments découverts au Bosphore cimmérien n'ont rien non plus qui convienne à une race mongole, et l'hypothèse de Niebuhr doit être aujourd'hui complétement abandonnée. Ch. Lenormant3 a fait voir que le célèbre passage d'Hippocrate dont on s'était étayé ne nous indique rien autre chose qu'une de ces constitutions propres aux pays humides et froids qu'ils habitaient.

Le caractère indo-européen des Sarmates peut aussi être établi avec une grande vraisemblance; seulement M. Bergmann me paraît les avoir trop assimilés aux Scythes. Hérodote (IV, xx1) distingue formellement les deux peuples, et la circonstance par lui notée, que les Sarmates ne parlaient qu'imparfaitement la langue scythique, la légende qu'il nous rapporte sur leur origine, et d'après laquelle ils seraient issus de jeunes Scythes et d'Amazones, dénote chez eux une race différente des Skolotes; leur affinité avec les Scythes n'a dû tenir qu'à des croisements. Nous savons, en effet, par d'autres témoignages, que les Sarmates passaient pour tirer leur origine des Mèdes. L'étymologie qu'a proposée M. Bergmann du nom de Sarmates, dont la vraie forme était Sauromates, comme nous l'apprend Hérodote, et qu'il traduit par hommes du nord, est favorable à cette supposition. Les Sarmates occupaient en effet un pays qui devait être pour les Mèdes la région la plus septentrionale

1 Tò Twν Àλαúνwy Zapuáτwv. Marcian. Heracl. Peripl. p. 100, ed. Miller. Il faut toutefois noter qu'Ammien Marcellin applique visiblement aux Alains ce qui était dit antérieurement des Scythes, et que, confondant les deux peuples, il étend arbitrairement le domaine des Alains, établis sur les bords du Palus Mæotis jusque dans des pays où se trouvaient les peuples qu'il identifie avec eux. 2 Les interprétations de ces mots tirées du turc que propose M. K. F. Neumann (Die Völker des südlichen Russlands, p. 12) sont trèssatisfaisantes. 8-peu Voy. Mémoire sur les antiquités du Bosphore cimmérien, dans les Mémoires de l'Acad. des inscr. nouv. série. t. XXIV 1861), p. 261 et suiv. Pline, Hist. natur. VI, vii.

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qu'ils connussent. Ce nom de Sarmates a une parenté manifeste avec celui de laxamates que portait une population voisine établie sur la côte est du Palus-Mæotis. On pourrait aussi rapprocher ces deux dénominations du nom de Mada donné à la Médie dans les textes cunéiformes dits médo-scythiques. Mais il faut avouer que toutes ces étymologies sont fort problématiques, et dernièrement on en a proposé une nouvelle, qui a aussi sa vraisemblance 1. C'est donc dans d'autres rapprochements que nous devons aller chercher les preuves de l'origine médique, ou, pour parler plus exactement, aryenne, des Sarmates. Il est certaines analogies particulières qui sont très-propres à nous indiquer la parenté cherchée, parce qu'elles sortent des ressemblances générales que présentent les peuples placés dans les mêmes conditions sociales ou topographiques, et ne peuvent être l'effet du hasard. En voici une : Pausanias 2 rapporte que les Sarmates jetaient à leurs ennemis, pour s'en rendre maîtres, une corde ou lazo, et qu'après les avoir ainsi enlacés, ils faisaient tourner leurs propres chevaux, et, tirant à eux la corde, renversaient à terre celui qui était par ce stratagème livré entre leurs mains. Cette façon singulière d'attaquer est précisément celle qu'Hérodote3 nous apprend avoir été propre aux Sagartiens, population nomade de la Perse et qui parlait la langue persique, c'est-à-dire un idiome aryen. L'historien grec ajoute que ces Sagartiens ne faisaient usage ni d'armes d'airain ni d'armes de fer. Or c'est encore ce qu'observe Pausanias à propos des Sarmates. Au temps de Ptolémée (III, v, S23), nous trouvons dans le pays occupé par les Sarmates, sur la côte nord du Palus-Mæotis, au-dessus des Roxolans et des lazyges, une peuplade appelée aussi les Sargatiens (Zapyάtio). Nous avons donc là une preuve que des populations de la Perse et de la Médie s'étaient portées au nord du Caucase, jusque dans la contrée qu'arrose le Don; ce qui confirme l'origine attribuée aux Sarmates. Ce peuple demeura, pendant plusieurs siècles, confiné dans la même région; mais, soit à raison de son accroissement, soit parce qu'il était pressé par l'invasion de tribus venues de l'est, il s'avança peu à peu jusque dans la Pologne actuelle. Diodore de Sicile (II, XLIII) rapporte que les Sarmates qui avaient émigré originairement de Médie aux bords du Tanaïs, ayant, au bout d'un certain temps, vu le chiffre de leur population s'accroître puissamment, se jetèrent sur la nation des Scythes qu'ils anéantirent.

D'après cette étymologie le mot sauromate serait dérivé du vieux bactrien Sairima ou pays de Selm, voy. F. Spiegel, Erân, p. 107.-2 Attic. c. xxI. — 3 Hé · rodote, VII, Lxxxv.

Et, en effet, vers le commencement de notre ère, on voit le nom des Sarmates presque constamment substitué en Europe à celui des Scythes. Une grande partie de la Petite Russie et de la Pologne était alors désignée sous le nom de Sarmatie. Aussi Marcien d'Héraclée nous dit-il que le pays des Sarmates s'étend du Borysthènes à la Vistule et à la Baltique, et il y compte cinquante-six peuples différents. C'est là une preuve que l'on engloba sous le nom de Sarmates les diverses tribus ou peuplades que, dans son émigration à l'ouest, le peuple de ce nom avait rencontrées. On trouve compris par Ptolémée (III, v, § 19) parmi les Sarmates les lazyges et les Roxolans. Le même géographe les place à còté des Vénèdes (Ovɛvédaι) ou Vindes établis sur le littoral de la Baltique, et déjà Tacite, dans sa Germanie (c. XLVI), nous représente les Vindes (Venedi) comme voisins des Sarmates, auxquels ils ont emprunté, ajoute-t-il, beaucoup d'usages, quoiqu'ils s'en distinguent en ceci que les Sarmates sont nomades, vivent à cheval et sur des chariots, tandis que les Vindes ont des habitations fixes et combattent à pied. Le nom de Vindes, qui apparaît plus tard comme un des noms nationaux des Slaves, ainsi que l'a montré Schafarik, la position même que les Vindes occupent sur la Vistule, font reconnaître en eux les ancêtres des modernes Slaves. Mais, d'autre part, Ptolémée cite parmi les Sarmates une nation appelée les Serbes (Zéploi), nom qui est, avec celui des Vindes, une des plus anciennes appellations nationales des Slaves1. It suit de là que cette dernière race est issue du mélange des Vindes et des Sarmates, et le caractère tout aryen des idiomes slaves amène ainsi forcément à supposer que les Vindes et les Serbes étaient d'origine indoeuropéenne. Comme ce sont les Sarmates qui paraissent avoir absorbé les Vindes, ou, du moins, les avoir conquis, ils ont dû leur imposer l'idiome qu'ils parlaient. Mais, les Vindes eux-mêmes, que Ptolémée nous représente comme établis au voisinage des Goths (Towves) et des Burgondes (Dpouyouvdiwves), étaient déjà, selon toute apparence, une population indo-européenne congénère des Sarmates. Ils avaient suivi dans leur migration à peu près le même itinéraire que les Sarmates qui vinrent après eux. En effet leur nom les fait tout naturellement rapprocher des Vénètes ou Énètes mentionnés par Homère, et dont certains géographes anciens parlent comme d'un peuple de la Paphlagonie 2. Hérodote, qui confond les Énètes ou Vénètes du Pont-Euxin avec ceux qui habitaient au fond de l'Adriatique, nous dit qu'on les regardait

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1 Voy. Schafarik, Slavische Alterthümer, her. von Wutke, t. I, p. 69 et suiv. t. II, p. 92 et suiv. Pline, Hist. nat. VI, 11.

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. Hérodot. V, ix.

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