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une colonie des Mèdes. Le mouvement progressif qui a porté fort au nord de la mer Noire et jusque sur les bords de la Baltique une foule de populations établies originairement près du Caucase, rend donc très-vraisemblable que les Vindes étaient, ainsi que les Sarmates, d'origine médique. Ce qui est constant, c'est que les anciens considéraient comme appartenant à la même race que les Sarmates la plupart des populations de la Circassie actuelle et des bords du Palus-Mæotis, qu'ils ne confondaient pas, dans le principe, avec les Scythes ou Skolotes. Des inscriptions grecques, datant de l'époque du royaume du Bosphore cimmérien, nous montrent que les Dandariens, les Thates, les Dosques, les Sindes, etc., étaient, comme les Méotes, toujours distingués des Scythes qui les avaient soumis; tandis qu'au contraire plusieurs de ces tribus qui s'étendaient jusqu'au Caucase étaient regardées comme Sarmates. Pline et Ptolémée comprennent parmi les Sarmates les Zink hes (Zyxo) ou Zikhes (Zige), qui sont les Zilghes (Zixo) du Périple d'Arrien, et qui, d'après le portrait que nous en trace Strabon, apparaissent comme les ancêtres des Tcherkesses actuels, dont le nom national d'Adighés n'est autre que celui de Zikhs2. Les lazyges, également rattachés aux Sarmates, portaient un nom formé du même radical. Strabon3, en nous parlant des Ibériens, dit que ce peuple du Caucase était adonné à l'agriculture et avait beaucoup d'usages qu'on retrouvait chez les Arméniens et les Mèdes, mais que ceux qui vivaient dans les montagnes, et dont le caractère était fort belliqueux, rappelaient les Scythes et les Sarmates dont ils étaient congénères (Zvyy eveĭs).

Ne l'oublions pas, les Mèdes étaient des Aryens. Ils avaient longtemps été ainsi appelés (Ăpio), au témoignage d'Hérodote (VII, LXII): ils parlaient la même langue que les Perses, dont l'idiome aryen nous est connu et qui se donnaient eux-mêmes ce nom, comme le prouve l'inscription du tombeau de Darius. Les Sarmates, par cela seul qu'ils sont reconnus pour des descendants des Mèdes, doivent donc être placés parmi les nations indo-européennes. En était-il de même des Scythes d'Asie, c'est-à-dire de l'ensemble des peuples répandus du nord du Pont-Euxin au delà de la mer Caspienne, auxquels les Grecs appliquaient le nom qu'ils donnaient aux Skolotes, et que les Perses désignaient sous celui de Saces? c'est là une question plus malaisée à démêler. Son étude nous ramène, pour ainsi parler, au vif du problème

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Strabon, XI, p. 427. Voy. F. Bodenstedt, Les peuples du Caucase, trad. du prince de Salm-Kyrbourg, p. 350. - Strabon, XI, p. 429. — Nearch. ap. Strabon, XV. p. 618.

que tente de résoudre M. Bergmann, et à l'examen de l'origine des Germains, des Thraces et des Hellènes. Les développements auxquels elle nous entraînera nous obligent de la renvoyer à un autre article.

(La suite à un prochain cahier:)

ALFRED MAURY.

LE MAHABHARATA.

Traduction générale, par M. Hippolyte Fauche; les dix premiers volumes, grand in-8°, Paris, 1863-1869. - Fragments du Mahabharata par M. Th. Pavie, in-8°, Paris, 1844. Onze épisodes du Mahabharata par M. Ph. Ed. Foucaux, in-8°, Paris, 1862.

QUINZIÈME ARTICLE 1.

Le Karnaparva est un peu moins long que le Dronaparva, auquel il succède; mais il a encore 4,900 çlokas, c'est-à-dire 9,800 vers. Il y a des poëmes épiques qui sont d'une moindre étendue. Le Karnaparva est consacré à la gloire, aux exploits et à la mort de Karna, comme le Bhîshmaparva et le Dronaparva l'ont été à Bhîshma et à Drona, avant lui généralissimes habiles, mais malheureux, des Kourous. Karna doit succomber ainsi qu'eux, malgré sa vaillance; et c'est le bras d'Ardjouna qui l'immolera2. Par un artifice assez naïf et qui lui est habituel, le poëte annonce, dès les premiers vers du chant, la catastrophe qui le termine, et il épargne ainsi à ses lecteurs toutes les anxiétés du doute et en même temps tous les plaisirs de la surprise3. Les machines poé

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Voir, pour les quatorze premiers articles, le Journal des Savants, cahiers d'août, septembre, octobre, novembre 1865, octobre et novembre 1867, janvier, mars, avril, juillet et septembre 1868; janvier, février, mars, 1869. Mahabharata, Karnaparva, çlokas 16 et 72. Ibid. çloka 33 et suivants. Sur

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tiques sont peu variées dans le grand poëme hindou, et la monotonic paraît du goût personnel du poëte et du goût de ses admirateurs. Le vieux roi Dhritarashtra interroge donc son fidèle narrateur Sandjaya, comme il l'a déjà fait des centaines de fois ; et Sandjaya, qui a toujours tout vu de ses propres yeux, lui raconte minutieusement toutes les péripéties de la mort de Karna; elles diffèrent très-peu de celles qui ont signalé la mort des autres héros, ses prédécesseurs1.

Quand l'infortuné Drona succombe comme avait succombé le grand Bhishma, l'armée des Kourous est naturellement frappée de stupeur. Privée de deux généraux aussi capables, sa confiance s'ébranle, et, sous ces coups redoublés du Destin, elle commence à désespérer. Douryodhana, qui conserve tout son sang-froid, malgré tant de revers répétés, voit les sentiments dont son armée est agitée; et, pour rassurer les esprits, il adresse à ses principaux officiers une allocution où il vante les talents de Karna, qu'il leur présente pour généralissime à la place de Drona, qui n'est plus2.

Mais le malheureux Dhritarashtra ne peut maîtriser les émotions qui le dominent, en entendant le début de ce nouveau récit, aussi douloureux que les autres. Non moins faible que dans plusieurs occasions analogues, il éprouve une défaillance; et Sandjaya est obligé de le tirer de la syncope où il a perdu tout sentiment. Les femmes du vieux roi sont aussi affligées que lui. A l'exemple de Gandhârî, la reine, elles tombent par terre en versant des torrents de pleurs3. Des serviteurs empressés les font revenir à la vie ainsi que leur maître. Sandjaya peut donc continuer sa narration funèbre. Il énumère tous les guerriers qui sont morts dans l'armée des Kourous, et il semble se complaire à rappeler à Dhritarashtra les pertes cruelles qu'il a faites. Pour compenser quelque peu ses regrets cuisants, Dhritarashtra demande à son écuyer de lui raconter aussi les pertes qu'a subies l'armée ennemie, l'armée des Pândavas. Sandjaya s'exécute de bonne grâce en citant un à un tous ceux des fils de Pàndou qui ont succombé dans la lutte1. Ils sont à peu

ce procédé de l'auteur du Mahabharata, voir le septième article, cahier de janvier 1868, page 43, et le douzième article, cahier de janvier 1869, page 38. On ne peut pas dire que ce soit inexpérience dans l'épopée indienne; le Mahabharata est tout au moins des deux ou trois premiers siècles de notre ère, et peut-être même postérieur; il y a donc environ quinze ou seize cents ans que le génie hindou s'exerce. — 1 Mahabharata, Karnaparva, çloka 48. — Ibid. glokas 56 à 57. — 3 Ibid. çlokas 73 à 84. Ces scènes de désolation se reproduisent assez souvent, et elles sont aussi monotones que tout le reste; elles ne varient pas plus que les combats. 4 Ibid. çlokas 96 à 189. Ces énumérations sont d'une prolixité sans fin et d'une grande obscurité.

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près aussi nombreux que les guerriers perdus par leurs adversaires. A cette nomenclature des trépassés, Dhritarâshtra veut, en outre, qu'on joigne celle des vivants, et il parvient ainsi à se consoler en partic quand il voit tout ce qui lui reste.

Cependant le pauvre vieillard ne se contente pas encore aussi aisément; il veut avoir les détails les plus minutieux et les plus précis sur ce trépas de Karna, qui l'afflige et l'étonne non moins que ceux de Bhishma et de Drona, tant pleurés. Il demande donc à Sandjaya comment Karna a pu succomber à son tour; et, pour cette simple question, il lui faut, comme naguère pour Drona et pour Bhîshma, 120 çlokas environ, c'est-à-dire 240 vers1. C'est une sorte d'hommage à la mémoire du héros. L'oraison funèbre est d'autant plus honorable qu'elle est plus prolixe. On mesure ses questions à l'estime qu'on faisait du guerrier qui n'est plus. Sandjaya reprend donc les choses à la mort même de Drona; et, d'après lui, voici ce qui s'était passé après que le second généralissime des Kourous, Drona, le brahmane, eut disparu comme le valeureux Bhishma.

Douryodhana, voyant son armée fort émue par la mort de son chef, avait conclu une suspension d'armes avec l'ennemi et convoqué un conseil de guerre. Açvatthâman, qui avait opiné le premier, avait proposé Karna pour généralissime. Le roi avait sanctionné ce choix; et Karna avait été sacré selon toutes les formules que prescrit le rituel2. Dès le lendemain, Karna se met à la tête de l'armée, et il lui donne, pour la bataille, l'ordre en Makara. Le Makara est, comme on sait, le plus grand et le plus affreux des monstres marins, une sorte de Léviathan. Chacun des généraux et des principaux guerriers vient prendre dans cet ordre la place qui lui est assignée. Radhéya, c'est-à-dire Karna lui-même, qui porte aussi ce nom fameux, forme le mufle du monstre ; Çakouni et Ouloûka forment ses deux yeux. Les fils de Drona sont dans la tête; d'autres sont dans le cou; le roi Douryodhana, avec la division qu'il dirige en personne, forme le milieu du corps; Kritavarman est au pied gauche; le roi des Trigartains est dans le pied droit; Çalya, dans la jambe gauche; Soushéna, dans la jambe droite; deux frères, Tchitra et Tchitraséna, occupent la queue. Enfin Karna parcourt toutes les parties de cet ordre admirable de bataille, et il cherche à inspirer à tous les combattants l'ardeur et l'espoir dont il est lui-même animé3.

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Mahabharata, Karnaparva, çlokas 223 à 344. — Ibid. çloka 387. Nous connaissons tous ces détails, que nous avons déjà vus répétés plus d'une foi3. - Ibid. cloka 421.

A l'aspect de cette ordonnance menaçante, Youddhishthira, qui ne peut se défendre de quelque trouble, confie à son frère Ardjouna le soin de ranger ses forces en bataille. Ardjouna donne à l'armée la forme d'une demi-lune, dont il occupe le centre avec le roi, et dont Bhîma et Dhrishtadyoumna occupent les deux pointes.

Ainsi disposées, les deux armées se choquent; la mêlée devient bientôt aussi furieuse que les premiers jours. Les guerriers les plus audacieux se signalent par les exploits qui leur sont habituels. Mais Açvatthâman, qui se distingue entre tous par son impétuosité, lutte vainement contre Ardjouna. Après un duel qui dure plusieurs heures, il est contraint de reculer et de se perdre dans la foule pour se soustraire à la mort1. Ardjouna, débarrassé de ce rival, fait un carnage horrible des Kourous. Mais Karna, qui, de son côté, a pu enfin entrer en ligne, rend autant de mal aux Pândavas 2; les succès se balancent de part et d'autre. Nakoula, le plus jeune des cinq Pândavas, est obligé, après un long engagement, de se retirer devant Karna, qui lui fait grâce de la vie et qui l'humilie en l'épargnant 3. Les deux rois, chefs des armées qui luttent si énergiquement, Youddhishthira et Douryodhana, se rencontrent et se combattent quelques instants. Youddhisthira est le plus fort; mais, sur le point d'immoler son cousin-germain, il est arrêté par Bhîma, qui lui rappelle la promesse réciproque que se sont faite les princes, de ne jamais se tuer entre eux. Youddhishthira cède à l'autorité de son frère; et Douryodhana, couvert de honte comme tout à l'heure Nakcula, n'a que la ressource de se dérober au milieu des siens. Sur ces entrefaites, et après quelques conflits assez languissants, la nuit survient; fidèles à leurs habitudes, que n'a pas changées un combat de nuit peu décisif, les deux armées se retirent dans leurs quartiers pour y prendre du repos, tandis que les Rakshasas, les Piçâtchas et les animaux carnassiers se précipitent sur le champ du carnage, où ils vont trouver, dans l'obscurité, une abondante et hideuse pâture 5.

Douryodhana, fort inquiet du résultat de la journée, est dans sa tente, quand Karna se présente devant lui et lui fait pour le lendemain les promesses les plus encourageantes, qui seront peut-être plus efficaces que tant d'autres si souvent déçues. Karna se fie surtout à l'arc merveilleux qu'il possède, et qui, à l'en croire, surpasse même le fameux

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Mahabharata, Karnaparva, çloka 684.- Ibid. çloka 806. — Ibid. çloka 965 et suivants. Je suis encore forcé de passer ici une foule d'épisodes sans importance, tous plus confus les uns que les autres, des descriptions de carnages toujours les mêmes, etc. * Ibid. çlokas 1175, 1201. 'Ibid. çloka 1248. Ibid. çlokas 1284 à 1319.

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