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nent aussi à des populations de cette souche1. Hérodote2 note d'ailleurs la ressemblance que présentaient en particulier les mœurs des Massagètes et celles des Skolotes. Il n'y a pourtant là que des apparences, et l'on voit, par les informations des voyageurs, combien dans la région de l'Asie à laquelle les Saces appartiennent, les confusions, les mélanges de races furent fréquents. Le sens visiblement assez vague que l'antiquité attribuait au nom de Scythes a pu, comme je l'ai fait remarquer dans le précédent article, introduire des assimilations inexactes; il nous reporte à ces dénominations modernes, tant de fois arbitrairement appliquées et d'une signification mal définie, de Tartare, de Kosak, de Kalmouk. Quoique les Ougro-Turcs ne paraissent pas s'être montrés en Europe avant le 1° ou le v° siècle, il est difficile que, dès l'époque de Darius, les croisements qui se sont sans cesse effectués dans le Turkestan, la Perse et la région du Caucase, entre les races ougrienne, turque et persane, ne se fussent pas déjà produits dans la région occupée par les Saces. La race tchoude ou ougrienne, que l'on sait avoir reculé de plus en plus vers le nord, était vraisemblablement établie, cinq ou six siècles avant notre ère, dans le bassin aralo-caspien. Elle a dù conséquemment se trouver de bonne heure au contact des Iraniens et des Aryens, ce qui aura amené des mélanges. Les Perses et les Grecs furent trop étrangers aux observations ethnologiques pour avoir été en état de discerner ces entre-greffements. Ils s'en seront tenus, ainsi qu'il a été déjà dit, à certaines analogies extérieures. Il n'y a donc pas à faire grand fondement sur leurs assimilations. D'autant plus qu'aux rapprochements qui viennent d'être exposés à l'appui de la thèse de M. Bergmann, on peut en opposer de tout contraires et des plus significatifs.

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Les Kirghises, que leur idiome rattache à la famille turque, mais qui

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Les Sogdiens étaient armés comme les Bactriens. Ils formaient une même satrapie avec les Aryens, Hérodot. VII, xc. Le nom d'un Sogdien donné par Quinte-Curce (VII, XL1), Arimaze, est tout iranien; ce pouvait être toutefois un nom perse qu'il avait pris. Mais il est à noter que les noms des diverses tribus sogdiennes sont tous aryens. 2 I, XXV. Voyez ce M. P. de Tchihatchef que dit des Kirghises. Voyage dans l'Altaï oriental, p. 43. Voy. ce que dit Strabon (XI, p. 435) sur l'acception générale que les Grecs donnaient à l'appellation de Scythes.- Ces analogies sont fort trompeuses, parce que les peuples établis au voisinage les uns des autres s'empruntent souvent des usages et des façons de se vêtir. C'est ainsi qu'on retrouve à la fois chez les Mèdes, les Lydiens et les Skolotes, l'habitude de se faire des incisions sur le corps quand ils concluaient des traités et de boire ou de se lécher mutuellement leur sang (Hérodote, I, LXXIV; IV, LXX; cependant ces trois peuples étaient de races distinctes.

ont reçu une forte infusion de sang ougrien, occupent, suivant leurs traditions, l'ancien pays des Hakas, dont le nom rappelle celui des Saces, et que notre auteur aurait pu rapprocher des Hâkas ou Çâkas, mentionnés dans les lois de Manou, lesquels sont pour lui les IndoScythes des Grecs. L'on a fait remarquer la ressemblance existant entre le type kirghise et la figure que le bas-relief de Bisoutoun donne à Skoňka (dont le nom avait à tort été lu Saroukha). Voilà un premier indice de l'affinité de race des Saces et des Ougro-Turcs. Mais il est loin d'être aussi déterminant que pourraient l'être des analogies tirées des idiomes respectifs de ces deux populations. La langue est en effet le guide le plus sûr que l'on puisse prendre pour établir la parenté des races; car, si elle n'en est pas le signe incontestable, elle en est, du moins, le caractère le plus habituel. Là où des mélanges se sont opérés, elle indique l'élément prépondérant. Si l'idiome des Parthes nous était connu, il déciderait donc la question, les témoignages anciens s'accordant à faire de ceux-ci une nation sace ou scythe asiatique. Les Parthes conservèrent pendant longtemps des caractères et des usages qui décelaient leur origine. Malheureusement leur langue a disparu. Il est impossible de l'aller chercher dans le pehlvi ou syro-aryen, parlé au temps des Sassanides, et qui était né au contact du perse et de l'araméen. M. Bergmann croit trouver la preuve que l'idiome de ce peuple était indo-perse dans la signification d'exilés, de partis, qu'avait leur nom, suivant Trogue-Pompée, la racine qui fournit un tel sens étant entièrement indo-européenne; mais M. F. Spiegel1 a judicieusement fait observer que ce nom n'était pas celui que les Parthes se donnaient à eux-mêmes; c'était simplement celui sous lequel les Perses les désignaient. Il ne peut donc rien nous apprendre quant à leur langue. Pline nous dit que les Scythes appelaient le Caucase Groucasis; ce qui, dans leur idiome, signifiait blanc de neige; il y aurait là une donnée précieuse, si l'on savait de quels Scythes le naturaliste latin entend parler, mais rien n'indique s'il emprunte ce mot à la langue des Scythes d'Europe ou à celles des Scythes d'Asie 2.

Nous avons un élément plus concluant pour la solution du problème dans les inscriptions cunéiformes qualifiées de médo-scythiques. Ces inscriptions appartiennent certainement à une langue qui fut parlée en Médie, à côté du perse ou de l'idiome très-voisin qu'y apportèrent les Aryens. Le mot mada signifiant terre dans la langue de ces inscriptions,

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Erân, p. 105. J. Malalas dit que Parthe est un mot perse qui signifie Scythe -On peut rapprocher le mot Grou du turc Car () signifiant neige. — Ce vocable se retrouve dans le géorgien mitza et les vocables correspondants des

il y a lieu de croire que c'était elle ou, du moins, un de ses dialectes, qui avait originairement fourni son nom à la Médie. La population qui la parlait devait donc représenter les véritables indigènes. Or, comme on a noté que, dans les monuments épigraphiques écrits en médo-scy the, tous les noms géographiques et les mots dénotant un certain degré de culture et de civilisation sont tirés du perse, il faut supposer que la population qui conservait cet idiome était fort barbare; ce qui fait reconnaître en elle les débris d'une nation indigène condamnée par l'invasion aryenne à la même dégradation, au même isolement, auxquels les Aryens ont réduit les tribus dravidiennes dans l'Hindoustan septentrional et central.

L'adoption du terme de médo-scythique est due à l'opinion où ont été les assyriologues que les indigènes de la Médie étaient des Saces, des Scythes d'Asie. Rien ne le démontre pourtant. Il se peut qu'on ait dans les inscriptions ainsi qualifiées des monuments de la langue des Mardes, des Tapyres, voire même des Cosséens ou Couschites, lesquels auraient abandonné leur idiome primitif, ou encore de toute autre tribu indigène demeurée sur le sol, sur les confins de la Médie; mais ce qu'on est en droit d'affirmer, c'est que l'idiome appelé à tort ou à raison médo-scythe offre de nombreuses analogies avec les langues ouraliennes et turques. Il en résulte que la grande formation linguistique, dite ougro-tartare ou touranienne, s'était étendue jusqu'en Médie. Les inscriptions casdo-scythiques et susiennes, qui sont écrites dans un idiome congénère, montrent qu'elle s'avançait beaucoup plus au sud et à l'ouest. Il est donc naturel de supposer qu'elle était antérieure, dans cette partie de l'Asie, à l'établissement des langues indo-persiques, et, puisque, dix ou douze siècles plus tard, nous y retrouvons des populations ougro-turques, c'est-à-dire de la même souche que celle à laquelle leur langue rattache les indigènes de la Médie, nous devons croire que cette race féconde n'avait pas cessé d'occuper la région de la Caspienne et du Turkestan depuis des temps antérieurs à l'invasion aryenne. Par conséquent, au Ivo et au v° siècle avant notre ère, les Ougro-Tartares se rencontraient, comme de nos jours, au voisinage des Iraniens.

Ces considérations, on le voit, font singulièrement pencher la balance du côté d'une opinion tout autre que celle de M. Bergmann. Les

idiomes ougriens. (Voy. Klaproth, Asia polyglotta, p. 112.) Les Cosséens se reconnaissent pour les descendants des Couschites non-seulement à leur nom, qui paraît dérivé, comme celui des Cissiens ou Susiens, du nom de Cousch, mais encore à cette circonstance, notée par Diodore de Sicile (XIX, XIX), qu'ils étaient les indigenes du pays : Όντες ἐκ παλαίων χρόνων.

Perses qui, je le répète, ne devaient être frappés que des caractères extérieurs, purent confondre les Skolotes parlant une langue indo-européenne et les Saces parlant un idiome touranien, parce que le genre de vie, la façon de combattre de ces deux peuples, étaient les mêmes, tout comme, il y a moins d'un siècle, on confondait encore les Tartares parlant turc et les Tartares parlant mongol. Le nom que les Saces donnaient, au dire de Pline à l'laxarte, Selis, vient, d'ailleurs, confirmer cette supposition; M. K. T. Neumann2 l'a rapproché d'un mot ture signifiant torrent, (Jaw, seïl, cf. ✈, soulou, liquide) et du nom actuel de l'laxarte, Syr-Daria. Si le témoignage du byzantin Ménandre3, qui écrivait à la fin du vr° siècle, pouvait avoir quelque poids, la question serait même décidée en faveur de l'origine ougro-turque des Saces, car il avance formellement que ceux-ci n'étaient autres que les Turcs.

La position qu'occupaient les Touraniens par rapport à l'Assyrie nous conduit donc à croire que le Magog de la Genèse représente non seulement les Saces ou Scythes d'Asie, mais encore l'ensemble des nomades répandus du Caucase au delà de la mer d'Aral et de l'Oxus. Le nom de Mogan, donné à une province située au midi de l'Araxe et qui s'étendait à l'est jusqu'à la Caspienne, celui de Moucan porté par une autre, qui dépendait du Chirvan, rappellent cette ancienne dénomination de Magog. L'étude qu'on a faite, dans ces derniers temps, des langues du Caucase, a mis en évidence, chez plusieurs, des affinités frappantes avec les idiomes ougriens, turcs, et même avec le tibétain. Et c'est là une circonstance qui confirme l'origine touranienne des Mèdes, en même temps qu'elle montre pourquoi Magog a été rattaché par la Bible à la famille de Japheth. On a vu, d'ailleurs, par le chapitre x de la Genèse, que Magog est donné pour frère à Mosoch et à Thubal. Or Mosoch nous ramène aux confins de l'Arménie; quant à Thubal, il représente un groupe de populations auquel appartenaient les Tibarènes ou Tibares, dont le nom, ainsi que l'ont reconnu presque tous les commentateurs, est identique à celui de Thubal. Etablis d'abord sur le versant sud-ouest du Caucase, les Tibarènes s'étaient avancés jusque sur le littoral du Pont-Euxin, entre Trébizonde et Sinope; ils paraissent même avoir envoyé des colonies en Cilicie ". D'autre part Ézéchiel

1 Hist nat. VI, XVI. 2 Die Völker des südlichen Russlands, p. 12. Ce mot toutefois s'explique aussi par le persan. Voy. Klaproth, Asia polyglotta, p. 100, art. fliessen. --- Τῶν Τούρκων, τῶν Σακῶν καλουμένων τὸ πάλαι. Excerpt. p. 380, ed. Bekker et Niebuhr. - Tibapηvá, čovn Tibaonvinά. Orph. Argon. 741, Strabon, II, Knobel, Völkertafel, p. 110. Cicéron, Lettr. fam. XV, 4. PseudoScymn. Ch. Orbis descript. 948. Ezechiel, xxxvIII, 2; XXXIX, 1.

p. 107.

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associe Magog à Gog, qu'il place au nord de l'Assyrie, et il qualifie ce dernier de prince de Mosoch et de Thubal. Donc, au vi° siècle avant notre ère, la race de Magog dominait jusque dans le pays des Mosches et des Tibarènes. Il y a dès lors lieu de croire que les populations ainsi désignées étaient liées par une affinité de langue, que l'idiome des Mosches et celui des Tibarènes appartenaient également à la formation touranienne. Nous avons vu plus haut que les Mardes sont l'une des populations des frontières de la Médie qui peuvent être regardées comme ayant fait partie des nations indigènes de langue anaryenne; or, dans la division de l'empire perse 1, les Mosches et les Tibarènes ne formaient avec eux, les Macrons et les Mosynæques, qu'un même gouvernement.

La confirmation de tout ceci nous est apportée par les données empruntées aux inscriptions cunéiformes. Les travaux de M. Jules Oppert ont établi que c'était à une population anaryenne, c'est-à-dire touranienne, que remontait l'invention du système graphique adapté par les Sémites-Assyriens à leur langue. On ne saurait admettre qu'une telle invention soit due à un peuple aussi barbare que les indigènes de la Médie, qui n'avaient nul besoin de l'écriture. Cela n'a pu qu'être l'œuvre d'une nation de race congénère, mais fort supérieure à ces indigènes. Et l'opinion qui se présente d'elle-même, c'est que l'idiome pour lequel fut créée l'écriture cunéiforme était celui des Chaldéens, avec lesquels vinrent ensuite se fondre les Assyriens. Or les Chaldéens ou Casdim n'étaient pas originaires de la Mésopotamie; ils nous apparaissent comme ayant, à une époque très-reculée, conquis ce pays sur les Couschites, fait déjà mentionné par Hellanicus. D'où venaient-ils? Evidemment du pays qu'avaient occupé les Tibarènes, puisqu'on y trouve encore, au temps de Xénophon et d'Alexandre le Grand, un peuple du nom de Chaldéens, renommé par sa bravoure, et qui fournissait des mercenaires aux rois de Perse et à ceux de l'Inde3. Originaires d'une contrée sur laquelle a dû s'étendre la formation linguistique dite touranienne, on comprend qu'ils aient parlé un idiome voisin de celui des indigènes de la Médie. Le caractère touranien du casdo-scythique prouve au reste péremptoirement cette supposition.

Les Chaldéens primitifs descendus des monts Gordyens étaient les frères des Tibarènes, une fraction de la même nation. Nous voyons en

Hérodote, III, XCIV. 2 Hellanic. ap. Steph. Byzant. v° Xaλdaïoi. Hellanicus disait que les Chaldéens, après avoir quitté leur patrie, avaient occupé le pays de Xoy, dans lequel on reconnaît le nom de Cousch. - Xénophon, Expedit. Cyr. IV, IV, V, VII. Diodor. Sic. XIV, xxvII. Cf. Steph. Byz. v° Xaddía,

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