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effet non-seulement qu'ils habitaient la même région, mais qu'ils excellaient comme eux dans la métallurgie. Strabon qualifie les Chalybes de Chaldéens, et ces Chalybes étaient adonnés depuis la plus haute antiquité à l'exploitation et au travail des métaux. Homère2 parle déjà de leur habileté à façonner l'argent. D'autre part Ézéchiel (XXVII, 13) nous dit que Thubal et Mosoch envoyaient à Tyr des vases d'airain, produit de leur industrie, et il faut reconnaître une personnification du premier peuple dans Thubal Caïn, représenté par la Genèse comme l'inventeur de l'art de forger le fer et l'airain. Celui-ci a pour frère Iabal, qui fut, suivant le même livre, le père des peuples pasteurs et vivant sous la tente et dont le nom nous ramène à celui des Ibères ou Ibériens, voisins des Chalybes et des Tibarènes 3. On sait d'ailleurs que l'Ibérie a été peuplée de très-bonne heure; l'extrême fertilité de plusieurs de ses cantons favorisa le développement précoce de la civilisation.

Ainsi les Chaldéens primitifs, les Chalybes et les Tibarènes, ne formaient, selon toute apparence, qu'une seule et même race, parlant un idiome touranien, et dont une fraction envahit le cours inférieur de l'Euphrate et du Tigre avant que la race d'Élam et d'Assur vînt s'y établir. Très-vraisemblablement ils durent une partie de leur supériorité sur les Couschites aux armes de métal dont ils étaient pourvus, et auxquelles la population indigène ne put opposer que des massues en bois, des flèches de roseau, des lames à pointes en pierre ou en os, armes qui étaient encore les seules que connussent, au temps de Xerxès, leurs congénères les Éthiopiens 5.

Rappelons encore un fait qui achève de montrer que c'était bien des monts Gordyens et de la région limitrophe de l'Arménie qu'étaient originaires les Protochaldéens. On reconnaît dans l'Arrapachitide (Åþóаñα

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1 Strabon, XII, p. 470, 471; cf. Scylax Caryand. Péripl. 87, 88; Schol. Apollon. Rhod. Argon. II, 374; Plin. Hist. nat. VII, LVII. Plutarque (Lucullus, XIV) et Xénophon (Exp. Cyr. VII, 11), sans les identifier, en font des peuples voisins. Iliad. II, 856, 857. Le poëte désigne le pays des Chalybes sous le nom d'Àλúбŋ. Cf. Dionys. Perieg. Orbis descript. 768.- On observe ici les mêmes changements de l en r que nous donne le nom de Tibarène rapproché de Thubal. Le perse changeait sémitique en r. Cf. le nom de Babylone. Voyez, sur la fertilité de l'Ibérie, ce que dit Ménandre, Excerpt. p. 323. — Hérodote, VII, LXIX. Les Gordyens ou Carduques descendants des Chaldéens primitifs conservèrent, jusqu'au 1 siècle avant notre ère, la réputation d'habiles ingénieurs; il y avait dans leur pays des places puissamment fortifiées (Strabon, XVI, p. 636), ce qui indique chez eux une antique civilisation et une grande aptitude militaire. Ce sont eux sans doute qui enseignèrent aux Assyriens l'art d'élever ces fortifications que représentent les bas-reliefs de Ninive et de Babylone.

Xitis) de Ptolémée, située sur les confins de l'Arménie, l'Arphaxad de la Bible, et ce nom signifie limite des Chaldéens (DN); c'était en effet en Arménie que la tradition tout assyrienne du déluge plaçait le premier établissement de l'espèce humaine après le cataclysme.

L'ensemble de ces considérations nous fait maintenant comprendre comment l'écriture cunéiforme a pu être l'œuvre des Touraniens. Les Chaldéens-Tibaréniens autrement dit les Protochaldéens apportèrent chez les Couschites un état social bien supérieur à celui de ceux-ci. Its composèrent le corps sacerdotal qui conserva leur nom, lequel fut aussi appliqué aux habitants de la Mésopotamie 2. Et, quand les Assyriens-Sémites établirent leur empire sur les bords de l'Euphrate et du Tigre, ils y trouvèrent une civilisation toute constituée, qu'ils adoptèrent 3. A travers les fables qui remplissent le récit de Bérose on discerne la trace du souvenir de l'origine proto-chaldéenne ou chaldéo-tibarénienne de l'écriture; car ce furent, selon cet auteur, les hommes échappés, en Arménie, au déluge, qui apportèrent la connaissance de l'écriture. Les Chaldéo-Tibaréniens l'auraient-ils reçue des colonies égyptiennes établies en Colchide, ainsi que le pense M. Carl Sax 5? Le fait me semble fort douteux, et les arguments proposés par ce savant sont loin d'être concluants.

Le système trop exclusivement indo-européen de M. Bergmann a le tort de ne tenir aucun compte de cette grande souche touranienne à laquelle paraissent correspondre les trois branches de Magog, Mosoch et Thubal, et d'effacer ainsi de la carte ethnographique primitive plusieurs des plus importantes familles linguistiques.

Faisant des Saces des Indo-Germains, le savant professeur de Strasbourg est conduit par là à englober dans la même catégorie les Massagètes et les Dahes, qui habitaient dans la même région de l'Asie et que les géographes postérieurs ont regardés comme Scythes. Déjà Klaproth,

XXII.

Knobel, ouv. cit. p. 159. M. Bergmann attribue un sens analogue au nom d'Assour, dérivé, selon lui, du chaldéen Sour (1), mur, limite., XaλSzior. Voy. Daniel, 11, 5; IV, 4; v, 7; Hérodote, 1, CLXXXI; Strabon, XVI, p. 629; Diodor. Šic. II, XXIX et suiv.; Arrien, Anab. III xvi, VII, xvi, XVII; Quint. Curt. Ï, Encore au vi° siècle de notre ère, les Mosches ou Mesches, comme Procope (De bello gothic. IV, 11) les appelle, quoique depuis longtemps soumis aux Ibériens, présentaient une culture fort avancée, occupaient un territoire fertile et plantureux, et excellaient surtout dans la culture de la vigne. Ce qui rappelle que Noé, qu'on représente comme établi en Arménie, passait pour avoir planté le premier la vigne. Beros. Fragm. ed. Richter, p. 57, 58.- Ap. Zeitschrift der deutschen morgenländ. Gesellschaft, part. I (1868). Strabon (XI, p. 438) nous dit que les Dahes habitaient plus près de la Caspienne; ce qui montre que leur territoire répondait au Dahistan, qui a conservé leur nom; tes Massagètes et les Saces se trou

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qui, dans ses Tableaux historiques de l'Asie, identifie, sans raisons suffisantes, les Massagètes avec les Alains, avait adopté cette assimilation et va pareillement des Indo-Perses dans les Issédons, les Arimaspes et une foule de tribus qu'il est impossible de prendre pour issues de la souche aryenne. Nous n'avons pas de renseignements suffisants pour décider sur la race à laquelle appartenaient les Massagètes; nous pouvons seulement constater qu'ils occupaient un pays où l'on trouve plus tard les Turcs. L'historien d'Halicarnasse signale chez eux l'abondance de l'or, son emploi fréquent pour orner les armes, les ustensiles et les engins, emploi que Théophylacte (III, vi) dit avoir existé chez ces derniers. Au reste, on voit, par Strabon (XI, p. 440), que les mœurs et les habitudes des Massagètes étaient différentes suivant la nature des cantons qu'ils habitaient. Et il est manifeste, par ce qu'il en dit, que plusieurs des tribus massagètes étaient des populations sibériennes.

Frappé de la ressemblance des noms de Massagètes et de Dahes avec ceux de deux populations de l'Europe orientale, voisines entre elles, comme les précédentes l'étaient à l'égard l'une de l'autre, les Gètes et les Daces, Daves ou Daës, M. Bergmann conclut à leur identité. Si l'on se contentait des apparences, on pourrait admettre cette assimilation. Mais l'on n'ignore pas que les noms identiques ne sont pas nécessairement dérivés d'un même radical. Il y a plus, loin de prouver une communauté d'origine, des noms absolument les mêmes, tirés chacun d'une langue différente, doivent plutôt être regardés comme dérivés de radicaux distincts; car les mots ne sauraient demeurer purs d'altérations, et, en passant d'un dialecte à un autre, ils subissent nécessairement des modifications en rapport avec la phonologie de chacun d'eux. Les Gètes étaient incontestablement établis en Europe depuis un laps de temps fort long, lorsque Darius envahit leur pays; comment auraient-ils gardé identiquement la même appellation que l'on suppose qu'ils se donnaient en Asie lorsqu'ils ne faisaient qu'un peuple avec les Massagètes? Ce nom entre également en composition dans ceux de Thyssagètes et de Tyragètes1. Les seconds sont visiblement les Gètes du Tyras ou Dniester. Quant aux premiers, leur territoire est trop éloigné de celui des Gètes pour qu'on soit en droit d'affirmer qu'ils appartenaient à la même race;

vaient plus à l'est. Mais, ajoute le géographe grec, on applique le nom de Scythes à une foule de populations de cette région ayant chacune un nom particulier. La terminaison gète, dans le nom de Massagète, peut, au reste, n'avoir eu avec le nom de Gète et de Tyragète qu'une ressemblance fortuite, aussi bien que la finale du nom de Thyssagète; les Grecs avaient une grande tendance à homophoniser les noms étrangers et à les rapprocher de ceux qui leur étaient connus.

d'autant plus qu'Hérodote, sans rien dire de la parenté des Gètes et des Thyssagètes, observe que ceux-ci étaient une nation à part, non pas nomade, mais chasseresse. Le sens d'intelligent, dérivé d'un radical indo-perse que notre auteur attribue au nom de Gète est fort problématique. Il est possible que les Grecs aient ramené à une même finale des noms dont la désinence n'était pas absolument identique. On pourrait également rapprocher le nom de Gète de celui des Djâts, indigènes de la province du Sindh et d'origine aryenne. En fait, nous ne sommes nullement assurés que ce fussent là les désignations que s'appliquaient ces peuples, et l'identité de forme conduit plutôt à supposer que nous nous trouvons ici en présence d'un mot indo-persique dont les Perses avaient tiré le nom qu'ils appliquaient à ces diverses nations. S'il était établi qu'il exista une parenté entre les Gètes et les Massagètes, nous verrions plutôt dans les premiers les représentants de la race mère et dans les seconds le produit d'un mélange avec une nation ougrienne, d'où le nom nouveau qui leur fut imposé. M. Bergmann admet, du reste, ce mélange, et il est à noter que non loin des Massagètes on rencontre, au temps de Ptolémée, des Masséens (Maσσaïoi), voisins eux-mêmes des Alains, qui sont donnés par quelques auteurs anciens comme identiques aux Massagètes.

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Quoi qu'il en soit, l'on ne découvre chez les Gètes rien qui légitime leur assimilation aux Saces, si ce n'est qu'ils étaient, comme eux et comme toutes les tribus répandues des bouches du Danube au cœur de l'Asie, archers et cavaliers. Les Grecs les considéraient comme un peuple thrace ou scythe1. Sous certains rapports les Gètes offrent des analogies avec les Celtes. Il en est de même des Daves ou Daces 2, qui étaient certainement une fraction des Gètes, établis plus au nord 3 et dont le nom ne paraît avoir avec celui des Dahes qu'une ressemblance fortuite. Ce nom de Dahes est vraisemblablement tiré du mot qui a donné le turc dhagh, ¿ls, montagne. L'épithète de montagnards leur convenait parfaitement, et il y a là un nouvel indice du caractère ougro-turc des Scythes d'Asie. Quant au nom de Dave ou Daë, le grand nombre de terminaisons de noms de villes daces en dava, tend à faire croire qu'il était tiré d'un mot

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Le poëte Ménandre cité par Strabon (VII, p. 246) compte aussi les Gėtes parmi les Thraces. Ce géographe nous dit d'ailleurs que les Gètes parlaient la langue thrace (VII, p. 252.) Thucydide (II, xcvi) les rapproche des Scythes. (Cf. Dion Cassius, LI, xx11, LXIII, vi.) Cf. Strabon (VII, p. 245) qui nous apprend (VII, p. 253) que les Daces et les Gètes parlaient la même langue. Strabon (VII, p. 252) dit que les Daces s'étaient anciennement appelés Daës ou Daves (Aάo Davi. Cf. Étienne de Byzance, v° Aaxia.)

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gète signifiant demeure, oppidum, camp, cité. Une remarque est, d'ailleurs, ici à consigner si les Daces avaient été une fraction des Dahes de l'Asie, que l'on retrouve, jusqu'au commencement de notre ère, dans la région où ils étaient déjà plusieurs siècles auparavant, nous découvririons des traces de leur migration, puisqu'elle aurait été postérieure à Hérodote, qui place en Dacie, non les Daces, mais les Agathyrses. Enfin ce qui achève d'écarter l'assimilation des deux peuples, c'est que les noms de tribus daces qu'a donnés Ptolémée se rapprochent plutôt des noms celtiques que des noms saces, parthes ou dahes. Je reviendrai, au reste, sur ces ressemblances dans le prochain article.

C'est une vieille doctrine que celle qui voit dans les Gètes les ancêtres des Goths. Jacques Grimm a rajeuni cette thèse abandonnée à l'aide de sa vaste érudition, sans parvenir à convaincre la majorité de ses compatriotes. M. Bergmann, sur ses pas et avec plus de décision encore, a poursuivi une série d'assimilations destinées à rattacher les populations de la Baltique à celles du cœur de l'Asie. Une courte citation pourra donner une idée de la façon dont il procède :

« Au cinquième siècle avant notre ère, à une époque où les Dâkes «portaient encore le nom de Davikes, des tribus davikes suivirent «l'exemple de leurs sœurs les tribus gètes et gotes qui émigrèrent de leur « patrie, et elles se dirigèrent, comme celles-ci, vers les bords de la «mer Baltique. C'est là qu'au quatrième siècle le Massilien Pytheas « trouva établies, à l'ouest des Guttônes, des tribus davikes qui se don"naient le nom de Compagnons des Davikes (Davikivanes, gr. Deukiônes). a Ces Deukiônes de Pythéas s'étant sans doute mêlés en grande partie <«< avec la tribu kelte ou germanique des Teutones (cf. les habitants de « Thiodi, voy. Vilcina-saga), on a pu, dans la suite, mettre les Teutones «à la place des Deukiônes. Néanmoins les Deukiônes, comme descen«dants des Davikes ou Dákes, ont pu se donner aussi le nom de leurs « pères, et ce nom de Dákes paraît avoir été connu de bonne heure des « Finnes de la Norwége, puisque encore aujourd'hui les Lapons, les « descendants de ces Finnes, désignent les Danois de nos jours sous « le nom de Dazh, qui correspond à celui de Dâkes. Bientôt après, de même qu'on avait appelé Gétines ou Gothines, les descendants « des Gètes ou des Gotes, de même on a appelé Dûkines les des«cendants des Dâkes. Du nom de Dakines (lat. Dacini, Dachini) s'est

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'Hérodote (IV, XLVIII) place déjà dans le pays des Gètes un fleuve qu'il appelle Ararus, nom tout celtique, et qui se retrouve, en Gaule, appliqué à la Saône et à d'autres cours d'eau. Le mot bria, qui signifiait ville en langue thrace (Strabon, VII, p. 265), rappelle la terminaison briga d'une foule de villes celtiques.

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