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durent subir l'influence de leurs voisins, surtout celle des Scythes, avec lesquels, au témoignage de Thucydide et de Strabon1, ils présentaient divers points de ressemblance. Repoussés de plus en plus à l'ouest par les Sarmates, les Skolotes durent se confondre avec ceux-ci comme avec les Gètes; car la comparaison de la peinture que nous fait Hérodote des Gètes à celle que nous trouvons dans Thucydide met en relief la physionomie plus scythique que leur attribue ce dernier3.

Les Gètes semblent conséquemment avoir été une population thracoscythique, chez laquelle le caractère scythique devint de plus en plus prépondérant; et en effet, le costume que les monuments de l'époque romaine donnent aux Daces, et qui rappelle celui des paysans roumains, actuels, se rapproche beaucoup de celui que les monuments du Bosphore cimmérien prêtent aux Scythes. Si donc il est permis d'émettre un avis dans un sujet si obscur, je dirai qu'il convient de voir dans Thiras plutôt que dans Gomer la souche dont étaient sortis les Gaulois.

Ce qui est rapporté de certaines tribus celtiques de la Germanie, telles que les Lémoviens, les Gothins, les Estyens', qu'on y rencontrait au temps de Tacite, et qui avaient subi la domination des Suèves et des Sarmates, indique que, dans leur marche graduelle vers l'occident, quelques-unes des populations celtiques s'étaient écartées de la grande route, c'est-à-dire de la vallée du Danube. Les nations du midi. de la Germanie n'avaient pas subi la conquête germaine ou ne furent envahies par les Germains que beaucoup plus tard; cette considération achève de démontrer que les Germains avaient pénétré dans la contrée qui prit leur nom par les côtes de la Baltique et non par le Sud. Aux premiers siècles de notre ère, la Vistule demeurait la limite qui les séparait des Vindes ou Slaves primitifs, déjà établis, au temps de Pythéas,

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1 Strabon, VII, p. 253. IV, XCIV; V, III, IV. - Thucydide (II, xcvI) dit que les Gètes, qui confinent aux Scythes, ont les mêmes armes et les mêmes habitudes que ceux-ci, qu'ils sont tous archers et cavaliers. On peut comparer les bas-reliefs de la colonne trajane et un bas-relief du Louvre, représentant un Dace, près de sa hutte en bois, combattant un Romain, aux curieuses représentations que nous offrent les monuments du Bosphore cimmérien. Voyez Dubois de Montpéreux, Voyage au Caucase, atlas, Part. archeol., pl. XXIII, XXIV, et Antiquités du Bosphore Cimmérien, conservées au Musée de l'Ermitage (1852). — Ce nom est tellement voisin de celui d'un des peuples de la Gaule, les Lémovices, qu'il est difficile de ne pas voir ici une population celtique. - Les Gothins payaient tribut à la nation germaine des Quades, qui les considéraient comme d'une autre race qu'eux (alienigena). Ils parlaient en effet un idiome gaulois. Tacit. German. XLIII. La langue des Estyens se rapprochait du breton, et ce peuple avait, comme les Gaulois, le sanglier pour animal symbolique. Tacit. German. XI.V.

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c'est-à-dire au Iv° siècle avant notre ère, sur le littoral méridional de la Baltique. Ces Vindes étaient-ils arrivés postérieurement aux Germains ou les avaient-ils précédés? Il est impossible de le savoir. Cependant, si l'on réfléchit que cette population s'était répandue, au vr siècle, dans toute la Pologne et la région des Carpathes et subdivisée en diverses familles, qu'elle n'avait cessé ainsi de grandir, qu'Hérodote ne les mentionne pas parmi les peuples situés au nord-ouest de la Scythie d'Europe, on sera plus enclin à supposer que leur migration était postérieure à celle des Germains et qu'elle dut déterminer le passage de ceux-ci dans la péninsule de Scanzia. L'établissement des populations gothiques sur cette terre septentrionale, où elles se mêlèrent à la race finnoise 2, était certainement antérieure de plusieurs siècles à notre ère 3, puisque, d'après leurs traditions, les Goths eurent le temps de se multiplier considérablement dans la contrée littorale où ils avaient abordé en venant de Scanzia, c'est-à-dire dans la Prusse proprement dite, avant de s'avancer plus au sud, quand, ayant repassé par la Baltique, ils prirent en sens inverse la route qu'ils avaient dû d'abord suivre. Les régions de la Baltique et de la Mer du Nord s'offrent à nous en effet comme le foyer d'où rayonna la race germanique; c'est manifestement l'extension que prirent plusieurs de ces populations, dont le croisement avec les Finnois avait été très-fécond, qui amena le déplacement des Cimbres et des Teutons, et les poussa sur la Gaule à la fin du second siècle avant notre ère...

Quoi qu'il en soit de l'époque à laquelle remonte l'arrivée des Vindes, on doit reconnaître que, dans les plaines qui s'étendent du Dniéper à la Vistule, et que suivirent dans leurs migrations tant de peuples, les mélanges et les croisements durent être fréquents. Ainsi nous voyons

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C'est ce qui résulte de ce que dit Jornandès, De reb. getic. 11. Il ressort en effet de ce que dit Tacite (German. XLII), que les populations de la Scandinavie ne présentaient pas l'organisation libre et indépendante des Germains, et l'état de sujétion où il nous les dépeint dénote une conquête par une autre race. Déjà cet état de sujétion commençait à paraître chez les Gothons ou Goths. Cet événement doit être antérieur au iv siècle avant notre ère; puisque Pytheas trouva déjà les Goths sur le littoral de la Baltique, près des Vindes. — Jornandès, De reb. getic. II. L'historien des Goths dit qu'ils s'établirent d'abord dans le pays des Ulméruges, qui confinait à celui des Vandales. Il est aussi probable que l'accroissement de ces nations fut dû aux contingents nouveaux qui leur arrivèrent du sud-est de la Baltique, d'où l'invasion sarmatique et peut-être vinde repoussait celles qui y étaient établies. Au reste, tout ce que Jornandès nous rapporte de la majorité des peuples de Scanzia, surtout leurs noms, dénote des populations germaniques.

les Bastarnes, de race germanique, voisins des Vindes, qui l'étaient eux-mêmes des Sarmates, subir l'influence de ceux-ci, et ces mélanges, qui avaient parfois pour effet d'étendre le nom d'un peuple à ceux qu'il avait soumis, ont engendré des nations et des idiomes nouveaux. De même que les Gètes disparaissent, vers le commencement de notre ère, pour faire place aux Daces qui en étaient issus, que les Pannoniens succèdent aux Celtes avec lesquels ils gardèrent de nombreuses affinités, diverses populations se remplacèrent l'une l'autre, dans la région qui s'étend du Dniéper à la Baltique, que bornent les Carpathes et qu'arrose la Vistule, se mêlant incessamment comme nous voyons le fait s'accomplir ensuite du Volga jusqu'au delà de la Theiss. Mais, après qu'un mouvement prolongé de progression eut porté les migrations du nord du Pont-Euxin aux côtes de la Baltique, un mouvement de remous ramèna les invasions en sens inverse. C'est le moment de l'apparition des Goths et des Slaves sur le Danube. Dès que ce reflux se fut arrêté, ou, pour mieux dire, quand, après avoir été comme buter vers les bouches du Dniéper et du Dniester, il se détourna vers l'ouest, les migrations asiatiques reprirent leur cours, et une nouvelle succession d'envahisseurs s'avança à l'occident; toutefois, trouvant déjà l'Europe plus peuplée, les flots de cette nouvelle marée vinrent comme mourir dans les plaines de la Hongrie.

En dehors de ces mouvements généraux, il y en eut de plus petits, variables et combinés dans leur sens; ce qui paraîtra naturel, quand on songera qu'à leur arrivée en Europe la plupart de ces peuples étaient nomades, qu'ils ne devenaient sédentaires et cultivateurs que dans certaines conditions. Tout cela amena des croisements, des entregreffements qui donnèrent naissance à des nations particulières et brisèrent ee qui pouvait rester de l'homogénéité première, parmi celles qui demeuraient plus pures. Car c'est presque toujours à des mélanges qu'il faut recourir pour s'expliquer l'apparition de nations nouvelles. Aussi, en étudiant l'origine des Slaves y reconnaît-on l'intervention de deux éléments d'abord distincts, quoique vraisemblablement sortis du même tronc. Trop préoccupé de leur origine vindique Schafarik se refusait à faire chez eux une place aux Sarmates, qu'il effaçait à un moment donné de la carte d'Europe sans qu'on pût voir ce qu'ils étaient de

venus'.

1 Les citations que Schafarik a empruntées aux auteurs du moyen âge attestent le voisinage des Sarmates et des Vindes, et explique comment la fusion a pu s'opérer. (Voy. notamment Slavische Alterthümer, t. 1, p. 386 et suiv.)

Ces croisements ont permis des influences réciproques: il a pu, par exemple, pénétrer dans les idiomes, comme dans les usages des Slaves, des éléments empruntés aux Germains et réciproquement, absolument comme nous voyons, en Asic, de pareils emprunts s'effectuer entre les tribus ougriennes, turques et mongoles, vivant au contact les unes des autres. Je suis donc fort disposé à croire avec M. Bergmann que les Scandinaves ont pu subir l'action des Slaves, surtout celle des Vindes qui s'avançaient jusqu'aux bouches de la Vistule et arrivèrent plus tard jusqu'au delà de l'Oder. Le savant professeur de Strasbourg en voit la preuve dans l'emprunt, fait par les premiers, de trois mots dont l'origine slave lui paraît incontestable, à savoir: skald, vala et seidr. Le mot skald, qui a fourni aux anciens poëtes scandinaves le nom sous lequel ils sont devenus si célèbres, trouve son explication plausible dans la racine slave sklad, signifiant disposer, arranger, composer, interprétation que son auteur préfère à celle que lui avait fournie dans le principe le verbe germanique schallen, ayant le sens de sonner, chanter. La croyance aux Vile répandue chez les Serbes vient à l'appui de l'étymologie que M. Bergmann propose du scandinave völva et du nom des Völur de la mythologie du nord. Enfin ce savant a fort ingénieusement rattaché l'opération magique du seidr à celle du crible qui s'accomplissait chez les Slaves.

Ces emprunts, si on les tient pour établis par les rapprochements que nous devons à l'érudition de notre auteur, tout en indiquant des rapports entre les deux races scandinave et slave, ne sauraient cependant accuser chez les populations de la seconde, une supériorité intellectuelle bien marquée. Nous savons par Tacite 1 que les Germains avaient aussi des chants populaires, et nul doute que leurs aèdes, comme ceux de la Thrace et les bardes des populations celtiques, n'eussent un certain caractère sacré. Le nom de skald avait pu être apporté par les Vindes à certaines populations gothiques de la Scandinavie, sans que celles-ci aient été auparavant privées de ces poëtes qu'avaient leurs frères les Germains. Ce qu'on est en droit d'affirmer, c'est que les éléments finnois, autrement dits indigène, germanique et slave, ont concouru à la création des nationalités de l'Europe orientale. L'intervention de ces trois éléments est surtout manifeste dans la formation de la nation russe. Pendant longtemps on a eu le tort de ne voir dans celle-ci que des Slaves. Une étude plus approfondie y a fait discerner un fond finnois

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German. 11. Cf. ce que dit Jornandès (De reb. getic. 11) des chants traditionnels des Goths.

incontestable; mais ce serait une exagération de ne vouloir reconnaître chez les anciens Moscovites, comme l'a fait M. Duchinski1, que des Touraniens, et de réserver aux seuls Slaves de la branche lekhique, le privilége d'une slavicité originelle2. Dans les anciennes principautés de Novogorod et de Pskow, les Slaves venus des bords du Dniéper apportèrent aux Finnois, durant le cours du x° siècle, un élément intellectuel et moral fort supérieur à la condition très-barbare de ces tribus, qui ne furent complétement slavisées que plusieurs siècles plus tard. Les Slaves, qui avaient pris au contact des Byzantins un germe puissant de culture intellectuelle et qui reçurent d'eux le christianisme, en dotèrent le pays, de même les Romains, c'est-à-dire les Latins, apportèrent chez les Gaulois les premiers ferments de culture intellectuelle et évangélisèrent ensuite cette population. Les Finnois de la Moscovie adoptèrent l'idiome slave comme les Gaulois avaient adopté le latin. Bientôt des colons scandinaves, c'est-à-dire une population dans les veines de laquelle coulait une forte proportion de sang germanique et désignée sous le nom de Varègues, signifiant vraisemblablement confédérés3, vint s'établir dans le nord de la Russie actuelle qu'occupaient des Finnois et des Slaves. Ils y apportèrent pour un temps, comme les Francs établis dans la Gaule septentrionale au milieu de populations gallo-romaines, leur organisation politique et militaire et certaines de leurs institutions. Les princes varègues, issus de Rurik, régnèrent par droit de conquête sur les Slaves du Dniéper et du Dniester, comme Clovis et ses enfants sur la Gaule méridionale, déjà envahie par des races différentes de la race indigène. Les conquérants scandinaves firent imposer au pays où ils s'étaient établis le nom de la contrée de la Suède, l'Upland, d'où ils étaient originaires (Ros-Lagen), de même que la Gaule emprunta son nouveau nom aux Francs qui l'avaient conquise.

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Ainsi le territoire qui a été le premier noyau de l'empire russe, comme

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Voy. l'ouvrage intitulé: Nécessité des réformes dans l'expositiou de l'histoire des peuples aryas-européens et tourans, particulièrement des Slaves et des Moscovites (Paris, 1864). Quoique le bassin de la Vistule nous apparaisse comme la plus ancienne patrie des Slaves, on ne saurait admettre qu'ils y soient restés purs de tout croisement, puisqu'on y rencontre également, du 1 au IV siècle de notre ère, des tribus germaniques. Le nom de Vandales ou Vindiles, porté par une nation germanique des bords de la Baltique, paraît indiquer une population slavo-germanique. Les Goths devaient avoir exercé sur les Vindo-Sarmates une influence prolongée, qui aura contribué au fractionnement de cette race en diverses Väringar, fœderati.» (Voy. Schafarik, Slavische Alterthümer ub. v. Wutke, t. I, p. 438.) — * Duchinski, ouv. cit. . Schafarik, ouv. cit. t. II,

branches.

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P. 49.

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p. 70, 72.

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