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morte, par la volonté divine, de la susdite maladie, et a été enterrée profondément en terre, dans le bastion où elle était renfermée. Au nom de Sa Majesté j'ai ordonné au sergent, au caporal et aux trente soldats de garde d'observer le secret', la femme de chambre, le maître d'hôtel et les quatre domestiques demeurent en bon état.

6 décembre 1775, André Tchernichef.

La fausse Élisabeth est morte avec son secret; ses lettres et les pièces diplomatiques qu'elle a composées donnent une idée fort médiocre de son intelligence. Comment expliquer pourtant qu'un certain nombre de gens d'esprit aient été ses dupes ou du moins lui aient accordé un intérêt ou même une attention qu'elle ne semble pas devoir mériter? Oginski, le comte de Hornstein, Montague, Radzivill, le cardinal et l'abbé Roccatani, ont, pendant quelque temps, subi son influence à différents degrés. Il y a des personnes dont la conversation est brillante et qui sont hors d'état d'écrire ce qu'elles savent dire avec esprit. Telle était peut-être notre aventurière. Cependant, lorsqu'on examine ses lettres à Golitsyne et à l'impératrice, le décousu et l'absurdité de la rédaction indiquent quelque chose de plus que la difficulté d'exprimer sa pensée. Catherine n'aurait-elle pas deviné juste lorsqu'elle écrivait que la fausse Élisabeth avait la tête dérangée. Nous avons vu que plusieurs imposteurs, Mathurin Bruneau, par exemple, étaient des fous.

P. MÉRIMÉE.

Il y a quelques années un officier de mes amis, ayant été mis aux arrêts dans la forteresse, se promenait dans un des bastions. Un soldat lui montra d'un air de mystère un endroit près du rempart. «C'est là, lui dit-il, qu'on a enterré la Tarakanof. Le secret de cette sépulture avait été transmis de génération en génération par les soldats de garde. Aucun ne savait qui était la Tarakanof. J'ai dit en commençant que tel était le nom d'une vraie fille d'Élisabeth, et, par une confusion naturelle, on l'a donné à l'aventurière morte en 1775. 2 Сборникъ, р. 192.

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PIETRO POMPONAZZI, Studi storici su la scuola Bolognese e Padovana del secolo XVI, con molti documenti inediti, per Francesco Fiorentino, professore ordinario di storia della filosofia nella reale Universita di Bologna. Pierre Pomponace, Etudes historiques sur l'école de Bologne et de Padoue au xvre siècle, avec plusieurs documents inédits, par François Fiorentino, professeur titulaire d'histoire de la philosophie à l'Université royale de Bologne. 1 vol. in-18 de 517 pages, Florence, 1868, chez les successeurs de Le Monnier.

DEUXIÈME ET DERNIER ARTICLE1.

En descendant des hauteurs de la métaphysique à une question de physiologie; en considérant l'étroite dépendance qui existe, d'une part, entre l'intelligence et la sensibilité, d'une autre part entre la sensibilité et la vie organique, Pomponace a pu prendre parti pour la matérialité de l'âme humaine; mais cette opinion, exprimée une seule fois, peutêtre, dans un des moins importants de ses ouvrages, n'en fait pas un matérialiste. Elle ne change rien à l'idée qu'il s'est faite de l'ensemble des êtres. L'homme, pour lui, tient toujours le milieu entre deux termes extrêmes les intelligences pures, absolument indépendantes de la matière, et l'âme des bêtes, absolument confondue avec elle, incapable de s'élever au-dessus de la sensation, de concevoir autre chose que les images transmises par les organes jusqu'au cerveau. L'intelligence de l'homme est ainsi faite que, ne pouvant s'exercer que sur un objet sensible, elle est cependant supérieure aux sens dont le ministère lui est indispensable; car dans le sensible elle découvre l'intelligible, et dans le particulier l'universel.

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Comment l'intelligence peut-elle être supérieure aux sens, par conséquent au corps, en même temps qu'elle en est inséparable et qu'elle ne peut se passer des organes? Voilà un point sur lequel Pomponace ne s'est point clairement expliqué. Mais, quand on réfléchit aux termes dont il se sert pour exprimer sa pensée, on s'aperçoit que, malgré l'imperfection de son langage et de son analyse, et en tenant compte de la

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distance qui sépare un péripatéticien de la Renaissance du philosophe le plus original du xvIII° siècle, il a, par sa psychologic comme par sa morale, quelque analogie avec l'auteur de la Critique de la raison pure. Si l'intelligence, non l'intelligence en général, mais celle de l'homme, lui paraît supérieure au corps, c'est comme sujet, non comme objet; comme siége de la pensée ou comme faculté, non comme substance, comme être à part. Un pas de plus, un peu plus de décision dans les idées, un peu plus de clarté dans l'expression, et nous aurions eu ici la distinction du subjectif et de l'objectif, comme nous rencontrerons tout à l'heure celle de la raison pratique et celle de la raison spéculative.

Ce qu'il dit de l'intelligence, Pomponace, dans un autre de ses écrits, l'applique à la volonté. «La volonté, dit-il, ne peut se manifester sans « un instrument corporel; mais, douée qu'elle est de la faculté de choisir, «< elle est cependant au-dessus des choses corporelles. Elle est, à certains « égards, matérielle, puisqu'il lui faut un organe pour agir; elle est im<< matérielle sous un autre point de vue, car elle peut exercer son activité << au-dessus du corps. Le corps lui est nécessaire comme objet, non <«< comme sujet1. » Il en est de même de la raison en tant qu'elle agit sur la volonté, ou de l'intelligence pratique. L'intelligence pratique excite le désir, qui, à son tour, excite les esprits et les autres instruments nécessaires au mouvement 2.

Il n'y a donc pas une seule de nos facultés, des facultés que nous attribuons à l'âme, qui puisse se passer du corps et s'exercer sans le concours des organes. Or, s'il en est ainsi, qu'est-ce qui nous autorise à croire que l'âme survivra au corps? Comment pourrait-elle continuer de penser et de vouloir quand elle sera séparée de ces instruments aujourd'hui indispensables à l'exercice de sa volonté et de son intelligence? Cette objection contre la distinction substantielle de l'âme et du corps et contre le dogme de l'immortalité a souvent changé de forme; mais elle est restée pour le fond telle que Pomponace la présentait en 1516, et aucun de ceux qui l'ont reproduite plus tard, soit au nom de la philosophie, soit au nom de la physiologie, n'en ont usé avec plus de discrétion. Sans se prononcer dans un sens ou dans un autre, il se contente de dire que ni la raison ni l'expérience ne nous prouvent que l'âme puisse exister séparément, et que lui attribuer une telle existence est

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« Nam quamquam voluntas sine re corporali non potest in opus exire, est tamen supra res corporales in eligendo; partim enim est materialis, quia sine re corporali operari non potest, partim est immaterialis, quare supra corpus operari potest; indiget enim corpore ut objecto et non subjecto. (De Incant., c. XII.) - De Act. reali; De Immort., c. IX.

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une affirmation purement arbitraire1; que l'immortalité de l'âme est un de ces problèmes neutres qui ne peuvent être résolus par la raison, ni dans un sens positif ni dans un sens négatif; que, l'âme fût-elle indi. visible, il n'en résulte pas qu'elle soit immortelle, et que rien ne prouve qu'elle soit indivisible 2. Mais ce que la science ne démontre pas, la foi peut l'affirmer, parce que la science et la foi sont deux choses complétement différentes et même opposées. La première dépend de la raison, qui obéit à des lois inflexibles; aussi rien au monde ne peut la contraindre à accepter pour vraie une proposition qu'elle a jugée fausse ou seulement douteuse. La seconde, au contraire, la foi, dépend de la volonté, et la volonté peut se résoudre à croire ce qui est incompréhensible ou contraire à la raison 3.

On avait dit avant Pomponace que l'immortalité de l'âme ne pouvait être reconnue à la lumière naturelle de la raison, et qu'il fallait l'accepter comme un article de foi au nom de la révélation*; mais personne encore ne s'était avancé jusqu'à soutenir que la foi est un acte de volonté absolument indépendant des lois de l'intelligence et que rien n'empêche de se mettre en opposition avec elles. Cette proposition était plus blessante pour les théologiens que toutes les difficultés qu'on avait pu réunir contre l'immortalité de l'âme et le dogme de la vie future.

Si la philosophie peut et doit même se rendre indépendante de la religion, il ne lui est pas permis de se placer dans la même situation relativement à la morale. L'idée qu'elle se fait de la destinée de l'homme est étroitement liée à celle qu'elle a conçue de sa nature. Le but qu'elle propose à son existence, la tâche qu'elle lui prescrit de remplir, est nécessairement en rapport avec ses facultés et avec la durée dans laquelle elles sont circonscrites. Or, si elles ne doivent point s'étendre au delà de cette vie, si elles sont destinées à périr avec ces frêles organes qui leur servent d'instruments, pourquoi, au lieu de les consacrer à l'accomplissement du devoir, à la pratique de la vertu, ne les ferions-nous pas servir uniquement à notre bien-être, à notre plaisir, à l'assouvissement de nos passions, sans nous inquiéter de ce qui est bien et de ce qui est mal, de ce qui est permis ou défendu par les lois de la con

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Modusque ille essendi separatus nulla ratione vel experimento probatus, sed sola voluntate positus. (De Immort., ch. 1x.) — «Sic itaque existimo quod sive intellectus ponatur indivisibilis, sive extensus, nihil cogit ipsum esse simpliciter immortalem; verum nihil magis placet ipsum ponere inextensum.» (Apol., lib. I, ch.11.) Defensorium, ch. XXIX; Fiorentino, p. 54. — C'est ce qu'affirme expressément Nifo dans son Traité de l'intelligence, publié vingt-quatre ans avant le Traité de l'immortalité. (Voyez Fiorentino, p. 186.)

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science? Comment supposer que l'homme aime la vertu et qu'il se détourne du vice, s'il n'a rien à espérer ni à craindre, s'il n'y a pour lui ni récompenses ni châtiments après la mort?

A cette question Pomponace répond par la maxime stoïcienne que la vertu, suprême condition de la félicité humaine, porte avec elle sa récompense, et que le châtiment de l'homme vicieux est le vice lui-même1. Dès qu'on veut, ajoute-t-il, attacher à la vertu une rémunération étrangère, différente de celle qui est naturellement comprise en elle, on ne manque pas d'en altérer la pureté et de lui infliger une sorte de dégradation; car il est évident que de deux hommes dont l'un fait le bien dans l'espoir d'être récompensé et l'autre avec un parfait désintéressement, le dernier est plus vertueux que le premier. Ainsi donc l'immortalité de l'âme n'ajoute rien au sentiment du devoir. Que l'âme soit destinée à survivre au corps ou à mourir avec lui, nous n'en sommes pas moins obligés de mépriser la mort et de rester fidèles aux lois éternelles de la conscience 2. Ce n'est pourtant pas une raison de condamner les législateurs et les hommes politiques qui ont consacré le dogme de la vie future; car leur but a été, non la vérité, mais l'intérêt commun, la défense de la société ; ils se sont proposé de gouverner les hommes, non de les instruire; de régler leurs mœurs, non leurs idées; et, sachant combien la plupart d'entre eux, victimes de leur ignorance ou de leurs passions, sont enclins au mal, ils ont essayé de les retenir sur cette pente fatale par l'attrait des récompenses et la crainte des châtiments d'une autre vie. Ils leur ont parlé un langage accommodé à leur faiblesse, comme celui que les médecins tiennent à leurs malades, et les nourrices aux petits enfants3.

Les mauvais instincts, les penchants vicieux ou criminels, contre lesquels les législateurs ont voulu armer la société, n'empêchent pas qu'il y ait dans notre âme une faculté naturelle et universelle qui nous apprend à faire le bien pour lui-même et nous détourne du mal par la seule aversion qu'il inspire. Cette faculté, c'est l'intelligence, ou, comme

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1 Præmium essentiale virtutis est ipsamet virtus, quæ hominem felicem facit... Pœna vitiosi est ipsum vitium..... Quando bonum accidentaliter præmiatur, ⚫ bonum essentiale videtur diminui neque remanet in sua perfectione.» (De Im mort., ch. XIV.)« Sive animus mortalis sit, sive immortalis, nihilominus contem. nenda est mors neque aliquo pacto declinandum est a virtute.» (Ibid., ch. xiv.) - Respiciens legislator pronitatem viarum ad malum, intendens communi bono, sanxit animam esse immortalem, non curans de veritate, sed tantum de probitate, ut inducat homines ad virtutem, neque accusandus est politicus. » (De Immort., ch. XIV.)

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