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dans l'ermitage de Dhénoúka. Par exemple, elle se tient dix milliards d'années sur un seul pied; puis elle erre autant de temps au milieu d'un troupeau de gazelles; elle reste plongée huit mille ans dans des eaux froides et noires; elle s'impose d'autres macérations non moins effrayantes. Enfin elle se rend digne de l'office qui lui est imposé; et elle le remplit avec une conscience tranquille, après que Brahma lui a bien affirmé qu'elle peut tuer tous ces êtres sans commettre le moindre péché.

Voilà, selon Nârada et la légende, l'origine de la mort. Si cette explication n'a pas chance de nous satisfaire, elle charme le roi Akampana, et surtout elle le console. Il se dit, avec le sage qui lui parle, que la mort n'est pas coupable, et que son fils, qui est dans un séjour de délices, n'a fait que subir la loi portée par Brahma. Aussi il exprime sa reconnaissance à Nârada, et il lui déclare que son chagrin est entièrement dissipé par le récit merveilleux qu'il vient d'entendre 2.

Il ne paraît pas que Youddhishthira ait une douleur aussi accommo dante. Sans doute il est touché de l'histoire vénérable qui a fait tant de bien au roi Akampana; mais il désire encore un surcroît de consolation, et il demande à Krishna-Dvaipâyana de lui raconter quelques-uns des hauts faits des principaux râdjarshis. Ce qui distingue surtout la piété des rois et la signale à l'estime reconnaissante de la postérité, c'est leur générosité sans bornes à l'égard des brahmanes. Plus on leur a donné, plus on est saint; et Dvaipâyana met d'autant plus d'empressement à satisfaire le désir du roi à qui il parle, que ces narrations, outre l'intérêt qu'elles présentent, peuvent aussi servir d'utiles exemples. Youddhishthira ne sera pas moins généreux ni moins magnifique que tous ses prédécesseurs. Vyâsa répond à la question du roi, et il lui raconte d'abord l'histoire de Srindjaya, qui avait pour amis les deux rishis Nârada et Parvata. Srindjaya n'a pas de fils; mais, grâce à la puissance magique des anachorètes, il en obtient un qui change en or tout ce qui sort de lui. Le roi ne se fait pas faute d'user de cette merveilleuse faculté de son fils, et il convertit en or tout ce qu'il veut, son palais, ses forteresses avec leurs remparts, les maisons des brahmanes avec tous leurs

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Mahabharata, Dronaparva, çlokas 2089, 2092, 2093, 2099 et suivants. - Ibid. Dronaparva, çloka 2125. — Ibid. Dronaparva, çloka 2137 et suivants. -Les deux rishis, Parvata et Nârada, tout saints qu'ils sont, se prennent de querelle à l'occasion de la fille du roi, dont ils se disputent la possession. Ils se maudissent mutuellement; mais la paix se rétablit bientôt, et ils demeurent tous deux auprès du roi, qui les traite trop bien pour qu'ils le quittent. Ibid. Dronaparva, çloka 2156.

ustensiles. Mais des voleurs apprennent ce prodige; et, s'imaginant que le prince royal renferme en lui toute une mine d'or, ils l'enlèvent et le tuent pour s'emparer du trésor qu'il renferme. Or le malheureux enfant n'a pas de trésor en son sein, et les voleurs sont déçus comme les servantes qui tuent la poule aux œufs d'or. Dans la fureur de leur mécompte, ils s'égorgent entre eux. Mais ce châtiment bien mérité ne rend pas la vie à leur victime et ne console pas le père infortuné, qui perd tout ensemble et son fils et sa richesse. C'est le dévarshi Nârada qui se charge d'apaiser son chagrin; il lui démontre qu'il ne doit pas pleurer son enfant, parce que, si le jeune prince est mort si prématurément « c'est qu'il possédait les quatre qualités à un plus haut degré que « le roi son père; il n'y a pas de larmes à lui donner, puisqu'il égalait <«<les vertus paternelles; l'homme qu'il faut plaindre et purifier, c'est << celui qui n'a pas offert de sacrifices et qui n'a point mérité les récom« penses dues aux hommes vertueux 1. >>

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A ce premier exemple du râdjarshi Srindjaya, Nârada en ajoute une foule d'autres aussi convaincants; et il cite successivement les rois Souhotra, Paourava, Çivi, fils d'Ouçînara, Râma, fils de Daçaratha, Bhagiratha, Dilîpa, Mândhâtri, Yayâti fils de Nahousha, Nâbhaga, Çaçavindou, Gaya, Rantidéva, Bharata fils de Doushmanta, Prithou, qui fit traire par toutes les créatures le pis de la terre, Râma, fils de Djamadagni2. Tous ces rois ont donné au monde les plus admirables spectacles de douceur, de bonté, de justice à l'égard de leurs sujets, mais surtout de générosité à l'égard des brahmanes, qu'ils ont comblés des plus splendides présents. Ces rois pourtant sont morts, comme le reste des humains, et Srindjaya se consola de la perte de son fils. Il est vrai que Nârada, pour récompenser tant de courage moral, ressuscite le fils mort et le rend à son père, dont la foi est ainsi récompensée. KrishnaDvaipâyana ne flatte pas le roi Youddhishthira d'un tel bonheur; mais, par ses pieuses légendes, il a séché ses larmes sur la mort d'Abhimanyou. Youddhishthira n'a donc plus de chagrin; mais il n'est que l'oncle du jeune prince. Comment annoncer à Ardjouna, le père d'Abhimanyou, le malheur irréparable qui l'atteint3.

Cependant Ardjouna, qui était sur une autre partie du champ de

Mahabharata, Dronaparva, çloka 2183. Cette formule de consolation, passablement rude, est répétée par Nârada après le nom de chacun des rois qu'il cite au nombre de quinze. Ces redites sans mesure ne semblent pas fatiguer les lecteurs Ibid. Dronaparva, çlokas 2195, 2207, 2222, 2248, 2261, 2271, 2291, 2302, 2319, 2332, 2353, 2376, 2393, 2425, 2449. Ibid. Dronaparva, çloka 2476.

hindous.

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bataille, rentre au camp, et il est agité dans sa route de sombres pressentiments. Ils ne sont que trop justifiés; comme il ne voit pas le jeune prince venir à lui selon son habitude, il le demande, et son frère Youddhishthira doit lui apprendre ce qu'il en est. Le pauvre père est à la fois désolé et furieux. Il maudit les guerriers qui ont été assez cruels et assez lâches pour tuer un enfant; il maudit aussi ceux qui l'ont envoyé à un trépas certain. Krishna, son cocher et son fidèle compagnon, essaye en vain de le calmer. Ardjouna cherche à tromper sa propre douleur en se faisant raconter minutieusement les détails de la mort d'Abhimanyou. C'est Youddhishthira qui les lui fournit; car personne autre que son frère n'oserait lui parler. Il lui révèle que c'est Açvatthâman, fils de Douççâsana, qui a été l'odieux meurtrier. Ardjouna jure par le serment le plus solennel que, dès le lendemain, le coupable tombera sous sa main1. Pour annoncer au monde l'implacable courroux qui l'anime, il fait retentir sa fameuse conque Dévadatta, et les trompettes de tous les rois Pàndous répondent à la sienne2.

A ce bruit sinistre, à ce présage significatif, Djayadratha, qui a tué en effet Abhimanyou, et qui prévoit son destin, tombe dans la terreur la plus profonde; il ne peut s'empêcher de témoigner aux rois qui l'entourent la crainte dont il est pénétré3. Il implore, en outre, leur secours contre la vengeance d'Ardjouna; et il les menace, dans le cas où sa prière ne serait pas accueillie, de se rendre invisible, en quittant l'armée pour que les ennemis ne puissent pas le voir. Il semble en effet que ce soit là le moyen le plus simple et le plus efficace; mais Djayadratha, qui peut cependant en disposer à son gré, ne le prend pas, et il se contente des assurances de Douryodhana et des autres princes, qui lui promettent de le défendre. Cependant il n'est pas absolument tranquille malgré cette protection de tous les rois; il prie Douryodhana de vouloir bien se rendre avec lui cette nuit auprès de Drona, pour qu'il sache de la bouche même de l'atchârya à quoi tient cette supériorité d'Ardjouna dans les combats. Drona, qui a été le maître de Djayadratha aussi bien que d'Ardjouna, lui fournit l'explication désirée; et l'infortuné, s'il ne doit pas éviter la mort, comme on l'en flatte, recouvre du moins un peu de tranquillité. Il paraît même compter sur la victoire. Du reste, dans le camp opposé, on sait également tout ce qui se passe chez les Kourous; et à peine Djayadratha a-t-il fait cette dé

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1 Mahabharata, Dronaparva, çlokas 2543 et suiv. La douleur du père est assez bien peinte, quoique la prolixité habituelle se retrouve ici comme partout ailleurs. Le serment tient plus de quarante vers. - Ibid. Dronaparva, cloka 2586. — Ibid. Dronaparva, çloka 2624. — Ibid. Dronaparva, çloka 2663.—

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marche que Krishna en informe Ardjouna, qui renouvelle ses serments avec plus de violence que jamais1.

Ardjouna n'ose pas aller de sa personne annoncer la mort du charmant Abhimanyou à sa femme et à sa mère; il confie ce soin douloureux et délicat à Krishna, qui s'en acquitte avec moins d'éloquence et de sensibilité qu'on n'en aurait attendu d'un dieu2. Soubhadrâ, la mère d'Abhimanyou, se lamente sur la mort de son aimable fils; elle cherche à consoler sa bru, Outtarâ, qui vient joindre ses plaintes aux siennes; mais les deux femmes, succombant à leur émotion, tombent sans connaissance3; Krishna les quitte après qu'il les a ranimées. Lui-même il est profondément ému; et, rentré dans son quartier, il n'y peut goûter un instant de sommeil. Aussi passe-t-il toute la nuit à chercher les moyens d'assurer le lendemain la victoire au malheureux Ardjouna. Il donne ses ordres en conséquence à Dârouka, son fidèle serviteur. Dès que le jour a paru, Krishna et Ardjouna confèrent sur la bataille qui va commencer. Ardjouna, qui la veille encore paraissait si sûr de vaincre, a maintenant quelques appréhensions sur la promesse qu'il a faite peutêtre avec plus d'emportement que de prudence. Djayadratha ne sera pas aussi facile à tuer que d'abord il le croyait. Krishna, tout dieu qu'il est, entre dans la pensée d'Ardjouna; et, pour le rassurer, il lui envoie une vision Ardjouna croit parcourir toute la terre et le monde des dieux. Ce n'est pas assez, et Krishna accompagne Ardjouna auprès de Bhava le dieu suprême, l'éternel, le créateur, l'impérissable. Le dieu, que Krishna lui-même adore ainsi qu'Ardjouna, leur demande l'objet de leur visite; ils la lui disent après avoir chanté un hymne en son honneur ce qu'ils veulent, c'est une arme invincible qui procure le triomphe sur Djayadratha. Le dieu bienveillant accède aussitôt à ce vœu; il donnera son propre arc et ses propres flèches, qu'il a déposés jadis dans un lac voisin3.

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Ardjouna et Krishna se rendent à ce lac; mais ils le trouvent gardé par deux serpents redoutables qui ont mille têtes. Après quelques incantations puissantes, les deux reptiles se soumettent, et ils se changent en

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1 Ibid. Dronaparva, çlokas 2679 à 2703. Les forfanteries d'Ardjouna sont ridicules, et les exagérations auxquelles il se livre sur son propre courage sont aussi dérai sonnables qu'immodestes. La faute de goût est ici d'autant plus grave, que le personnage d'Ardjouna semble devoir être le type le plus accompli du héros hindou. C'est dans tout ce passage un fanfaron insupportable. — Ibid. Dronaparva, çlokas 2717 à 2731. Ce sont des consolations tout à fait banales que le dieu offre aux deux femmes qu'il veut consoler. — Ibid. Dronaparva, çloka 2767. — Ibid. Dronaparva, çloka 2807. - Ibid. çlokas 2890 et suiv.

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un arc et une flèche. Les deux héros s'emparent de ces armes précieuses; et, après une nouvelle visite à Bhava, qui leur apprend à s'en servir, ils retournent au camp. Ils y arrivent à temps pour assister au grand lever que tient Youddhishthira. Le roi donne à cette cérémonie tout le temps et tout l'éclat fastueux qu'on pourrait y consacrer en pleine paix. Il ne semble pas songer qu'il va tout à l'heure recommencer la lutte mortelle; ce qui le préoccupe le plus, c'est de faire à tous les brahmanes présents les plus riches cadeaux. Mais, dès que le roi aperçoit Krishna, il s'empresse de le recevoir avec les plus grandes honneurs. Ardjouna vient à son tour rendre hommage au roi, qui l'accueille avec autant de distinction; et, le lever fini, toute l'armée se dispose à une nouvelle bataille, qui ne doit pas être encore décisive.

BARTHÉLEMY SAINT-HILAIRE.

(La suite à un prochain cahier.)

DE M. T. CICERONE GRÆCORUM INTERPRETE. Accedunt etiam loci Græcorum auctorum cum M. T. Ciceronis interpretationibus et Ciceronianum Lexicon græco-latinum; par Victor Clavel, professeur au Lycée impérial de Bourges. Paris, imprimerie de A. Lainé et J. Havard, librairie de L. Hachette et Cie, 1868, in-8° de 384 pages.

Dans cette thèse, qui est un livre d'une étendue assez considérable et dont le titre seul fait comprendre l'importance et l'intérêt, M. Clavel n'a pas craint de renouveler ce qu'avait fait, en 1557, Henri Estienne1, mais ce qu'on pouvait espérer de refaire plus complétement, plus

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Ciceronianum lexicon græco-latinum, id est, lexicon ex variis Græcorum scriptorum locis a Cicerone interpretatis collectum, ab Henrico Stephano. Loci Græcorum authorum cum Ciceronis interpretationibus. Ex officina Henrici Stephani, Parisiensis typographi,

MDLVII.

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