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Mais plus son ambition était notoire, plus elle provoquait la méfiance de ceux de ses voisins qui ne l'avaient pas éprouvée encore à leurs dépens, principautés ou républiques.

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Parmi les républiques, les deux plus fameuses étaient Gênes et Venise: Gênes, foyer de révolutions perpétuelles, le vrai volcan de l'Italie du nord, aussi incapable de se posséder soi-même que d'endurer un maître c'était une proie toujours à prendre pour ceux qui voulaient en tenter l'aventure, une porte sans cesse ouverte à l'invasion; Venise, rivale heureuse de Gênes, et d'une humeur tout autre. Venise était comme l'Angleterre de cette petite Europe, avec cette différence toutefois l'Angleterre, chassée du continent, allait se tourner vers la mer; Venise, à mesure qu'elle perdait ses colonies dans les mers du Levant, augmentait ses possessions continentales différence de position qui en entraîna une aussi dans leurs destinées. L'Angleterre, en se renfermant dans son île, se rendait invulnérable; Venise, en sortant de ses lagunes, donnait plus de prise contre elle et se faisait plus d'ennemis. Elle en avait au nord et même au sud de l'Italie. Elle pouvait réputer pour tels, non-seulement Milan, dont elle devenait limitrophe, mais Naples; car, en se repliant des échelles du Levant, elle n'eût pas été fâchée de s'assurer quelques stations sur les rivages méridionaux de l'Italie; autre trait de ressemblance avec l'Angleterre les ports les meilleurs à sa convenance lui paraissaient dévolus de droit à sa do

mination.

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Je n'ai pas encore parlé de Florence: supérieure aux autres par le génie politique et la civilisation, elle aspirait à la prépondérance aussi, mais surtout en Toscane, et se montrait d'autant moins portée à se jeter dans les guerres du dehors. Sa situation intérieure était trop incertaine, non-seulement par le partage de la population en factions qui se frappaient alternativement d'exil, mais par l'élévation des Médicis1 or cette famille s'acheminait à la tyrannie, non par les armes comme les chefs des condottieri, qui en ce temps-là firent si grande fortune, les Sforza par exemple; mais par le commerce et la banque, choses qui s'accommodent mieux de la paix. Florence, à ce titre-là, se trouvait portée à prendre entre les diverses républiques ce rôle de médiation qui échappait à la papauté par l'ambition personnelle de

teur contemporain, auquel ce récit est emprunté, périrent ainsi en 1362 et en 1363. » (T. I, p. 310.) Il faut voir, dans l'appendice n° 3, l'incroyable décret où cette succession de tortures et de repos préparatoires à de nouveaux supplices est réglée jour par jour, du 1 au 41°! (Ibid. p. 484.) · Sur ces factions populaires et l'élévation des Médicis, voy. M. de Cherrier, t. I, p. 295 à 300.

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Sixte IV, d'Innocent VIII et d'Alexandre VI: telle fut la conduite de Laurent de Médicis. Milan et Naples étaient surtout alors effrayés des vues ambitieuses de Venise. Florence, séparée de Naples par les États de l'Église, et de Milan, ou, si l'on veut, des prétentions milanaises, par les Apennins, faisait assez naturellement le lien entre les deux États. Leur confédération assura la paix de l'Italie au traité de 14801. Mais, après Laurent, ce lien devait être moins facilement maintenu avec Pierre de Médicis, et une circonstance le fit rompre.

Milan et Naples, qui avaient un intérêt commun contre Venise, se trouvèrent, sur un point particulier, opposés d'intérêt. A Milan régnait de nom le jeune Jean Galéaz Sforza; de fait, c'était Ludovic Sforza ou Louis le Maure2, son oncle, qui tour à tour exilé, puis rappelé de son exil par Bonne de Savoie, mère du jeune prince, l'avait mise elle-même de côté en faisant déclarer le duc majeur (il avait douze ans), et gouvernait à sa place. Mais Jean Galéaz avait grandi : il avait épousé (1489) Isabelle, fille d'Alphonse, fils et héritier du roi de Naples, Ferdinand. La situation anomale de Ludovic devait donc un jour ou l'autre prendre fin; car, si le faible Galéaz souffrait qu'il régnât en son nom, Isabelle, sa femme, était humiliée de cette sorte de déchéance. Elle en écrivait à son père; et, quoique Ludovic noyât ses messagers autant qu'il le pouvait, il en passait toujours bien quelques-uns. Il y avait donc là un péril. Alphonse pressait son père Ferdinand de venir en aide à sa fille; et, si Ferdinand hésitait encore, il pouvait céder; d'ailleurs Alphonse devait être roi un jour, et ce jour n'était jour n'était pas loin.

Ainsi la bonne intelligence de Naples et de Milan était fort ébranlée; et Ludovic croyait avoir des raisons de craindre qu'en cas de rupture Florence fut plutôt pour Naples que pour lui. Dans cette situation, il changea de front brusquement. On l'avait vu, avec Naples et Florence, tenir en échec Rome et Venise. Il quitte Naples et Florence et se rapproche de Rome et de Venise. Il avait, par son frère, le cardinal Ascagne, concouru à l'élévation de l'indigne Alexandre VI (Borgia) sur la chaire de saint Pierre; et, dans la guerre de Ferrare, il avait, aux dépens de

1«Il s'efforça, dit de Laurent M. de Cherrier, de maintenir en paix les États de la Péninsule, de les unir pour sauvegarder, s'il le pouvait, l'indépendance nationale. Sa pensée était d'établir l'équilibre entre eux de telle façon qu'aucun ne devînt assez puissant pour menacer l'existence des autres; entreprise hardie, qu'il ne lui était pas donné de réaliser.» (T. I, p. 306.) — «Surnom qu'on lui avait donné dans sa jeunesse parce qu'il était extrêmement brun; il le retint avec plaisir, durant sa prospérité, comme un symbole de sa finesse et de sa pénétration. » (Guichardin, I. III, ch. 11.)

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son beau-frère, rendu service à Venise. Cette double combinaison réussit. Le pape entra avec empressement dans la ligue avec un tel pape le népotisme avait abjuré toute pudeur. Alexandre VI voulait pour ses bâtards, qu'il avouait effrontément, de grandes positions, de grands mariages; il était blessé du refus d'Alphonse, qui avait dédaigné pour une de ses filles, fille naturelle aussi pourtant, une pareille union; il était inquiet du cardinal Julien de la Rovère, qui protestait contre son élévation et était maître d'Ostie. Venise avait paru moins bien disposée d'abord elle regardait Milan comme sa rivale naturelle, et le pape semblait un allié peu sûr. Cependant elle avait un si grand intérêt à rompre la ligue de Milan, de Florence et de Naples, ligue formée par crainte de ses progrès et tournée contre sa domination, qu'elle ne pouvait pas longtemps hésiter. La ligue fut donc conclue en avril 1493: Jean Galéaz (car c'est en son nom que l'on stipulait), Alexandre VI et le Sénat de Venise firent un pacte où ils se promettaient de rester unis entre eux et de ne point contracter d'autres engagements.

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Get accord produisit une vive émotion à Florence et à Naples. Un instant on eut la pensée de le rompre en attaquant immédiatement le pape et en le forçant à s'en désister. C'était l'avis de Pierre de Médicis et d'Alphonse : ce ne fut pas celui du vieux Ferdinand. Il croyait qu'il était plus sûr de gagner le pape que de l'accabler; c'était, dans tous les cas, plus simple et plus facile, et Ludovic le sentait bien. Il trouvait peu de sécurité dans la position nouvelle qu'il avait prise. Il ne pouvait compter ni sur l'un ni sur l'autre de ses nouveaux alliés : Alexandre VI était tout à ses intérêts particuliers; il avait fait à Naples une proposition qui lui tenait fort à cœur : il ne dépendait que d'Alphonse de le ramener à lui en y satisfaisant. Quant à Venise, ses rivalités de frontière et d'influence avec Milan étaient trop vives pour comporter une amitié durable. C'est pourquoi Ludovic crut devoir chercher d'autres appuis. Après avoir éprouvé de toutes les alliances en Italie : Florence et Naples contre Rome et Venise, Venise et Rome contre Florence et Naples, ayant rompu la première et voyant l'autre prête à se dissoudre, il tourna les yeux vers l'étranger.

L'étranger, c'était ou l'Allemagne ou la France. En Allemagne Maximilien succédait à Frédéric III sur le trône impérial (1493). Mais il était alors suffisamment occupé aux Pays-Bas; et puis, que faire en Italie si ce n'est aux dépens des Sforza? Car Milan gémissait sous leur joug et eût invoqué comme un moyen de libération cette suprématie impériale contre laquelle ses concitoyens avaient si énergiquement lutté jadis à la tête de la Ligue lombarde. «Si le château de Milan eût été à l'Empe

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<«<reur, >> dit Commines, à propos du projet d'un capitaine qui avait voulu le lui livrer, «c'eût été un grand mouvement en Italie, car tout l'Estat « de Milan se fut tourné en un seul jour, parce que, du temps des Em«pereurs, ils ne payaient que demi-ducat par feu, et maintenant sont «fort cruellement traités, églises, nobles et peuple, et en vraie ty<< rannie. » (Liv. VII, chap. 11.) Ce qu'il fallait à Ludovic, c'est un allié qui eût très-peu de prétentions sur Milan et beaucoup sur Naples; un allié qui lui laissât faire à Milan ce qu'il convoitait, et qui lui en procurât les moyens en forçant le roi de Naples à ne s'occuper que de soi-même : il appela Charles VIII.

On sait quels pouvaient être les droits de Charles VIII sur cette contrée lointaine. Deux maisons françaises du nom d'Anjou avaient successivement occupé ou revendiqué le royaume de Naples la première, issue de Charles d'Anjou, frère de saint Louis, qui, appelé par Urbain IV, avait conquis le royaume sur les héritiers de Frédéric II; la seconde, issue de Louis d'Anjou, frère de Charles V. Une étrange répétition des mêmes désordres et des mêmes fautes, avait, sous deux princesses du même nom, livré ce malheureux pays aux rivalités des prétendants. Jeanne I, petite-fille de Robert le Sage, second successeur de Charles d'Anjou, adopte successivement et oppose ainsi l'un à l'autre, Charles de Duraz, son cousin, et Louis I" d'Anjou: première guerre dynastique, où Charles de Duraz reste le vainqueur de Louis Ier, et qui se renouvelle avec même résultat entre leurs fils, Louis II d'Anjou et Ladislas. Jeanne II, sœur de Ladislas, adopte de même et oppose l'un à l'autre Alphonse V, roi d'Aragon, pour se défendre contre Louis III d'Anjou, puis Louis III pour se débarrasser d'Alphonse V. Alphonse resta le maître et transmit le trône à son bâtard Ferdinand, dont nous avons parlé plus haut; mais Louis III laissa ses droits à son fils René, et c'est ainsi qu'ils se trouvèrent dans l'héritage que la maison d'Anjou, s'éteignant avec Charles du Maine, neveu de René, laissait à Louis XI.

Louis XI avait eu grand soin de ne les pas faire valoir. Il savait ce que rapportent les possessions étrangères. Quand les Génois voulaient, pour la deuxième ou troisième fois, se donner à la France, il dit : « Je les << donne au diable !» et il les donna à Louis le Maure. Il n'aurait pas mieux accueilli les Napolitains. Mais Charles VIII était de tout autre humeur. Il voyait dans une pareille entreprise l'accomplissement de ses rêves d'enfance: un bel exploit chevaleresque et par delà une croisade; car, après Naples, on lui montrait Constantinople et l'Europe même, toute la chrétienté, à délivrer de l'invasion des Turcs. Et ce n'était pas seulement de Milan, c'était de Rome, c'était de Naples, non du roi sans doute,

que

lui venaient les excitations les plus pressantes, les plus vives assurances. Comment cette affaire fut-elle tramée au dehors, menée à la cour de France, et menée à sa fin, malgré les raisons les plus capitales qui la devaient faire échouer? C'est là ce que M. de Cherrier a surtout mis en lumière à l'aide des pièces nouvellement tirées des archives, et ce qu'il convient d'examiner de plus près avec lui.

H. WALLON.

(La suite à un prochain cahier.)

NOUVELLES LITTÉRAIRES.

INSTITUT IMPÉRIAL DE FRANCE.

SÉANCE PUBLIQUE DES CINQ ACADÉMIES.

La séance publique annuelle des cinq Académies a eu lieu le samedi 14 août 1869, sous la présidence de M. Claude Bernard, président de l'Académie des sciences, assisté de M. Dumas, délégué de l'Académie des sciences, et de M. Faustin Hélie, délégué de l'Académie des sciences morales et politiques.

Le Président a ouvert la séance par un discours à la suite duquel il a proclamé le grand prix biennal de 20,000 francs, fondé par l'Empereur. Ce prix a été décerné à M. Henri Martin pour son Histoire de France.

Ensuite a été lu le rapport sur le concours de 1869 pour le prix de linguistique, fondé par M. de Volney. Ce prix a été décerné à MM. R. Dozy et W. H. Engelmann, pour leur Glossaire des mots espagnols et portugais dérivés de l'arabe.

Après la proclamation de ces prix, M. Charles Blanc, de l'Académie des beauxarts, a lu un discours sur l'Esthétique des lignes, M. H. Baudrillart, de l'Académie des sciences morales et politiques, un mémoire sur le Luxe des vêtements en France au moyen âge, et M. Camille Doucet, de l'Académie française, une pièce de vers intitulée Mon : voyage. L'heure avancée n'a pas permis d'entendre la lecture de l'extrait d'une Étude sur l'état politique de l'Italie au moyen âge (1183-1268), par M. Huillard-Bréholles, de l'Académie des inscriptions et belles-lettres.

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