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du défunt, sur le partage de ses reliques, et notamment sur ses dents, que les Génies distribuèrent entre les différents mondes1. La seule particularité qui soit à noter, c'est l'établissement de l'ère nouvelle, qui date de la mort du Bouddha. Kaçyapa, chef reconnu de l'assemblée bouddhiste après la Tathâgata, va trouver le roi Adjâtaçatrou, et le prie de renoncer à l'ère Itsana, qui est alors en usage, pour y substituer la chronologie du nirvâna. Le roi y consent pieusement. On est à ce moment dans l'année 148 de l'ère Itsana, qui est définitivement close; et désormais on compte par les années bouddhiques.

Il y avait déjà dix jours que le Tathâgata était mort, quand le grand Kaçyapa, qu'il avait désigné lui-même pour son successeur en le revêtant un jour de sa robe, résolut de profiter de ce concours innombrable des fidèles à Kouçinâgara pour fonder la religion de son maître sur une base inébranlable. Il convoqua donc les arhats et leur fit part de ses vues. Parmi eux, il en choisit quatre cent quatre-vingt-dix-neuf des plus intelligents et des plus instruits. Ananda, qui n'était encore que crotâpanna, fut cependant admis au concile, parce que, ayant vécu vingt-cinq années de suite avec le Bouddha dans la plus étroite intimité, il pouvait mieux que personne témoigner de ses pensées et du sens de sa doctrine. Après une réunion préliminaire, Kaçyapa donna quarante jours aux arhats pour se préparer à se rendre à Radjagriha, lieu de la future assemblée, où nul ne devait manquer sous quelque prétexte que ce fùt. Quand l'époque fixée fut arrivée, les cinq cents arhats au grand complet vinrent habiter les dix-huit monastères qu'on avait disposés pour eux, et ils se réunirent régulièrement dans la salle splendide que le roi Adjâtaçatrou avait fait élever en leur honneur.

Karyapa, qui occupait le siége de président, ouvrit la première séance en adressant trois fois ses hommages au Bouddha. Puis il demanda aux arhats à quel sujet ils voulaient d'abord appliquer la discussion, ou les discours du Bouddha, ou la discipline, ou la métaphysique. A l'unanimité, on décida qu'il fallait commencer par la discipline (Vinaya), qui est l'âme et l'ornement de la religion. On décida, en outre, à l'unanimité aussi, qu'Oupali serait chargé d'exposer les règles du Vinaya, parce que naguère le Bouddha lui-même l'avait désigné comme le plus savant dans la connaissance de ces prescriptions minutieuses. Oupali monta donc en chaire; et, sur les questions du président, "il expliqua une à une les 227 règles du Vinaya. L'assemblée vote sur

The life or legend of Gaudama, etc., page 344. Une dent du Bouddha est encore conservée à Ceylan avec la plus grande vénération. (Voir Le Bouddha et sa religion, page 417.)

chacune des explications; et, quand toutes sont approuvées, la Corbeille du Vinaya est complète, c'est-à-dire que tout ce qui concerne la discipline est canoniquement décrété.

Le même procédé est employé pour les Soûtras ou instructions du Bouddha; c'est Ananda qui est désigné par l'assemblée pour répondre, à cet égard, aux questions du président; et la Corbeille des Soûtras est complète à son tour.

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Enfin la Corbeille de l'Abhidharma ou métaphysique est remplie par Anourouda', et le Tripitaka ou la Triple Corbeille est achevée avec la solennité désirable. Les cinq cents arhats ont tout entendu, tout approuvé et tout voté. Le canon des écritures est arrêté pour les 5,000 ans que doit durer la doctrine du Tathagata de Kapilavastou.

Ce premier concile avait duré sept mois entiers.

La légende birmane place le second concile à Véçâlî, sous le règne de Kalâçoka, cent deux ans après le nirvana. Les religieux s'étaient divisés sur divers points de discipline. Les arhats, au nombre de sept cents, essayèrent de concilier leurs dissidences, en discutant les doctrines controversées, et ils parvinrent non sans peine, et après huit mois d'efforts, à rétablir la paix. D'ailleurs on s'était entendu pour approuver de nouveau l'arrangement des écritures en trois parties, tel que l'avait fait jadis Kacyapa.

Le troisième concile se tient à Pâtalipoutra, cent vingt ans après le second ou plutôt deux cent trente-cinq ans après le nirvâna. Dans l'intervalle, les écoles hérétiques se sont développées, et le nombre se monte à dix-huit. Il en est dix-sept qui ont profondément altéré la discipline, et il n'en reste qu'une seule qui ait su en garder le sacré dépôt. Sous la présidence de Moggalipoutra, et surtout sous la main puissante de Dharmâçoka, converti depuis peu au bouddhisme et sectateur trèsardent, le troisième concile réussit assez vite à rétablir l'unité religieuse. Mais il fait plus; et le président, secondé par l'habileté politique du monarque, peut penser à répandre le bouddhisme sur l'immense étendue de la presqu'île, que le roi possède souverainement. Jusque-là, la foi bouddhique n'avait guère dépassé les limites du Magadha; elle va maintenant les franchir et faire la conquête pacifique des contrées environnantes et même des contrées les plus éloignées. C'est là un projet des plus hardis; mais Moggalipoutra n'en est pas effrayé, et il fait appel au dévouement et à l'énergie des principaux membres du

The life or legend of Gaudama, etc., page 359. Ici la légende birmane diffère de la tradition vulgaire, qui fait Kaçyapa lui-même rédacteur de la métaphysique, la partie la plus difficile des écritures.

concile. Cet appel est entendu, et les arhats se partagent les rôles : par petites troupes de quatre ou cinq compagnons, ils prennent toutes les directions et vont porter, de Cachemire à Ceylan, la foi du Tathagata, qui est partout reçue avec enthousiasme 1.

La conversion de Ceylan au bouddhisme et l'histoire de la rédaction des écritures canoniques dans cette île sont des épisodes très-curieux, comme on sait; et c'eût été une bonne fortune, si la légende birmane avait ajouté des détails nouveaux à ceux que l'on possède déjà. Par malheur, il n'en est rien, et voici à peu près tout ce qu'elle nous dit à ce sujet :

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« Pour ce qui regarde Ceylan, dit le narrateur birman ou peut-être «la traduction de Mer Bigandet, il est un fait très-important à noter. Il paraît que, jusqu'à l'année 454 du nirvâna (89 ans avant notre ère), « la connaissance de la Triple Corbeille (Pitakattaya) ne fut conservée « que par tradition orale. Les chefs des monastères imposaient à leurs « élèves l'obligation d'apprendre par cœur la collection tout entière. Il « est vraisemblable qu'une portion des écritures était apprise par une <«<section de la communauté, et qu'une autre portion était confiée à une << se ction différente. De cette façon, la Triple Corbeille était conservée « dans chaque monastère, et pouvait être récitée en son entier par les «< religieux qui l'habitaient. Cet état de choses dura à peu près deux «cents ans. Mais les inconvénients énormes qu'il présentait nécessaire«ment furent enfin si vivement sentis, qu'on dut aviser à quelques << moyens qui rendissent plus sûre et plus aisée l'étude des écritures sa« crées. Sous le règne du roi Vatakamani, cinq cents religieux s'assemblèrent au village de Mallaya, et écrivirent tout le Pitakattaya en <«< sanscrit et en caractères sanscrits. Comme il y eut, sous le règne de ce <«<monarque, une grande famine, beaucoup de religieux bouddhistes « furent obligés de quitter l'île et de passer sur le continent, et ils por<«<tèrent la foi du Bouddha dans plusieurs contrées méridionales de la péninsule. Ce fut ce prince Vatakamani qui fit construire le fameux « monastère de Bayaguiri (Abhayaguiri). Avec le Mahâvihara, qui exis«tait déjà, et le monastère de Djétavana, qui fut érigé plus tard, il se forma trois écoles distinctes. Le dernier de ces monastères fut élevé « en l'année 811. (l'an 268 après Jésus-Christ), du temps du roi de

'The life or legend of Gaudama, etc., page 388. La légende birmane donne, à cette occasion, quelques renseignements géographiques qu'il est bien difficile d'iden tifier. Ils n'ont pas d'importance d'ailleurs, et il suffit de savoir que les missionnaires se répandent au nord et au midi, à l'est et à l'ouest. Ce devait être alors une tâche encore plus rude qu'aujourd'hui.

<< Ceylan appelé Mathéna. Mais la doctrine du Mahâvihara est la seule « qui soit vraiment orthodoxe. Après avoir subsisté fort longtemps, ces

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« écoles finirent par se réunir dans celle du Mahâvihara, et cet événe<«<ment eut lieu l'an 1714 de la religion (1161 de notre ère) 1. »

L'auteur birman, ou plutôt l'auteur pâli, ne paraît pas connaître ici Bouddhaghosa et le rôle essentiel qu'il joua dans la restitution des écritures canoniques. Ce silence est assez singulier; mais il n'infirme pas le témoignage si précis du Mahâvamsa et de tous les auteurs singhalais 2. D'ailleurs, un peu plus loin, l'auteur birman revient à Bouddhaghosa; mais il change beaucoup son personnage, ainsi qu'on le

verra.

Quant à la conversion du Birman lui-même, voici ce qu'en raconte la légende traduite par M Bigandet :

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«Le vénérable Sona et Outtara, de la race Pounha, arrivèrent dans «le district de Saton (une province maritime du Birman actuel), appe«lée Souvarna bhoûmî (la terre de l'or), au pays de Ramagnia 3, pour « établir la religion dans ces contrées reculées, qui sont au sud-est de << Mitzima. Le roi qui gouvernait alors Saton se nommait Sirimâçoka. «Avant que les messagers pacifiques du bouddhisme ne parussent dans <«< ces lieux, la ville était désolée par les forfaits des Bilous, qui venaient <«< de la mer et qui dévoraient tous les enfants nouveau-nés. Les habi«tants furent saisis de terreur, quand ils aperçurent deux étrangers re« vêtus de robes jaunes mettre le pied sur le rivage. Ils les prirent pour << des monstres d'une espèce nouvelle qui venaient encore accroître leurs «< calamités. His coururent aux armes, et ils se préparèrent à attaquer «<les deux religieux. Mais l'un des religieux, voyant le danger dont ils <«< étaient menacés, dit à la multitude furieuse, du ton de voix le plus « doux : — « Pourquoi nous attaquez-vous? Nous ne sommes pas des Bi«<lous, et nous ne venons pas ici avec des intentions hostiles. Sachez

The life or legend of Gaudama, etc., page 389. Il serait difficile d'affirmer ou de nier la parfaite authenticité de ces dates; cependant elles n'ont rien d'invraisemblable. — Voir mon ouvrage Le Bouddha et sa religion, p. 352 et suivantes, sur les travaux de Bouddhaghosa, d'après les traditions et les chroniques singhalaises. — 3 Ms Bigandet donne quelques renseignements sur la partie du Birman qui corres pond à la province de Saton et au royaume de Ramagnia. Ce royaume s'étendait des bords de l'Irravady à ceux du Selvin. Il paraît que, dans les croyances populaires de ces pays, les Bilous sont des espèces de monstres dont on s'effraye beau coup sans savoir au juste ce qu'ils sont. Il est possible qu'en réalité les Bilous fussent des pirates qui faisaient des descentes sur les côtes et qui y enlevaient tous les enfants dont ils pouvaient s'emparer. (Voir encore une autre histoire de Bilou, The life or legend of Gaudama, etc., page 233.)

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«que nous professons une religion qui ne nous permet pas d'attenter à la vie du plus faible insecte, qui nous défend de voler, de commettre « un adultère, et qui nous interdit même de faire usage de liqueurs et « de spiritueux. Notre régime nous prescrit de ne manger que du riz <<< une fois par jour. »>

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«En entendant ces explications de la part des deux étrangers, le «peuple de Saton se rassura sur-le-champ, et l'on reçut les nouveaux « venus avec un grand respect et avec bienveillance. Bientôt le pouvoir « que possédaient ces deux religieux mit en fuite les Bilous de la mer; «et, depuis lors, les Bilous ne se montrèrent plus. Le roi et le peuple, « reconnaissants du service qui leur était rendu et ravis de la doctrine qui leur était prêchée, acceptèrent avec joie les cinq préceptes, << qu'ils promirent d'observer rigoureusement. Un nombre incalculable « d'hommes et de femmes se convertirent, et, parmi les néophytes, « beaucoup embrassèrent la vie religieuse1. »

L'auteur birman cite ensuite un trait remarquable de la dévotion du roi Sirimâçoka, qui se procura à grands frais des reliques du Bouddha, et il ajoute :

« De même qu'à Ceylan, la religion ne se propagea d'abord au Bir<«<man que par tradition orale. Le premier qui sentit le besoin de pos«séder les écritures fut Bouddhaghosa, religieux de Saton et de la race <«< de Pounha. Il s'embarqua donc à Saton, qui était alors sur le bord « de la mer, et il fit voile pour Ceylan, où régnait le roi Mahânama, « en l'année 943 du nirvâna (400 ans après Jésus-Christ). Il résida trois <«< ans dans l'île, et il écrivit le Pitakattaya tout entier sur des feuilles <«<de palmier en caractères birmans, tandis que le Pitakattaya qu'il << trouvait était écrit en langue et en lettres de Ceylan. D'autres disent «qu'il traduisit en pâli les écritures qui étaient en langue singhalaise. « Pendant que Bouddhaghosa séjournait dans l'île, il sut si bien conquérir l'affection des habitants, qu'ils lui firent les présents les plus ma«gnifiques quand il quitta le pays. Il rapporta dans le Pays de l'or, au « royaume de Ramagnia, une collection complète des écritures sacrées. »

On voit que la tradition birmane, en ce qui regarde Bouddhaghosa, est assez différente de la tradition singhalaise. C'est cette dernière qui paraît la plus sûre. Il est possible que dans l'autre il entre quelque arrière-pensée de rivalité. Les Birmans font de Bouddhaghosa un des leurs, afin de ne pas paraître s'inspirer uniquement de l'orthodoxie de

The life or legend of Gaudama, etc., page 391. On ne dit pas ici la date précise de la conversion du Birman; mais il semble probable que cette conversion suivit d'assez près celle de Ceylan, du moins selon la légende birmane.

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