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le théorème considère. Qui s'étonnera, dès lors, qu'en négligeant cette partie complétement inconnue on rencontre une contradiction? Il n'est ni étrange ni très-digne de remarque qu'un mouvement réparti sur une masse indéfinie disparaisse à nos yeux et devienne imperceptible.

L'exacte connaissance des principes ne contraignait donc nullement à se demander que devient la force vive qui se perd? Cette réflexion d'ailleurs ne peut qu'accroître le mérite de ceux qui, dans un phénomène très-connu, mais regardé jusque-là comme étranger à la théorie du mouvement, ont signalé la plus importante partie de cette force vive. L'échauffement indéfini des substances frottées est attribué aujourd'hui par tous les physiciens à l'ébranlement des molécules matérielles, dont la température qui s'accroît avec la force vive représente le travail détruit en apparence par le frottement.

Plus d'un phénomène anciennement connu trouve ainsi une explication sommaire. Une balle de plomb fortement martelée devient rapidement assez chaude pour qu'on ait peine à la manier. Qu'est devenue la force vive du marteau? Elle a ébranlé l'enclume, aurait-on dit il y a cinquante ans, et produit le travail nécessaire pour aplatir la balle. La réponse est vraie, mais incomplète; et, si l'on avait demandé : d'où vient la chaleur développée ? les plus habiles mécaniciens, attentifs seulement aux lois du mouvement, ne se seraient pas crus obligés de mêler à leurs recherches l'étude d'un phénomène tout aussi étranger, suivant eux, à la dynamique que la production de l'électricité sur un plateau de verre frotté entre deux coussins. Nous répondons aujourd'hui : la chaleur est produite par la force vive du marteau, dont les molécules du plomb ont recueilli la plus grande partie, et elle a avec celle-ci un rapport numérique parfaitement déterminé.

Un gaz renfermé dans un corps de pompe est brusquement comprimé; son volume diminue de moitié, sa température s'élève; à quoi cela tient-il? C'est un fait, disait-on il y a cinquante ans, il faut le constater et en découvrir la loi, mais aucune explication n'est possible. Et qu'est devenu le travail dépensé? Il a, aurait-on dit, accru le ressort du gaz; cela est vrai, mais c'est là, on le sait aujourd'hui, une dépense nulle ou insensible, et la presque totalité du travail employé est transformée en chaleur.

Le travail mécanique, qui, d'après les lois incontestées de la science du mouvement, devrait toujours produire une force vive équivalente, peut, dans des circonstances convenables, se transformer en tout ou en partie en chaleur sensible, qui, suivant les cas, en représente la totalité ou une portion seulement, et la chaleur, ce nous en est la plus forte

preuve, n'est rien autre qu'un ébranlement, de nature inconnue, primé aux dernières particules du corps chaud.

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Réciproquement, personne ne l'ignore, la chaleur, par bien des moyens, peut se transformer en travail. L'assertion n'est pas neuve, il s'en faut de beaucoup. Huyghens, il y a deux cents ans, écrivait: «Je «ne sais quel mouvement c'est que la chaleur, mais je sais que c'est un

«mouvement. >>

Rumfort, en 1798, après avoir observé à l'arsenal de Munich une masse de bronze dont la température, pendant le forage d'un canon, devenait bien supérieure à celle de l'eau bouillante, concluait en ces

termes :

«Nous ne devons pas oublier cette circonstance des plus remarquables, que la source de chaleur engendrée par le frottement, dans ces expé<«<riences, paraît évidemment inépuisable. Il est à peine nécessaire d'ajou<«<ter qu'une chose, qu'un corps isolé ou un système de corps peuvent «< continuer de fournir indéfiniment, ne peut pas être une substance ma«térielle, et il me paraît extrêmement difficile, sinon tout à fait impos«sible, de se former une idée d'une chose capable d'être excitée ou communiquée dans ces expériences, à moins que cette chose ne soit du mouvement. »

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On ne dit pas autre chose aujourd'hui, ni plus formellement. Quel est donc le progrès accompli? La détermination numérique des quantités de chaleur et de travail qui, pouvant se transformer l'une dans l'autre, doivent être regardées comme équivalentes. Au lieu d'affirmer vaguement que la chaleur est un mouvement, nous avons acquis le droit de dire avec certitude et précision : La chaleur est un mouvement tel, que chaque calorie, pouvant élever d'une unité la température d'un kilogramme d'eau, représente la force vive acquise par 425 kilogrammes tombant d'un mètre de hauteur, ou, ce qui revient au même, équivaut au travail nécessaire pour élever un kilogramme à 425 mètres.

Plusieurs méthodes très-distinctes ont conduit à ce chiffre désormais incontesté; nous n'avons pas à les décrire ici; les instruments si précis dont disposent les physiciens laissent deviner que la question, une fois posée, devait être bien vite résolue et avec une grande exactitude. Dans l'étude des phénomènes physiques, le principe si important de l'équivalence des forces vives, perdues ou gagnées au travail mécanique développé ou consommé, doit donc être modifié comme il suit : Le travail mécanique dépensé dans l'accomplissement d'un phénomène se retrouve exactement dans la somme faite du travail produit, de la force vive développée et de la chaleur qui prend naissance; réciproquement, toute

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quantité de chaleur introduite dans une opération équivaut, suivant les dispositions de l'expérience, à un accroissement de température ou de force vive, ou à un développement de travail, et ces trois éléments mesurés par des unités convenables reproduiront exactement dans leur somme la quantité de chaleur dépensée. L'application de ce principe exige, est-il besoin de le dire, qu'aucune quantité de travail ou de chaleur ne soit laissée de côté dans les évaluations.

Prenons 1 kilogramme de glace à la température zéro au thermomètre centigrade, fournissons-lui de la chaleur; il fond, mais sa température ne s'accroît pas; nous dépenserons avant de l'échauffer 79 calories, c'est-à-dire la chaleur nécessaire pour élever de 79 degrés un kilogramme d'eau liquide; que sont devenues ces calories? où est la force vive, l'échauffement ou le travail produit? La somme cette fois se compose d'un seul terme, le travail nécessaire pour désagréger la glace et la rendre liquide. Continuons à chauffer, l'eau atteint la température de 100 degrés, et nous dépensons pour la lui donner 100 calories dont l'emploi est évident; mais l'ébullition commence, nous fournissons 537 calories qui ne produisent ni force vive, ni élévation de température, mais du travail, le travail nécessaire pour désagréger l'eau liquide et la transformer en vapeur; ce travail est énorme : pour réduire ce kilogramme de glace en vapeur à 100 degrés, nous avons dû dépenser 735 calories, dont l'équivalent mécanique est le travail nécessaire pour l'élever à près de 300 kilomètres de hauteur, ou, si l'on veut, la force vive dont l'animerait une vitesse de 2,500 mètres par seconde, cinq fois supérieure au moins à celle d'un boulet de canon.

Arrêtons-nous à ces chiffres pour en bien comprendre la portée. Faut-il conclure que les molécules d'eau en vapeur, après avoir absorbé une telle quantité de travail, possèdent réellement l'énorme force vive qui en est l'équivalent, et se meuvent avec une vitesse de 2,500 mètres par seconde? Une telle supposition n'est pas nécessaire. Les molécules s'attirent suivant une loi inconnue, et, pour les amener de l'état de glace à celui d'eau liquide, pour dilater ce liquide et le vaporiser ensuite, il faut, en les écartant, accroître leur énergie potentielle; le travail nécessaire pour cela, que les physiciens nommaient, il y a peu d'années, la chaleur latente, représente la plus grande partie de 300,000 kilogrammètres dont nous avons parlé.

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Lorsqu'on s'est habitué à considérer la chaleur comme équivalente à de la force vive et la force vive à du travail, il ne faut croire pas lors, la théorie de la machine à vapeur soit faite. Le foyer vaporise l'eau de la chaudière, et la vapeur, en agissant sur le piston, transforme en tra

vail le calorique qu'elle renferme, suivant la proportion théorique de 425 kilogrammètres par calorie, et comme, d'après des expériences trèsexactes, chaque kilogramme de charbon brûlé donne 8,000 calories, on est tenté de demander à une machine 3,408,000 kilogrammètres par kilogramme de charbon brûlé; ce serait beaucoup trop. Le phénomène est moins simple, et l'on comprend bien vite l'impossibilité, non-seulement pratique, mais théorique, d'utiliser toute la chaleur dépensée.

L'analyse de cette importante question a précédé, chose singulière, la conception de l'équivalent mécanique de la chaleur, et, malgré les idées inexactes de Sadi Carnot sur la matérialité du calorique, il a frayé, a quarante ans, avec un véritable génie, la voie si brillamment parcourue depuis.

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Mais disons tout d'abord pourquoi la règle semble en défaut, et comment l'exception apparente n'altère en rien la certitude des principes.

Quand un travail s'accomplit sans produire une force vive apparente, il donne naissance à une quantité proportionnelle de chaleur; réciproquement, quand de la chaleur disparaît, on doit retrouver une quantité équivalente de force vive produite ou de travail accompli; mais entre ces deux propositions réciproques subsiste une différence essentielle. Un travail peut toujours, par des appareils faciles à imaginer, être intégralement converti en chaleur; il n'en est pas de même de la chaleur totale renfermée dans un corps. Tous les corps qui nous entourent contiennent, à la température ordinaire, une quantité énorme de chaleur représentant une force vive qui, pour être créée à partir du froid absolu, exigerait un travail immense. Ce travail accompli serait intégralement restitué, cela n'est pas douteux, si nous pouvions ramener ces corps à la température qui représente l'absence complète de chaleur, et qu'on a évaluée, comme nous le dirons, à 273 degrés au-dessous de zéro. Mais comment s'y prendre? Aucune machine, aucun appareil ne permet de le faire. On peut aisément, il est vrai, abaisser les températures à 10, 20 et même à 50 degrés; mais de quelle façon? en se procurant un corps froid, de l'acide carbonique solide, par exemple; mais la chaleur enlevée au corps refroidi sert à échauffer le réfrigérant, à accroître sa force vive, si l'on veut, mais sans production de travail apparent.

Une masse d'eau indéfinie ou une atmosphère gazeuse à la température de 15 degrés centigrades, par exemple, représente donc une quantité énorme de chaleur, dont, au point de vue du travail, nous n'avons aucun parti à tirer. Supposons actuellement que dans un cy

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lindre fermé par un piston on ait réuni une masse de gaz à 300 degrés, qui, sous le même volume qu'à la température ordinaire, exerce une pression de deux atmosphères; comment en obtenir le travail dont il est capable? Il suffira évidemment de laisser dilater le gaz qui poussera le piston devant lui; mais où s'arrêtera la dilatation et quel sera le travail produit? La dilatation s'arrêtera quand le gaz fera équilibre à la pression extérieure, dont le minimum, dans les conditions pratiquement réalisables, est la pression atmosphérique; le poids du piston peut être écarté de la question en supposant le cylindre horizontal; si l'on pouvait opérer dans le vide, le gaz se dilaterait indéfiniment en épuisant pour la transformer en travail la totalité de sa chaleur.

Les lois connues de l'expansion des gaz et du refroidissement qui l'accompagne rendent le calcul facile à faire; si l'on admet, comme on doit le faire, que le corps de pompe imperméable à la chaleur n'intervienne ni pour réchauffer ni pour refroidir, le travail total sera proportionnel à la température du gaz, compté à partir du zéro absolu, représenté dans notre échelle par 273 degrés.

Mais dans une machine réelle il ne saurait en être ainsi; l'opération, en effet, doit incessamment se renouveler, et les mouvements du piston sont alternatifs; après l'avoir poussé dans un sens, il faut le ramener à sa position primitive; le gaz, dans ce retour, sera nécessairement comprimé et produira un travail négatif, qui, si l'on n'employait pas un artifice convenable, serait précisément égal et contraire à celui qu'on a produit d'abord; il se réchaufferait en même temps, et, en négligeant les pertes inévitables, on se retrouverait au point de départ sans avoir rien fait. Pour obtenir un effet utile et continu, il faut, lorsque le piston est à l'extrémité de sa course, trouver moyen de refroidir le gaz; la pression diminuera alors, et le travail nécessaire pour le comprimer, inférieur au travail produit dans l'expansion, laissera pour profit leur différence.

Get exemple fort simple met en évidence une condition commune à toutes les machines thermiques. C'est en passant d'un corps chaud dans un corps froid que la chaleur peut être utilisée. Après avoir échauffé le moteur pour le dilater, il faut le refroidir en le comprimant, sous peine d'annuler le travail théorique et de n'obtenir en pratique qu'une perte d'action. On peut, il est vrai, tant que le gaz ou la vapeur a une pression supérieure à celle de l'atmosphère, le mettre en communication avec celle-ci, et réduire ainsi le travail nuisible pendant la seconde phase de l'opération; mais, dans ce cas même, on peut dire que le gaz, en s'écoulant dans l'atmosphère, refroidit celle-ci, et qu'il y a transport de cha

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