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un maître son pain de chaque jour. Quelques vagues notions de physique et de chimie l'avaient déjà enchanté et séduit; des lectures incomplètes et sans choix lui révélaient tout un monde auquel il rêvait sans y croire; la parole éloquente de Davy l'y transporta tout à coup, il forma le désir d'y pénétrer plus avant, et, sans autre instance que l'envoi de quelques-unes de ses leçons soigneusement rédigées, osa demander à l'illustre professeur les moyens de se consacrer à la science; la place de préparateur à l'Institution royale lui fut offerte et combla toutes ses espérances. Dix ans plus tard le nom de Faraday était célèbre, et l'Institut de France le nommait, à l'âge de trente-deux ans, correspondant dans la section de chimie. Il avait eu l'excellent esprit d'étudier la science avant de chercher à l'accroître; ses premières publications sont sans importance comme sans prétentions, et l'analyse d'une pierre à chaux est la première œuvre signée par Michel Faraday. La physique, qui, pour un esprit élevé, n'est pas fort éloignée de la chimie, le préoccupait dès cette époque; embrassant avec ardeur la théorie nouvelle qui agitait tous les esprits, Faraday suivait soigneusement toutes les découvertes relatives aux actions électro-dynamiques, et les résumait, en 1820, dans un écrit substantiel et méthodique publié sans signature par les annales de philosophie de Thomson. Aucun des résultats qu'il expose n'appartient en propre à Faraday, et, bien mieux cependant qu'un bon mémoire original, cet écrit très-court et très-simple, en marquant l'accroissement rapide d'un esprit capable d'étendre et de généraliser ses idées, donne la mesure de sa force et de sa légitime confiance en lui-même, il y juge les travaux d'Ampère et d'OErstedt, d'Arago et de Wollaston, non-seulement avec sagacité, mais en termes excellents et fermes, où la plus respectueuse courtoisie s'allie sans effort à la franchise la plus complète. Les études du jeune ouvrier, comme celles de nos collégiens, avaient duré huit années, et jamais écolier ne fit plus d'honneur à ses maîtres; je ne veux pas dire seulement à Davy, qui l'avait formé aux manipulations et aux pratiques de la chimie, mais à Faraday, qui, sur tout le reste, s'était instruit seul et ne devait rien qu'à lui-même.

Lorsque Faraday étudiait un mémoire, il en répétait toutes les expériences; pour ses mains habiles, incessamment exercées, la tâche était courte et facile. Il s'était rendu maître des forces nouvelles, et, mieux que personne alors, savait déjà en diriger l'action. Une expérience réellement importante, inutilement tentée par Wollaston et que les savants les plus illustres avaient désiré de voir réussir, la rotation continue d'un aimant sous l'influence d'un courant, fut, en physique, la

LES DÉCOUVERTES DE FARADAY.

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première découverte de Faraday; non-seulement intéressante, mais pleine d'à-propos, elle était du plus heureux augure.

Toujours appliqué à ses devoirs, Faraday, nonobstant ses profondes études, restait soumis sans jamais s'en plaindre à toutes les exigences des travaux de Davy et des cours de son successeur Brande. Cette sujétion, souvent incommode, fut l'occasion de recherches originales et de découvertes importantes; les mémoires de Faraday sur la chimie sont peu nombreux, mais excellents; placés aux abords des grandes voies de la science, ils n'y attirent pas moins l'attention par eux-mêmes que par le nom illustre dont ils sont signés.

La distillation de la houille et l'étude des produits qui accompagnent la production du gaz d'éclairage ont fourni aux chimistes les découvertes les plus brillantes. Faraday, un des premiers, est entré dans cette voie. Il a découvert et analysé la naphtaline et la benzine, et l'action du chlore sur la liqueur des Hollandais lui révélait les premiers faits nettement définis, dont, sous le nom aujourd'hui classique de théorie des substitutions, M. Dumas devait, bientôt après, énoncer la loi générale.

Malgré l'importance immédiate et la portée imprévue de ces travaux divers, la grande découverte de Faraday comme chimiste est sa méthode pour la liquéfaction des gaz; la nouveauté des résultats, égale à celle du principe qui les fournit, la revendication timide et peut-être un peu trop sévèrement jugée de l'illustre Davy, l'insistance injuste de son frère John, et par-dessus tout la loyauté et la candeur de Faraday, ont fait connaître dans les plus minutieux détails l'histoire de cette belle découverte.

Le chlore gazeux forme avec l'eau une combinaison solide dont Davy le premier avait montré la nature et la composition exacte. L'illustre chimiste, un jour, sans dessein nettement prémédité, engagea Faraday à chauffer en vase clos cet hydrate de chlore pour voir ce qui en adviendrait. Faraday, opérant dans un tube fermé à la lampe, vit apparaître une vapeur jaune, et, après le refroidissement, deux liquides distincts et séparés coexistaient dans le tube. Un chimiste habile de l'époque, le docteur Paris, entrant alors au laboratoire, n'hésita attribuer le moins abondant à des impuretés. Voilà ce que c'est, dit-il pas à à Faraday, que d'opérer avec des vases mal lavés; mais la vigilance du jeune chimiste l'assurait suffisamment contre une telle faute; il ne répondit rien, continua son examen et acquit le droit d'écrire le lendemain au docteur Paris : « Cher monsieur, la substance que vous avez re<«< marquée hier se trouve être du chlore liquide.» La découverte était

curieuse, la clairvoyance de Faraday la rendit considérable, en lui montrant, dans ce fait isolé et fortuit, le principe d'une méthode applicable à tous les gaz.

Le même corps, on le sait par l'exemple de l'eau, peut devenir, suivant les circonstances, solide, liquide ou gazeux; le froid solidifie tous les liquides et la chaleur les réduit en gaz; les solides, quand ils ne se décomposent pas, fondent à une haute température, et, si quelques-uns, comme le charbon, se montrent réfractaires, c'est seulement, il est difficile d'en douter, faute d'être suffisamment chauffés; mais existe-il une différence essentielle entre les liquides, les solides et les gaz?

Quelques lignes de l'encyclopédie méthodique écrite par Guyton de Morveau nous diront ce qu'on en pensait à la fin du xvir siècle :

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« A la vérité comme il n'y a aucun corps dont on ne puisse conce<< voir la fusion en gaz, quoiqu'on n'ait pas pu l'opérer encore pour tous, « il est de même permis de concevoir un refroidissement porté assez loin <«<et une pression assez forte assez forte pour solidifier les gaz les plus éloignés jus<«<qu'ici de cet état; mais ces spéculations, que la théorie peut se per<< mettre, ne sont que des assertions qui laissent du vague dans l'esprit « des personnes peu habituées aux conceptions élevées des sciences, on ( doit par conséquent ne les offrir qu'avec réserve.» Les chimistes cependant, profitant du grand froid de l'hiver de 1799 et perfectionnant la fabrication de mélanges réfrigérants, avaient liquéfié deux gaz, l'acide sulfureux et l'ammoniaque; nul cependant n'aurait osé affirmer qu'entre les gaz et les vapeurs la différence soit tout accidentelle; la question s'imposait aux méditations des chimistes, et, si la réponse semblait évidente à l'esprit profond de Lavoisier, l'expérience n'avait pas prononcé, et Faraday, en la faisant aussi simple que complète, vint accroître tout à coup, en même temps que la théorie générale de l'état des corps, presque tous les chapitres de la science.

Le chlore, dans l'expérience proposée par Davy, est combiné à l'eau dans la proportion d'un équivalent contre dix. Dix grammes d'hydrate contiennent une quantité de chlore, qui, à la température et à la pression ordinaires, représente un litre environ. Lorsque la chaleur, détruisant la combinaison, met le chlore en liberté, l'espace qui lui est offert est la capacité du tube, réduite, si l'on veut, à vingt ouvingt-cinq centimètres cubes, c'est-à-dire à la cinquantième ou à la quarantième partie d'un litre, et le gaz, par conséquent, emprisonné dans un espace aussi petit, s'y trouve pressé tout autant que par une force de quarante ou cinquante atmosphères. Cette compression énorme est obtenue sans pompe ni

piston et sans appareil d'aucune sorte; la méthode est évidemment générale. Le volume des gaz produits dans une réaction est supérieur de beaucoup à celui des substances solides ou liquides qui leur donnent naissance, et, en faisant naître la réaction dans des tubes fermés, on produira des pressions énormes, qui, réunies à un abaissement de température, fournissent, pour liquéfier les gaz, une puissance à laquelle six seulement ont, jusqu'ici, résisté.

Que deviendront ces liquides jusque-là inconnus, lorsqu'en ouvrant tout à coup l'étroite prison où ils ont pris naissance, on les abandonnera à leur expansion naturelle? Pour le savoir, Faraday, fidèle à sa méthode, commença par faire l'expérience, dont le résultat connu permet aisément de suivre la marche inverse et de se demander: que doit-il arriver? Mis en contact avec l'atmosphère à une température supérieure de beaucoup à celle de leur ébullition, les liquides de Faraday se vaporiseront d'abord en partie, la chaleur nécessaire à cette transformation sera fournie par le liquide lui-même, qui prendra rapidement la température très-basse de son ébullition, qu'il gardera ensuite pour retourner lentement à l'état de gaz. Le liquide, de plus, n'occupe qu'une portion du tube, le reste est rempli et saturé de gaz dont la pression est d'autant plus grande, que la température, qui est celle de l'air extérieur, surpasse davantage celle de l'ébullition du gaz liquide; ce gaz, mis en liberté, se détendra immédiatement pour occuper un volume dix fois, vingt fois, cent fois plus considérable; cette dilatation s'ajoute à l'effet de l'évaporation pour abaisser la température; c'est ainsi que, dans le cas de l'acide carbonique, le froid produit suffit pour congeler une partie du liquide.

Faraday, en publiant ses recherches, déclarait très-simplement le rôle de Davy dans sa première et mémorable expérience; rien ne semblait et n'était en effet plus net : une note signée par Davy lui-même, publiée à la suite de son mémoire, aurait dû fermer d'ailleurs les bouches les plus malveillantes; la calomnie n'avait plus de prétexte, le docteur John Davy, dans son livre sur l'histoire des découvertes et de la vie de son illustre frère, tenta cependant de lui donner cours et poids, en faisant injurieusement appel à la probité scientifique de Faraday, pour confirmer un récit qui la mettait en doute. Une réponse sèche et vigoureuse n'aurait surpris personne, mais Faraday, sans marquer aucune impatience, sans abuser de ses avantages et sans s'élever, même par insinua. tion, contre son bienfaiteur et son maître, revint avec vérité et sincérité sur des détails et des preuves décisives, qu'il pouvait lui être pénible d'avoir à invoquer. Jamais, du vivant de Davy, il n'imprimait une seule

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page sans la soumettre à sa critique, et plus d'une faute contre la grammaire, dit-il avec simplicité, a, grâce à cette heureuse habitude, disparu de ses écrits. Le mémoire sur la liquéfaction des gaz avait été, comme les autres, soumis à l'examen du maître, et les phrases mêmes dans lesquelles, osait-on dire, il avait méconnu ses droits, étaient, sur l'épreuve soigneusement conservée, écrites entièrement de la main de Davy. Quant à la prévision de la découverte, à Davy seul appartenait de dire, comme il l'a fait expressément, jusqu'où elle s'étendait pour lui; il doit être cru sur parole, et peut-être, par son silence avant l'expérience, ajoute modestement Faraday, voulait-il éprouver ma perspicacité dans une recherche difficile.

A côté des travaux brillants et des découvertes de Faraday, il serait injuste de ne pas citer l'ouvrage excellent et utile dans lequel, au moment où ses études allaient prendre une autre direction, il lègue pour ainsi dire aux jeunes chimistes le fruit de son expérience et des leçons dont il est fier. Chemical manipulations being instructive to students in chemistry; tel est le titre du livre minutieux et plein de conscience où il guide les débutants dans le détail des difficultés pratiques de la science, avec autant d'art que de justesse et d'économie. Ce qu'il prescrit il l'a pratiqué toute sa vie, et les épreuves proposées comme conclusion à l'apprenti qui veut, en s'instruisant lui-même, mériter le nom de maître, n'étaient depuis longtemps qu'un jeu facile à sa dextérité patiemment exercée. Il propose par exemple de préparer de l'hydrogène et de le recueillir sans autres vases, tubes et éprouvettes,.que celles qu'on fabriquera soi-même avec du papier huilé ; un vrai chimiste, suivant lui, doit savoir, au besoin, se passer de laboratoire en acquérant l'habitude et la facilité d'appliquer les ustensiles les plus vulgaires aux recherches les plus délicates.

Les travaux de Faraday sur la chimie lui avaient acquis une grande réputation, et il avait pris rang parmi les chimistes les plus éminents; une carrière plus illustre encore était réservée au physicien, dont le nom, dans l'histoire de l'électricité, brillera à jamais près de ceux de Volta et d'Ampère. C'est après cinq ans de travail silencieux qu'il offrit tout à coup à l'admiration du monde savant la description minutieuse des phénomènes de l'induction galvanique et l'énoncé des lois qui les régissent. L'induction pour le physicien est la modification produite dans l'état électrique ou magnétique d'un corps par la présence d'un autre corps déjà électrisé ou aimanté lui-même, mais ses effets sont de plu sieurs sortes, et Faraday en signalait d'entièrement ignorés jusque-là. Un courant voltaïque, quelle que soit son intensité, peut traverser un

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