Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

S'ele est dyables par dedenz,

Ou guivre, ou fantosme, ou serpenz,

Por la biauté qui est defors,

Doit touz li mons amer son corps. (P. 23.)

Là-dessus, il demande à Meraugis conseil sur cet amour qui occupe tout son cœur, et le dialogue suivant s'établit :

Por quoi l'amez?

[ocr errors]

Por sa biauté.

Por sa biauté ? Voire, sans plus,
Tout en claim quite le sorplus;
Fors por itant sui ses amis.

Se Diex i a autre bien mis,

Je n'en sui liez, ne ne m'en poise.
Ou soit vilaine, ou soit cortoise,
Ou soit de toutes males mours,
N'aim je se sa biauté d'amours,
Tant que touz m'en puis merveillier.
Vous estes bons à conseillier,
Dist Meraugis.
Sire, coment?
Quant il ne puet estre autrement,
Amez la, jel vous lo einsi.

-Onques de vostre los n'issi,

Ce dit Gorveinz, ne ne quier fere;

Car vous m'avez de cest afere

Bien conseillié à mon talent. (P. 24.)

La satisfaction de Gorvein ne dure pas longtemps; car, à son Meraugis lui demande conseil sur l'amour que lui aussi a conçu Lidoine :

J'aim la dame que vous amez
Ainsi sanz faille, outréement,
D'autre amour el tot autrement
Que vous ne l'amez; car je l'aim
D'amour de si naturel raim,
Que je l'aim por sa cortoisie,
Por ses bons ditz sans vileinie,

Por son douz non, por sa proesce.
Auxi, com vostre amour s'adresce
A amer sans plus sa biauté,
Vous di je, sour ma loiauté,

Que je l'aim por ce sans plus, voire,

Que s'ele estoit brunete ou noire,

Ou fauve, que vous en diroie?

por ce mains ne l'ameroie,
Ne jà n'en seroie tornez. (P. 26.)

tour,

pour

Mais, au lieu de répondre comme Meraugis, Gorvein lui conseille de ne plus songer à Lidoine; autrement, il romprait l'amitié. L'amitié se rompt en effet; car Meraugis n'entend pas renoncer à son amour; et un combat acharné commence entre les deux, qui ne sont plus amis; il n'aurait cessé que par la défaite ou la mort d'un des champions, si Lidoine, intervenant, ne leur avait commandé d'abandonner une lutte dont elle est l'objet. En vain ils réclament, en vain ils demandent qu'elle les laisse vider la querelle. La damoiselle est inflexible, et les renvoie au jugement de la cour du roi Artus, qui décidera de quel côté est le droit, du côté de l'amoureux de la beauté physique, ou du côté de l'amoureux de la beauté morale. Lidoine leur enjoint de se soumettre au jugement, quel qu'il doive être, et déclare qu'elle aussi s'y soumettra. Meraugis et Gorvein promettent de se présenter devant la

cour.

La cour est à Cardueil; Noël, terme fixé, est arrivé; Lidoine et les deux chevaliers sont présents. On expose l'affaire; et, quand le roi veut en délibérer avec ses barons, la reine s'élève contre cette intention, et déclare que c'est à elle et à ses dames qu'appartient la décision de la question pendante. Le roi reconnaît la justice de cette prétention; et la reine, assemblant ses dames, leur parle ainsi :

Dames, entendez, pensez i;
Vous avez bien toutes oï

De quoi li jugemenz doit estre.

De vous doit tex jugemenz nestre,

Que bien puisse estre oïz partout. (P. 40.)

Grand est le débat parmi les dames. Damoiselle Avice ne peut comprendre que l'on sépare deux choses aussi étroitement unies que beauté

et courtoisie :

Dames, ce me desvoie

Du jugemenz que ci jugiez,

Que chascun l'aime par moitiez.
Je ne puis ci raison veoir,
Puisque chascuns la vielt avoir.
Donques je di par verité,
Que sa valeur et sa biauté
Est tout un, quant tout tient en li.
Coment sera ce departi ?

Ne sai, ne nulz ne set coment.
Ci est li pointz du jugement.
Or esgardez que vaut li cors,
Se la cortoisie en est hors;

Noient; ne noient ne vaudroit

La cortoisie, se n'estoit

Li biax cors qui tot enlumine. (P. 41.)

Mais la comtesse de Cyrencestre rappelle aux juges ce que précisément on leur demande de décider :

[blocks in formation]

Lorette au blond chef plaide pour amour et courtoisie contre amour et beauté :

Biauté qu'est-ce? ce est uns dis,
Uns nons qui vient par aventure.
Biauté s'en vet com embleüre.
Biauté vient çà; or fust el mielz,
Biauté si fiert la gent es ielz.
Biauté, qu'est-ce qu'en est issi?
Ce est orgueils; si com je di
Que c'est uns nons de vilainie.
Dont nest amours de courtoisie.
C'est sa fille, par foi, c'est mon.
En amours a mult cortois non.
Voire, se nature n'apere,
L'amours, qui retrait à sa mere,
Covient estre partot cortoise.
Par quoi? qu'à cortoisie poise

Que ce qui naist de lui n'est teus,

Qu'el soit cortoise en toz bons lieus.

Por ce di je et si voil prover

Qu'amours doit cortoisie amer;

Et s'amours aime ce qu'il doit,
Donc aime Meraugis à droit,
Qu'il aime por sa courtoisie.
C'est veritez; je ne di mie
Que Gorveinz, qui por sa biauté
L'aime, l'aint si en loiauté

Ne d'aussi naturiels amours. (P. 45.)

L'avis de Lorette au blond chef prévaut parmi les dames; et le roi proclame le jugement en pleine cour. Gorvein refuse de s'y soumettre; il provoque de nouveau Meraugis, et le combat recommencerait, si le roi n'interposait son autorité. Mais Lidoine s'y soumet; et, en acquiescement, elle accorde un baiser à Meraugis et le droit, pour un an, de la nommer sa dame. Au bout de l'an, elle verra si elle veut continuer à accepter ses services. Mais, en doanant le baiser, Lidoine, qui sait que l'amour se prend par les yeux, cherche à s'y soustraire en ne regardant pas le chevalier. Précaution inutile:

L'année fixée

Une grant piece s'en garda,
Qu'onques vers lui ne regarda,
Garda? voire, dont fu ce force.
Car ses cuers, qui touz jours l'esforce,
De lui esgarder la destraint.
Li cuers, qui par force la vaint,
Lui dit bien le pues esgarder.
Lors ainsi, comme por taster,
Le feri des ielz une fois

Et amours se fiert en la roiz.

Qu'est roiz? qu'apel je roiz? les ielz,

Et dont nel sai je nommer mielz. (P. 53.)

par Lidoine ne s'écoulera pas sans que les périlleuses aventures viennent en couper le cours. Le roi donne un grand festin :

Coustume estoit à si haut jour
Que les damoiselles servoient
Devant le roi; jà i estoient
Les plus gentes de la meson.
Li damoisel de grant renon

Servoient devant la roïne. (P. 54.)

Au plus beau du repas survient un nain difforme, qui, s'adressant au roi, lui demande s'il se rappelle que son neveu Gauvain, le meilleur chevalier du monde, est parti, il y a un an, pour lui conquérir l'épée

aux estranges renges, et qu'il devait revenir aujourd'hui même. — Oui, dit le roi, il m'en souvient; et où est Gauvain? -- Je ne le dirai pas, reprend le nain; tout ce que je puis t'apprendre, c'est qu'il serait ici, s'il était en son pouvoir de revenir, et que tu n'as chance de le revoir :

... fors tant seulement

S'en ceste court a chevalier,

Un seul, qui tant s'osast prisier,
Qui se levast por demander
De lui où on en orroit parler.
Viegne avant ou vieil ou meschin;
Ou se ce non, ce est la fin,
Que james n'en orrés avant.
Mez ainz que chevaliers se vant
De ceste queste, tant vous di,
S'il ne se sent à mult hardi,
Je lo que jà n'en soit pensé
Par lui. Por quoi ? or soit posé
Qu'il n'a nul meillour chevalier
El mond, si n'os je pas plegier
Que jamès rentre en ceste terre,
Mes seulement por los conquerre,
por le bien c'on en dira.

Et

Or soit oï qui s'eslira

D'aler enquerre les noveles

Du chevalier as damoiseles. (P. 57.)

A cet appel, tous les chevaliers demeurent muets. Seul, Meraugis se déclare prêt à partir, si sa dame lui en donne congé. Non seulement Lidoine le lui permet, mais encore elle veut l'accompagner pour être témoin de sa prouesse; car

་་

Savoir vault mieux que oïr dire. (P. 59.)

Les voilà partis. La première rencontre qu'ils font est du nain qui vint rappeler le souvenir de Gauvain; il est dolent, à pied, privé de son cheval. «Qui t'a mis en cet état? - C'est cette vieille qui est là, « à l'entrée de la lande. » Meraugis y court; la vieille dame s'arrête et frappe le chevalier au visage. Meraugis saisit le frein, arrête le cheval et retient la vieille. «Quoi, dit-elle, me frapperiez-vous, dans chevalier? Non, reprit-il, mais vous n'êtes pas cortoise envers moi. Rendez" moi le cheval du nain. Je ne vous le rendrai pas, ou plutôt je ne « vous le rendrai qu'à une condition, c'est que vous irez abattre cet écu,

[ocr errors]
« ZurückWeiter »