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l'attend, et il se précipite dans la nef. Jamais plus terrible bataille n'était advenue à Meraugis; elle avait déjà duré jusqu'à midi, quand, dans un intervalle de repos, il s'avise de demander son nom au chevalier de l'île, et quel n'est pas son étonnement quand l'autre répond: Gauvain! Meraugis s'écrie :

Coment, Gawains, li miens amis.
Estes-vous? Certe oil, par foi,
Gawains sui je; mes dites moi,
Coment vous estes apelez.

- Meraugis sui de Portlesguez
Vostre amis, qui de vostre terre

Mui de la court et por vous querre. (P. 132.)

L'explosion de joie est vive de la part de Meraugis; il a trouvé Gauvain, et il le ramènera à la cour d'Artus; mais toute cette joie ne rencontre que chagrin chez Gauvain, qui explique qu'ils ne peuvent plus sortir vivants de l'île tous les deux, qu'il faut qu'il tue Meraugis ou qu'il en soit tué; que lui-même, attiré dans cette île, a vaincu son prédécesseur, et que la barque qui y conduit n'obéit qu'à la dame que le vainqueur conquiert, mais qui ne permet pas qu'on la quitte. Elle appartient au plus vaillant, mais le plus vaillant reste son captif jusqu'à la venue d'un aventurier plus heureux ou, comme on voudra, plus malheureux. Mais Meraugis n'accepte pas la cruelle alternative, et il propose un stratagème : ils vont recommencer le combat; Meraugis fera semblant d'être vaincu; même, en signe de triomphe, Gauvain jettera dans la mer le casque de son adversaire; cela fait, Meraugis se cachera. Le stratagème est accepté et mis à exécution; la nuit venue, Meraugis entre l'épée à la main dans la salle où est la dame avec ses serviteurs, les menace de mort s'ils poussent un cri, les enferme de manière à n'être pas troublé par eux; puis, le lendemain, il prend les habits de la dame, cache un glaive sous la robe et fait aux mariniers le signe accoutumé. Ils arrivent sans défiance; d'un bond Meraugis s'élance dans la nef, et, tirant son épée, il la leur montre en disant : « Voici votre dame, obéissez, ou vous « êtes morts. » Ils obéissent, on va à la tour, on prend Gauvain, et les deux amis sont débarqués au loin de la cité traîtresse.

Mais cette aventure, si bien menée à fin, est pourtant cause d'un grand méchef. Du bord, Lidoine a vu la prétendue défaite de son chevalier, elle croit qu'il est mort; sa douleur est extrême. Non moins vif est le chagrin de Meraugis, qui ne sait ni où il est ni où elle est. En vain Gauvain cherche à le consoler. Les deux amis se séparent, Meraugis en

quête de sa dame, Gauvain en quête de l'épée aux franges de merveille, sans laquelle il ne peut revenir à moins de déshonneur, mais tous deux après s'être promis de se rendre, de ce jour en un an, à la cour d'Artus; celui qui n'y trouvera pas son ami n'y dormira qu'une nuit et partira aussitôt pour aller au secours de l'autre.

Meraugis cherche, mais ne trouve rien. Personne n'a ouï parler de Lidoine; et, comme dit le trouvère,

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Ainsi courant, il tombe dans un enchantement. Son souci pour Lidoine ne lui avait point fait oublier l'Outredouté; le hasard lui en procure des nouvelles, et il peut en suivre la trace sur la neige, car nous sommes en hiver. Ces traces le mènent à un châtel de marbre; dans la cour est un pin de grande beauté, et autour du pin dansent des pucelles en chantant, conduites par un chevalier qui chante et danse l'écu au cou et l'épée au flanc. Et ce chevalier, quel est-il? L'Outredouté que Meraugis poursuit. Meraugis s'élance et le défie; mais à peine a-t-il posé le pied sur le terrain enchanté, que lui aussi se met à caroler l'écu au cou et l'épée au flanc; et du même coup l'enchantement se rompt pour l'Outredouté, qui s'échappe, et, ne pouvant rentrer dans le châtel, se décide à se camper à la porte pour attendre le moment où Meraugis en sortira. Pendant ce temps, pour me servir des expressions du poëme,

Meraugis fait mult l'envoisié,

Il chante avant et fiert du pié. (P. 159.)

Mais que fait Lidoine ? Elle aussi a des périls à traverser. Belchis est un châtelain puissant, mais peu loyal, qui, recevant Lidoine dans son château et apprenant d'elle que Meraugis est mort, la retient de force et veut la marier à son fils. Lidoine dissimule sa répugnance pour le fils et le père, et, grâce à cette dissimulation, elle peut dépêcher sa damoiselle Avice chargée d'appeler au secours de leur dame les vassaux de Lidoine et au secours d'une amie Gorvein qui, pour elle, se brouilla avec Meraugis. Gorvein et les vassaux arrivent; on met le siége devant le château du félon; mille combats se livrent, mais la forteresse défie tous les efforts.

Ici nous laissons Lidoine et nous revenons à Meraugis: on reconnaît un procédé suivi longtemps après par des poëtes d'un plus grand renom.

Enfin, après bien des semaines, un chevalier, entrant dans le cercle enchanté, a pris la carole, et Meraugis s'est trouvé libre. Maintenant il n'ira pas loin sans rencontrer l'Outredouté. Il avait appris de Laquis comment le félon lui avait crevé un œil; il avait ressenti le plus vif chagrin d'avoir été cause de ce malheur, et il avait juré qu'il succomberait ou qu'il rapporterait au pauvre Laquis la main droite qui avait commis le méfait. C'est dans ces dispositions qu'il aperçoit le rouge écu aa serpent noir. Une lutte à mort commence; les armes sont brisées, le sang coule, les plaies sont profondes; les deux chevaliers s'arrêtent un moment pour se dire que jamais ils n'ont rencontré si redoutable adversaire; puis ils se reprennent, et, dans cet effort suprême, l'Outredouté meurt et Meraugis tombe sur lui, près de mourir; mais il se souvient de sa promesse, se relève, tranche la main de l'Outredouté et retombe. C'est dans cet état qu'il est trouvé par une compagnie de chevaliers qui allaient rejoindre le châtelain Belchis. D'abord on les croit tous deux morts; mais bientôt on aperçoit quelques signes de vie en Meraugis, et on l'emporte dans le château même où Lidoine est

retenue.

Li navrez, qui orains fu mis
En mi la cambre, ne set mie
Chiés cui il est, ne que s'amie
Soit el chastel; s'il le seüst,
Seul de la joie qu'il eüst,

Fust il gariz..... (P. 201.)

Le trouvère a très-ingénieusement raconté comment les deux amants se reconnaissent, et comment, tout en se reconnaissant, ils évitent de donner lieu à aucun soupçon de leur intelligence.

Si sont leur amour à droit neu

Noées, qu'il n'ont ambedui
Qu'un pensé; cele pense à lui,

Et cil à lui. En tel pensé

Ont el chastel grant piece esté. (P. 215.)

Puis le trouvère, quittant Lidoine et Meraugis, dit:

Du chevalier et de s'amie

Vous lai; droiz est que je vous die

Où mes sires Gawains ala,

Et qu'il devint, et s'il trova
Cele espée qu'il ala querre.

Gauvain l'avait trouvée, et il était assis à la table d'Artus, quand Avice, la damoiselle de Lidoine, vient lui faire un affront public et le sommer d'aller au secours de Lidoine, l'amie de Meraugis. Gauvain reconnaît qu'il lui doit service; il part et tous ses compagnons partent avec lui pour assiéger Belchis et son château. Meraugis apprend la venue du chevalier, et, guéri de ses blessures, il s'arme, déclarant qu'il veut aller combattre le redouté Gauvain. Les deux chevaliers sont aux prises; au bout de quelque temps, Meraugis s'arrête et dit :

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Rien n'étonne plus amis et ennemis que de voir le renommé Gauvain rendu et pris. Meraugis l'emmène dans le châtel, et là il lui donne le choix ou d'être mis en prison comme captif, ou de lui jurer féauté. Gauvain jure féauté, et Belchis, transporté de voir un chevalier tel que Gauvain devenir homme du vainqueur, qu'il ne sait pas être Meraugis, jure et fait jurer féauté à tous ses vassaux. Bientôt Meraugis se nomme, et réclame Lidoine comme sienne. D'abord Belchis veut faire saisir le

temeraire; mais la foi féodale triomphe; tous les hommes de Belchis qui ont juré feauté craignent de se parjurer, et Belchis lui-même se soumet.

Felle est l'analyse de ce poëme alerte et bien conduit. Rien n'y languit; l'imagination y est vive, et tout s'y noue et s'y dénoue. Si le sévère curé l'avait rencontré dans la bibliothèque de Don Quichotte, certes il ne l'aurait pas condamné au feu.

(La suite à un prochain cahier.)

É. LITTRÉ.

RENAISSANCE DE LA PHYSIQUE CARTÉSIenne.

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Die Mechanik der Wärme, von J. R. Mayer. Stuttgard, 1867. Théorie mécanique de la chaleur, pur R. Clausius, professeur à l'université de Wurtzbourg, traduit de l'allemand par F. Folie. Paris, E. Delacroix, 1868 et 1869, 2 vol. in-8°. William Thomson, Transactions of the royal society of Edinburgh, t. XX et XXI, 1850-1855.- Théorie mécanique de la chaleur, par E. Verdet. Imprimerie impériale, 1868. -Exposé des principes de la théorie mécanique de la chaleur, par Ch. Combes, membre de l'Académie des sciences, inspecteur général des mines. Paris, Bouchard-Huzard, 1867. Théorie mécanique de la chaleur, par Ch. Briot. Gauthier Villars, 1869. Sketch of thermodynamics, by P. G. Tait. Edinburgh, Edmonston and Douglas, 1869. Théorie des machines motrices et des effets mécaniques de la chaleur, leçons faites à la Sorbonne, par M. Recch, rédigées par M. Leclert. Paris, E. Lacroix, 1869. Mémoire sur la conservation de la force par M. Helmholtz, traduit de l'allemand par Louis Pérard. Paris, V. Masson, 1869.

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DEUXIÈME ARTICLE1.

Démontrer, par la transmutation des corps, l'identité des éléments matériels, était le rêve irréalisable des anciens chimistes. Les physiciens

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