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Ces malheurs particuliers venant s'ajouter aux malheurs publics seraient faits pour abattre nos courages. En effet, privés de tant de coopérateurs utiles, ayant devant les yeux l'invasion des barbares de l'intérieur, après celle des barbares de l'extérieur, nous serions bien excusables de nous abandonner nous-mêmes, et de désespérer de notre cause. Mais les sociétés ont cet avantage sur les particuliers qu'elles résistent avec plus d'obstination, et que quand on les croit perdues elles renaissent pour ainsi dire de leurs cendres. C'est ce qui est arrivé dans la Grèce ancienne, avec laquelle notre France moderne a tant d’analogie pour la vivacité de son esprit et, faut-il en faire l'aveu? pour la mobilité de son caractère. Lorsque vaincue par la Macédoine, qui n'était à tout prendre qu'une Prusse, avec l'orgueil en moins et la générosité en plus, elle vit l'ennemi dominer dans ces cités où avait toujours régné la liberté, on put craindre que ce dangereux contact n'éteignit en elle tout germe de civilisation. Il n'en fut point ainsi. Les arts, les lettres et les sciences sortirent à leur avantage de cette terrible épreuve, et les écoles célèbres d'Athènes, de Corinthe et de Rhodes continuèrent à être les flambeaux lumineux de l'antiquité. Ainsi nous avons fait, dans notre sphère restreinte. Pour nous consoler de tant de maux nous nous sommes remis à l'étude, et comme cet empereur romain, dont le règne ne fut qu'un long sacrifice à ses devoirs, nous avons dit travaillons, laboremus.

Ce qui nous soutient dans nos efforts, ce qui doit soutenir tous les travailleurs, c'est qu'au moins l'espoir n'est pas perdu. Après l'orage viendra le calme, après les jours de deuil nous verrons reluire le soleil du bonheur.

Un grand homme d'État nous l'a promis à condition d'être sages. Jadis le pouvoir appartenait au plus fort : vincat fortior, disait Alexandre mourant, la différence est à notre avantage. Oui, sous ce rapport, nous valons mieux que les anciens; chez eux le droit n'était compté pour rien, chez nous au contraire les plus puissants sont obligés de s'incliner devant lui. En vain a-t-on proclamé que la force prime le droit, celui qui voulait ainsi faire reculer l'humanité, était contraint de se donner immédiatement un démenti en essayant de justifier son injustifiable doctrine L'opinion publique, voilà la maîtresse du monde, dans les temps modernes. Cette opinion, il n'est permis ni de la méconnaître, ni de la froisser: aussi tout ce qui se fait contre elle est frappé de stérilité. C'est cette pensée qui doit relever nos cœurs; c'est grâce à elle que nous pouvons espérer de voir revenir à nous ceux qui s'en étaient éloignés, car on ne tardera pas à reconnaître que si nous nous laissons trop souvent emporter par la passion, nous ne sacrifions jamais à de vils intérêts. Mais ce respect de l'opinion nous impose aussi des obligations étroites. Nous devons avant tout réformer nos mœurs, nous devons prendre le sérieux que commande la gravité des circonstances, nous ne devons plus être la plus aimable des nations, nous devons en être la plus raisonnable. Dans ce travail important de régénération, les Sociétés savantes ont à jouer un rôle considérable. C'est d'elles que doit partir le signal de la régénération, car c'est dans leur sein que se posent toutes les questions qui, bien ou mal appliquées, ont tant d'influence sur les destinées humaines. L'Académie d'Arras ne répudiera pas cette délicate mission: elle sera à la

peine comme elle sera à l'honneur. Toujours elle s'est associée aux œuvres grandes et utiles, plus que jamais elle marchera dans cette voie : le but de son institution. et l'amour de la patrie le lui commandent.

RAPPORT SUR LES TRAVAUX

des deux années 1869-70 et 1870-71.

PAR M. LE CHANOINE VAN DRIVAL

Secrétaire-Général.

MESSIEURS,

C'est une tâche assez difficile que celle qui m'est imposée aujourd'hui.

Il s'agit, en effet, de reconnaître sa voie au milieu de ce chaos qui nous sépare des années tranquilles, à la fois sí près et si loin de nous : il s'agit d'exposer avec ordre et clarté toute une suite de faits qui ne se relient guères entre eux, faits d'intelligence et faits de violence, œuvres de création artistique ou littéraire et ceuvres de destruction; vie active de l'esprit, puis suspension subite et presque totale de cette activité, qui se réveille ensuite, mais incomplète et doutant d'elle-même. Essayons pourtant, et dédoublons d'abord cette tâche difficile, en la divisant en deux périodes, afin de rendre mieux la

physionomie de nos travaux et l'état de notre Société pendant les deux années qui se sont écoulées depuis la dernière séance publique.

PREMIÈRE PÉRIODE.

Reportons-nous par la pensée aux mois d'octobre et novembre 1869.

Alors, dans nos réunions hebdomadaires, une voix douce, calme, profondément sympathique, se faisait entendre. Elle était déjà fatiguée et demandait de temps en temps le repos, indice d'une extinction prochaine, quoique alors encore fort imprévue. C'était la voix de notre regretté collègue, M. Louis Watelet. Elle nous parlait de la chapelle de la Sainte-Chandelle de la PetitePlace d'Arras, et nous racontait, avec la précision d'un procès-verbal, tout ce qui se rapporte à la démolition volontaire et inutile de ce bijou d'architecture, suivie, dans notre ville d'Arras, de tant d'autres démolitions. L'histoire de cette destruction de la Sainte-Chandelle de la Petite-Place, en 1791, a été écrite par M. Watelet avec une exactitude et un soin tels, qu'on peut dire qu'elle clot la série assez nombreuse des écrits qui ont été publiés sur ce sujet. Procès-verbaux, documents contemporains, comptes, papiers de famille, notes de tout genre, souvenirs traditionnels, tout a été consulté et mis à contribution pour rendre ce travail irréfutable et complet. Ce dernier travail de M. Watelet va paraitre : il ouvre le volume de vos Mémoires pour 1870, et on pourra prochainement apprécier tout ce qu'il y a de mé

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