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GARDONS nous donc de confondre l'homme Sauvage avec les hommes, que nous avons fous les yeux. La Nature traite tous les animaux abandonnés à fes foins avec une prédilection, qui femble montrer combien elle eft jaloufe de ce droit. Le Cheval, le Chat, le Taureau, l'Ane même ont la plupart une taille plus haute, tous une conftitution plus robuste, plus de vigueur, de force, & de courage dans les forêts que dans nos maifons; ils perdent la moitié de ces avantages en devenant Domeftiques, & l'on diroit que tous nos foins à bien traiter, & nourrir ces animaux, n'aboutiffent qu'à les abatardir. Il en eft ainfi de l'homme même : En devenant fociable & Efclave, il devient foible, craintif, rampant, & fa maniére de vivre molle & efféminée acheve d'énerver à la fois fa for

ce & fon courage. Ajoutons qu'entre les conditions Sauvage & Domestique la différence d'homme à homme doit être plus grande encore que celle de bête à bête; car l'animal, & l'homme ayant été traités également par la Nature, toutes les commodités que T'homme fe donne de plus qu'aux animaux qu'il apprivoife, font autant de caufes particuliéres qui le font dégénerer plus fenfible

ment.

CE n'eft donc pas un fi grand malheur à ces premiers hommes, ni furtout un fi grand obftacle à leur confervation, que la nudité, le défaut d'habitation, & la privation de tou tes ces inutilités, que nous croyons fi neceffaires. S'ils n'ont pas la peau velüe, ils n'en ont aucun befoin dans les Païs chauds, & ils favent bientôt, dans les Païs froids, s'appro

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prier celles des Bêtes qu'ils ont vaincues; s'ils n'ont que deux pieds pour courir, ils ont deux bras pour pourvoir à leur défense & à leurs befoins; Leurs Enfans marchent peutêtre tard & avec peine, mais les Meres les portent avec facilité; avantage qui manque aux autres espéces, où la mere étant pourfuivie, fe voit contrainte d'abandonner fes petits, ou de regler fon pas fur le leur. Enfin, à moins de fuppofer ces concours finguliers & fortuits de circonftances, dont je parlerai dans la fuite, & qui pouvoient fort bien ne jamais arriver, il eft clair en tout état de cause, que le premier qui fe fit des habits ou un Logement, fe donna en cela des chofes peu neceffaires, puis qu'il s'en étoit paffé jusqu'alors, & qu'on ne voit pas pourquoi il n'eût pû fupporter homme fait un

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,

genre

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genre de vie qu'il fupportoit dés fon enfance.

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SEUL, oifif, & toujours voifin du danger, l'homme Sauvage doit aimer à dormir, & avoir le fommeil léger comme les animaux, qui penfant peu, dorment, pour ainfi dire, tout le temps qu'ils ne penfent point: Sa propre conservation faifant presque fon unique foin, fes facultés les plus exercées doivent être celles, qui ont pour objet principal l'attaque & la défenfe, foit pour fubju. guer fa proye, foit pour fe garantir d'être celle d'un autre animal: Au contraire, les organes qui ne fe perfectionnent que par la moleffe & la fenfualité, doivent refter dans un état de groffiéreté, qui exclud en lui toute efpéce de délicateffe; & fes fens fe trouvant partagés fur ce point, il aura le toucher & le goût d'une rudeffe extrême; La veüe,

l'oüie

l'oüie & l'odorat de la plus grande fubtilité: Tel eft l'état animal en général, & c'est auffi, felon le rapport des Voyageurs, celui de la plupart des Peuples Sauvages. Ainfi il ne faut point s'étonner, que les Hottentots du Cap de Bonne Efperance découvrent, à la fimple veüe des Vaiffeaux en haute mer d'auffi loin que les Hollandois avec des Lunettes, ni que les Sauvages de l'Amérique fentiffent les Espagnols à la piste, comme auroient pu faire les meilleurs Chiens, ni que toutes ces Nations Barbares fupportent fans peine leur nudité, aiguifent leur goût à force de Piment, & boivent les Liqueurs Européennes comme de l'eau.

JE n'ai confideré jufqu'ici que l'Homme Phyfique; Tâchons de le regarder maintenant par le côté Métaphyfique & Moral.

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