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du Difcours. Quant à moi, effrayé des dif ficultés qui fe multiplient, & convaincu de l'impoffibilité presque démontrée que les Langues ayent pû naître, & s'établir par des moyens purement humains, je laiffe à qui voudra l'entreprendre la difcuffion de ce difficile Problême, lequel a été le plus néceffaire, de la Société déjà liée, à l'institution des Langues, ou des Langues déjà inventées, à l'établissement de la Société.

QUOIQU'IL en foit de ces origines, on voit du moins, au peu de foin qu'a pris la Nature de rapprocher les Hommes par des befoins mutuels, & de leur faciliter l'ufage de la parole, combien elle a peu préparé leur Sociabilité, & combien elle a peu mis du fien dans tout ce qu'ils ont fait, pour en établir les liens. En effet, il eft impoffible

d'ima

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d'imaginer pourquoi dans cet état primitif,

un homme auroit plûtôt besoin d'un autre homme qu'un finge ou un Loup de fon femblable, ni, ce befoin fuppofé, quel motif pourroit engager l'autre à y pourvoir, ni même, en ce dernier cas, comment ils pourroient convenir entre eux des conditions, Je fçai qu'on nous répéte fans ceffe que rien n'eût été fi miférable que l'homme dans cet état; & s'il eft vrai, comme je crois l'avoir prouvé, qu'il n'eût pu', qu'après bien des Siécles, avoir le défir, & l'occafion d'en fortir, ce feroit un Procès à faire à la Nature, & non à celui qu'elle auroit ainfi conftitué ; Mais, fi j'entends bien ce terme de miferable, c'eft un mot qui n'a aucun fens, ou qui ne fignifie qu'une privation douloureuse & la fouffrance du Corps ou de l'ame: Or je vouE 4 drois

drois bien qu'on m'expliquât quel peut-être le genre de mifére d'un être libre, dont le cœur eft en paix, & le corps en fanté. Je demande laquelle, de la vie Civile ou naturelle, eft la plus fujette à devenir infupportable à ceux qui en jouïffent? Nous ne voyons presque autour de nous que des Gens qui fe plaignent de leur exftience; plufieurs mêmes qui s'en privent autant qu'il eft en eux, & la réunion des Loix divine & humaine fuffit à peine pour arrêter ce defordre: Je demande fi jamais on a ouï dire qu'un Sauvage en liberté ait feulement fongé à fe plaindre de la vie & à fe donner la mort? Qu'on juge donc avec moins d'orgueil de quel côté eft la véritable mifére. Rien au contraire n'eût été fi miférable que l'homme Sauvage, ébloui par des lumieres, tourmenté par des Paffions,

&

& raifonnant fur un état différent du fien. Ce fut par une Providence très fage, que les facultés qu'il avoit en puiffance ne devoient fe développer qu'avec les occafions de les exercer, afin qu'elles ne lui fuffent ni fu-. perflues & à charge avant le tems, ni tardives, & inutiles au befoin. Il avoit dans le

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feul inftinct tout ce qu'il lui falloit

pour vivre dans l'état de Nature, il n'a dans une raifon cultivée, que ce qu'il lui faut pour vi vre en fociété.

IL paroît d'abord que les hommes dans cet état n'ayant entre eux aucune forte de relation morale, ni de devoirs conpus, ne pouvoient être ni bons ni méchans, & n'avoient ni vices ni vertus, à moins que, prenant ces mots dans un fens phyfique, on n'appelle vices dans l'individu, les qualités qui peu

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vent nuire à fa propre confervation,

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vertus, celles qui peuvent y contribuer; auquel cas, il faudroit appeller le plus vertueux, celui qui réfifteroit le moins aux fimples impulfions de la Nature: Mais fans nous écarter du fens ordinaire, il est à propos de fufpendre le jugement, que nous pourrions porter fur une telle fituation, & de nous defier de nos Préjugés, jufqu'à ce que, la Balance à la main, on ait exami né s'il y a plus de vertus que de vices parmi les hommes civilifés, ou fi leurs vertus font plus avantageufes que leurs vices ne font funeftes, ou fi le progrès de leurs connoissances est un dédommagement fuffifant des maux qu'ils fe font mutuellement, à mesure qu'ils s'inftruifent du bien qu'ils devroient fe faire', ou s'ils ne feroient pas, à tout prendre,

dans

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