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Après avoir vu, dans plusieurs de ces collections d'armes exportées de pays lointains, comme ayant appartenu à des sauvages des îles de l'Océanie ou de plusieurs des peuplades des forêts de l'Amérique septentrionale, des emmanchements tout-à-fait identiques avec ceux des musées d'Amiens et autres, et aussi avec celui trouvé dans les fouilles du chemin de fer du Nord et qui fait partie de mon cabinet, j'ai fait attacher ma hache de jade au morceau de bois qui lui sert de manche avec des nerfs de bœufs, réduits en lanières lorsqu'ils étaient encore frais, comme j'avais vu que le faisaient les sauvages, et particulièrement les Jowais, qu'à une époque on a donné en spectacle aux Parisiens. Ces ligatures avaient si bien attaché ma hache de jade à la corne de cerf, et la corne de cerf au manche de bois qu'on y avait adapté, qu'on a pu se servir de cette hache pour fendre du bois et tailler tout autre chose; on a même, contre mon gré, tellement abusé du tranchant de la hache qu'on a fini par l'ébrécher comme on aurait pu le faire d'une hache d'acier.

Montfaucon, en décrivant le tombeau trouvé à Cocherel, parle de haches de silex emmanchées comme celles de nos musées et celle de mon cabinet, que je viens de décrire, et dom Martin, tome 11 de sa Religion des Gaulois, pages 311 et suivantes, en cite encore d'autres exemples.

J'avais été montrer plusieurs de mes haches en silex à M. Mongez, le savant antiquaire, auteur du Dictionnaire d'antiquites de l'encyclopédie méthodique, et conservateur du musée des médailles de la monnaie de Paris; il m'a dit qu'il avait vu de ces emmanchements de haches de silex dans des andouillers de cornes de cerf, mais qui avaient une hache fixée à chacun des bouts, ce qui en faisait une hache double.

L'usage des haches de silex, comme celui de les fixer dans un manche de bois, parait avoir duré très-longtemps et s'ètre prolongé vers des époques relativement modernes. Ainsi, on trouve dans l'historien de Guillaume-le-Conquérant, dans Guillaume de Poitiers, qui a décrit la bataille d'Hastings, ce passage:

« Les « soldats de Harold frappaient les soldats anglais avec des pierres « attachées à des morceaux de bois. » Il est impossible de ne pas reconnaître dans cette espèce d'arme des haches de silex. Dans d'autres portions du mème poème, le même auteur parle de pierres lancées.

Déjà avant, dans un poème du me siècle, Aventures de Hildebrand et de Hadubrand, son fils, les deux héros se rencontrant sans se reconnaître, s'arrêtent, dit le poème, et, saisissant chacun leur hache de pierre, s'en portent de terribles coups. M. de Caumont dit, tome jer, page 210 de son Cours d'antiquités, qu'on a employé ces haches jusque au XIe siècle, simultanément avec des armes de métal.

Les pierres de jet en silex ont, comme je l'ai dit plus haut, été longtemps usitées dans les armées gauloises, et plus tard encore probablement chez les Gallo-Romains, et peut-être aussi dans les armées romaines, comme un moyen de combattre les ennemis en bataille rangée.

On a découvert, dans plusieurs localités de la France, des ateliers de taille de silex en forme de coins, et, dans ces mêmes localités, des magasins de ces coins de silex approvisionnés, et aussi des tas de retailles provenues de ces fabrications.

M. Graves m'a signalé dans une lettre, en date du 16 juin 1842, la découverte, en Périgord, d'une de ces fabriques de coins de silex (4) où elles étaient rangées, les unes sur les autres, au

1) On en connaissait antérieurement plusieurs autres, unc à Terrasson,

nombre de plus de quatre mille, et où d'autres se trouvaient à l'état d'ébauche. A très-peu de distance, on avait approvisionné des tas de silex pyromaques, tels que la nature les donne, destinés à être taillés. Malheureusement, on ne parait pas s'être occupé de rechercher les instruments qu'on avait pu employer pour cette fabrication, ce qui cependant eut été curieux. Les procédés de fabrication devaient être à peu près semblables à ceux que, dans ces temps modernes, on a employés longtemps pour tailler des pierres pour les fusils avant l'invention des capsules, et qu'on emploie encore maintenant. Cette opération de la taille des pierres destinées aux fusils se faisait très-rapidement et à bien peu de frais, si on en juge par le bas prix auquel on livrait ces pierres dans le commerce (1).

Je donne ci-contre la figure d'une hache ou marteau: c'est par ce dernier nom que le désignait M. Ch. Lenormand, conservateur du cabinet de la bibliothèque impériale, à Paris. Cette arme, en silex, a été envoyée de Danemarck, ainsi qu'une seconde qui figure au mème cabinet; elles sont taillées grossièrement. J'ai cru devoir en publier une figure, réduite au vingtième, à la suite de celles que j'ai déjà décrites.

Nous savons, par le témoignage de Diodore de Sicile, V, 18, que les anciens avaient des corps de frondeurs, c'est-à-dire de lanceurs de pierres, dont l'habileté était prodigieuse; il dit : « Les «pierres lancées par leurs frondes perçaient les boucliers, les « casques et les cuirasses; ils manquaient rarement le but; ils

dans le Bordelais, dont parle M. de Caumont, tome 1er de son Cours d'antiquités, page 218, et une dans le Nord, dans les environs de Douai, à Cantin, décrite par M. Picard, dans une Notice où il a rendu compte de cette découverte, qui date de 1824.

(1) On vient de me dire, à l'instant même (2 octobre 1860), que M. Troyon, de Bellevue, auprès de Lauzannes (Suisse), avait découvert, à la suite de nombreux essais, les méthodes employées par les Gaulois pour tailler les silex, et particulièrement pour découper un grand nombre de couteaux dans le même bloc de silex, après lui avoir donné préalablement plusieurs faces prismatiques. Il doit publier, si déjà il ne l'a fait, les détails concernant cette découverte intéressante.

« portaient avec eux trois frondes : une autour de la tête, une autour des reins et la troisième à la main. »

Evidemment, ce n'était pas avec des cailloux roulés ordinaires que ces adroits frondeurs perçaient des boucliers, des casques et des cuirasses; ce ne pouvait être qu'avec des silex taillés d'une certaine façon calculée d'avance.

J'ai entre les mains deux coins de silex que feu M. Saint-Aubin, mon ami, lorsqu'il était ingénieur en chef dans la Haute-Loire, m'avait envoyés en me disant qu'ils avaient été trouvés, avec un grand nombre d'autres, emmagasinés dans une caverne et qu'on les attribuait aux Gaulois. César, dans sa Guerre des Gaules, parle à plusieurs reprises de ce genre de projectiles comme employé contre ses soldats par les hordes gauloises, auxquelles les Romains ripostaient par des armes semblables. Dans le bas-relief du beau sarcophage de la villa Ammendola, on voit des Gaulois armés de pierres qu'ils lancent aux Romains. Ce moyen primitif de destruction existe encore de nos jours: Béthancourt, dans son voyage aux iles Fortunées, parle de l'habileté qu'ont les habitants à lancer des pierres à leurs ennemis; il dit qu'il a vu des blessures résultant de ces pierres lancées, qu'on aurait cru avoir été faites par un carreau d'arbalète. Bien plus récemment, le général d'Arbouville, dans un rapport, en date du 18 août 1842, sur un combat qu'il avait soutenu en Algérie contre les Kabyles, parle de leur adresse à lancer des coins de silex contre ses soldats, dont plusieurs avaient été blessés dangereusement par ces pierres.

On voit que dans tous les temps et dans tous les pays, les hommes ont employé les mêmes moyens pour se détruire jusque

au moment où ce qu'on appelle la civilisation leur a appris à le faire plus sûrement et plus savamment; mais c'est la même pensée de destruction et ce sont les mêmes résultats.

M. de Caumont dit (1) qu'on a trouvé des haches de silex enfermées dans un même tombeau avec des coins de bronze; moi j'ajouterai que je n'en ai pas rencontré mêlées à des coins de bronze, mais que j'en conserve quatre, classées à part, qui ont été trouvées mêlées avec des francisques.

Les Gaulois ne se contentaient pas de faire des haches ou cassetêtes en silex, ils fabriquaient encore avec le silex, matière si peu traitable, des pointes de flèches les plus délicates. J'en ai possédé trois; j'en ai donné une à MM. Dufour et Hardouin pour faire partie du musée d'Amiens, lors de la visite que ces Messieurs m'ont faite en juin 1843; on m'en a dérobé une autre dans mon cabinet. Il m'en reste une seule dont je donne ci-dessous la figure.

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M. Graves a parlé des pointes de flèches en silex de mon cabinet dans sa Notice archéologique du département de l'Oise, page 21. Je me souviens en avoir vu une, presque semblable à la mienne, au musée égyptien; je crois même qu'il y en a plusieurs. M. Provost, de Bresles, en possédait une remarquable pour la minceur, à laquelle on était parvenu à réduire le silex, remarquable aussi pour son fini; on l'avait trouvée dans le parc de l'ancien château de Bresles; je l'ai toujours regardée comme ayant été fabriquée au moyen-âge.

Les Gaulois, comme nous l'apprend César, étaient éminemment

(1) Tome i de son Cours d'antiquités, page 210.

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