Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

Comme beaucoup de fils de cette forte race normande qui, depuis le moyen âge, a fourni à la France tant de robustes travailleurs, il nous montrait qu'une âme de savant est maîtresse jusqu'au bout du corps qu'elle anime. Recourant au service de plusieurs secrétaires, tantôt il se faisait lire les volumes utiles à ses recherches, tantôt il dictait ses articles. On le conduisait à nos séances ou dans les bibliothèques, dont il continuait d'être un client assidu. Peu de professeurs auront profité autant que lui des collections de la Sorbonne. Dans sa longue existence, ce chercheur infatigable n'aura perdu que sa dernière semaine, terrassé par la maladie. Nous garderons longtemps le souvenir de ce confrère dont toute l'énergie aura été appliquée à servir la science pour la gloire de la Normandie et de la France. »

M. CHATELAIN ajoute :

Mes chers Confrères,

En quittant la Présidence, à laquelle m'avait appelé votre bienveillance, je vous prie d'agréer mes vifs remerciements pour un honneur que j'étais loin de prévoir, il y a quarante ans, quand, étudiant des plus humbles, je présentais mon premier mémoire au concours du prix Bordin.

« La seconde moitié de mon consulat n'aura pas été heureuse. La mort de notre Secrétaire perpétuel, le 30 juin, a été suivie de la plus triste des périodes pour l'Académie, comme pour le pays.

« Vous me feriez tous des reproches si je ne remerciais spécialement le plus ancien membre de la Commission administrative, notre incomparable et discret mentor, M. Alfred Croiset, dont le dévouement, toujours en éveil, pendant l'intérim du secrétariat perpétuel plus long de fait que nous n'aurions voulu, m'a prodigué ses conseils expérimentés et adouci la rigueur de ma tâche, jusqu'au jour où notre nouveau secrétaire, redux ac redivivus, a pu prendre lui-même les rênes de l'administration.

« Je dois exprimer ma reconnaissance à tous nos confrères qui ont trouvé le moyen de remplir chacune de nos séances d'intéressantes communications, malgré les tourments auxquels ils sont en proie. Presque tous sont inquiets de la vie de fils ou de parents; tous le sont du sort de notre mère commune, la Patrie.

Néanmoins notre Compagnie a réussi à montrer au monde qu'elle est fidèle à ses devoirs.

<«< Je ne me flatte pas d'avoir été un bon Président; ce n'est guère qu'en quittant le fauteuil qu'on soupçonne ce qu'on aurait pu faire. J'ai cherché du moins à respecter les droits et la liberté de tous nos confrères, peut-être au delà des traditions, la majorité se chargeant toujours d'enterrer les propositions qu'elle juge intempestives.

« Je transmets avec confiance la Présidence à M. Édouard Chavannes, dont j'ai apprécié depuis un an les judicieux conseils, et je prie M. Maurice Croiset, le nouveau vice-président, de prendre place au bureau à côté de lui. »

En prenant place au fauteuil de la présidence, M. CHAVANNES prononce l'allocution suivante :

Mes chers Confrères,

Les usages de l'Académie, confirmés par vos suffrages, m'appellent à la présidence à un âge qui, quoiqu'il me rejette, militairement parlant, plus loin que la réserve de l'armée territoriale, redevient une fois par semaine dans cette enceinte une seconde jeunesse; je demande toute l'indulgence de mes aînés. Aussi bien, votre Président sortant, par ses qualités mêmes, n'a pas facilité ma tâche il a rempli ses fonctions avec tant de zèle et d'exactitude que je n'ai guère eu l'occasion de faire mon apprentissage; quoique vous risquiez de souffrir de mon inexpérience, je serai votre interprète auprès de M. Chatelain en lui exprimant nos remerciements pour la conscience avec laquelle il s'est acquitté des devoirs de sa charge. J'espère que notre Secrétaire perpétuel, M. Maspero, dont les ouvrages sont un modèle pour tout orientaliste, et que notre vice-président, M. Maurice Croiset, mon administrateur au Collège de France, voudront bien user de l'autorité qu'ils ont sur moi pour prévenir ou réparer les erreurs auxquelles je me sens exposé. Je regrette de ne plus pouvoir demander les conseils de mon illustre maître, M. Perrot, dont l'absence se fera longtemps sentir dans nos séances où sa robuste vieillesse tenait une si grande place.

Messieurs,

C'est un lourd honneur d'être président de votre Académie à l'heure, solennelle entre toutes, où se jouent les destinées de la Patrie. Il n'est aucun Français qui, actuellement, ne sente quels liens étroits le rattachent à son pays; nombreuses sont déjà les familles qui ont scellé cette union du sang d'un des leurs. Vous cependant, qui vous occupez des sciences historiques, vous avez la notion claire de ce que le peuple devine d'instinct; vous savez par quel lent travail s'est constituée notre unité territoriale et morale; en ce moment où nous combattons pro aris et focis, pour ce que les générations qui nous ont précédés nous ont légué de plus précieux, notre idéal et notre sol, vous comprenez mieux que quiconque ce qui fait la valeur de ce patrimoine; à travers les flammes sacrilèges qui embrasent la cathédrale de Reims, vous entrevoyez la longue procession de nos gloires royales, et, sur les divines sculptures qui s'effritent, vous lisez comme à livre ouvert les symboles de la foi ancienne; tous ces souvenirs, aussi bien que ceux des armées républicaines de 1793 marchant à Jemappes au chant de la Marseillaise, se lèvent contre l'envahisseur, et ce sont eux qui hantent obscurément l'esprit de nos héroïques soldats.

L'histoire, qui est l'expérience des peuples, leur enseigne des leçons austères; elle leur révèle quelles répercussions lointaines sont provoquées par la victoire ou la défaite; elle leur apprend comment, en quelques mois, parfois en quelques jours, l'avenir d'une nation peut être déterminé pour de longues années. Elle les met en garde contre la lassitude qui fait renoncer à la lutte avant que le coup décisif ait été porté : elle est maîtresse d'énergie et, de même que le général en chef, dans la soirée où il s'est dressé comme la personnification de la France, elle dit: « Aucune défaillance ne sera tolérée ».

Enfin c'est elle qui nous donne l'espoir et la confiance. Nous voyons resplendir à travers les siècles le noble et lumineux génie national; quels que soient les malheurs qui l'accablent, il ne se laisse pas abattre et sort plus pur de la souffrance. Il a tressailli lors de ces semaines inoubliables de la mobilisation générale où, sans cris de bravade et sans plaintes vaines, tous sont partis, les

gars de vingt ans et les pères de famille, quittant leurs affections les plus chères pour répondre à l'appel des armes; nous l'avons reconnu, ce génie indompatable, dans leurs regards, et, sachant ce dont il a été jadis capable, nous avons compris que, cette fois encore, il affirmerait à la face du monde sa grandeur immortelle.

Messieurs, je m'excuse de n'apporter ici que des phrases quand tant d'autres endurent des peines surhumaines ou sacrifient généreusement une vie riche de promesses. Il m'a semblé pourtant que, au moment où toutes les forces du pays convergent dans une tension suprême, il fallait essayer de montrer que les sciences auxquelles nous travaillons sont précisément celles qui sont les plus propres à faire vibrer les cœurs à l'unisson du sentiment populaire. Les idées dont nous nous occupons ne sont pas des abstractions; elles sont la substance de notre être moral et en elles respirent toutes les générations qui les ont élaborées. C'est l'âme même de la France qui, aujourd'hui, prononce les mots: honneur, patrie.

LE SECRÉTAIRE PERPÉTUEL donne lecture de la correspondance: 1o Une lettre de remerciements adressée à l'Académie par M. Percy Gardner, nommé correspondant étranger.

2o Une lettre par laquelle l'un des lauréats du prix Saintour, M. Georges Daumet, fait don à l'Institut, pour ses œuvres hospitalières, de la somme qui lui revient sur ce prix.

L'Académie décide d'accepter ce don et de remercier M. Georges Daumet de sa générosité.

Le PRÉSIDENT rappelle qu'un mois s'est écoulé depuis la mort de notre confrère, M. Viollet, et qu'il y aura lieu, pour l'Académie, de décider dans la prochaine séance si elle procédera à l'élection immédiatement ou si elle remettra l'élection à six mois, ainsi que le veut le règlement quand l'Académie déclare qu'il n'y a pas lieu à remplacement immédiat.

Il est ensuite procédé à la continuation de la nomination des Commissions de prix. Sont élus :

COMMISSION DU PRIX BORDIN (moyen âge et Renaissance) : MM. Paul Meyer, Schlumberger, É. Picot, Maurice Prou.

Au moment de passer au vote sur le prix extraordinaire Bordin et le prix Saintour, le Président fait observer que les deux commissions ont été confondues sur le bulletin de vote; comme elles étaient composées des mêmes membres, il avait paru inutile de les séparer. Il propose de nommer pour chaque prix une commission distincte formée de quatre membres.

Sont donc élus :

COMMISSION DU PRIX EXTRAORDINAIRE BORDIN (études orientales): MM. Heuzey, Senart, Clermont-Ganneau, Barth;

COMMISSION DU PRIX SAINTOUR (études orientales) : MM. Heuzey, Senart, Cordier, Scheil.

Sont ensuite élus :

COMMISSION DU PRIX BRUNET MM. de Lasteyrie, É. Picot, Omont, Chatelain.

:

COMMISSION DU PRIX STANISLAS JULIEN MM. Senart, Barth, Cordier, Scheil.

COMMISSION DU PRix de Lagrange: M. Paul Meyer, É. Picot, A. Thomas, Morel-Fatio.

COMMISSION DU PRIX JEAN REYNAUD MM. Senart, Paul Meyer, Alfred Croiset, Babelon, Bouché-Leclercq, Morel-Fatio.

COMMISSION DE LA NOUVELLE FONDATION DU DUC DE LOUBAT (fonds de secours) MM. Heuzey, Senart, Paul Meyer, Schlumberger. COMMISSION DU PRIX AUGUSTE PROST: MM. Collignon, Omont, Élie Berger, Scheil.

COMMISSION DU PRIX DU BARON DE JOEST: MM. Senart, Héron de Villefosse, Alfred Croiset, Salomon Reinach.

COMMISSION DU PRIX HONORÉ CHAVÉE: MM. Bréal, Senart, Paul Meyer, Havet, Thomas, Morel-Fatio.

COMMISSION DU PRIX LANTOINE MM. Havet, Cagnat, Chatelain, Paul Monceaux.

« ZurückWeiter »