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adhésion volontaire aux canons du concile, et il l'a sollicitée à trois reprises, courtoisement, avec déférence, presque avec humilité. De quelles peines a-t-il puni les refus obstinés du moine, toujours agrémentés d'outrages? De six jours de prison la première fois, de l'exil la seconde, de la menace des verges la troisième, c'est-à-dire de peines plutôt bénignes, quand on pense aux tortures innombrables dont Byzance était si prodigue. Combien de temps l'empereur at-il persisté dans sa patience, retenant la colère de son entourage, réprimant sa propre irritation, résistant aux suggestions de la foule? Le drame du martyre d'Étienne, que Théophane nous représente si rapide, se décompose en réalité en une succession d'épisodes qui s'échelonnent de juin 762 à la fin de novembre 764, c'est-à-dire sur près de deux années et demie. Et enfin, dans la mort même d'Étienne, quelle responsabilité directe, immédiate, est-il possible d'attribuer à l'empereur? Si le zèle de ses officiers n'eût été si prompt, sa colère fût tombée sans doute, comme elle était tombée d'autres fois. Assurément on nous dit qu'il fut heureux de la mort d'Étienne et accueillit bien ses meurtriers1. Il se peut ce n'est point une raison suffisante pour conclure qu'il l'ait ordonnée ni même vraiment souhaitée.

Il ne faut point oublier surtout, si l'on veut apprécier exactement la conduite que tint Constantin V à l'égard d'un homme qu'il pouvait justement considérer comme un hérétique et un rebelle, l'autorité formidable que Byzance reconnaissait à l'empereur en matière de religion. On sait que jamais un basileus ne se fit scrupule de déposer, exiler, incarcérer, maltraiter les papes, les patriarches, les évêques, les moines, même les plus orthodoxes, quand ils résistaient à sa volonté, et qu'à plus forte raison, contre les hérétiques, toutes les rigueurs lui étaient permises par la loi et com

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mandées par la religion. Les meilleurs des empereurs de Byzance ont usé largement de ces prérogatives. Un Justinien, pour citer cet exemple seulement, a brutalisé deux papes, fait emprisonner ou exiler des évêques innombrables, incendié des églises, détruit des monastères, massacré des moines et fait de l'intolérance à l'égard des hérétiques une vertu d'état et une obligation de conscience; et, sauf peutêtre en ce qui concerne les papes Silvère et Vigile, aucun de ses contemporains ni des écrivains des siècles postérieurs n'a songé à s'en étonner ni à l'en blâmer. Constantin V, malgré la réputation redoutable que lui ont faite ses adversaires, n'a été ni meilleur ni pire. Il était Byzantin et empereur : il a agi selon l'esprit de son temps et selon les traditions de sa fonction suprême. La biographie de sa plus illustre victime prouve même qu'il fut, et cela dans l'exaltation d'une lutte ardente, bien plus capable qu'on ne pourrait croire de patience et de longanimité. Et les hommes du VIIIe siècle, qui n'ont pu se dissimuler, malgré les injures dont ils l'accablèrent, que Constantin V fut au total un très grand empereur, soucieux du bien public, victorieux des ennemis du dehors, un prince réformateur digne de la reconnaissance de son peuple et dont la mémoire ne saurait être oubliée 1, auraient loué assurément, sans hésitation et sans réserve, les pratiques de sa politique religieuse même, si Constantin V avait eu la bonne fortune d'être, tout simplement, - au lieu de l'iconoclaste qu'il fut, un souverain orthodoxe.

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Note sur la chronologie de la vie d'Étienne le jeune.

La chronologie des événements de la vie d'Étienne a été fort discutée, et jusqu'ici assez mal établie (voir Lombard, Constantin V, p. 156-157). Il semble assez aisé pourtant de

1. Voir à ce sujet les déclarations que font les Pères du concile orthodoxe de 787, dans Mansi, XIII, 355.

en

fixer les dates, telles que je les ai admises. Théophane (p. 436) place la mort du saint au 20 novembre, indiction 4, c'est-à-dire, au 20 novembre 764; l'indiction 4 va effet de septembre 764 à septembre 765 '. Un autre point précis est fourni par l'indication du biographe d'Étienne, qui place la première démarche de l'empereur auprès du moine quelques jours avant le départ de Constantin V pour la guerre de Bulgarie (p. 1125). Il ne peut être question ici que de l'expédition de 762, pour laquelle l'empereur quitta Constantinople le 17 juin et où il remporta le 30 du même mois la grande victoire d'Anchialos (Théophane, p. 432-433). Il reste à voir si, entre ces deux dates, on peut trouver place pour les événements mentionnés avec indication chronologique dans la biographie.

Nous ignorons à quelle date précise l'empereur victorieux rentra à Constantinople et célébra le triomphe dont parle Théophane (p. 433); mais il semble bien d'une part que la campagne fut courte, et le chroniqueur d'autre part place nettement l'événement au cours de la première indiction (sept. 761 à sept. 762), donc avant le 1er septembre 762. C'est à ce moment, après le retour de l'empereur (p. 1129), que se placent l'histoire de Georges Synklètous, le silentium de l'hippodrome et la dévastation du monastère d'Auxence, c'est-à-dire en septembre ou octobre 762. Étienne passe ensuite dix-sept jours à Chrysopolis avant de partir pour l'exil de Proconnèse (p. 1145), où il reste plus d'un an (p. 1153). Mais de ce que la Vita parle de « la seconde année de son exil » (τῷ τῆς κατοικήσεως αὐτοῦ δευτέρῳ zpóvą), il n'y a nulle nécessité à conclure qu'Étienne a passé deux pleines années à Proconnèse : il suffit, pour expliquer le texte, qu'il y soit resté plus de douze mois, pour lesquels on trouve un laps de temps suffisant entre octobre 762 et décembre 763. C'est à ce moment qu'il est ramené à

1. La Vie dit le 28 novembre (p. 1177): mais il y a là sans doute une lecture inexacte du manuscrit.

Constantinople et, après quelques jours d'emprisonnement dans la prison du palais (p. 1156), conduit enfin à la prison du Prétoire, où il demeure onze mois, de la fin de décembre 763 au 20 novembre 764.

Cette chronologie a l'avantage d'expliquer certains passages de Théophane assez malaisés à comprendre autrement. Parmi les personnages accusés de conspiration et exposés au cirque le 25 août 765, deux, Constantin Podopagouros et son frère Stratégios, sont poursuivis pour avoir entretenu des relations avec Étienne et glorifié ses souffrances (Théophane, p. 438), ce qui indique évidemment qu'Étienne était mort à cette date1. L'expression de «‹ nouveau protomartyr » par laquelle Théophane désigne le moine (p. 436) serait d'autre part peu compréhensible, si sa mort n'avait précédé la grande persécution de 7652.

Une seule objection à cette chronologie pourrait être tirée de la Vie d'Étienne. Parmi les moines enfermés à la prison du prétoire, le saint rencontre les victimes de Michel Lachanodracon (p. 1165), stratège du thème des Thracésiens et l'un des plus fidèles exécuteurs des volontés impériales. Or Théophane rapporte que ce personnage fut envoyé dans son gouvernement au cours de l'indiction 5 (sept. 765-sept. 766 (p. 440) et il place les exécutions ordonnées par ce personnage à des dates sensiblement postérieures (p. 445, indiction 9 sept. 769-sept. 770; p. 445-446, indiction 10 sept. 770-sept. 771). Je ne crois pas qu'il faille attacher

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1. Il semble bien que les personnages en question sont les deux frères, éminents en dignité, que la Vita désigne comme les envoyés de l'empereur auprès d'Étienne, en ajoutant que plus tard Constantin V les fit périr (p. 1172-1173).

2. Il n'y a nulle conclusion contraire à tirer de la mention qui est faite d'Étienne par Théophane à l'indiction 6 (sept. 766-sept. 767) p. 443); il s'agit évidemment ici d'un rappel de faits plus anciens. Toutefois, c'est à tort, selon moi, que de Boor a identifié le Stratégios nommé dans ce passage avec le personnage décapité en août 765 et rétabli le texte : Expatytov, τὸν τοῦ Ποδοπαγούρου < ἀδελφόν >. Le personnage nommé semble être plutôt le fils de ce Constantin Podopagouros.

grande importance à ce passage de la Vita. L'auteur, qui écrivait quarante-quatre ans après l'événement, s'est complu, par une sorte d'artifice littéraire, à rassembler dans la prison du Prétoire les plus illustres victimes de la persécution, dont chacune fait successivement le récit de ses souffrances; après quoi Étienne, à son tour, célèbre les martyrs déjà tombés, Pierre des Blachernes et Jean de Monagria. Il y a là, semble-t-il, un arrangement voulu, qui ne saurait prévaloir contre les dates certaines que j'ai énumérées.

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