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DE

L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

ET BELLES-LETTRES

PENDANT L'ANNÉE 1915

PRÉSIDENCE DE M. ÉDOUARD CHAVANNES

SÉANCE DU 6 AOUT

PRÉSIDENCE DE M. ÉDOUARD CHAVANNES.

M. POTTIER lit une nouvelle lettre de M. le Dr Leuthreau sur les découvertes faites dans la presqu'île de Gallipoli 1.

M. Salomon REINACH essaye d'interpréter la légende d'Hippô, jeune fille qui, prise par des pirates, se serait jetée à la mer pour échapper au déshonneur, et dont on montrait la tombe sur la côte d'Asie, près d'Érythrées. Il rapproche cette tombe de celle de Myrine, placée par Homère non loin de Troie, des tombes d'Amazones signalées en Attique et ailleurs, enfin des tombes des filles de Skédase, près de Leuctres en Béotie, dont l'une s'appelait aussi Hippô, et qui se serait également donné la mort pour échapper à la honte. On a la preuve que des pouliches alezanes étaient sacrifiées sur les tombes dites des filles de Skédase. M. Reinach croit que les légendes nées autour de ces vieux tumulus sont relativement récentes et qu'il s'agit là, en

1. Voir ci-après.

réalité, de tombes collectives de chevaux sacrés, où l'on offrait encore des sacrifices au Ive siècle avant notre ère, par l'effet de la persistance du rituel.

M. CAGNAT Communique, au nom de M. HÉRON De Villefosse, une note de M. l'abbé Gabriel Plat, de la Société archéologique du Vendômois, sur l'emplacement du lieu sacré que les Gaulois regardaient comme le centre du pays et où se tenait chaque année l'assemblée générale des druides. Écartant l'hypothèse qui placerait ce sanctuaire national dans la forêt d'Orléans, il arrive par d'ingénieuses considérations à le rechercher dans le petit vallon marécageux de la Vouzée qui aboutit au Loir, à deux kilomètres environ en amont de Vendôme. Chose curieuse, cette partie du territoire carnute est de toute la France celle où le gui de chêne se montre le plus fréquemment '.

M. Salomon REINACH fait des réserves sur les conclusions de M. l'abbé Plat.

A la suite d'un Comité secret, le PRÉSIDENT annonce que S. M. le Roi d'Italie vient d'être élu, à l'unanimité, associé étranger de l'Académie.

COMMUNICATIONS

NOTE DE M. E. POTTIER, MEMBRE DE L'ACADÉMIE,

SUR LES FOUILLES DE TOMBEAUX GRECS

FAITES AUX DARDANELLES

PAR LE CORPS EXPÉDITIONNAIRE D'ORIENT.

L'Académie a bien voulu me charger de réunir les renseignements qui nous ont été adressés de divers côtés sur les découvertes faites dans la presqu'île de Gallipoli par les troupes de notre Corps expéditionnaire.

1. Voir ci-après.

Le 13 juin 1915, M. le Dr Leuthreau, médecin aidemajor du 2 groupe d'artillerie, 1re division, adressait à M. le Président de notre Compagnie un court rapport, l'informant qu'au début de ce mois des fantassins qui creusaient un boyau de tranchée mirent à découvert des tombeaux dont ils brisèrent les dalles et où ils trouvèrent, avec des ossements, quelques menus objets de terre cuite. S'étant rendu sur les lieux, il fit ouvrir devant lui un tombeau, long de 1 mètre et profond de 0m 45, dans lequel, au milieu d'une terre très fine, à 0m 20 du fond, on trouva le tronc d'une femme nue en argile, de beau style, et une tête

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Statuettes et vases de terre cuite trouvés à Gallipoli.

de femme qui ne s'ajustait pas au morceau précédent, enfin un vase en forme d'alabastron en pâte de verre opaque, avec filets bleus et jaunes. L'examen des ossements, en partie conservés, donnait à penser que c'était une tombe d'enfant. Le lendemain, dans un grand tombeau, long de 180, profond de 0m 75, on recueillit deux statuettes de jeunes filles, du genre tanagréen, et une statuette de femme drapée, sans doute une déesse (voir la figure). Le champ de fouilles, qui est vaste et paraît comprendre plusieurs hectares, est situé à trois kilomètres de l'extrémité de la

presqu'île de Gallipoli, entre la hauteur d'Achi-baba et là baie de Morto.

Dans une lettre du 2 août, le Dr Leuthreau donnait de nouveaux détails sur d'autres tombeaux qu'il avait fouillés, avant de retourner en France en congé de convalescence. Pendant une semaine, il n'avait ouvert que des tombeaux entièrement vides. Le dernier lui fournit une plus riche moisson une amphore en terre grossière, à base pointue, haute de 0m 35, quatre coupes grecques à vernis noir, deux bols à anses avec filets rouges sur vernis noir, un lécythe attique de basse époque à palmettes noires et un aryballe à pâte de verre opaque, à filets bleus et jaunes voir la fig.). Près du même tombeau gisait une grande jarre, longue de plus de 1 mètre, large à l'ouverture de 035 et plus bas de 0m 60, contenant des débris d'ossements humains et une amphore de terre commune. D'autres jarres semblables ont été trouvées sur plusieurs points de la nécropole, contenant des ossements qui montrent leur destination d'ossuaires, mais jusqu'à présent on n'y a pas recueilli d'objet intéressant. Le journal l'Illustration, dans son numéro du 10 juillet, no 3775, p. 43, a publié une vue photographique des fouilles où l'on aperçoit, couchées sur le sol, des jarres funéraires de ce genre.

les

Vers la fin du mois d'août, je reçus la visite à Paris du Dr Leuthreau qui avait l'obligeance de m'apporter, pour examiner, quelques-uns des objets qu'il avait trouvés. Ils sont reproduits ici. Il est aisé d'y reconnaître des figurines et des vases très analogues à ceux que nous avons recueillis, mon confrère M. S. Reinach et moi, dans les tombeaux de Myrina, sur la côte voisine d'Eolide. Les deux nécropoles sont évidemment contemporaines, alimentées par les industries de la même région, et se placent entre le n° siècle et le er avant notre ère (cf. Nécropole de Myrina, pl. XXXIII, fig. 1 et 3 pour les statuettes; cf. pour les poteries et verreries, p. 233 et suiv., et p. 239).

D'autres informations privées nous ont fait connaître que, malgré les dangers courus et les difficultés d'un terrain sans cesse battu par les obus ennemis, nos vaillants pionniers ne renoncent pas à leur exploration. Le R. P. Dhorme, de la Mission de Jérusalem, actuellement mobilisé, et M. Chamonard, ancien membre de l'École d'Athènes, interprète stagiaire du Corps expéditionnaire, s'occupent, nous dit-on, de donner à ces recherches un caractère méthodique. Nous devons être doublement reconnaissants à tous ces courageux Français d'avoir su réserver une place à l'archéologie dans cette expédition militaire et d'avoir fait servir la guerre elle-même aux œuvres pacifiques de la science.

L'OMPHALOS GALLIQUE 1.

QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR SON EMPLACEMENT PROBABLE, PAR M. L'ABBÉ GABRIEL PLAT.

En cette année où le gui reverdit sur le vieux chêne gaulois, une question revient tout naturellement à l'ordre du jour de l'archéologie, celle de l'emplacement du lieu sacré que nos ancêtres regardaient comme le centre du pays et dans lequel se tenait chaque année l'assemblée générale des Druides.

Faute de monuments certains, on n'a formulé jusqu'ici sur ce sujet que des hypothèses inconsistantes. Pourtant il semble qu'une étude plus attentive du texte de César, jointe aux connaissances récemment acquises sur les coutumes religieuses des Celtes, permettrait de jeter quelque lumière sur un point si obscur, tout au moins de déterminer d'avance dans quelle région précise il conviendrait de

1. C'est M. J. Loth qui a employé pour la première fois et très justement le terme d'omphalos à propos du lieu où se réunissaient les amphyctionies de la Gaule (Revue des Études anciennes, 1915, fasc. 3).

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