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Ce service, M. Edm. Bishop a pu le déterminer. C'est celui qu'Alcuin, retiré dans l'abbaye de Tours, rédigea lorsqu'il fondit sur l'ordre de Charlemagne les Sacramentaires Gélasien et Gallican avec le Grégorien, que le pape Hadrien avait envoyé à l'Empereur. Il a été publié, mais sans qu'on en ait jamais connu les origines avant M. Edm. Bishop, par Muratori, au xvine siècle.

L'Église a toujours prié pour les morts; seulement, à travers les âges, les rites ont changé avec les mœurs. Flaccius Illyricus affirme qu'avant Charlemagne les messes des morts n'étaient pas en usage; mais il y avait des messes pour les morts : le Concile de Braga de 572 nous l'apprend. On peut d'ailleurs suivre dans les sacramentaires qui se succèdent le développement que prennent les cérémonies funèbres.

Actuellement, dans un service funéraire, la messe une fois terminée, de longues prières, des chants, des encensements, des aspersions d'eau bénite, une ou plusieurs absoutes autour du catafalque, font de l'office des morts une cérémonie tout à fait particulière. Dans le Sacramentaire Gallican du vre siècle, au cours de la messe, à la Collecte et dans les oraisons qui suivent la Préface, le prêtre prononce simplement le nom du défunt. Dans le Sacramentaire Gélasien, l'office est quelque peu différent pour un évêque, pour un prêtre ou pour un laïque : l'évêque, au cours des oraisons, est nommé cinq fois; le prêtre et le laïque seulement trois fois; mais aucune prière ne suit la messe, ni absoute, ni oraisons sur la tombe.

Alcuin, au contraire, dans l'office des morts, introduit quelques nouvelles oraisons. Elles doivent être dites, devant l'agonisant, au moment du lavage du corps; devant la fosse, sur le corps descendu dans la fosse; il n'est encore nullement question ni d'absoutes, ni de chants, sauf du kyrie eleison, autorisé par le III Concile d'Arles. Il faut arriver à un Sacramentaire du xe siècle, conservé à

Vienne (ms. théol. 685) et au Sacramentaire de l'abbé Ratold, pour trouver quelque chose qui sorte de la simple mention de « la poussière qui retourne à la terre », terra suscipit terram, pendant que l'âme, elle, retourne à Dieu. Mais là encore, aucune trace d'encensement, d'aspersion, d'eau bénite: on ne les verra apparaître qu'avec l'absoute, au xe siècle, dans le Livre des coutumes de Saint-Augustin de Limoges. On peut même signaler que, dans le rite lyonnais actuel, il n'est pas fait d'encensement autour du cercueil.

Et alors, il y a cela de très curieux, c'est que le passage d'Éginhard Corpus more solemni lotum et curatum et maximo populi totius luctu ecclesiæ inlatum atque humatum est; in hac basilica sepultus est, » correspond exactement aux rubriques des prières des morts du Sacramentaire d'Alcuin. Chacun des termes qu'il emploie correspond rigoureusement à sa place, à une des oraisons du nouvel Ordo. Cette concordance se trouve donc être la confirmation que le mos solemnis fut bien celui du Rituel observé aux funérailles de Charlemagne. Et là, il est spécifié que le corps regardé comme une prison terrestre - ergastulum sæculi —, comme une punition du ciel onus carnis, «‹ retournera à la terre commune d'où il est sorti ». Et c'est pour cela que le Concile de Braga défendait les inhumations dans les églises. Sous Charlemagne, le Concile de Mayence commence à les autoriser, sous des conditions. déterminées; mais toujours le corps doit être rendu à la terre. On le dépose alors sous le dallage, et seul l'aristato indiquera l'emplacement de la sépulture.

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Au xe siècle, les églises commenceront à recevoir quelques morts d'importance; au x1o siècle, la dalle mortuaire pourra légèrement dépasser le niveau du pavage; au xi, on sculptera sur la pierre tombale une statue couchée, et peu à peu, avec les siècles, les monuments sortiront de terre, pour devenir, au xve siècle, les admirables tombes des ducs de Bourgogne.

De nouveau, on pourrait reprendre le cri de saint Jérôme : Pourquoi enveloppez-vous vos morts dans des vêtements d'or? Pourquoi votre faste continue-t-il dans vos deuils et dans vos larmes? Est-ce que les cadavres des riches ne sauraient pourrir que dans des étoffes de soie? >>

Ainsi, d'après l'Ordo que Charlemagne lui-même avait fait composer, son corps dut être mis dans la terre, donec omnis caro in suam redigatur originem, « jusqu'à ce que toute chair soit rendue à son origine ». Il ne fut donc pas embaumé.

De telle sorte, m'écrivait M. Edm. Bishop, que si on voulait avancer que Charlemagne fut déposé dans un tombeau, hors de terre, il faudrait démontrer que ce fut contrairement aux rites et aux indications funéraires du VIIe siècle.

Pour ajouter encore un nouvel argument, le diplôme de Barberousse, dont on ne s'est nullement préoccupé, bien que ce soit lui qui relate comment le corps de Charlemage fut retrouvé, nous fait connaître en même temps les difficultés que Frédéric eut à découvrir le cercueil, pro timore hostis exteri, vel inimici familiaris caute reconditum, << prudemment enterré à cause de l'ennemi étranger ou de l'ennemi de famille ». Il nous rappelle aussi que ce fut grâce à une tombe, pour ainsi dire cachée, que le corps de Charlemagne avait pu échapper tant à la violation par les Normands (hostis exterus) qu'à la spoliation de Lothaire (inimicus familiaris).

L'histoire, l'archéologie, la liturgie nous imposent ainsi les mêmes conclusions on creusa dans le sol même de la Chapelle Palatine, sous le dallage, une fosse dans laquelle on mit un sarcophage, fort probablement celui de Proserpine. Après la cérémonie funèbre, on y descendit le corps de Charlemagne; on le recouvrit de terre, glebis terræ, on

reposa la dalle et, sur l'emplacement, on dressa au-dessus un aristato doré, arcus deauratus, qui demeura en place jusqu'à l'invasion normande. C'est ce solium regium, ce coffre sépulcral, découvert en l'an mil par Otton III, que Frédéric Barberousse sortit de terre en 1166, au moment de la canonisation de Charlemagne.

Alors il n'est pas surprenant que le XIXe siècle n'ait jamais pu rien trouver. Il serait beaucoup plus étonnant qu'après tant de recherches, tant de fouilles, tant de bouleversements du sol creusé de tous côtés, on rencontrât maintenant l'emplacement d'une fosse, qui, loin d'être un caveau voûté, était une simple excavation, qui fut tout bonnement comblée de terre, quand Barberousse en eut fait sortir, après trois cent cinquante-deux ans, le sarcophage qui contenait le corps du grand Empereur.

Les fouilles pourront donc ainsi se poursuivre encore pendant quelques siècles, sans résultats.

LIVRES OFFERTS

LE SECRÉTAIRE PERPÉTUEL présente à l'Académie le tome VII (3o série), année 1913-1914, des Mémoires de la Société des Antiquaires de l'Ouest Poitiers, 1915, in-8°).

SÉANCE DU 8 OCTOBRE

PRÉSIDENCE DE M. ÉDOUARD CHAVANNES.

LE SECRÉTAIRE PERPETUEL donne lecture de la correspondance qui comprend :

1o Une lettre de M. le Ministre de l'instruction publique et des beaux-arts transmettant à l'Académie les remerciements que S. M. le Roi d'Italie lui adresse par l'intermédiaire de son ambassadeur en France, à propos de son élection en qualité d'associé étranger.

2o Une lettre de M. le Directeur de l'Enseignement supérieur nous transmettant le rapport de Mgr Duchesne sur les travaux de l'École française de Rome pendant l'année 1914-1915. Renvoyé à la Commission des Écoles d'Athènes et de Rome.

3o Deux lettres adressées à M. George Foucart annonçant à l'Académie la mort, sur le champ de bataille de Champagne, de son jeune frère M. André Foucart. La seconde de ces pièces renferme l'extrait suivant de la lettre qui lui annonce le triste événement : « J'ai une mission bien pénible à remplir auprès de vous. Je vous annonce la mort de mon cher camarade André Foucart. Il a trouvé une mort glorieuse à l'assaut des tranchées allemandes. Comme je débouchais avec ma section, je le vis près de moi debout sur la tranchée conquise. Dans son enthousiasme patriotique, il acclamait notre succès, encourageant ses hommes à poursuivre l'ennemi en fuite. Il criait : « Bravo, mes << enfants les Allemands battent en retraite. » A ce moment précis, il reçut une balle en pleine gorge. La mort a été presque immédiate... Nous le pleurons tous. Au régiment sa bonne humeur et sa bravoure lui avaient assuré toutes les affections... »

M. George Foucart ajoute : « Quand a été passé le premier choc si affreux, mon père me dit : « Pourvu que ce sacrifice ait été utile pour le pays! »

L'Académie voudra s'associer au deuil de notre confrère M. Paul FOUCART.

1915.

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