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et sa femme debout; l'inscription principale révèle les titres et le nom de l'homme : c'est « l'ami unique, directeur de maison, Beb »; une légende gravée au-dessus de la femme nous dit qu'elle est : « sa femme chérie, la favorite royale de premier rang, Shabtj >>; devant eux, à l'extrémité droite, une femme écrase du grain et prépare le repas funéraire, dont les éléments variés, pains, viandes, boissons, sont groupés autour d'elle. Les titres des personnages principaux indiquent que ce sont des gens d'importance, qui touchent de près à la Cour.

L'inscription, que M. Daressy a publiée sans la traduire, se compose de 5 lignes dont les signes « sont gravés gauchement et un peu en désordre ». La voici :

1.72 TEKIT

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Le début donne la formule du proscynème avec mention du ka, ce qui permet d'écarter a priori notre monument de l'ancien Empire proprement dit : (1) « Le roi et Anubis — sur sa montagne, dans la peau et seigneur de la terre sublime (la nécropole) donnent l'offrande, pour que sortent à la voix pain et bière — au ka de (2) l'ami unique, directeur de maison, Beb. » Le titulaire porte un titre de cour et exerce une fonction administrative; mais comme la «< maison » qu'il dirige n'est pas précisée, nous ne savons à quel service public il était affecté. Son nom, Beb, apparaît

plus souvent au moyen Empire qu'à l'ancien Empire 1. La suite du texte nous donne des renseignements sur la fortune personnelle de Beb : là réside l'intérêt de l'inscription.

« Je dis : j'ai fait une barque de 30 coudées; j'ai fait2 des maisons; cela fut) scellé, sans qu'il y ait eu de mémoire contre moi. J'ai fait (constitué) 3 serviteurs et (3) 4 servantes, en échange3 de ce que m'a donné mon père. »

Le récit se compose de courtes phrases, précédées chacune de l'auxiliaire iw, suivi du verbe à la forme en n, c'est-à-dire au parfait; pour alléger la traduction, j'ai supprimé l'auxiliaire « il y a que j'ai fait... ». Cette coupe de phrase, réservée, sous l'ancien Empire, aux déclarations solennelles et aux lettres royales, apparaît ensuite dans les récits biographiques que donnent les tombes princières des Ve et VIe dynasties; depuis le moyen Empire, c'est la forme habituelle de la narration. Ainsi, le style de notre inscription nous rapproche du moyen Empire plutôt que de l'ancien.

Beb nous apprend qu'il a « fait » une barque et des maisons. Le verbe « faire» est employé avec insistance; il apparaît 4 fois en 5 lignes. C'est une expression technique; elle désigne une création, un acte d'initiative personnelle; on dit faire une maison, faire des champs ou du bétail, faire des esclaves (dans le sens d'établir), faire

1. Cf. Lieblein, Dictionnaire des noms hieroglyphiques, s. v.

2. Je comble la lacune avec ir; même expression, avec «< maisons » au pluriel, dans une stèle de la XVIII dyn., provenant aussi de Haute Égypte (Hierakonpolis), ap. Sethe, Urkunden 18 dyn., IV, p. 132.

en

3. Corriger la lecture de Daressy, qui n'a pas de sens ici,

m isw. L'expression sous l'ancien Empire est r wws

(Sethe, Urk. 1, 4, 12, 36); m isw est fréquent depuis l'époque thébaine. 4. Sethe, Urk. IV, p. 132.

5. Urk. I, 25, 116. Cf. Caire, stèle 20.001, bétail, barques XI dyn.). 6. Urk. I, 64.

m

une fonction1 (l'exercer), faire femme 2 (se marier). Faire une barque ou des maisons, c'est donc les créer, et non les recevoir toutes faites, ni les tenir d'un héritage ou d'un don. Dans le cas présent, Beb veut spécifier qu'il a construit la barque et bâti la maison lui-même, de ses propres ressources et pour son usage personnel, et non point pour le service ou le compte du Roi, ni aux frais de la Maison qu'il administre. A vrai dire, cela n'est pas expressément écrit ; mais nous savons que les fonctionnaires royaux de haut rang tenaient beaucoup à distinguer leur fortune personnelle des ressources qu'ils tiraient de leur charge 3, et telle me paraît être l'intention du texte. La barque est longue de 30 coudées, c'est-à-dire 15 60 (la coudée royale 0 52); elle a un tiers de plus que la barque funéraire de Senousrit II, trouvée à Dahchour et conservée au Musée du Caire ; c'est un bateau capable de tenir le Nil avec une forte charge de marchandises. Je pense, en effet, que la barque était destinée au commerce. Beb construit en même temps des « maisons ». Il semble peu probable que ce soit pour y habiter, car un « directeur de maison royale » était logé aux frais du roi. Ce n'est pas non plus une maison funéraire, une « maison d'éternité ». Il n'est pas question encore de champs à cultiver, par conséquent ce ne sont pas des bâtiments agricoles. Reste l'hypothèse que ce sont des maisons pour le commerce ou l'industrie, c'est-à-dire des magasins ou des ateliers; j'incline pour magasins ou entrepôts, car la barque de 15 mètres peut servir au transport de marchandises à recevoir ou à expédier. Nous aurions ainsi

1. Urk. I, 106; IV, 422.

2. Urk. IV, 21.

3. Par ex. les princes de Siout (Griffith, Siut, VII, 1. 288).

4. Le nom de la barque pt est à lire tp, variante de dp, nom porté, par ex., par la barque d'Horus à Edfou (Brugsch, Thesaurus, p. 608-609, l. 34 dp, 1. 52 tp). L'orthographe habituelle est dpt Sethe, Urk. I, 130. Cf. Caire, stèle 20.503 (M. E.).

5. Maspero, Guide du Musée du Caire, 4 éd., p. 7.

les éléments d'un fonds de commerce, moyens de transport et entrepôt. Ajoutons le personnel : il se compose non pas de cultivateurs, meritou, mais de serviteurs et de servantes, bekou et bekitou, litt. de « travailleurs »1; sans doute il ne faut pas chercher à donner à ce nom un sens trop précis, néanmoins le mot bek s'applique au travail manuel et se rapproche plus du sens «< ouvrier, employé » que de tout autre ; il conviendrait parfaitement à des gens chargés d'un commerce ou d'un métier. Ces travailleurs, Beb les a ou bien achetés, s'ils sont de condition servile, ou bien loués, si ce sont des travailleurs libres; le mot « faire, constituer » ne permet pas une plus grande précision.

Revenons sur les mots qui suivent immédiatement le mot «< maisons », c'est-à-dire sur la phrase: « (cela fut) scellé, sans qu'il y ait de mémoire contre moi. » Le sens ne paraît pas douteux, malgré le laconisme de la formule relative au scellement. Nous possédons la copie sur pierre d'un acte de vente d'une maison située près de la pyramide de Cheops à Gizeh, sous la IVe dynastie (vers 3000 av. J.-C.). L'acte fut «scellé au sceau de l'autorité, par devant le conseil de la ville de la pyramide » 2. Le terme employé ici est donc l'abréviation d'une formule plus complète; notre stèle n'est pas un acte d'achat; elle rappelle seulement qu'il y a eu contrat et se contente d'une courte allusion à la régularité des opérations.

Les papyrus du moyen Empire trouvés à Kahoun 3 nous ont conservé des copies d'actes relatifs à des transactions immobilières; testaments, achats, ventes, contrats divers

1. Voir J. Baillet, Les noms de l'esclave en égyptien, et les conclusions ap. Régime pharaonique, p. 565; et pour plus de détails, Recueil de Travaux, XXVII, p. 207.

2. Kurth Sethe, Aegyptische Inschrift auf den Kauf eines Hauses aus dem alten Reich, ap. Ber. königl. Sächs. Ges. d. Wiss. Leipzig, 1911, VI, p. 135-150. Cf. H. Sottas, Étude critique sur un acte de vente immobilière, 1913, p. 14.

3. Griffith, Hieratic Papyri from Kahun and Gurob.

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se faisaient par acte écrit, passé en présence de témoins, soit devant les notables (sarou) 1, soit au bureau du vizir? où la minute était déposée 3. Sous la XVIIIe dynastie, le texte célèbre de Rechmarâ confirme que toute transaction immobilière était revêtue du sceau du vizir ; et c'était au bureau du vizir que devait être portée toute réclamation contre la validité de l'achat ou de la vente 5.

Or, malgré la nécessité d'abréger, Beb a trouvé la place nécessaire pour nous dire que son achat n'avait soulevé aucune réclamation. Le mot shaw employé ici vient du verbe « se rappeler » et signifie exactement «< mémoire », au sens administratif ; il apparaît avec cette signification au papyrus Mallet qui est un « mémoire sur une plainte. adressée au lieutenant N. ». Toute procédure, en Égypte, étant écrite, la réclamation à présenter contre Beb, s'il y avait eu lieu, aurait été transmise sous forme d'un << mémoire sur la plainte adressée à N. ». Reste à savoir quelle réclamation pouvait se produire. Il peut s'agir d'une contestation sur la propriété du terrain vendu à Beb pour élever ses maisons : le cas était si fréquent, quand il s'agissait de l'emplacement d'un tombeau, qu'une formule des tombes de l'ancien Empire disculpe le défunt de s'être fait enterrer sur le terrain appartenant à un autre. Il peut s'agir aussi d'une dénonciation en prévarication: Beb, faisant construire, pouvait être soupçonné d'employer à

1. Griffith, l. c., pl. XIII, 1. 26; cf. Maspero, Études de mythologie et d'archéologie, IV, p. 445-446.

2. Griffith, l. c., pl. XIII, l. 10-11, p. 35. Cf. Maspero. Études de mythologie et d'archéologie, IV, p. 443. « Fait au bureau du Vizir, par devant le directeur de la ville, Vizir, par le scribe du sceau du bureau ».

3. Ibid., pl. XII, 1. 5.

4. Newberry, Rechmarâ, II, 1. 16-17. Cf. Sethe, Urkunden, IV, p. 1110; A. Moret, Un procès de famille, ap. Aeg. Zeitschrift, XXXIX, p. 35 sq. 5. Sethe, Urk. IV, 1111.

6. G. Maspero, Recueil de Travaux, I,

7. Texte de Rechmarâ, Urk. IV, 1111.

P. 47.

8. H. Sottas, La préservation de la propriété funéraire, p. 23, notes.

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