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On s'afflige parfois de n'y pas rencontrer
Ces passages pieux où se dèvait montrer,
Avec son âme forte, à la fin dégagée

Des folles passions qui l'avaient assiégée,
Un pasteur, dans la paix du cœur et de l'esprit,
Coulant des jours heureux, cachés en Jésus-Christ,
Et ces feuillets seraient pourtant les seuls peut-être,
Les seuls que de son œuvre il eût laissé paraître,
S'il avait soupconné qu'un jour sous l'œil humain
Tomberaient les écrits échappés de sa main.
Heureusement le mal n'est pas sans re-
mède, et l'âme du curé de Valneige,
parée des vertus dont on l'avait dépouil-
lée, offrira un tableau plus exact, plus
vrai du ministre de Jésus-Christ.

Ces chers papiers, ces débris qu'on regrette,
Monsieur, quelqu'un les tient sous sa garde secrète,

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C'est à moi, quelque temps avant l'heure fatale,
Qu'il remit de sa vie, humble et sacerdotale,
Les plus touchants récits..

Que pour charmer la douleur qui m'oppresse,
Eût conservé longtemps mon avare tendresse,
Si je n'avais à cœur de montrer notre ami

Tel qu'il fut..,, et non pas homme et prêtre à demi. Oui, voilà bien ce que Carrière avait la volonté de faire; mais, encore une fois, ce que son plan ne lui a pas permis d'exécuter complétement.

Vont maintenant se dérouler les feuilles dont le curé d'Aiglemont était l'heureux dépositaire; le lecteur suivra Jocelyn dans sa carrière ecclésiastique. Il étudiera cette vocation qu'il n'a pas tenu qu'à M. Carrière de rendre entièrement sainte et divine; il entrera au séminaire pour y accompagner le jeune lévite dans les détails de la vie cléricale que le poëte a su peindre avec les plus vives et les plus agréables couleurs. Il n'est pas un prêtre, pas un seul élève d'un établissement quelconque, qui ne lise avec un souvenir d'attendrissement la réception de la première lettre de sa mère par le nouveau séminariste. Oh! comme c'est bien là ce qu'éprouve l'étudiant qui vient de quitter, pour un pensionnat, le foyer paternel!

J'ai couru jusqu'au seuil de notre maison sainte,
Vers ce réduit obscur où le pauvre portier
Communique pour nous avec le monde entier.
C'est là qu'à notre nom les lettres adressées
Tombent de temps en temps sous nos mains em-
pressées.

J'arrive ; je ne sais par quel heureux hasard
La vôtre, la première, a frappé mon regard. :

Je la prends, je l'embrasse avec un cri de jøle; Et puis, comme un vautour, sitôt qu'il tient sa proie, L'emporte dans son aire ou sur le haut rocher Dont nul oiseau jaloux n'osera s'approcher, Je vole à ma cellule ; et si quelque lévite Se trouve en mon chemin, je le fuis, je l'évito, De peur qu'il ne m'arrête et m'arrache un moment A ces joyeux transports, à ce ravissement, Dont je veux goûter seul l'inexprimable ivresse. Après deux ans de retraite dans son séminaire, le lévite, ordonné prêtre, dans une prison, et sur le point d'aller prendre possession d'une paroisse, est appelé à préparer à la mort un malheureux condamné. Cette circonstance a fourni au poëte le sujet d'un épisode dans lequel il a su déployér toutes les ressources que la charité religieuse apporte au cœur du prêtre, pour adoucir les angoisses de la mort à l'infortuné qui les subit, pour amener au repentir le coupable, le vindicatif à un sincère pardon. Les vers sont d'ailleurs en parfaite harcritiques y signaleraient quelques lonmonie avec le sujet. Peut-être de sévères gueurs; nous ne voulons pas pousser jusque-là notre censure; nous nous étonnons seulement que le poëte ait douté Pouvait au criminel rendre quelque innocence! Si le langage humain, par sa toute-puissance, N'aurait-il donc jamais assisté à quelque séance d'un palais de justice?

Bientôt M. Carrière répare les invraisemblances et toutes les misères qui entourent la consécration de Jocelyn, en traçant, d'un pinceau brillant et sûr, le tableau d'une ordination solennelle à

laquelle peut assister, avant son départ pour Valneige, le nouveau curé de cette paroisse. Je ne sais s'il existe quelque part une description aussi compléte ment belle de la consécration des lévites qui est, d'ailleurs, une des plus imposantes cérémonies du culte catholique. Et ce n'est pas seulement la pompe extérieure que présente le poëte aux regards attendris du spectateur, La mitre d'or des pontifes, les blancs surplis des ordinants, la décoration du temple, l'harmonie des cloches, les mille voix de l'orgue, tout cela n'est que la partie accidentelle du tableau; M. Carrière pé nètre l'esprit de la cérémonie, le sen mystérieux des prières, les allocutions de l'évêque aux nouveaux postulants; il

de Valneige s'occupe de littérature. Nous remercierons son confrère d'avoir publié les poésies dont il avait reçu communication.

Oh! il était réellement et foncièrement pieux le prètre qui écrivait: A la

les traduit, lui premier peut-être, nous ne disons pas en belle poésie, car, quoi de plus poétique que tout ce qui se rattache à une ordination; mais en charmants vers français, qui les feront connaître et comprendre aux personnes qui ne les savent pas et qui diront à MM. Sueville éternelle, sur Noël, les Pâques, le et Genin, pour calmer leur généreuse indignation, ce qu'on enseigne aux lévites avant de les consacrer à Dieu pour le service des hommes.

Après un vicariat aussi court dans sa durée que les détails qui nous en sont transmis, Jocelyn arrive à Valneige. Quelle est cette lointaine paroisse? quels en sont les habitants? A-t-elle une église décente, un presbytère passable? Le nouveau curé va satisfaire, sur tous ces points, l'impatiente curiosité du lecteur; il va lui présenter une série de tableaux dessinés avec grâce et dont la succession toute naturelle, quoiqu'un peu didactique, est pleine d'une agréa

ble variété.

Était-il nécessaire de dire que le vieillard qui, de Jocelyn,

A voulu d'un ami peupler la solitude, était sans enfants? Carrière appréhendet-il que l'on accuse le curé de faire tort aux héritiers du donateur en acceptant son chien? Du reste, le pasteur ne donne qu'une caresse au sensible animal, et c'est de la sobriété. M. de Lamartine, après avoir fait étreindre le sien, lui fait faire, en 49 vers, une apostrophe qui annonce un cœur sensible, transporté, mais qui bien positivement n'est ni philanthropique, ni sacerdotal:

Sèche mes yeux mouillés! mets ton cœur près du

mien,

Et seuls à nous aimer, aimons-nous, pauvre chien!

Pourquoi donc encore avoir commencé la tribulation par un hémistiche emprunté fort à contre-temps?

Je l'avais bien prévu? . . . . . Ne croirait-on pas que le pauvre Jocelyn a rencontré chez quelque voisin un méchant dîner auquel il n'a pu refuser de prendre part".

Installé dans son presbytère, le curé

• Constitutionnel du 9 novembre 1844. • Troisième satyre de Boileau.

Crucifix, les délicieuses pages que nous voudrions pouvoir ici transcrire ! Il était plein de sens et d'une mâle énergie celui qui composait le fragment sur les passions! Il avait un cœur sacerdotal celui qui traçait le portrait de la femme chrétienne, modelé sur la Vierge immaculée, et qui, saisi d'un saint transport à la pensée de la douce Marie, lui chantait cet hymne qui exhale le parfum de la plus tendre piété !

Après cela, de même que le bon Homère, Désiré Carrière a fait quelquefois un petit sommeil. Ses yeux se sont appesantis, et des songes fâcheux voltigeaient sur sa tête lorsqu'il a écrit la Pauvre Fille et encore un peu l'Incendie. Dans certains endroits son vers devient prosaïque, dans d'autres il est traînant. Ces imperfections se remarquent surtout dans le second volume où, livré à ses propres ressources, il n'était plus soutenu dans les hautes régions de la poésie par le souffle de l'Esprit divin qu'il avait aspiré dans la sainte Écriture, dont mille traits heureusement appliqués brillent au tome premier. Il a prodigué la douceur jusqu'à la rendre fade. Il répète, en effet, l'épithète doux huit fois dans le chapitre de la femme, quinze dans la malheureuse confession générale, et combien dans tout le poëme? C'est un laisser-aller qui n'est pas plus tolérable que le nid et la couvée de sa sœur, si maladroitement imités de M. de Lamartine.

de même genre, qu'une impartiale criCes légers défauts et quelques autres tique ne saurait passer sous silence, que, d'ailleurs, le poëte pourra facilement effacer, n'ôtent rien à l'excellence du fond, à l'importance de la matière, à la supériorité avec laquelle généralement elle est traitée. Nous ne saurions trop le répéter, nous regardons l'apparition du livre de M. Désiré Carrière comme un événement providentiel, en raison du temps et des circonstances où il nous

|

arrive. Il fera du bien parmi les gens du Curé de Valneige est imprimé en fort monde; mais il en fera beaucoup plus, beau papier, en lisibles caractères, avec si, comme nous l'avons indiqué, le gé- une vignette gravée pour lui tout exprès. nie de l'auteur, brisant les langes dans Tout cela est fort joli; mais l'édition est lesquels il s'est emmaillotté, s'élève sur interlignée; elle est gonflée de 27 pages les ailes de la religion seule à la hau- blanches dans le premier volume, 40 teur du sujet qu'il veut traiter. Qu'il dans le second, en tout 67 pages pleines, accepte l'aveu que M. de Lamartine fait sans compter les innombrables bouts. en tête de la huitième édition, format | Tout cela sent fort le charlatanisme de in-16 de son épisode. « Le prêtre, mora- l'imprimeur qui a voulu faire deux vo<lement et poétiquement conçu, a une lumes avec la matière d'un seul. Les < autre dimension que Jocelyn. Jocelyn membres du clergé à qui le Curé de « est un homme sensible et passionné Valneige est dédié sont trop restreints ‹ que des circonstances et des vertus dans leurs ressources, pour se procujettent dans le sanctuaire et qui devientrer des ouvrages d'agrément d'un prix « curé de village. Le curé de village est une des plus touchantes incarnations ⚫ de l'Évangile, une des plus pittores<ques figures de nos civilisations mo‹ dernes1. » Qu'il s'attache donc à présenter le prêtre dans toute sa dimension morale et poétique. Il a fortement avancé cette noble tâche dans le Curé de Valneige; à peu de frais il la pourra digne

ment couronner.

Nous ne croyons pas devoir terminer ce compte-rendu sans dire un mot sur la partie matérielle de l'ouvrage. Le

1 Jocelyn, t. I, p. 14, 18.

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élevé. Qu'une édition nouvelle donne le poëme de M. Carrière en un volume, en papier propre, avec l'impression ordinaire, de telle sorte que l'exemplaire se donne au prix de 3 ou 4 francs; alors le débit de l'ouvrage se doublera, se quadruplera peut-être, et la bonne œuvre grandira d'autant. Nous ne disons rien du profit, nous connaissons trop M. Carrière pour savoir qu'il n'a pas l'âme vénale et qu'il ne travaille pas pour de l'argent.

L'abbé GUILLAUME, Chanoine-honoraire de Nancy, membre de plusieurs pociétés savantes,

CATHOLIQUE.

NUMÉRO 120. DÉCEMBRE 1848.

405

Cours de la Sorbonne.

COURS D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, DE M. L'ABBÉ JAGER.

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Comme je vous l'ai dit, Messieurs, Adalbert de Brême n'était pas fait pour obéir ou pour vivre en sous-ordre. Cela était incompatible avec son caractère, tel que je vous l'ai dépeint d'après les documents originaux. Dès qu'il parut au conseil, il domina et posséda bientôt seul la confiance du roi. Sigefroi de Mayence fut écarté, Annon de Cologne envoyé en Italie pour les affaires du Saint-Siége. A son retour, il n'eut plus qu'une faible part au gouvernement de l'État. Adalbert de Brême exerçait toute autorité, et tenait le jeune prince comme enchaîné entre ses mains. Mais il était du nombre de ceux qui ne peuvent monter bien haut sans que la tête leur tourne. Il tenait le souverain pouvoir et il en était ivre. Tous ses efforts tendent désormais à le conserver longtemps. Il chercha donc à se rendre nécessaire, et pour cela il sacrifia le prince, comme cela est arrivé dans bien des royaumes. Ainsi il ne lui donna aucune éducation, pas même cette éducation élémentaire que reçoivent aujourd'hui les enfants pauvres dans les écoles chrétiennes. De plus, il fermait toutes les avenues du

¦ Voir la 20o leçon au no préc. ci-dessus, p. 338. T. XX, - N° 120, 1845.

trône, et n'en laissait approcher aucun grand du royaume. On ne pouvait ni voir le roi, ni lui parler sans une autorisation spéciale de l'archevêque de Brême. Annon de Cologne, qui avait encore un libre accès, et qui en profitait pour donner quelques bons enseignements, devint tellement odieux au roi, qu'il ne se trouvait plus en sûreté à la cour. Quand il devait s'y rendre, il se recommandait aux prières des moines de Sigebert, monastère qu'il avait fondé sur une hauteur près de Cologne. II craignait qu'il ne lui arrivât quelque malheur. En effet, Adalbert avait tout fait pour lui aliéner l'esprit du jeune prince et le rendre odieux. Il lui rappelait avec complaisance son enlèvement, dont Annon de Cologne avait été le principal auteur. Le prince conçut donc pour lui une telle aversion, qu'un jour il se jeta sur lui avec fureur l'épée à la main, et il l'aurait peut-être tué si l'impératrice Agnès, qui se trouvait en Allemagne, n'était pas accourue pour retenir son bras armé. Tel est, reste, le premier usage qu'il fit de ses permis de porter pour la première fois armes, qu'Adalbert de Brême lui avait à l'âge de 15 ans. Il faut dire cependant, à la louange du prince, qu'il répara sa faute: car, sans l'ordre de personne,

' Baron., an. 1065, n. 85.
› Ibid., n. 34.

26

au

il

se jeta au cou de l'archevêque, l'embrassa en lui demandant pardon '.

de la vertu d'un régent et du devoir d'un roi. Il ne savait pas ce qu'étaient honneur et probité. Annon de Cologne avait bien cherché à lui donner quelques principes, mais il n'était point écouté. Henri s'attachait à Adalbert de Brême, qui lui laissait suivre tous ses caprices. Adalbert a assumé sur lui une grande responsabilité, car il aurait pu faire quelque chose de bon du jeune prince. Henri était une de ces âmes mâles et ardentes, propres aux plus belles actions comme aux plus grands crimes, suivant la première direction qui leur est imprimée. Il avait une intelligence élevée, il était susceptible de bons sentiments, et peut-être, avec quelques soins, l'aurait-on porté aussi facilement au bien qu'au mal; mais on n'avait cultivé aucune de ses bonnes dispositions, et les mauvaises se développaient d'elles-mêmes. Henri n'en manquait pas; car, dès sa tendre jeunesse, on a remarqué en lui des dispo

Mais Annon de Cologne n'eut plus aucun crédit à la cour. Tout passait par les mains d'Adalbert de Brême, qui eut soin de s'adjoindre un associé de sa trempe, un jeune homme plein d'ardeur et de talent, le comte Werner; mais sous le rapport moral il ne valait pas mieux que lui. La simonie qui existait déjà depuis longtemps en Allemagne, et qui avait été tant soit peu réprimée par Henri III, prit alors un nouvel essor, car tout était vénal à la cour. Adalbert et le comte Werner vendaient ou donnaient à leur gré les évêchés, les abbayes, toutes les charges civiles et ecclésiastiques, et introduisaient ainsi dans l'Église des sujets indignes, qui n'avaient aucune idée des convenances ou des devoirs ecclésiastiques. Il suffisait d'avoir de l'or pour parvenir aux premières dignités. Les abbayes surtout, qui étaient alors généralement riches, devenaient la proie de leur cu-sitions précoces pour le désordre; une pidité. Ils en prenaient pour eux-mêmes, ils en donnaient à leurs amis, à leurs favoris, et même à ceux de leurs ennemis qu'ils avaient le plus à craindre, voulant les contenter et les condamner ainsi au silence. Pour avoir ces abbayes, ils employaient les moyens les plus indignes; ils ôtaient leurs chefs qu'ils nommaient à des évêchés, ou qu'ils destituaient par ruse et violence; ils s'emparaient surtout de tous les revenus et les dissipaient au gré de leurs folles passions. Pour justifier leur rapine, ils mettaient en principe que le roi avait sur les biens des monastères les mêmes droits qu'il avait sur les fermes et sur les biens de la couronne, car l'homme est ingénieux quand il veut donner à ses mauvaises actions une couleur de justice 2.

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désolante irrésolution dans la volonté et une grande inconstance dans le caractère, défauts qui, entretenus en lui, croissaient avec l'âge, et qui vont faire le malheur de toute sa vie.

D'un autre côtė, je vous dirai franchement que Henri a appris dès son enfance à mépriser plutôt qu'à honorer le clergé. Il a été témoin de leurs mauvais exemples, de leurs intrigues et de leur ambition démesurée; il avait assisté même à une scène sanglante dans l'église de Goslar, où l'évêque de Hildesheim et l'abbé de Fulde se disputaient la première place. Leurs vassaux, ayant pris fait et cause pour leurs maîtres, se livrèrent une espèce de bataille dans l'église, dont le pavé fut couvert de sang et de cadavres. Ces sortes de scènes et d'autres scandales semblables, dont le jeune roi était témoin à l'âge où tout fait impression, n'étaient pas faits pour le former à la vertu et pour lui faire estimer et respecter le clergé. Vous voyez, Messieurs, que je ne vous dissimule rien. La mauvaise éducation du prince est l'ouvrage du clergé allemand. De tous ceux qui approchaient

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